– La vie de meute ici est très simple : on est tous égaux et quand il y a des décisions, on fait des votes. Mais encore faut-il qu'il y est des décisions... Il ne se passe jamais rien par ici...

Daylo, un loup à la fourrure châtain et aux pattes noirs, était un des loups les plus respectés de la meute, parce que c'était le plus vieux. Pourtant, il n'avait que dix-huit ans. Quand je lui avait demandé pourquoi, il ne m'avait pas répondu... d'ailleurs, il ne me répondait jamais, surtout si on parlait de son passé, où il faisait comme s'il ne m'avait pas entendue. Bon... S'il m'avait demandé la même chose, je l'aurai envoyer bouler, donc... je pouvais le comprendre.

– L'Alpha n'existe pas, ici ? demandai-je.

– On n'en a pas besoin. Dans cette forêt, nous sommes les seuls loups. Sûrement parce qu'il y a trop d'humains qui viennent quand il fait beau. En tout cas, la vie est paisible par ici, et on ne manque pas de cerfs, ni rien.

Il souffla de contentement.

– Tu te plairas ici, tu verras. Plus d'humains est égal à : plus de problème.

Je fronçai les sourcils :

– Et vous ne vous demandez pas pourquoi on est devenu des loups, comme ça ? Et à quel âge es-tu devenu loup ?

– Tant qu'on ne se demande rien, tout va bien. Si on essaye de s'enfuir, ou même de penser à s'enfuir, le monstre nous tuera. Donc un conseil : reste ici, et dis-toi que tu as de la chance d'être libérée des chaînes des humains. Ce sont les bêtes les plus cruels que j'ai jamais rencontré, en y repensant.

 Il n'avait pas répondu à une de mes questions – celle qui était un peu personnelle, forcément –, mais le « monstre » attira ma curiosité. Daylo avait l'air d'avoir peur de lui. Si ça se trouve, il n'était même pas réel, juste une blague d'un de ses compagnons !

– Le monstre ? Parle-moi de lui.

– Il ne vaudrait mieux pas. Sinon, tu ferais des cauchemars.

– Je pense que niveau cauchemar, je n'ai plus rien à craindre. Dis-moi, grondai-je.

Il souffla et grogna en même temps.

– Non.

Autour de nous, dans la clairière, les loups se rapprochèrent. La tension commença à monter.

– Je sens que tu vas nous attirer des ennuis, mais on a une vie plutôt paisible, continua-t-il. Donc ne viens pas nous déranger. Ou alors tu restes ici, en retrait, et tu ne met pas ton museau là où tu n'y es pas invitée , ou tu es morte.

Il se tu, plongeant la clairière dans le silence. Je refusai de partir ou de rester en retraite. Ils ne pouvaient pas vivre en paix si un « monstre » attendait qu'on fasse une seule erreur pour venir nous tuer. Eux, ils trouvaient peut-être ça paisible, mais pas moi.

– Je reste ici, décidai-je. Mais je fais ce que je veux. Si tu n'es pas content, c'est à toi de partir.

Il gronda de plus belle.

– Vote ! cria-t-il d'un coup, me faisant presque sursauter.

Là, tous les loups se rapprochèrent et s'assirent autour de nous deux. Nous étions une vingtaine.

Je commençais à en avoir marre. Daylo croyait en ce monstre. Et peut-être même tous les loups. Je ne les comprenais pas. Pourquoi ne voulaient-ils pas partir, s'enfuir, chercher pourquoi est-ce qu'ils étaient devenus des loups ? Ce n'était pas logique ! Étais-je la seule ici à vouloir avoir des réponses ? 

 – Qui veut que Herrya parte ? demanda Daylo.

Oh, carrément ? Eh bien il ne tourne pas autour du pot ! Mais pourquoi c'est moi qui partirais ? Parce que je suis nouvelle..., me répondis-je. Et parce que Daylo est le plus vieux de tous les loups.

Ces derniers se regardèrent en me lançant des regards menaçants, ou inquiets. Finalement, quelques loups se levèrent, puis d'autre suivirent. En tout, dix étaient debout, en comptant Daylo, qui avait dit très clairement qu'il ne m'aimait pas. Eh bien c'était réciproque !

– Dix loups sur les vingt et un veulent que Herrya parte. Donc onze veulent qu'elle reste. La majorité l'emporte, elle peut donc vivre ici.

Il me lança un regard méprisant.

– Mais si elle nous attire des ennuis, elle se fera tuer.