1•
Elle ne s'arrêtait plus de rire. Étais-je un si mauvais chanteur que ça ?
Tu ferais mieux d'arrêter de chanter je vais me pisser dessus si tu continues, cria-t-elle plus fort que la musique.
C'est vrai que je devais m'arrêter... Mais j'aimais chanter quand j'étais dans ma voiture, c'était plus fort que moi.
J'ai donc décidé de m'arrêter là mais Helena me supplia de continuer.
Encore une dernière s'il te plaît, juste pour rire, me demanda-t-elle en rigolant.
Elle était plus ou moins ivre après la soirée que nous venions de passer. Ça faisait longtemps que je n'avais pas passé de bon temps avec ma petite sœur.
Depuis qu'elle était partie étudier à l'autre bout du pays je ne la voyais que très rarement. Elle et moi avions toujours été très proches et le fait que nous ayons été séparés par la distance me rendait triste, mais il fallait faire avec.
Nous nous sommes arrêtés sur le bord de la route pour que mademoiselle puisse se soulager. Même si nous étions sur une vieille route de campagne, en pleine nuit et au milieu de rien, elle parvînt à faire ce qu'elle voulait.
C'est bon on peut rentrer à la maison frérot, a-t-elle dit en rigolant.
Je redémarrai la voiture et pris la direction de la maison familiale. Vu l'heure qu'il était, mes parents dormaient déjà depuis un sacré moment, heureusement d'ailleurs. Qu'est-ce qu'ils diraient s'ils voyaient leur fille dans cet état là...
Lorsque je traversai un petit village plutôt mal éclairé, la pluie s'abattit sur nous. Je détestais conduire quand il pleuvait, j'avais toujours peur...
Tu as tellement mal chanté qu'il pleut, bravo, a dit ma sœur en se moquant de moi.
En sortant du petit village, je me rendis rapidement compte qu'il n'y avait plus aucune lumière qui éclairait la route à part mes propres phares.
Je décidai de ralentir, me disant qu'il était dangereux de rouler à la vitesse indiquée sur les panneaux de signalisation.
On arrive bientôt ? me demanda Helena.
D'ici une quinzaine de minutes je pense, ai-je répondu.
Depuis que nous étions partis de notre soirée, nous n'avions croisé aucune voiture. C'était plutôt étrange pour un samedi soir... Mais bon ce n'était pas plus mal, j'aimais bien avoir la chaussée pour moi tout seul.
Je n'aurais pas dû dire ça, j'aperçu au loin une voiture qui arrivait. Elle roulait plutôt vite je trouvai, et elle n'avait pas enclenché ses feux de croisement. J'étais donc ébloui et je fît des appels de phares au conducteur.
Il n'avait pas l'air d'y prêter attention. Je plissai un petit peu mes yeux mais j'étais de plus en plus ébloui par les phares de cette voiture. Je ne voyais plus rien du tout.
Attention ! Hurla Helena.
*
Lorsque que j'ouvris mes yeux, c'était le trou noir complet dans ma tête. Je regardai autour de moi et je ne reconnaissais rien.
Quatre pauvres murs blancs, des câbles un peu partout ainsi que des machines, un placard et une chaise. Juste ça.
Je baissai la tête vers mon corps qui était emmitouflé dans une couverture. Je ne pouvais pas bouger, ni même respirer sans cet immense tube qui traversait ma gorge.
Que se passait-t-il, pourquoi étais-je à l'hôpital ? Une infirmière accompagnée d'un médecin déboulèrent dans ma chambre avec un immense sourire.
Ça fait plaisir de vous voir éveillé après tout ce temps Monsieur Harper ! s'exclama le médecin.
L'infirmière retira doucement le tuyau de ma gorge. Lorsqu'elle termina j'essayai de parler mais c'était impossible, je n'y arrivais pas. J'essayai donc d'émettre des bruits avec mes cordes vocales.
Oui je sais c'est difficile. Vous allez mettre un peu de temps avant d'être sur pattes. Vous venez de vous réveiller après avoir passé plus de deux ans dans un coma profond Monsieur, a dit le médecin.
Tout s'effondra. Comment ça plus de deux ans ? Ça voulait dire que pendant deux ans je n'avais pas ouvert les yeux, je n'avais pas pu respirer sans ce tube, je n'ai pas pu vivre sans ces fichues machines ?
J'aurais voulu poser un tas de questions au médecin mais j'en étais incapable. Je pouvais à peine bouger mes mains et encore moins mes jambes. Pourquoi étais-je ici ?
Il va falloir prendre le temps. C'est un miracle que vous soyez parmi nous. Peu de personnes y croyaient. Je vais prévenir votre famille, ajouta le médecin en me souriant.
*
La grincement de la porte me réveilla. J'ouvrai les yeux et reconnu ma mère et mon père. Ils n'avaient pas changé.
Oh mon dieu... Je n'arrive pas à y croire... Je peux te serrer dans mes bras ? me demanda ma mère.
J'hochai la tête de haut en bas avant de pleurer. Ma mère se précipita vers moi et fondit en larmes.
Tu m'as manqué mon fils... Ça fait si longtemps, c'était dur... Et ça l'est encore..., ajouta-t-elle
Je ne pouvais pas répondre à son câlin, mes bras étaient beaucoup trop engourdis.
Comment tu te sens ? demanda mon père, qui n'avait toujours pas fait de bruit.
Il était là, il me regardait avec peine, et moi j'étais là, à vouloir lui répondre mais sans pouvoir le faire.
Si j'avais pu le faire, je lui aurait dit que je ne savais pas comment je me sentais. Se réveiller après deux ans de coma c'était tout simplement, étrange. Je ne pourrai jamais décrire cette sensation que j'avais. Je me sentais vide, je ne comprenais plus, je ne pouvais pas bouger, j'avais l'impression d'être mort.
Tu as le droit de me répondre fiston..., ajouta-t-il déçu.
Cette fois-ci je hochai la tête de gauche à droite. Mon père me regarda donc étrangement puis fronça les sourcils. J'aurais aimé tout leur dire, leur poser un milliard de questions mais... ce n'était pas ce jour là que ça allait arriver.
Le même médecin qui était là à mon réveil rentra dans ma chambre avec un infirmier à ses côtés. Ces deux-là saluèrent mes parents.
Le médecin prit ensuite la parole.
Il expliqua à mes parents que j'avais eu beaucoup de chance de m'être réveillé, j'aurais pu devenir un légume... Il leur expliqua aussi que j'allais devoir faire beaucoup de rééducation. En effet mes muscles étaient quasi inexistants.
Comme un bébé, j'allais devoir tout apprendre, ou plutôt réapprendre. Je ne savais plus marcher, courir, sauter, manger, boire... Toutes les bases de la vie, je ne pouvais plus les faire de façon autonome.
Le médecin précisa ensuite que je pouvais réussir à parler si je me forçais. Cela me paraissait impossible...
À aucun moment ils évoquèrent le pourquoi du comment. Je ne savais donc toujours pas quel événement m'avait poussé à être ici. C'était pourtant la première chose à me dire non ?
Monsieur Harper, il va falloir vous reposer un petit peu. Nous évaluerons votre état de santé prochainement, finit par dire le médecin.
Mais dites-moi pourquoi je suis là ! Je cria tellement fort à l'intérieur de moi que j'eus l'impression que le son était sorti... Tout le monde quitta cette maudite pièce sans charme afin de me laisser me reposer, tout seul.
Me laisser me reposer ? Cela faisait deux ans que je dormais ! J'aurais plutôt préféré sortir d'ici, était-ce possible ?
N'ayant pas envie de dormir je regardai ce qu'il se passait de l'autre côté de ma fenêtre. En réalité, rien de spécial. Le ciel était bleu, le soleil était puissant, les feuilles des arbres étaient vertes... Peut-être était-ce l'été ?
Je ne savais pas quel jour il était, en quelle année nous étions, je ne savais même pas quelle heure il était.
Je détournai la tête de la fenêtre et fixa cette chose noire et rectangulaire qui se trouvait en face de moi. C'était une télé, rien de plus banal. J'aurais aimé pourvoir l'allumer et la regarder mais à la place je fixa un écran noir.
Je n'avais pas envie de dormir, j'avais envie de parler, mais à qui ?
J'ouvrai la bouche et essayai d'émettre des sons. Même un bébé parlait plus que moi...
Par moment des sons sortaient mais j'ignorais si c'était réellement le cas.
Aaaaaaa, ai-je dit.
Cette fois-ci je ne rêvais pas. J'avais réussi à prononcer en continu la première lettre de l'alphabet.
Harrrrrrrrpppppeeeer, poursuivais-je.
Cette fois-ci j'avais réussi à prononcer mon nom. Ce n'était pas si simple mais j'avais réussi.
Maaaaman, ai-je essayé de prononcer.
Je pensai donc que je pouvais m'en sortir, du moins pour la parole. Je continuai et essayai de prononcer un tas de mot. Je m'exerçai encore et encore.
*
Lorsque la nuit tomba, j'eus déduit que j'avais passé toute ma journée à parler tout seul. Désormais j'arrivais à enchaîner plusieurs mots mais ce n'était pas encore ça...
Je sursautai lorsque la porte de ma chambre s'ouvra.
Je vous apporte à manger, enfin... en quelque sorte, m'annonça l'infirmier.
Merci, ai-je répondu
Il s'arrêta brusquement dans ses mouvements et me fixa, avant de reprendre la parole.
Vous pouvez parler Monsieur Harper ? me demanda-t-il.
Un peu..., ai-je ajouté.
C'est un bon début alors ! Vous voulez quelque chose en particulier ? me demanda-t-il.
Pourquoi ici ? ai-je demandé à mon tour.
Pardon ? a-t-il répondu.
Moi, ai-je ajouté.
Il finit par comprendre ce que je lui demandais. Pourquoi étais-je ici hein ? Tu pouvais bien me le dire non ?
Je ne sais pas si je peux vous le dire, je vais demander au médecin, a-t-il enchaîné.
*
Plus d'une heure plus tard, le médecin rentra dans ma chambre. Pour une fois il était seul. Il vînt se positionner au bout de mon lit. j'allais enfin savoir pourquoi j'étais ici.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro