Chapitre XXXIX - Galenthus nivalis
Hello !
Petite note pour vous avertir que les passages centrés et en italiques sont des souvenirs. Comme il y en a beaucoup, ça me semblait important de vous le dire :)
Merci, bonne lecture !
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Jimin portait un costume. Il l'avait trouvé dans l'une des armoires de la maison. Il était surpris qu'il lui aille toujours car, ce costume, c'était celui qu'il avait porté pour son frère. Aujourd'hui, il le portait pour sa mère.
Après des semaines passées à l'hôpital de Busan, la maladie l'avait emporté.
Elle s'en était allé au cours d'une après-midi. Les pivoines roses que son fils avait posées sur la table de chevet au matin n'avaient rien changé. Ses fleurs qu'elle chérissait tant n'avaient pas suffi, tout comme les tuyaux et aiguilles plantés dans son bras. "C'est fini". Des mots gravés dans la mémoire de Jimin.
Pour lui, ces pivoines, c'était la mort dorénavant. Son symbole de solitude. Il savait que pour sa mère, c'était différent. Ses fleurs, pour elle, c'était l'amour. Pas l'amour en général, mais le sien.
Jimin n'avait que quelques souvenirs de son père. Les contours de ceux-ci étaient plein d'ombre comme si son esprit, en les mettant ainsi à l'abri, le protégeait lui. Mais la couleur et l'odeur de ces fleurs avaient fait la lumière sur un souvenir.
Jimin était petit. Pendant que son frère âgé d'à peine un an faisait la sieste, il était sorti de sa chambre en entendant des cris dans la maison. Caché contre le mur, depuis le couloir, il avait regardé sa mère pleurer à genoux en tirant sur le bras de son père.
- Je t'en prie, tu ne peux pas nous laisser !
Jimin n'avait pas entendu ce que son père avait répondu, ou bien il n'arrivait pas à s'en souvenir. Tout ce dont il se rappelait était ce vase qui s'était brisé au sol lorsque son père avait réussi à se défaire de la prise de sa mère.
La dispute avait continué mais le petit Jimin avait toujours ce bruit de vase qui se brise dans les oreilles. Il avait regardé le sol. Des pétales de pivoines roses s'abandonnaient sur le carrelage blanc. Elles venaient jusqu'à lui, guidé par une petite flaque d'eau qui s'étendait en rivière entre deux lignes de carreaux.
Puis il avait entendu des pas qui avaient martelé le bien triste sol. Une porte avait claqué, réveillant le bébé.
Quand Jimin avait trouvé le courage de rejoindre sa mère dans la pièce, son père n'était plus là. Il ne restait plus qu'elle, sa mère, agenouillée et en pleurs, aussi brisée que l'était ce vase. Avec le souffle entrecoupé par ses sanglots, ses mains fragiles tentaient de ramasser les éclats, les pétales continuant de glisser sur l'eau tels des radeaux.
- Maman ?
Elle avait cessé tout mouvement puis serré ses poings aussi fort qu'elle avait fermé les yeux. Quand elle les avait ouverts, elle avait souri à son fils, ses dernières larmes dégringolant de son menton vers le sol, rejoignant la rivière des pivoines.
- Ne reste pas là, mon poussin, avait-elle souri en tremblant. Maman ne veut pas que tu te blesses, chéri. Va voir ton frère, j'arrive tout de suite. Je dois nettoyer tout ça avant que mamie rentre, sinon elle...- je dois nettoyer.
Jimin avait hoché la tête mais son empathie d'enfant, en plus de lui donner envie de pleurer, l'avait empêché d'obéir. N'écoutant que son instinct et son amour, il avait alors traversé cet océan de malheur qui avait déferlé sur sa famille afin de serrer sa mère dans ses bras.
- Oh, mon poussin... avait soufflé sa mère. Je t'aime tellement. Ça va aller... Ça va aller...
Elle s'était défait de son étreinte et lui avait souri avant de lui prendre la main.
- Laissons ça par terre pour le moment et allons voir Taemin, d'accord ?
Jimin sortit de ses pensées en soupirant son impuissance.
Comme s'il pouvait encore aller voir son frère avec sa mère, il prit l'une de ses mains entre les siennes. Une main toute menue et froide. Trop froide.
Cela faisait maintenant de nombreuses minutes qu'il observait son corps allongé dans cette boîte qui prendrait feu bientôt. Jimin voulait tant pouvoir ramener sa mère à la vie, ramener des couleurs sur son visage, ramener un sourire sur ses lèvres toutes fendillées. C'était tout ce qu'il désirait.
Il posa la main de sa mère contre sa joue, là où aucune larme ne coulait.
Il n'avait plus la force de pleurer. Il ne l'avait plus fait depuis qu'il avait réussi à se consoler tout seul en la sachant là-haut, à côtoyer leur plus belle étoile. Et puis, il avait eu l'immense chance d'être présent à son départ. Il avait eu le privilège de lui dire au revoir. Oui, Jimin se consolait comme il pouvait, en se disant qu'à défaut de ne pas avoir toujours été là, il l'avait été pour la toute fin.
Il avait failli raté le coche cela dit. Passant tout son temps à l'hôpital, les membres du personnel avaient remarqué sa fatigue et lui avaient conseillé de se reposer un peu chez lui. Il les avait écoutés, s'était endormi des heures durant avant que les appels incessants du médecin parviennent à le réveiller.
Bip...Bip...Bip... C'était le bruit paisible que les machines faisaient à son arrivée. Mais la mélodie qu'elles jouaient, aussi calme était-elle, ne l'avait pas bercée d'illusions. Pas une seule seconde. Il n'y avait plus de "comme si" ni de faux-semblants. Il n'y avait qu'un fils terrifié de savoir que, d'une minute à l'autre, il allait vivre sans sa mère.
Au seuil de sa chambre, face au médecin, Jimin avait senti ses jambes trembler. Comment dit-on adieu à la personne qui vous a élevé ?
- Est-ce qu'elle est réveillée ? avait-il demandé.
- Oui. Mais ça ne va pas durer. Je crois que.... qu'elle vous attendait.
En entrant, Jimin s'était dirigé vers le lit de sa mère sans la quitter des yeux. Elle semblait ni mourante ni à l'agonie, juste endormie. Sa main avait tout de suite trouvé la sienne et il avait senti ses doigts se serrer autour des siens mais avait plutôt eu l'impression de se faire écraser le cœur. Il avait alors laissé tomber sa tête sur l'épaule de la femme de sa vie, se lovant elle contre afin de cacher ses larmes.
- Maman...
Effondré. C'était ainsi que Jimin se serait décrit à cet instant. Effondré et désolé. Il s'était ensuite redressé afin de la regarder. Elle avait les yeux fermé et Jimin avait reniflé en se demandant s'il reverrait leur couleur un jour.
- Maman, c'est Jimin. Ton poussin... Maman, je t'aime tellement si tu savais. Je suis désolé de ne pas avoir été un fils à la hauteur. Je suis désolé d'être resté si loin de toi, je regrette les années qu'on a perdues... Mais tu sais ce que c'est, toi et moi, on est pareil. On veut sauver le monde, aider les autres, et on en oublie l'essentiel.
Le front de sa mère s'était légèrement froncé et elle avait ouvert la bouche en semblant y mettre ses dernières forces.
- Taemin...
Deux larmes avait dévalé les joues de Jimin. Il avait envie de la supplier de rester encore un peu, mais il avait récemment appris que vouloir que quelqu'un reste ne suffisait pas toujours.
- Oui, maman. Ferme les yeux maintenant. Taemin t'attend de l'autre côté.
Il avait serré sa main dans la sienne. Sa main qui, elle, ne serrait plus rien.
- Va, maman. Va le rejoindre...
- Monsieur ?
La voix de l'employé funéraire sortit Jimin de ses pensées. Il regarda alors cet homme qui portait un costume et un sourire sombre comme s'ils étaient des accessoires servant à imiter son chagrin.
- Il est l'heure. Si vous le permettez, nous allons fermer le cercueil.
Jimin opina. Il embrassa la main de sa mère et la reposa doucement sur son ventre. Il recula d'un pas puis ferma les yeux. Ses paupières tressautèrent quand il entendit le cercueil se faire sceller.
"C'est fini". Ces mots, il avait l'impression d'encore entendre. Tout comme il pouvait encore sentir l'odeur de ces fleurs.
Rien d'étonnant, il en avait fait mettre partout. Partout pour elle.
****
Même si Jimin avait fait au mieux pour prévenir ceux qui comptaient vraiment, il n'y avait pas grand monde de présent pour la cérémonie. Le cousin de sa mère était là. Un pauvre gars pas bien méchant qui fumait sans arrêt. L'odeur de ses cigarettes lui rappelait Jungkook.
Des semaines maintenant que Jimin était sans nouvelle de lui.
Même si ce n'était ni le lieu ni le moment, il ne put empêcher le souvenir de leur dernière nuit de lui traverser l'esprit. Celle où ils avaient fait l'amour. Jimin ne pouvait croire qu'ils l'avaient fait sans s'aimer. Ça avait été si bien fait. Trop bien fait. L'instant lui collait encore à la peau.
Il aurait beau prendre un milliard de douches, effacer la douceur des mains de Jungkook sur sa taille lui semblait impossible. Non, Jimin ne pouvait pas effacer le souvenir de son odeur, ni même l'odeur de son souvenir.
Il se souvenait et - il en était persuadé - se souviendrait toujours, d'à quel point ils avaient été merveilleux quand, l'espace d'une nuit, ils s'étaient tous deux persuadés qu'ils allaient s'en sortir.
Mais, maintenant, tout semblait faux.
Jungkook avait-il seulement existé ?
Jimin se le demandait tandis qu'il était là, seul, s'apprêtant à rendre hommage à sa mère décédée.
- Son fils, Park Jimin, va nous lire quelques mots.
Sous le regard des quelques présents, Jimin se leva. En se dirigeant vers la petite estrade, il se parla à lui-même.
- Ça va aller, ce n'est qu'un poème. Il suffit de le réciter une fois et ce sera terminé. C'est aussi simple que ça...
Le jour de la mort de sa mère, Jimin avait été emporté par un flot administratif dont il se serait bien passé. L'hôpital lui avait dit qui appeler, quoi payer. Le deuil ? Pas le temps. Dire que sa mère avait dû gérer tout ça à la mort de Taemin. Dire que Jungkook avait dû gérer tout ça à la mort de Taehyung. Qui peut seulement s'en rendre compte avant de l'avoir vécu ? Jimin s'en rendait compte. Oui, maintenant, il savait ce que ça faisait.
Tel un automate, Jimin avait fait tout ce qu'il fallait ; contacté qui il devait. Les dates étaient posées, les proches étaient prévenues, les pivoines commandées.
La veille de la cérémonie, il avait pris cinq minutes pour lui, cinq minutes pour elle.
Dans la maison, il avait cherché de quoi écrire. Comme sa mère et lui partageaient tous deux la passion des mots, Jimin voulait lui rendre hommage en écrivant quelque chose pour elle. En fouillant un peu, il avait alors trouvé un carnet dans un panier.
Dans un panier, sous l'escalier.
La localisation l'avait saisi. Ça lui avait fait se rappeler ces mots que sa mère avait dit à l'hôpital et qu'il avait cru désordonnés à cause de la tumeur. Mais, en tenant ce cahier dans ses mains, il avait compris qu'il s'était trompé.
Il avait passé sa main sur l'étiquette blanche au centre de la couverture rose. C'était écrit : "Ma petite fleur" d'une écriture manuscrite qui n'était pas celle de sa mère.
Ce fut avec une appréhension frôlant l'impatience qu'il avait ouvert le carnet pour y découvrir que toutes les premières pages avaient été arrachées. Quelques morceaux de papier s'étaient pourtant accrochés à la reliure, mais Jimin ne pouvait lire que des brides de mot sans sens.
Quand il eut tourné la première page intacte, Jimin s'attendait à la trouver vierge. Mais ce ne fut pas le cas. Elle était toute noirci de mots, le premier d'entre eux étant : Jimin.
Les yeux rivés sur la page, Jimin s'était assis sur les marches en débutant sa lecture. A peine le sens de cette lettre compris, sa main libre s'était plaquée sur sa bouche.
Jimin, c'est maman.
L'envie d'écrire me démange depuis un temps que j'ai trop laissé filer. Mais je sens maintenant que, du temps, je n'en ai plus beaucoup. Je sens que ma tête se meurt et je prie pour que mon cœur s'arrête en premier. Parce que j'ai peur. Les médecins ont dit que j'allais oublier et j'ai peur de t'oublier. J'ai peur d'oublier ton frère. J'ai peur de vous oublier, mes enfants.
Avant que cela n'arrive, je dois te dire une chose...
Je suis tellement fière de toi.
Tu dois sûrement te dire qu'il n'y a pas de quoi, je te connais et tu te trompes.
Même si je sais, tu te trompes.
Oui, mon poussin, je sais tout.
Je sais d'où vient l'argent que tu ramènes et ce que tu sacrifies pour notre survie.
J'ai honte de te laisser faire sans oser t'en parler.
Mais, toi, n'aies jamais honte de toi.
Tu es le courage et la bonté.
Tu es mon fils.
Tu es tout ce qu'il me reste.
Tu es mon petit poussin.
A tout jamais.
Jimin avait rapidement tourné la page arrivée à la fin de celle-ci. Il voulait en lire encore. Il n'en avait pas eu assez ! Mais toutes les pages suivantes étaient vides de mots. Il avait pris soin de toutes les faire défiler quand même, avec l'espoir et le désespoir de retrouver un morceau d'elle coincée entre deux pages. Et il eut bien raison, car cela arriva.
Sa mère avait écrit sur la dernière page, la toute dernière, comme si rien entre les deux n'avait compté. Comme si elle n'avait plus rien à dire. Comme si elle avait déjà tout oublié.
Je n'ai plus peur.
Même si j'oublie, je sais que j'ai été la fleur de quelqu'un. J'ai connu l'amour. Celui de votre père et le votre, mes enfants.
Je n'ai plus peur.
J'ai hâte que tout soit fini, Jimin.
Après mon départ, une nouvelle vie t'attend
Car quand une fleur fane, une autre éclos.
Et j'ai hâte de voir cette belle fleur s'épanouir depuis tout là haut.
Jimin leva les yeux vers le plafond terne de la salle de cérémonie puis les baissa sur sa feuille afin de réciter ces quelques mots que ce carnet d'adieu couleur pivoine lui avait inspiré.
- J'ai une fleur au fin fond de mes pensées. Une fleur aux pétales de papier. C'est elle qui m'a tout transmis, le pouvoir d'écrire et le pouvoir d'aimer. Elle cultive tous mes écrits. Elle fait et fera à jamais partie de ma vie, car jamais il ne fanera, mon amour pour toi.
Il n'en dit pas davantage. Tout ce que sa mère devait entendre, elle l'avait déjà entendu. Et tout ce que Jimin pourrait être amener à vouloir lui dire, il pourrait le dire à cette fleur devenue étoile.
Son regard s'attarda quelques instants sur la petite assemblée face à lui et fut rapidement attiré par une silhouette qui se tenait un peu à l'écart. Celle d'un homme dont les épaules imposantes se laissaient aisément deviner sous son long manteau. Il plissa les yeux afin de mieux le voir mais son visage était dissimulé par les rebords arrondis de son chapeau. Pourtant, Jimin était persuadé de le connaître.
Avant qu'il n'ait pu investiguer, il fut invité à aller se rasseoir. Et quand il tourna la tête pour voir cet homme à nouveau, il avait disparu.
****
Jimin était allongé dans le canapé du salon, son téléphone à l'oreille.
- Ca y'est, c'est fini, apprit-il à Hoseok.
Il soupira en se tournant sur le côté, il avait l'impression que des grains de sable lui chatouillaient le dos.
- Cette horrible journée est fini... ajouta-t-il.
- Tu es été très courageux, Jiminie, lui dit son ami. Tu aurais du me laisser venir te voir...
Jimin sourit de gratitude. Ils ne se dirent rien pendant un loin moment ensuite mais Jimin avait l'impression de pouvoir entendre des sourires, de ressentir de l'amitié et du soutien, de la chaleur. Il avait tant besoin de tout ça. Il avait tant besoin de plus. Il avait tant besoin de lui que son sourire s'envola.
- Hyung, est-ce que tu l'as vu ?
Un petit soupire désolé précéda la réponse d'Hoseok.
- Non.
Jimin ferma fortement ses paupières.
- Est-ce que Jin l'a vu ?
- Non plus.
Jimin accusa les mauvaises nouvelles coup sur coup, sans flancher.
- Et est-ce que... tu reparles à Yoongi ?
- Jimin...
Hoseok savait qu'il demandait car Yoongi était le client de cet avocat. Hoseok savait que Jimin cherchait de l'espoir partout, même là où il n'y en avait plus.
- Peut-être qu'il pourrait te dire comment il va et où il est, se justifia Jimin.
- Bébé, je n'ai plus de contact avec Yoongi depuis le soir où je t'ai tout dit. Et puis... je ne pense qu'il ait la réponse à la vraie question que tu te poses au fond de toi.
- La vraie question ?
- Tu sais : "Pourquoi est-ce qu'il m'a laissé... ?"
Jimin sourit l'air ailleurs en grattant le sable coincer dans les plis du canapé. Ils étaient bien là, il ne les avait pas rêvé, ces petits grains dorés. Il avait bel et bien exister, Jungkook. Il lui manquait cruellement, mais il est possible d'aimer quelqu'un sans désirer sa présence. Et désirer la présence de quelqu'un avant même de l'aimer est possible aussi.
- Je ne veux pas savoir pourquoi il est parti, hyung... Je veux juste savoir comment il va.
La question que Jimin n'avait jamais posée à Jungkook était finalement la seule qui comptait encore aujourd'hui. Comment vas-tu... ?
***
Les événements qui lui étaient totalement étrangers continuaient de s'enchaîner. Des jours après avoir géré les entreprises funéraires et l'administratif, Jimin se rendait chez le notaire. Il était très en retard. Il courrait dans les rues de Busan avec angoisse car il ne savait pas si c'était le genre d'endroit où l'on avait le droit de ne pas être à l'heure.
Arrivée devant les portes cochères, il posa ses deux mains sur ses genoux afin de reprendre son souffle. Le temps lui manquant davantage que l'air, il se redressa et se précipita sur l'entrée. Etourdi et pressé, son épaule bouscula celle d'un homme qui sortait du bâtiment. Son chandail en tomba par terre.
- Oh, désolé ! s'excusa Jimin.
L'homme se pencha pour ramasser son vêtement qu'il complimenta en lui rendant.
- Très joli.
- Merci.
Leurs regards se croisèrent ensuite et le temps ne semblait plus si important.
- Vous... souffla Jimin.
Il reconnu cet homme comme étant celui qui avait disparu au beau milieu de la cérémonie. Ce dernier baissa les yeux puis ajusta son chapeau vers le bas.
- C'est moi qui suis désolé, lui dit-il avait de s'éloigner.
Jimin le regarda partir avant de crier :
- Attendez !
Mais l'homme ne se retourna même pas. Jimin soupira. Vu l'heure, il n'avait d'autre choix que d'entrer dans le bâtiment.
Le notaire ne lui tint pas rigueur de son arrivée tardive. Il le fit s'asseoir à son bureau puis lui lut tout un tas de documents qu'il ne prit pas la peine de lui expliquer, à l'inverse de maître Kim. Jimin ne prit pas la peine de demander des explications au notaire non plus. Il le laissait parler. Il ne comprenait rien et n'en avait pas l'envie. Il était là parce qu'il voulait que ça se termine, il était là parce qu'il n'avait pas le choix.
- Le second légataire ayant refusé sa part, vous êtes le seul bénéficiaire.
Cette annonce le fit enfin réagir.
- Qu'est-ce que ça veut dire ?
Le notaire eut un sourire mauvais qui semblait juger le blondinet assis face à lui. Jimin le prit comme un "encore un enfant intéressé par l'héritage".
- Ça veut dire que s'il n'avait pas refusé, il vous aurait fallu un avocat. Vous en connaissez un ?
Cette plaisanterie ne fit pas rire Jimin. Elle ne fit que lui faire se rappeler. De Jungkook, de maître Kim. Des avocats, oui, il en connaissait. Ils étaient même mariés, mais l'un d'entre eux était mort maintenant. Peut-être même les deux ?
Le notaire le regarda fixer le vide avant d'afficher un air condescendant. Il devait prendre Jimin pour un idiot qui n'avait pas compris son humour.
- Bref, en gros, ce que j'essaye de vous dire, c'est que la maison est à vous.
Jimin secoua la tête et essaya de se concentrer. Non pas sur le fait qu'il venait de devenir propriétaire, mais sur l'autre partie.
- Vous avez dit... second légataire ?
- Oui, l'époux de madame Jiyun Park Choi : Minju Park.
Le nom de son père lui provoqua une grande stupeur. Il cessa même de respirer durant quelques battement de cœur affolé.
- Quand a t'il refusé ?! demanda-t-il précipitamment à l'homme face à lui.
- Juste avant votre arrivée.
Jimin se leva en respirant vite et mal. Il regarda la porte de sortie avant d'y courir.
- Mais...- monsieur Park, nous n'avons pas terminé ! Vous devez signer les documents !
Jimin courut quand même, plus vite encore qu'il l'avait fait pour arriver ici. Il était plus essoufflé qu'à son entrée aussi. Dehors, il scruta la ville qui grouillait sans se soucier de son irruption. Et il eut beau regardé partout, il ne le vit nulle part.
Il n'était plus là.
Son père venait de l'abandonner une seconde fois.
****
Après avoir signé tous les documents, Jimin n'avait pas pu se résoudre à rentrer dans ce qui était dorénavant et officiellement sa maison. Il s'était plutôt rendu au columbarium et rejoignait maintenant la niche où se trouvait l'urne funéraire de sa mère, voisine à celle de son frère.
Pour Jimin, les lieux de recueillements étaient faits pour les vivants. C'est bien pour ça qu'il était venu d'ailleurs, dans l'espoir d'en croiser un qu'il avait longtemps cru mort.
Il aperçut un bouquet de pivoines au loin. Et quand il arriva face à ce bouquet destinées à sa mère, il en lut le ruban : à ma petite fleur. L'écriture était la même que celle du cahier qu'il avait trouvé sous l'escalier.
Le menton de Jimin se mit à trembler.
- Il est venu...
Ses larmes, qui n'avaient plus coulé depuis un temps, le firent sans retenue.
- Après toutes ses années... il est venu.
Ses doigts se serrèrent sur le ruban, le froissant petit à petit puis l'arrachant finalement. Les fleurs tombèrent par terre.
- Pourquoi il est venu ?! Pourquoi ?!
Désemparé, triste et en colère, il posa ses mains sur les niches voisines, les yeux rivés sur les pétales qui jonchaient le sol pas sa faute.
- Pourquoi il nous a laissés pour revenir maintenant ?! Pourquoi ?!
Jimin pleura de tout son cœur. Il posait ces questions, faisait celui qui ne savait pas, mais il avait compris pourquoi cet homme était revenu et ce que voulait dire ces fleurs qu'il avait laissées : on n'oublie jamais. Et c'est bien pour ça que Jimin pleurait autant.
Peu importe que l'on s'aime, que l'on soit mort ou vivant, qu'on soit ensemble ou non ; l'amour ne s'oublie jamais.
Jimin n'allait jamais oublier Jungkook.
Et Jungkook, lui, n'oublierait jamais Taehyung.
Pris de remords, il raccrocha les pivoines abîmées à la niche en se disant que sa mère avait vraiment été la fleur de quelqu'un. Lui pensait n'être celle de personne.
Mais il se trompait.
Jimin s'assit par terre, la tête entre les bras. Il était recroquevillé sur lui-même, emmitouflé dans son chandail. Il s'était rapidement calmé, comme vidé ; drainé. Il n'avait plus la force de se lever, ni celle de rentrer chez lui.
Il n'avait qu'une pensée : s'il ne pouvait l'oublier, autant aller le rejoindre...
Pour autant, il ne bougeait. Cela lui semblait tellement déraisonnable.
Ce ne fut que des heures plus tard, lorsque son téléphone sonna, qu'il remua.
- Salut, hyung... dit-il tout doucement à Hoseok en décrochant.
- Il est venu.
Tout le corps de Jimin réagit à cette nouvelle, comme si une décharge l'avait transpercé de part en part. Un éclair. Un espoir.
Il se leva en s'aidant du mur avec sa main libre.
- Répète ce que tu viens de dire...
- Jungkook, il est passé au motel. Jin l'a vu alors qu'il repartait.
Jimin respira aussi vite que ses pensées fusaient.
Etait-il la fleur de quelqu'un tout compte fait ? Il l'ignorait encore.
Mais, vu qu'il ne pouvait pas oublier Jungkook, ni lui ni la douceur de leurs baisers et de leurs lèvres qui lui avaient paru mener un nouveau combat et, à la fois, le dernier puisque son unique client était parti, à quoi bon essayer...
- Jimin, tu m'entends ?
Jimin était cette fleur du mal* surgi d'une fissure de trottoir et qui rêvait de s'épanouir. Cette fleur qui s'était faite toute seule, trouvant la force d'éclore à sa façon et choisissant par qui elle serait cueilli au bout du compte.
Son choix était fait depuis longtemps.
S'il devait être celle de quelqu'un, il voulait que ce ne soit personne d'autre que lui.
Sa fleur ou rien.
- Je rentre à Séoul.
_____________
* Dans le titre Les Fleurs du mal, le « mal » de Baudelaire fait référence à un mal social, mal que ressent l'individu déchu, abandonné de la société. (source : Google)
Vous prêtez attention aux titres ? Celui-ci fait référence à Jimin et pourrait bien vous évoquer quelque chose... 🙃
À très vite :)
<3
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