Cela faisait déjà plusieurs jours que je passais la quasi totalité de mes journées entre quatre pauvres murs blancs. Cela commençait à m'énerver. J'avais qu'une seule envie depuis deux jours, c'était de pouvoir marcher.

Je me suis approché du bord de mon lit et je me suis aidé de mes bras. Évidemment je n'étais pas très musclé au niveau de mes bras mais j'avais tout de même réussi à retrouver un certain usage de ceux-là.

Je m'avançai doucement sur le bord de mon lit, pris la télécommande pour faire baisser le niveau de ce dernier puis me jetai comme je l'ai pu dans mon fauteuil roulant.
Je me suis ensuite redressé puis j'ai ajusté ma blouse et mes cheveux qui avaient changé d'apparence durant ces cinq dernières minutes.

Je m'élançai dans ma chambre puis ouvris ma porte pour aller dans le couloir. Heureusement pour moi je ne croisai personne. Je ne pensai pas avoir le droit de me promener comme j'étais en train de le faire...

*

Me revoilà dehors, à côté d'un banc sur lequel je ne pouvais pas m'asseoir. Je levai la tête vers le ciel et fermai mes yeux. Je laissai le soleil me taper sur le visage et je me laissai bercer par les chants des oiseaux.

C'est en fermant les yeux que des flashbacks me revinrent en tête. Je revis entièrement la scène de l'accident.
Helena est là, à rigoler à chaque mot que je chante. Elle a ouvert la fenêtre, laissant ses cheveux voler dans le vent. Elle passe sa main à l'extérieur et dessine des vagues avec sa main droite au rythme de la musique.
Nous étions tous les deux heureux à ce moment là. Mais il y a eu cette lumière aveuglante et...

Monsieur Harper, que faites-vous ici ?

J'ouvrai les yeux et je fus ébloui par le soleil. Mais cette fois-ci cela ne me dérangeait pas.
Une belle blonde se trouvait devant moi avec un grand sourire. Elle portait une blouse et un pantalon blanc. J'en ai donc rapidement déduis que c'était un infirmière.

Je voulais prendre l'air, ai-je répondu.

Moi et Chuck vous cherchions partout ! a-t-elle ajouté.

Je regardai la jeune femme. Elle correspondait parfaitement à l'interne que Chuck m'avait décrite. Peut-être que c'était elle, l'heureuse élue.

Chuck ne mit pas longtemps avant de débarquer. Il arriva en courant puis s'arrêta brusquement lorsqu'il vu la jeune fille.

Oh euh...  Tu l'as retrouvé. Bien joué, lui a-t-il dit timidement.

J'ai donc compris assez rapidement que cette fille lui plaisait. Tous les deux ont échangé quelques mots avant que la fille reparte.

Non mais ça va pas la tête ! Faut pas partir comme ça ! Je t'ai cherché partout, hurla-t-il.

Désolé, je voulais sortir. Je supporte plus d'être enfermé.

T'inquiète pas pour ça, j'ai une bonne nouvelle pour toi, m'annonça-t-il.

Dis-moi.

Et bien tu vas être transmis dans un centre spécialisé de rééducation. C'est à cinq minutes d'ici en fait mais tu vas voir tu vas t'y sentir mieux. Là-bas tu vas pouvoir sortir plus souvent et tu seras régulièrement occupé. Et puis tu trouveras peut-être quelques filles pas mal, il y a beaucoup de jeunes femmes de ton âge qui travaillent là bas. Bon après tu es pas à l'abri d'être assisté par une femme de l'âge de ta mère, finit-t-il par le dire.

À ce moment j'aurais voulu partir sur le champ, en courant mais évidemment ce n'était pas en étant sur deux roues que j'allais dépasser Usain Bolt.

Chuck a prévenu ses supérieurs qu'il m'avait retrouvé et a demandé à pouvoir me balader dans le parc du centre hospitalier. J'ai vu rapidement d'autres personnes qui avaient l'air encore plus mal en point que moi.

Nous nous apprêtions à rentrer lorsque Chuck retrouva la fille blonde, dont j'ignorais toujours le prénom.

Dis... Je me disais, enfin je me demandais... Quand est-ce que... enfin...

Vingt-et-une heure ce soir, a-t-elle répondu avant même que Chuck eut terminé sa phrase.

Après cela elle a tourné les talons puis est repartie dans une autre direction que la nôtre. Chuck et moi avons terminé notre balade puis sommes retournés dans ma fichue chambre d'hôpital, aux murs neutres, sans âme...

Depuis que je m'étais réveillé de mon coma je n'avais pas encore regardé la télé. Mais cette fois-ci j'ai demandé à Chuck de me l'allumer. C'est donc ce qu'il a fait avant de repartir.

Je repasse dans deux heures pour la douche.

Je me redressai du mieux que je le pu dans mon lit afin d'éviter le contre-jour de la fenêtre, qui se trouvait sur la télé.
Je zappai les chaînes une par une sans trouver de programme intéressant. J'ai donc continué encore et encore pendant plusieurs minutes jusqu'à atterrir sur une chaîne de musique.

Je ne me suis pas arrêté sur cette chaîne par hasard. La chanson m'a interpellé alors j'ai posé la télécommande sur mon lit puis j'ai commencé à écouter cette chanson que je connaissais par cœur. Petit à petit des larmes commençaient à couler sur mon visage, et les souvenirs me revinrent encore et encore.
Helena, toujours Helena, quoi que je fasse depuis mon réveil, tout se rejoignait à elle. Mais cette fois-là c'était pas n'importe quoi. C'était notre musique, celle que nous avions tous les deux appris durant notre enfance, celle que nous chantions le soir de l'accident. Notre chanson.

*

Toc toc toc

Je baissai le son de la télévision lorsque Chuck rentra dans ma chambre. Lorsqu'il me vit, il se mit à sourire.

À poil mon pote, a-t-il dit

J'ai ris et je me suis rapproché du bord du lit pour descendre sur mes deux roues. Désormais c'était comme un quotidien pour moi. Je ne souffrais pas physiquement mais mentalement c'était affreux.

Je commençai à connaître l'emplacement de chaque détail qui se trouvait dans ma chambre. C'était pour cela que je savais exactement que l'interrupteur de la salle de bain était celui du bas et pas celui du haut. En effet celui du haut c'était pour la lumière de la chambre. Même Chuck arrivait encore à se tromper de temps en temps.

Lorsque l'eau coula enfin sur mon corps, Chuck et moi avons commencé à discuter.

Tu l'as trouvé comment, m'a-t-il demandé.

Quoi donc ? ai-je demandé à mon tour.

Mia, l'infirmière de toute à l'heure, je t'en parle depuis un sacré moment, je pensais que tu aurais compris ! a-t-il répondu.

Elle est très jolie et, vu comment elle te regarde, tu as toutes tes chances. Et puis ce soir va être un grand soir n'est-ce pas ? ai-je ajouté en lui tapant l'épaule.

Elle me regarde comment ? Oui je compte l'emmener au restaurant ! Et pourquoi pas terminer la soirée chez moi, mais attention, pas la nuit ! Finit-il par dire en rigolant.

Il avait de la chance d'avoir un minimum de savoir faire avec les filles. Même si Helena m'avait appris quelques techniques, je n'étais pas pour autant très doué. En effet, la plus longue relation que j'ai tenu a duré une dizaine de mois. C'était il y a quelques années déjà.

Je n'ai jamais réussi à dépasser ce record, je les fais toutes fuir. Ma dernière petite amie, Jane, m'a quitté quelques semaines avant mon accident. J'étais fou amoureux d'elle mais apparemment ce n'était pas réciproque.

Une fois Helena m'a dit que c'était pas très utile de chercher une fille, qu'un jour ou l'autre l'une d'entre elles finirait par pointer le bout de son nez.

Tu penses à quoi ? me demanda Chuck

Rien de spécial.

Tu comptes me poser la question ou pas ? ajouta-t-il.

Quelle question ? demandai-je à mon tour.

Tu ne veux pas savoir quand est-ce que tu changes d'endroit ?

Si si, dis-moi. C'est vrai que tu ne me l'as pas dit et j'ai pas pensé à te demander, ai-je répliqué.

Tu pars demain mec. On se verra moins mais t'inquiète je viendrai te voir de temps en temps.

Demain. Demain. J'allais enfin découvrir un autre établissement qui j'espérais, serait plus agréable et chaleureux que ce fichu hôpital. Même si j'étais destiné à rester dans ce genre d'endroit pendant un petit moment, l'idée de pouvoir « déménager » me rendait enthousiaste.

*

Toc toc toc

Je commençai à somnoler lorsque quelqu'un frappa à la porte. Je savais déjà que c'était Chuck.

En effet je ne m'étais pas trompé. Il est entré dans ma chambre et pour la première fois je voyais Chuck habillé de façon normale, les cheveux coiffés, et un parfum puissant.

J'ai besoin de ton avis, c'est pas trop ?

Chuck, regarde-toi. C'est parfait, fonce tu vas être en retard !

Merci mec, on se voit demain !

Bonne soirée Chuck, tu me raconteras j'espère.

Évidemment, je te dis tout moi. Contrairement à toi.

De quoi tu parles ?

Tu me diras demain. Bonne soirée à vous aussi.

Vous ?