Chapitre XLVII - Cicatrice
Jungkook se faisait éclabousser, encore et encore. Il était poursuivi sans relâche par celui à qui il avait dit "oui", celui qui avait longtemps fait danser son cœur, celui qui avait fait qu'il n'avait plus était un, mais deux. Taehyung.
Les mains en coupe, Taehyung ne se fatiguait pas de lui courir après. Il projetait des gouttelettes scintillantes qui atterrissaient dans l'herbe fraîche plutôt que dans les cheveux ébène qu'il visait. Jungkook se mit à le chasser à son tour et, lorsqu'il le rattrapa, Taehyung en poussa des cris dignes d'un garçonnet. Les bras forts de Jungkook s'enroulèrent autour de la taille de son époux et ils se laissèrent tomber sur la verdure.
Couchés près des plates-bandes, le rire de Taehyung ne cessait de se faire entendre tandis que celui de Jungkook s'était arrêté afin de mieux l'écouter. Immobile, il observait son mari qui était allongé sous lui et qui tendait son visage sous la bruine rafraîchissante de l'arrosage automatique où flottait des arcs-en-ciel. Le soleil irradiait autant que sa beauté et des gouttes d'eau se faisaient emprisonner par ses longs cils tandis que Jungkook l'était de cette merveilleuse image.
Taehyung avait été son monde, sa vie.
- Je t'ai eu, murmura Jungkook d'un ton joueur à son mari.
Taehyung lui sourit puis l'invita à se pencher afin qu'ils s'embrassent. Ils le firent alors, tendrement.
- À moi, glissa amoureusement Jungkook, contre les lèvres de son époux.
Taehyung l'observa d'une drôle de façon, le sourire aussi incertain que l'était devenu la lumière du ciel.
- Oui, mais... Pour toujours à toi ?
Jungkook fut comme sonné par cette question à laquelle il ne s'attendait pas. Taehyung les fit aussitôt rouler sur le côté et mille gouttes d'eau gelées s'abattirent sur le dos de Jungkook.
- Attrape-moi si tu peux, Jungkookie ! le provoqua Taehyung qui s'enfuyait déjà.
Jungkook aurait dû le poursuivre. Dans la vraie vie, à ce moment précis, il avait ri et l'avait poursuivi. Mais, là, il ne le fit pas. Ni rire, ni le suivre. Il se leva juste et le regarda s'éloigner, le niveau de ses larmes lui montant aux yeux. Quand Taehyung s'en aperçut, il cessa de courir tout comme il avait cessé de rire.
- Je t'aime, hyung, lui dit Jungkook, des perles salées dévalant ses joues.
Taehyung lui offrit un sourire résigné alors que le soleil avait encore perdu de sa splendeur.
- Je sais, mon amour, mais tu ne vas pas rester.
Jungkook craqua. Un sanglot éclata, provenant du plus profond de sa poitrine. Son visage se défigura de chagrin, les larmes balafrant ses joues. Les jets d'eau se transformèrent en pluie, elle tombait en rideau, ressemblant à des larmes de cristal tombant du firmament.
Jungkook se demandait si elle était là depuis le début, cette pluie. Si l'arrosage automatique n'était pas qu'un leurre destiné à cacher les pleurs d'un ange fuyant la douceur du ciel pour le plaisir d'une dernière étreinte. Il se le demandait en voyant une larme briller sur la joue de son bien-aimé. Il se le demandait parce que la pluie semblait l'envelopper, s'écrasant sur son cœur avant de fuir sur son corps en caresses glacées. Il avait la sensation de ne faire qu'un avec elle, comme cette fois où il avait étalé l'une de ces gouttes sur ses lèvres.
- C'était toi, hyung, ça a toujours été toi, pleura Jungkook.
Taehyung ferma les yeux et, quand il les rouvrit, il semblait si paisible.
- Mais, maintenant, c'est lui, savait-il.
Coupable, Jungkook pleura encore plus fort. Il en tomba à genoux sur le sol détrempé.
- Je suis tellement désolé. Pardonne moi, hyung, le supplia-t-il.
La pluie cessa soudainement. Surpris, Jungkook leva la tête et découvrit que Taehyung tenait un parapluie au-dessus de lui, l'abritant de cette averse de solitude.
- Tu n'as pas à être désolé, tu n'as rien fait de mal, murmura Taehyung.
Jungkook hocha la tête en essayant de se calmer. Il semblait inconsolable, sûrement parce qu'il savait ce que c'était de l'être ; jusqu'à ce qu'il ne le soit plus.
Jusqu'à Jimin.
Taehyung s'agenouilla à ses côtés. Le parapluie avait disparu, la pluie s'en était allée. Jungkook avait fini par cesser de pleurer sans même s'en rendre compte. Son mari lui parla en le regardant droit dans les yeux.
- Rends le heureux comme tu m'as rendu heureux.
Jungkook baissa les yeux, mais Taehyung rattrapa son visage par le menton pour lui faire relever la tête vers lui.
- Et aime le aussi fort que je t'ai aimé.
Jungkook acquiesça sans un mot, mais cela sembla insuffisant pour celui qui serait à tout jamais son premier amour.
- Promets le moi, Jungkookie.
Jungkook s'était juré de ne plus faire promesse, mais Taehyung avait tous les droits. Après tout, il était au-dessus de tout, même de ces nuages où il lui avait dit qu'il viendrait le retrouver un jour.
- Je te le promets, mon ange.
****
Où suis-je ?
Cette question naquit dans l'esprit de Jungkook lorsqu'il ouvrit enfin les yeux. Ce fut avec étonnement qu'il découvrit la couleur qui peignait les murs à l'entour. Blanc. Tout blanc. Une nuance qui désigne un endroit qui, peu importe où il se situe, est reconnaissable entre mille. Un endroit que Jungkook détestait, mais ça ne faisait rien. Il y avait cette odeur, de poudre et de fleurs, elle était partout. Celle de Jimin.
Après avoir cherché le blondinet du regard dans cette chambre d'hôpital et de n'avoir trouvé que son chandail taché de sang sur une chaise vide, Jungkook se redressa sur un coude.
- Aïe, merde... grogna-t-il.
Il remarqua les aiguilles plantées dans son bras puis souleva sa blouse en gémissant, plissant les draps autant que l'était son visage à cause de la douleur. Il porta ensuite sa main à son ventre. Un pansement fait de compresse recouvrait sa peau. Il était plein de sang qui avait cessé de couler.
Jungkook voulut le décoller pour regarder les dégâts en dessous, mais ne le fit pas. Il savait maintenant que rien ne servait d'enlever un pansement trop tôt, qu'il fallait d'abord guérir avant de pouvoir s'en défaire, que rien n'est plus efficace que le temps et qu'il faut le laisser faire.
Il releva vivement la tête alors que quelqu'un entrait dans la pièce, calmement ; Jimin. Jungkook ne sut retenir son sourire tendre à la vue du blondinet, ce dernier abandonna sa boisson chaude et se précipita vers lui en le voyant réveillé.
- Doucement ! Reste allongé... !
Jungkook regarda tout de Jimin, le sourire impossible à effacer, puis il aperçut des bleus sur sa bouille d'ange et son sourire vacilla. Ces hématomes étaient la preuve que cette nuit de pluie avait existé, et qu'ils en avaient chacun souffert et été marqué. Jungkook n'avait quant à lui pas de blessure sur le visage. Il portait seulement la marque de l'oreiller sur sa joue, comme la cicatrice d'un rêve endeuillé ; et quelques traces de larmes séchées, comme les stigmates d'un adieu enfin accepté.
Avant ce samedi pluvieux, Jungkook s'était dit qu'ils en avaient peut-être perdu assez, du temps et des êtres aimés, et qu'il était peut-être temps pour Jimin et lui de s'aimer sans être perdu. Après cette blessure, après cette nuit goût déjà-vu, il en était sûr. Car s'il avait toujours eu de nombreux doutes et peurs en regardant le blondinet, il n'avait dorénavant que des certitudes.
Jungkook laissa Jimin poser ses mains sur lui pour l'aider à se rallonger et le fit sans quitter ses yeux des siens. Jimin n'avait de cesse de les admirer lui aussi, comme s'il avait crain de ne jamais les revoir.
La main du blondinet se dirigea ensuite vers le bouton d'appel, mais celle de Jungkook croisa sa route pour l'en empêcher. Jimin accepta de repousser l'arrivée du personnel soignant d'un simple mouvement de tête. Jungkook garda sa main dans la sienne puis regarda leurs doigts s'enlacer. Il fronça les sourcils en découvrant que son annulaire était dénué d'anneau doré.
- Ils... ils ont dû te l'enlever, pour t'opérer, lui expliqua Jimin en suivant son regard. Tu t'es fait poignarder. Tu... te rappelles ?
Jungkook répondit oui du bout des lèvres, trop occupé à ressentir le toucher de Jimin sur sa peau, à écouter sa voix bercer ses oreilles. Il contemplait ce dorée qui ne se trouvait non pas sur son doigt mais dans ces cheveux qui entouraient ce merveilleux visage, telle une auréole. Jungkook ne faisait en réalité rien d'autre que d'admirer de toutes ses forces retrouvées cet ange qu'il avait promis d'aimer à un autre.
Jimin se mit à sangloter, la peur se transformant en un soulagement profond qui n'avait pas d'égal.
- J'ai cru que tu...-
Jungkook apaisa ses peurs qui n'avaient plus lieu d'être en posant sa main sur l'ovale de son visage.
- Je suis là, murmura-t-il, comme Jimin l'avait fait pour lui, sous la pluie.
Jimin hocha vivement la tête avec l'envie d'entièrement s'imprégner de ces mots. Il voulait s'y bercer, s'y noyer, y vivre. Jungkook était là, et les médecins lui avaient d'ailleurs dit qu'il s'était battu pour rester. Ça emplissait Jimin de joie, de savoir qu'il s'était accroché. Jungkook était fort, il n'avait jamais renoncé.
- J'ai eu tellement peur... avoua-t-il néanmoins, la gorge nouée par l'émotion.
Jungkook pencha la tête sur le côté, sensible à son ressenti.
- Je sais, Jimin. Je suis désolé.
Jimin ferma les yeux en se blottissant contre sa main. Il savait que Jungkook comprenait, qu'il savait ce que ça faisait de craindre pour la vie de celui qu'on aime, agonisant sous la pluie. Plus que jamais, ils se comprenaient.
Sans prévenir, la main de Jungkook remonta et se posa doucement sur sa nuque, comme une aile enfin déployée. Le cœur de Jimin en loupa un battement. Jungkook allait le rassurer, comme il savait si bien le faire. Alors Jimin ferma les yeux et se pencha sur lui, lui offrant ses lèvres. Elles s'écrasèrent alors sur les siennes et ils s'embrassèrent lentement, se goûtant et se retrouvant. Leurs bouches se frôlaient avec une pudeur nouvelle, sans barrière d'aucune sorte.
Jimin avait l'impression de voler, de respirer pour la première fois depuis des mois. L'air s'engouffrait enfin dans ce couloir qu'il avait cru sans fin. Ce baiser, c'était son second souffle. Son issue. Coïncidence ou non, la blouse de Jungkook était verte.
Quand le baiser cessa, Jimin se mordit la lèvre et rouvrit les yeux, découvrant que ceux de Jungkook le contemplaient déjà.
- Tu aurais pu mourir, dit-il à Jungkook comme s'il le disputait.
Jungkook sourit en coin, attendri.
- J'ai eu peur, moi aussi. De mourir.
Jimin baissa les yeux, torturé par la culpabilité. Cette blessure, pour lui, c'était de sa faute.
- Tu n'aurais pas dû t'interposer comme ça, c'était...
- Irréfléchi ? crut deviner Jungkook.
Jimin releva de grands yeux humides vers lui.
- Oui, confirma-t-il.
- Ça ne l'était pas, le contredit aussitôt Jungkook. J'ai eu peur de mourir, mais j'ai eu encore plus peur d'autre chose.
- De quoi as-tu eu peur ?
Jungkook accentua la profondeur de son regard dans le sien.
- De perdre à nouveau la personne que j'aime.
Jimin déglutit, bouleversé comme jamais. Il n'en revenait pas de ce qu'il venait d'entendre. Jungkook venait de faire de lui sa fleur, il sentait dans sa poitrine son cœur éclore.
- Jungkook... souffla-t-il tout bas, troublé.
- Est-ce que tu me pardonnes de t'avoir laissé ? lui demanda soudainement celui qui est et restera à tout jamais son dernier client. Et aussi... pour avoir hésité, pour ne pas avoir été là quand tu en avais besoin, pour ta mère, pour nous avoir laissé sombrer...
Le visage de Jungkook se froissait à mesure qu'il parlait. Les mots qu'il hésitait toujours à dire sortaient enfin. Nombreuses avaient été les fois où il avait senti ses lèvres frétiller, l'air s'engouffrer dans sa bouche pour lui insuffler l'envie courageuse de faire des aveux à Jimin, avant de se résigner à se taire et de faire de ses confessions des mortes-nées.
Le silence est dur, mais certains mots le sont encore plus quand on ne sait pas comment les prononcer, quand on a peur de parler, quand on craint de s'ouvrir. Jungkook avait prévu de dire à Jimin tout ce qu'il avait sur le cœur au bar, mais n'avait pas encore trouvé comment faire en s'y rendant avant de finalement en perdre l'occasion sur ce parking lugubre.
Aujourd'hui encore il craignait d'être maladroit en se déclarant, mais il craignait encore plus de se taire plus longtemps. Il ne voulait plus de ça désormais. Plus de silence imposé, à espérer l'écho de l'impossible.
- J'aimerais te dire que j'ai toujours veillé à ce qu'on s'en sorte, Jimin, mais, la vérité, ce que, parfois, je n'ai fait que nous ralentir. Et c'était tellement égoïste de ma part de te regarder ramer de toutes tes forces pendant que moi je ne faisais que prétendre. Mais, je... j'avais peur de ce qui nous attendait de l'autre côté si on arrivait trop vite à destination.
Les yeux en amande de Jimin étaient devenus deux croissants de larmes.
- De m'aimer ? supposa-t-il comme une douloureuse évidence.
- Non, de te perdre avant même de m'être retrouvé.
Jimin ferma les yeux comme pour faire résonner en lui les mots que Jungkook lui disait enfin et qui mettait son cœur à genoux.
- Tu penses sûrement que tu es ce qui m'est arrivé de pire, dit-il à Jungkook.
- Je l'ai souvent pensé, oui, admit Jungkook.
Jimin nota sa sincérité d'un mouvement de tête et souligna d'un doux sourire le fait qu'il l'ait prononcé au passé.
- Tu te trompais, lui dit-il d'un ton infiniment doux, le regard à nouveau dans le sien. T'aimer est ce qu'il m'est arrivé de mieux. Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée, Jungkook.
Et, aujourd'hui, Jungkook était prêt à le croire. Il caressa le visage de Jimin avec son pouce alors que ce dernier souriait à un souvenir venu traverser ses pensées.
- Hoseok m'a dit un jour que "savoir quand abandonner et ne jamais abandonner sont deux choses toutes aussi louables", lui raconta-t-il. Alors même si tu es parti quand je ne voulais pas que tu t'en ailles, je n'ai jamais cessé de t'aimer. Et je ne t'en ai jamais voulu non plus. Je crois que, finalement, on en avait besoin, de ce temps loin l'un de l'autre, pour mieux se retrouver.
Jungkook sourit à cette philosophie qu'il trouvait à l'image de Jimin, rêveuse et optimiste. Jimin aussi souriait. En fait, il ressentait un apaisement inattendu. Il avait crain que ce genre de discours venant de Jungkook arrivent après qu'il lui ait donné l'enveloppe de Yoongi. Mais il était arrivé avant, et le soulagement était grand. Jimin aurait voulu attendre un peu plus longtemps, il sentait que Jungkook ne lui avait pas encore tout dit, mais il n'en pouvait plus de garder ça pour lui.
- Je... j'ai quelque chose pour toi, annonça-t-il alors à Jungkook, nerveux.
Celui qui était autrefois son client fronça les sourcils en retour.
- Qu'est-ce que c'est ?
Jimin mordit sa lèvre inférieure puis s'éloigna pour attraper ce que le vent avait semé avant de s'en aller.
- C'est de la part de Yoongi, dit-il en revenant au bord du lit avec l'enveloppe entre les doigts. Ouvre la...
Elle qui avait pris l'eau avait depuis séché. Elle était néanmoins toute gondolée, et à moitié déchirée ; couverte de plaies béantes causées par la pluie. Jungkook lui asséna le coup final, l'éventrant d'un geste impatient afin qu'elle lui révèle ses secrets.
Il plongea sa main à l'intérieur puis, quand il en sortit avec une petite carte plastifiée, la stupeur le gagna.
- Jimin... mais..-
Le blondinet plongea un regard plus que confiant dans ses yeux tremblants.
- Kim Taehyung t'accompagnera à ton rendez-vous au centre d'adoption.
Instantanément, le noir des yeux de Jungkook se fit noyer par un incontrôlable flot.
- C'est de la folie... murmura-t-il.
En percevant ses doutes, Jimin posa sa main sur la sienne.
- Qu'est-ce que tu risques, Jungkook ? Tu m'as toi-même dit que tu avais un an pour déclarer son décès, et que tu ne l'avais pas fait. Tu as enfreint la loi, et tu seras radié du barreau s'ils découvrent la vérité.
Jimin s'approcha au plus près de lui et souffla tout bas :
- Tu m'as sauvé, de bien des façons. Laisse-moi faire ça pour toi, Jungkook...
Jungkook ferma ses paupières aussi fort que possible entre elles. Il avait envie de lâcher la fausse pièce d'identité qu'il tenait dans ses mains comme si elle lui brûlait la peau, mais il en était incapable. Alors il s'y accrocha, à cette branche qu'il n'avait eu de cesse de tenir depuis le tout début et qui n'avait jamais été aussi réelle qu'aujourd'hui.
Il laissa alors son menton trembler, il laissa ses espoirs se fonder.
- Pourquoi tu fais ça, Jimin ? demanda-t-il dans un murmure.
Une mèche noire reposait sur le front de Jungkook. Elle était comme une balafre au-dessus de son œil. Un trait sombre que Jimin balaya de son doigt alors qu'il admirait les étoiles briller dans ses yeux.
- Tu sais pourquoi, Jungkook.
Le regard de Jungkook se fit plus sûr.
- Oui. Mais, cette fois-ci, je suis prêt à l'entendre.
Jimin recula imperceptiblement le visage, surpris. Néanmoins, il n'hésita pas. Non, pas une seule seconde, à lui dire ce que lui hurlait son cœur depuis un temps qui n'avait eu de cesse de filer, allant presque jusqu'à leur filer entre les doigts.
- Parce que je t'aime.
Jungkook pencha la tête sur le côté sans quitter Jimin des yeux. Il le regardait partout, admiratif de sa sensibilité qui était, à n'en pas douter, sa plus grande force. Et sa plus grand faiblesse à lui, à Jungkook.
- J'ai mis du temps à comprendre qui tu étais pour moi, mais maintenant je le sais, avoua-t-il à Jimin.
Jimin essaya de le regarder dans les yeux, mais son incroyable bouche les aimantaient.
- Alors dis le moi, Jungkook. Dis-moi qui je suis pour toi...
Jungkook repoussa les cheveux blonds qui flottaient sur son front et se mit à le faire à répétition, d'un geste lent et régulier.
- Tu es le soupir que je pousse à la fin d'une horrible journée. La lumière que j'allume quand la nuit est trop sombre. Tu es celui qui m'as tenu la main quand je n'avais plus rien à tenir, Jimin. Tu es un ange, mais, ça, je l'ai toujours su.
Jimin ferma les yeux. Deux rivières se dessinèrent sur ses joues. L'espoir débordait, l'émotion le saisissait. Il rouvrit les paupières, les cils trempés. Sa voix trembla, victime de sa sensibilité qu'il devait à ce qu'il venait de comprendre.
- Tu m'aimes.
Il n'y avait aucun doute, la ponctuation que Jimin avait choisi n'en laissait place à aucun. Et il n'y avait pas à en avoir. Ce que Jungkook ressentait depuis longtemps pour Jimin portait enfin un nom. Un que la pluie semblait avoir elle-même baptisé.
Jungkook essuya les larmes du blondinet. Il effleura sa peau de toute sa tendresse, Jimin était fleur de toutes ses caresses. Une fleur pour qui il avait été prêt à donner sa vie, et à qui il offrit son cœur aujourd'hui.
- Oui, je t'aime.
Des mots que Jungkook n'avait pas voulu lui dire avant, parce qu'un "je t'aime" veut parfois vouloir dire "je suis désolé". Il peut aussi cacher des "mais", des "si" et du désespoir quand on le dit et que l'on pense en réalité "je n'ai nulle part d'autre où aller". Celui de Jungkook ne contenait rien de tout ça. Il était pur. Honnête. Il avait attendu le temps nécessaire pour s'assurer qu'il le soit.
- Depuis longtemps, ajouta Jungkook. Je n'étais juste pas prêt. Maintenant, je le suis.
Jimin posa son front sur le sien.
- Merci... chuchota-t-il à Jungkook, ému.
Jungkook fut aussi surpris que bouleversé par ce simple mot puis lui saisit le visage et le tira doucement à lui, jusqu'à ce que leurs lèvres se rencontrent, se languissent, parlent pour eux le plus doux des langages - celui qui ignore tous des mots.
Jimin glissa sa main dans les cheveux bruns de Jungkook alors que sa main à lui fouillait dans sa nuque, l'autre se tenant aux creux de ses reins. Le baiser était délicieux. Il était de ceux qui mettent les émotions à nues, regorgeant de gratitude et de sentiments qui les avaient tous deux rattraper. Mais même s'il était grisant, Jungkook trouvait qu'il manquait de quelque chose. Il quitta alors les lèvres de celui qui était autrefois son beau de nuit afin de pouvoir le regarder dans les yeux.
- Je ne sais pas comment on en est arrivé là tous les deux. Peut-être que ce n'est qu'un enchaînement de coïncidences ou peut-être que c'est le destin. J'en sais rien et, à vrai dire, je m'en fiche. Mais, Jimin, je ne veux pas que tu fasses ça uniquement pour moi, mais aussi pour toi. Pour... nous.
- De quoi tu parles ?
- De l'adoption.
Jimin fut comme frappé par la foudre. Il en resta presque hébété alors que, étendu sur le dos, Jungkook restait fixé à son regard.
- Est-ce que... est-ce tu es en train de me demander d'adopter cet enfant avec toi ? Je veux dire, pour de vrai ?
Jungkook avait tant craint pour sa vie, mais il avait aussi tant craint pour celle de Jimin, que la seule issue lui paraissait maintenant évidente. Un ailleurs ne se construit pas seul, il se façonne à deux. Et Jimin était celui qui faisait qu'il n'était plus un. Non, il n'était plus seul.
Ils n'étaient plus seuls.
- Oui, confirma Jungkook dans un doux sourire. Oui, c'est exactement ce que je suis en train de te demander.
Jimin était touché au plus profond de lui-même. Même dans ses rêves les plus fous, il n'avait jamais osé aller si loin. Même quand Yoongi avait sous entendu qu'il avait fait ça pour eux deux.
- Tu n'es pas obligé de répondre tout de suite, le rassura Jungkook.
Jimin secoua la tête en laissant couler ses larmes vers son sourire.
- Aujourd'hui ou demain, ma réponse sera la même : oui.
La seconde qui suivie, Jimin embrassa Jungkook. Ils s'accrochèrent l'un à l'autre, comme deux naufragés sauvés de la noyade. Ils allaient vivre, et ils allaient le faire ensemble. Jungkook tira sur les hanches du blondinet pour le faire monter sur lui dans le lit. Jimin le chevaucha en l'embrassant, craignant néanmoins pour sa blessure.
- Je ne veux pas te faire mal, murmura Jimin contre ses lèvres.
Jungkook sourit tendrement contre sa bouche, une larme menaçant de dévaler le noir de son œil.
- Moi non plus, Jimin... Plus jamais.
Jimin retourna à ses lèvres afin de goûter son amour à pleine bouche. Ils versèrent des larmes en s'embrassant, le sourire aux lèvres. Ils avaient oublié ce que ça faisait de pleurer pour de belles choses, Jimin le découvrait peut-être même, et, bon sang, ça leur faisait tellement de bien qu'ils voulaient que ça ne s'arrête jamais. Même s'ils manquaient d'air lors de leur baiser aussi chaotique que passionné, ça n'avait pas d'importance. Respirer ne leur semblait pas aussi important que de s'aimer.
Leurs corps sens dessus dessous ne faisaient plus qu'un. Sans se déshabiller, ils perdirent pied l'un sur l'autre. Intensément. Jimin cambrait les reins, Jungkook bougeait son bassin. Chaque frottement les comblait, de désir et de bien d'autres choses qu'ils ne savaient décrire. De toute façon, pour Jimin, rien n'équivalait le plaisir de se savoir aimé. Il laissa Jungkook lui prouver qu'il était possible de faire l'amour par-dessus des vêtements, et il avait hâte de découvrir toutes les façons dont il était possible qu'ils s'aiment autrement.
Jimin balançait de temps à autre sa tête en arrière pour se laisser le temps de gémir, son cou fragile à découvert, à la merci des lèvres et du souffle brûlant de celui qu'il n'appellerait plus jamais client.
Jungkook était doux, et ce n'était pas tant parce qu'il était blessé. Il était doux comme pour effacer toutes les fois où il ne l'avait pas assez été, comme pour rattraper toutes ces fois où il avait été trop ivre ou aveugle pour profiter. Il était doux par désir et envie de mieux, de faire mieux. Pour rattraper la fois où il lui avait fait l'amour sans promesse de l'aimer en retour. Pour toutes les fois où il s'était menti et l'avait blessé, laissant des plaies ouvertes qu'il s'appliquait maintenant à refermer.
Rien ne parvenait plus à les arrêter. Ni ces étoiles qui commençaient à scintiller paisiblement dans le début de la nuit, ni les médecins venus s'enquérir de l'état de leur patient. Jungkook et Jimin n'en avaient que faire du monde qui les entourait, ils avaient tant besoin de se retrouver que rien d'autre ne comptait. Alors les nuages voilèrent les cieux et la porte de la chambre se referma, les laissant finir d'écrire leur histoire sans coucher la moindre ligne.
A quoi ressemble la fin ? Jungkook se l'était demandé, le dos couché dans une flaque de pluie, se rappelant des mots que Jimin lui avait dit lorsqu'il remplissait ce dossier d'adoption sans réelle conviction. Qu'il ne faut jamais perdre espoir. Que ça n'arrive pas qu'aux autres. Que l'amour est plus fort que la mort. Que rien n'est hors de notre portée. Qu'on peut tout espérer sans rien attendre. Qu'on peut s'en sortir.
Maintenant qu'il était couché dans un lit, avec Jimin dans ses bras, il sut ce qu'était la fin. C'est quand l'on touche l'espoir après l'avoir perdu, quand l'on sait que tout ira bien après y avoir longtemps cru. Oui, la fin n'est rien d'autre que le début de quelque chose de nouveau. De quelque chose de beau.
Rien n'effacera jamais leur vécu. Ils en étaient marqués, sur le corps et le cœur, et porteraient à vie les traces de leur passé, mais ça ne faisait plus aussi mal qu'avant.
Leurs blessures étaient devenues cicatrices. Et leurs espoirs, réalité. Aussi réel que l'était l'amour dans lequel ils s'unissaient enfin.
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Hello ! ^^
Eh oui, ça sent la fin :)
Il me tarde de mettre un point final à cette fiction, autant que ça m'attriste. Mais, comme dit dans l'histoire, la fin n'est rien d'autre que le début de quelque chose de nouveau !
Merci d'être là. Je vous love :)))
<3
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