Interlude V
Hello les amis ^_^
Voilà la suite!! Un Interlude comme je vous l'avais dit... Mais de quel point de vue ? ;) (je sais que vous avez déjà deviné T-T)
Bonne lecture !! ❤
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"Arrête, je t'en prie !" Hurla la voix de ma mère.
Je poussai sur mes mains tout contre le carrelage de la cuisine, les yeux écarquillés, fixant les siens, noirs de colère, d'alcool, de folie.
"Une pédale ? T'es une pédale ? Seigneur tout puissant." Cracha-t-il.
Un coup de plus, qui termina dans mon avant-bras lorsque je tentai de protéger mon visage.
"Arrête !! Cria encore ma mère.
-Ta gueule !" La poussa-t-il.
J'entendis le bruit de son dos entrer violemment en contact avec le mur. Il y eut un lourd silence après ça.
Jamais il n'avait frappé ma mère. Jamais. Moi, ce n'était pas la première fois. Mais ma mère... Non, il n'avait jamais touché un seul de ses cheveux. Il avait cette drôle de mentalité ; celle de prôner la protection des femmes, mais de cogner à tout va des types dans des bars, et maintenant moi, parce que j'avais voulu lui dire que j'étais gay. Le pire c'est que je savais comment ça allait finir. Il me cognait pour un oui ou pour un non.
Mais je voulais juste que ma maman le sache.
Maintenant qu'elle le savait et qu'elle m'acceptait, j'étais heureux.
"Merci m-maman." Soufflai-je, la voix cassée, les larmes de mon visage se mélangeant à mon sang.
Elle me fixa, horrifiée, les mains devant ses belles lèvres, et ses mèches brunes se collaient à ses joues, à cause des gouttelettes terrifiées qui débordaient de son joli regard.
Je l'aimais tellement, elle était si jolie...
"J-Jimin..." Pleura-t-elle.
Je lui fis un sourire rassurant, pour qu'elle comprenne que ça allait, que ce n'était pas la première fois, que je commençais à encaisser.
"C'est à moi qu'tu parles, c'est clair ?!" Beugla mon géniteur, en m'attrapant par le col.
Ce soir-là fut l'un des pires. J'étais allé me coucher avec un oeil gonflé, jamais je n'avais eu d'oeil gonflé. Alors j'avais mis de la crème qui appartenait à ma mère, elle sentait vraiment bon. Et puis j'avais lavé mon visage. Parce que le sang, ça colle. Et ça n'a pas une très bonne odeur.
Je ne me suis jamais demandé pourquoi elle n'appelait pas la police.
Elle ne voulait pas qu'on crève, je crois ?
Si on appelait la police, on allait mourir. C'était sûr. Alors je comprenais, je ne disais rien, et j'encaissais. Encore et encore.
Depuis quelques semaines, je m'étais mis à comprendre comment bien encaisser les coups. Je savais là où ça faisait le plus mal, alors quand mon père lançait ses poings contre moi, je me tordais de sorte à ce que ça atteigne les endroits qui me faisaient moins mal. C'était devenu un réflexe, une habitude.
J'attrapai la petite croix sous mon oreiller, et y déposai mes lèvres, avant de la poser sur mon coeur, et de clore les paupières.
"Seigneur, protège ma mère, je t'en supplie."
La seule chose utile que mon père m'avait appris à part la violence, c'était la religion. Je ne me remettais pas entièrement entre les mains de Dieu. Mais ça me donnait de l'espoir, et j'aimais parler au Seigneur pour lui demander de veiller sur ma maman.
Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre, après tout ?
**
"Eh, toi."
Je me tournai vivement, proche de la grille de sortie du lycée.
Un type me faisait face, les mains dans les poches, la capuche sur la tête, comme moi, car avec les hématomes sur mon visage, il fallait que je me cache.
"Moi... ?
-Suis-moi."
Il tourna les talons, et marcha jusqu'au fond du hall extérieur, derrière un petit muret. Je regardai autour de moi et me rendis compte que je bloquai le passage.
Alors, sans trop savoir pourquoi, je le suivis.
Lorsque je contournai le mur, il était là, adossé dos aux briques.
Il retira sa capuche, et j'eus le souffle coupé.
Il devait avoir trois fois, au moins, les hématomes que j'avais aujourd'hui. Ses cheveux noirs recouvraient ses yeux éteints. Il était beau, et impressionnant.
Et puis, sans que je ne m'y attende, il me mit un violent coup dans la joue. Je tombai lourdemment au sol, gémissant de douleur. Mon sac était tombé un peu plus loin, et mes mains avaient rapé le béton.
Je voulus me tourner vers lui pour lui demander ce qu'il me voulait, mais une main entra dans mon champ de vision.
"Lève-toi." Fit-il.
Je le fixai sans comprendre. Il ne retira pas sa main, jusqu'à ce que je ne la saisisse, méfiant, et que je me remette debout.
"Je le savais. Tu as les mêmes réflexes que moi."
Toujours aussi muet, je feignis l'incompréhension, mais il leva les yeux au ciel.
"Tu as incliné ton visage vers le haut en fonction de la direction de mon poing pour que ce soit moins douloureux, pour que mes doigts entrent moins dans ta peau."
Puis il prit de l'élan, levant à nouveau son bras derrière lui, le poing serré.
"Croise tes avant-bras devant ton visage."
Il l'avait dit rapidement, et la seconde suivante, son poing se lança vers moi. J'eus à peine le temps de lui obéir que son poing s'échoua contre mes avant-bras, et je ne ressentis presque aucune douleur. Choqué, je les baissai pour l'observer.
"Voilà. Tu peux faire pareil un peu plus bas, en croisant devant ta gorge, et tes mains vont cacher tes clavicules. Tu anticipes assez le coup pour savoir où tu dois placer tes bras, n'est-ce pas ?"
Je me mordis les lèvres, et hochai légèrement la tête.
Il resta immobile une seconde, jusqu'à me lancer de nouveau son poing, et j'arrivai à le contrer, mais il termina dans ma mâchoire. Je serrai les dents de douleur.
"Focalise-toi sur la direction de mon poing. Et arrête d'être surpris. Tu connais la violence." Grogna-t-il, agacé.
Il ne me laissa pas le temps d'encaisser ses paroles, et il attaqua à nouveau, cette fois vers mon abdomen. Rapidement, je croisai les bras vers le bas et ses doigts frappèrent parfaitement l'intersection de mes avant-bras. Ses yeux croisèrent les miens, et je vis l'ombre d'un sourire, avant qu'il ne recommence encore et encore.
Je ne connaissais pas ce type. Je n'eus même pas le droit à un prénom, ni à une seule information de sa part.
Durant deux heures, il m'apprit des choses. Beaucoup de choses. J'allais rentrer à dix-huit heures mais je m'en fichais. J'étais simplement pendu à ses lèvres au sang séché, happé par ses yeux noirs et la cicatrice sur son sourcil, par son parfum qui entrait dans mes narines lorsqu'il me frôlait après une attaque.
A la fin de cette inattendue séance, j'avais atteri contre le mur, dos aux briques, le souffle hâché, j'étais épuisé.
Lui avait son poing contre ces mêmes briques, juste à côté de mon visage.
Nous étions proches, et plus les secondes s'écoulaient, plus il s'approchait de moi. Je croyais rêver au début, jusqu'à ce que ses lèvres ne s'échouent sur les miennes.
Ce fut, ce jour-là, le tout premier baiser de ma vie, du haut de mes quinze ans.
Il ne me toucha pas. Seules ses lèvres s'activèrent avec calme mais étrange expérience, contre les miennes. Je soupirai dans l'échange.
J'aimais bien. C'était bon, c'était doux et chaud. J'aimais beaucoup. Bien plus que je ne l'aurais pensé. Et j'aimais le fait que c'était un homme. Qu'il dirigeait le baiser. J'aimais tout ce qui était en train de se passer.
Lorsqu'il recula, ses pupilles se figèrent dans les miennes. Nos souffles se mélangèrent quelques délicieux instants, sans plus de contact cette fois.
Puis, lorsque la sonnerie de dix-huit heures retentit, il fit un pas en arrière, tourna les talons, et disparut.
Je ne l'ai jamais revu au lycée. Jamais.
Il s'était imposé à moi, juste pour un soir, juste pour deux heures.
Il m'avait appris à me défendre, à encaisser, à attaquer, et à embrasser.
Ni plus, ni moins que cela.
Ce fut l'un des souvenirs les plus beaux de mon existence. Et pour rien au monde je n'oublierais ce garçon.
**
Mon dos s'échoua durement contre la porte du salon.
Un coup. Deux coups. Trois coups.
Et puis un quatrième, qui n'aboutit pas. Ma lèvre saignait déjà, mais j'en avais assez.
Alors je me remémorai ce qui s'était passé, dans ce hall, il y a quelques jours. J'avais commencé à croire que c'était un rêve, jusqu'à ce que je ne m'en rende compte, ce soir, que tout avait été réel. Que les techniques qu'il m'avait enseignées n'étaient pas vaines.
Quelle fut ma joie, ma satisfaction, lorsque mon père fut désemparé en comprenant que son poing s'était échoué contre mes bras, et non pas dans ma mâchoire.
Je n'avais pas souri. Je n'étais pas du genre à me vanter.
Alors j'avais simplement continué à le contrer, à l'attaquer à mon tour, pour la première fois ce soir.
Ce fut la toute dernière fois qu'il me frappa.
Ce lâche avait été effrayé par ma soudaine aisance au combat. Car tout ce qu'il savait faire, c'était balancer ses poings dans tous les sens. Moi, en seulement deux heures de cours, j'avais appris de la technique, j'avais appris à calculer la direction, à encaisser plus facilement, et à mon tour, j'ai lancé mes poings sur lui. Avec calme, avec une certaine force. Je l'ai touché deux fois ; à la joue, et à l'arcade. J'avais évité ses yeux, je ne voulais pas le blesser trop fort, juste lui faire comprendre que tout ceci était terminé.
Une semaine plus tard, il a fait ses valises, et s'est tiré de chez nous.
Ma mère avait d'abord été heureuse, jusqu'à ce que je ne grandisse encore, jusqu'à mes seize ans. Ce fut le début de tout.
Les chiens ne font pas des chats, n'est-ce pas ?
Malgré moi, malgré ma conscience, j'ai commencé à avoir des pulsions de violence.
Je me battais au lycée, parfois. Dans les transports en commun, aussi. J'avais même été viré d'une salle de sport à laquelle je m'étais abonné en me foutant sur la gueule avec un homme de deux fois mon âge.
Ma mère était désespérée, et je m'en voulais tellement, je m'en voulais si fort que son Enfer ne se termine jamais, que j'ai commencé à ne plus rentrer à la maison.
Je dormais chez des amis, chez mon premier copain parfois, et j'avais même déjà dormi sur un banc. J'aimais bien observer les étoiles la nuit.
J'avais interrogé le Seigneur, plusieurs fois.
Pourquoi est-ce que tu m'as mis un type comme ça, sur le chemin ?
N'était-ce pas mieux que je me fasse cogner par mon père jusqu'à mon dernier souffle, plutôt que de m'envoyer un mec qui m'a appris à faire du mal à mon tour ?
Mais rien n'était de la faute de Dieu. Il donnait aux humains des opportunités, et nous, on devait les prendre, et s'en servir à bon escient. Chose que je n'avais pas faite.
Je me haïssais, mais me battre était comme une drogue.
Cette nuit, je marchai dehors, sous les étoiles, dans un parc désolé.
Je serrai ma petite croix entre les doigts, mes mains dans les poches, et mes yeux ne quittaient pas le ciel noir.
"Seigneur, protège-moi, je t'en supplie. Je dérive."
Il avait sauvé ma mère en m'aidant à dégager mon père.
J'espérais qu'il m'aide à mon tour.
Mais pour cela, il fallait qu'il mette une autre personne sur mon chemin.
C'était trop demandé, je le savais, mais la violence coulait sournoisement dans mes veines, et elle se cachait profondément sous ma peau quand j'essayais de l'extraire.
Seigneur, je t'en prie, une dernière fois.
**
L'homme que je venais de cogner tomba lourdemment au sol, emportant avec lui une table et deux verres d'alcool presque vides et abandonnés.
"Petit fils de pute..." Grogna-t-il, alors qu'il tentait de se relever.
Je l'attendais de pied ferme, en position de combat. J'avais même envie de sourire comme un débile, juste parce que cette situation me plaisait, comme à chaque fois.
"J't'attends." Lui répondis-je.
Je haussai un sourcil en le voyant prendre autant de temps à se relever. Il devait avoir dans la trentaine, et malgré cela, je le battais à plate couture.
Quand il me refit face, je n'attendis pas, et lui lançai mon poing dans la figure.
Mais il n'atteignit jamais sa cible.
Il s'enfonça dans une paume de main puissante, qui appartenait à un type juste derrière moi.
"C'est quoi ce bord-"
Lorsque je me tournai, je tombai nez à nez avec un mec de mon âge. Il avait une expression fermée, froide, et m'observait avec attention.
L'autre type que je cognai se fit sortir du bar par un autre homme, aux cheveux blancs. Je le regardai faire, surpris qu'on ne me dégage pas à mon tour.
Je voulus retirer ma main de sa paume, mais il serra les doigts autour de mon poing. Immédiatement, je grimaçai, alors que je commençais à distinguer ses cheveux châtains et ses yeux noirs sous sa capuche grise. Son autre main était plongée dans un cargo bleu marine.
"T'es qui toi ? Lâche-moi." Tentai-je.
Je sentais dans ma propre voix que j'étais peu assuré, étrangement, et je n'aimais pas ça du tout.
"Tu te bats très bien. Je crois même que tu pourrais rivaliser avec moi." Articula-t-il, d'une voix grave, profonde et autoritaire.
Je tentai de cacher ma surprise. Je ne voulais pas lui montrer une quelconque faiblesse. Je ne savais pas si ce type voulait être mon prochain adversaire, mais si c'était le cas, il serait probablement le plus redoutable de tous ceux que j'ai pu rencontrer. Je le sentais, sans trop savoir pourquoi.
"Mais merde de quoi tu parl-
-Je peux te proposer un travail, et te laisser du temps pour y réfléchir." Me coupa-t-il, la voix posée.
Il lâcha lentement mon poing, et je m'empressai de le caresser de mon autre main, discrètement. Je relevai ensuite des yeux méfiants vers lui. Il s'était approché.
Est-ce qu'il essayait de m'impressionner ?
"Garde du corps, ça t'intéresse ? Mais c'est bien plus dangereux que ce que tu fais. Tu pourras te battre assez souvent, mais ce sera contre des gens qui n'en auront que faire de ta vie. Maintenant que c'est clair, donne-moi une réponse dans trois jours."
Je n'eus même pas le temps de répliquer ; il s'en alla, et se fondit dans la foule, avant de disparaître.
**
Dans un réseau du monde de l'ombre, il y avait trois règles. Bien qu'elles ne soient pas réellement officielles, j'avais la grande certitude qu'elles devraient l'être.
La première était qu'il fallait obéir à son supérieur. Peu importe lequel ; ne pas obéir voulait dire trahir, et mourir.
La seconde, c'était de ne faire confiance en personne, à part son supérieur.
La troisième et dernière, c'était de ne pas se disputer ou se battre avec un collègue.
Bon, pour être honnêtre, j'avais envie d'envoyer la dernière au diable.
Pour quelle raison ?
Ce fils de pute de Min Yoongi.
"Bonjour patron." Grognai-je, la voix basse, les yeux vers le sol lorsqu'il passa devant moi.
Il ne m'accorda qu'un rapide regard, avant de continuer vers la porte grise. Je baissai la tête devant Jin, qui le suivait de près, et me remis ensuite à ma tâche principale :
Mal regarder Yoongi.
Il fallait remettre les choses dans son contexte.
Tout d'abord, j'avais bien entendu accepté la proposition de Taehyung. Ce dernier était devenu mon supérieur, et même si jamais je ne l'avouerais à voix haute, il m'impressionnait de jour en jour.
Cela faisait maintenant quelques mois que j'apprenais comment être un garde du corps d'élite. C'était difficile, car il n'y avait personne aussi fort que moi ici, sauf le patron. Ce dernier était donc devenu un supérieur, mais aussi un professeur.
Il m'entraînait plusieurs fois par semaine, et il me surpassait aisément en combat. Pour que je sois formé, il m'avait donné pour défi de le battre par épuisement. Il me disait que la principale chose que je devais avoir en tant que garde du corps était l'endurance. Je devais tenir jusqu'au bout.
Jusque là, je n'avais jamais réussi à l'épuiser. J'arrivais à le toucher, à l'esquiver, mais jamais à l'épuiser.
Ceci étant, j'étais très heureux de venir tous les jours à la boîte pour contrôler, assurer la sécurité de mon supérieur, et apprendre à me battre. J'étais payé une blinde pour tout ça.
Alors, petit-à-petit, mon admiration envers Taehyung se transformait en reconnaissance.
Mais une petite chose me gâchait tout le putain de plaisir.
Mon collègue, qui était actuellement à l'autre bout de la boîte, en train de me fixer autant que je le faisais.
De visage, il me rappelait énormément quelqu'un. Oui, ce type du lycée, qui m'avait appris à me battre. A qui j'avais offert mon premier baiser. Yoongi avait la même attitude, la même préstance, le même charisme, et presque le même physique. Le seul bémol était que j'avais l'impression d'être détesté de tout mon être par ce type.
Il reniflait dédaigneusement quand il passait à mes côtés, il me toisait toujours de son regard noir, jusqu'à ce que, parfois, je ne le vois me reluquer de haut en bas, avec cet air hautain que je haïssais à présent.
Tout ceci durait depuis des semaines, et bientôt, j'allais craquer et lui enfoncer mon poing dans la tronche. Je voulais me contenir car me faire virer était ma hantise, mais ce Min Yoongi me rendait dingue. Je détestais purement et simplement ce garçon.
Quelques jours plus tard, j'ai malheureusement craqué.
C'était un soir, après la fermeture de la boîte. J'étais allé déposer les clés du petit grillage, devant les portes, qu'on ouvrait et fermait à l'aide d'un boîtier directement dans la grande salle, près de l'entrée. J'avais toujours pour ordre d'ensuite donner les clés à Namjoon. Cependant, ce soir-là, il n'était pas dans les parages, alors, désireux de rentrer chez moi, je décidai bien vite de me rendre dans son bureau.
"Entrez !" Entendis-je de l'intérieur.
Je me raidis en ayant reconnu la voix de mon supérieur. Je pensais que ce dernier était dans son bureau depuis quelques heures, mais apparemment il était à présent dans celui de Namjoon.
"Bonsoir, pardon de vous déranger, je rends juste les clés." M'expliquai-je.
Taehyung se contenta de hocher la tête, ses yeux dans les miens. Il était debout, le poing fermé devant la bouche, en train de mâcher. Son autre main tenait un sandwich. Il semblait en pleine discussion avec Namjoon.
Alors que j'approchai du bureau, une silhouette, sur ma droite, entra dans mon champ de vision.
Je l'ignorai royalement, déjà irrité à l'idée qu'il me regarde durant tout mon chemin de la porte vers le bureau en bois. Je déposai les clés, me courbai devant Taehyung qui m'ignora, concentré dans sa dicussion, et fis chemin inverse.
Je sortis, toujours agacé, mais avant que je ne puisse fermer la porte, quelqu'un la retint.
Yoongi se faufila dans le peu d'espace qui restait, une main sur la porte, et la ferma de lui-même. On se contenta d'observer l'autre durant quelques secondes, assez proches, avant que je ne tourne à nouveau les talons.
"Bonsoir." Fit-il, avec ironie.
Je m'arrêtai net.
Osait-il m'attaquer de front ?
Lentement, avec stupeur, mon visage se tourna vers lui. J'étais si étonné que je ne trouvais rien à dire. Je n'aurais jamais pensé qu'il oserait ainsi me provoquer, oralement. Naïvement, j'avais dû penser qu'on continuerait de se regarder avec ferocité et noirceur, sans aller plus loin.
Mais maintenant que j'y pensais, c'était évident ; nous étions collègues et nous nous croisions bien souvent. L'altercation était inévitable.
"Eh bien, tu n'as pas de langue ?
-Me cherche pas." Répondis-je, ressentant ce sentiment familier de colère qui courrait dans mes veines.
Je pouvais déjà presque sentir mes poils se hérisser.
"Je ne te cherche pas. Répliqua-t-il, calmement.
-Alors pourquoi tu m'parles ? Fous-moi la paix." L'attaquai-je.
Il ne semblait pas réellement surpris par mon ton de voix froid, ni par mes paroles. Pourtant, il restait là, adossé au mur, à me fixer avec un drôle d'éclat dans les yeux.
Qu'était-ce ?
De la curiosité ?
"Tu agresses toutes les personnes dans la rue ? Ou c'est juste les types bourrés qui n'ont aucune chance contre toi ?"
Je retins de justesse ma mâchoire de se décrocher. Seul mon visage était tourné vers le sien mais, bientôt, ce fut tout mon corps qui lui fit face.
"Répète ça pour voir ?
-J'ai demandé si tu n'attaquais que les types bourrés qui n'ont aucune chance contre toi, ou si c'était tout le monde."
Il me prenait pour un con, en plus. J'avais la soudaine envie de l'enfoncer si fort dans le mur qu'il en ferait un trou.
"Joue pas les malins.
-Quoi ? Tu vas me frapper ? Je ne suis pourtant pas alcoolisé." Continua-t-il.
J'étais si choqué que, malgré la colère qui m'envahissait, sournoise, je n'arrivais pas à bouger. Comme si sa voix, son regard et ses paroles me clouaient sur place.
"Ferme-là ou je te jure que je te-
-Deux solutions possibles." Fit-il.
Une fois juste en face de moi, il eut l'air d'être tout aussi calme. Pour ma part, la colère se faisait lentement remplacer par l'incompréhension. D'habitude, c'était l'inverse. Mais, dans le cas de ce type, mes réactions étaient sans cesse mélangées, mes sentiments étaient toujours désordonnés.
"Soit t'es bête, soit tu souffres."
J'étais figé sur place. Son visage n'était qu'à quelques centimètres du mien et, brusquement, ses lèvres, ses yeux, son nez, sa peau, ses cheveux, tout, tout me rappelait lui.
Il lui ressemblait terriblement.
Seigneur, qu'êtes-vous en train de manigancer ?
"Je te connais." Soufflai-je.
Il pencha la tête sur le côté.
"Moi pas." Répondit-il, et je ne sentis aucun jugement, aucune moquerie dans sa voix.
Je restai bloqué, médusé, pendant de longues secondes. La colère m'avait définitivement quitté, comme si ce mec l'avait attrapée et enfermée avant qu'elle ne me submerge, à la simple force de sa voix, de son regard. Comme si je venais de vivre une séance d'hypnose.
Yoongi était vraiment bizarre.
Mais je n'avais soudain plus aucune envie de le foutre au fin fond du plus proche mur.
C'est quand la porte du bureau de Namjoon se rouvrit que je me repris, en un sursaut. Je tentai de lancer rapidement mon regard le plus noir vers lui, sans succès, et je le savais bien.
Yoongi ne tarda pas à me dépasser, après un dernier coup d'oeil.
Dans sa manoeuvre, son bras frôla le mien, et je me raidis bien vite, sans comprendre quelle réaction étrange me prit sur le moment.
"Reste calme Jimin." Murmura-t-il.
Et il disparut derrière la porte grise.
**
Rien n'avait changé les semaines suivantes.
Pas de paroles. Pas de courtoisie.
Seulement...
La raison de nos regards.
De la curiosité ? Oui, ça devait être ça. La curiosité avait remplacé la colère, la noirceur et l'hostilité.
Mais il ne me parlait plus, et ça me rendait fou. Je pensais qu'à présent, on allait entrer en contact plus souvent, mais rien à faire ; mon collègue se contentait toujours de me passer devant, ou de m'effleurer, sans jamais m'adresser la parole à nouveau.
Alors j'avais commencé à me demander pourquoi.
Pourquoi ce "bonsoir" d'il y a quelques semaines ? Pourquoi voulait-il me comprendre, selon ce qu'il a sous-entendu ? Pourquoi avait-il toujours un oeil posé sur moi ?
Après avoir reçu des remarques dures de Taehyung ce soir -car mon niveau en combat baissait- j'avais décidé de mettre fin à toute cette mascarade ; j'en devenais obsédé, et le patron l'avait remarqué.
"Vas-tu te reprendre ? J'ai la sensation d'entraîner un ado.", voilà quels avaient été ses mots cinglants.
A ce moment précis, j'avais eu une sorte de déclic, quelque chose qui m'avait fait réaliser mon comportement plus ou moins obsessionnel envers Yoongi, dans le sens où je ne passais plus une journée sans penser à lui, sans me questionner sur la raison de tout ceci.
Alors, un soir, j'avais attendu dans le couloir, derrière la porte grise, car je savais que mon collègue était dans le bureau de Namjoon. Taehyung n'était pas là, Jin non plus, et Nam' semblait vraiment occupé avec la paperasse ces derniers temps. C'était l'occasion rêvée pour moi d'attraper Yoongi, et de lui demander c'était quoi son problème avec moi.
Je n'attendis que quelques minutes seulement et, lorsque ce dernier sortit, il tomba immédiatement devant mes yeux sérieux. Un sourcil haussé, il referma lentement la porte, avant de croiser les bras, silencieux, visiblement dans l'attente que j'engage la conversation.
J'entrouvris les lèvres, cherchant mes mots.
Mais rien ne vint.
Je fronçai les sourcils en tentant d'organiser ce que j'avais à dire, et puis, soudainement, ce fut comme si tout s'en alla. Comme si je n'avais rien à lui reprocher, et je me sentis ridicule, là, les bras le long du corps, le dos droit et la respiration coupée, comme quelqu'un s'apprêtant à dire quelque chose, sauf que rien ne sortait.
Mon collègue avait ce regard-là, celui qui me demandait implicitement ce que je lui voulais.
"Tu-" Voulus-je commencer.
Je clos les paupières, puis repris une petite inspiration.
"C'est quoi ton problème ?"
Je m'en voulus de l'avoir posée comme ça, mais la question, jusqu'ici compliquée dans mon esprit, avait décidé de sortir de ma bouche de cette manière. Je n'eus d'autre choix que de m'en contenter.
Mon interlocuteur pencha le visage sur le côté.
"J'ai un problème avec toi ?"
Je soupirai, serrant les poings.
"Ne fais pas l'innocent. Grognai-je.
-C'est drôle, je pensais que c'était toi qui avais un soucis avec le simple fait que je respire à tes côtés." Expliqua-t-il calmement.
Mon regard surpris retomba dans le sien.
"N'inverse pas les rôles, je vais vraiment te-
-Me quoi, Jimin ? Me frapper ?"
Je me tus face à sa réplique provocatrice. Mes nerfs s'activaient, la colère m'envahissait. Mes ongles entraient dans la chair de mes paumes de main, sans me faire saigner. Je tentai juste de me faire redescendre en pression, mais son attitude m'en empêchait.
"Tu te fais des idées. En fait je crois bien que tu te cherches une foutue cible. T'es un gamin paumé, tu souffres, ça te rend débile. Tu te sens obligé de te chercher quelqu'un à cogner si bien que tu prends dans le viseur un type au hasard, comme moi, alors que je ne t'ai jamais montré un seul signe d'hostilité."
Je l'avais écouté, estomaqué, les yeux s'étant écarquillés mot après mot qu'il avait déblatéré.
Je voulus réfléchir à ce qu'il disait. Je voulus me poser les bonnes questions. Il y avait toujours une part de moi qui le souhaitait.
Mais je choisis, ce soir-là, la facilité. Encore.
Alors, sans attendre, je levai mon poing, l'approchai de lui, et le lançai vers son visage, sans même réellement être entré dans une colère noire.
Qu'étais-je censé faire d'autre après des mots pareils ?
Sauf que ça ne se passa pas comme je l'avais voulu. Ou plutôt comme les répercusions de mon passé l'avaient voulu.
Yoongi esquiva bien vite mon attaque, et attrapa mon poing dans sa main. Il le pressa et je grimaçai, alors que son regard ne montrait aucun signe de satisfaction face à ma douleur.
"Est-ce que je t'attire, Jimin ?"
Ses mots me figèrent sur place une bonne dizaine de secondes, avant que je ne les rejette violemment de ma réflexion.
"Ferme ta gueule, putain, qu'est-ce que tu racon-
-Qu'est-ce qui vous prend ?!" Grogna une voix familière.
Yoongi et moi nous séparâmes bien vite l'un de l'autre. Taehyung venait d'entrer, et nous avait surpris en plein conflit.
Ses yeux durs et noirs étaient plutôt fixés sur moi, parce qu'il m'avait surpris prêt à frapper Yoongi, alors immédiatement je sentis cette émotion familière d'injustice, si bien que je me mis à essayer de répliquer.
"Il m'a provoqué le prem-
-Je me fiche royalement de vos petites histoires. Si vous avez quelque chose à régler, faites-le en dehors du réseau. Comment voulez-vous une bonne cohésion ici si on se bat entre nous ?" Commença-t-il.
A partir de là, Taehyung se mit à m'engueuler durement, Jin derrière lui posait sur moi un regard tout aussi colérique, voire même déçu, Yoongi me fixait avec cette fois la satisfaction d'avoir compris ce que j'étais, d'avoir compris comment je fonctionnais, et tout ceci avait suffi à ce que je ne comette une erreur horrible, la pire de toutes.
"-et ça, Jimin, c'est la dernière fois que je te le-
-Va te faire foutre..." Chuchotai-je.
Un silence.
Taehyung s'approcha d'un pas.
"Je te demande pardon ?" Articula-t-il lentement.
Il me laissait une chance. Ca m'a étonné sur le moment, je m'en souviens.
"Jimin." Murmura Yoongi.
On aurait dit, dans le ton de sa voix, qu'il me prévenait, voire qu'il me suppliait, de ne pas répéter ce que je venais de dire.
Mais je ne voulais pas me rabaisser. Avec tout le respect que j'avais pour mon supérieur, ce soir-là, j'étais ingérable, comme si tout ressortait, tout m'étouffait.
Alors je l'ai répété.
Plus fort.
"... Va te faire foutre !!"
Nouveau silence. Yoongi semblait retenir sa respiration. Jin avait les yeux écarquillés. Taehyung, quant à lui, n'avait pas cillé. Il était parfaitement calme. Ses yeux noirs, ancrés dans les miens, n'avaient pas tremblé une seule fois. Son comportement contrastait avec le mien ; j'étais tout tremblant, essoufflé, comme si je venais de faire deux bonnes heures de sport, et malgré mon coeur battant, je n'eus jamais l'idée de m'excuser.
Pauvre imbécile que j'étais.
"Patron, attendez, il-
-Yoongi, reste en dehors de ça."
Voilà quelques secondes que j'étais maintenant traîné de force, par la nuque, jusqu'à la pièce que je n'avais encore jamais eu le droit de pénétrer.
"Taehyung, tu es sûr que...
-Jin, toi aussi, ne t'occupe pas de ça. Sortez d'ici."
Je me tortillai, les mains en arrière tentant d'enlever les doigts de mon supérieur qui pétrissaient ma chair, à m'en faire mal.
"Si je vous vois dans ce couloir quand je sors, vous serez virés." Fit Taehyung, avant de claquer la porte au nez de Yoongi et Jin.
Mon patron me balança sur la chaise. Je voulus me relever mais son regard me foudroya sur place. Il s'avança vers une armoire, l'ouvrit, et en sortit des cordes.
Mon estomac se noua brusquement, je sentais déjà la goutte de sueur descendre le long de ma tempe.
"Ne bouge pas." Me fit-il, tout en enroulant mon corps de cette corde jaunâtre.
Mes bras étaient immobilisés, derrière le siège, ainsi que mon torse. J'étais plaqué à la chaise, et je n'avais plus aucun moyen de m'en aller. Mais malgré ma peur, je n'avais pas contesté ses ordres.
Lorsqu'il réapparut devant moi, mon supérieur remonta ses manches, une à une, sans me lâcher du regard.
"P-Patron..." Soufflai-je, paniqué.
Il serra les dents mais ne répondit pas.
Je clos les paupières, les jambes tressautantes d'angoisse. Je m'attendais clairement au pire ; j'avais déjà vu du sang dans cette pièce en passant devant, lorsque la porte était ouverte et que Namjoon nettoyait le sol. Je ne savais pas ce que Taehyung me réservait, mais son comportement était étrange.
Etait-ce juste moi, ou est-ce que ses mains tremblaient ?
Je le vis baisser un instant la tête, les poings serrés, avant d'à nouveau rencontrer mon regard.
"Ferme les yeux." Me fit-il de sa voix grave et basse.
Je déglutis, regrettant de plus en plus mon comportement, avant de clore les paupières.
Il y eut un lourd silence, où l'on entendait seulement ma respiration saccadée.
Et puis, enfin, j'entendis ses vêtements se froisser, et je sursautai violemment lorsque sa peau entra en contact avec la mienne.
Mais ce fut tout sauf douloureux.
Lentement, je rouvris les yeux, intrigué, et je tombai avec choc sur un Taehyung aux yeux figés sur mon collier, qu'il tenait entre ses doigts.
C'était une croix chrétienne. Celle que j'avais depuis des années.
Mon patron la regardait, la tournant et la retournant sous tous les angles.
Puis il me lança un regard, et quand il me vit le fixer, sa main se retira, son bras se baissa, et il me tourna le dos.
Sans comprendre ce qui se passait, je vis Taehyung s'asseoir au sol, son dos collé au mur à côté de la porte. On s'échangea un regard profond, avant qu'il ne laisse l'arrière de sa tête se reposer contre ce même mur, et qu'il ne ferme les yeux à son tour, une jambe pliée, l'autre allongée, et un bras reposant sur son genou.
Je n'osai prononcé un mot. Le silence était Roi.
Je ne trouvais rien d'autre à faire que de clore les paupières à mon tour, et je sentis un étrange sentiment d'apaisement, par le simple fait de savoir mon supérieur dans la même pièce que moi.
Un sentiment de sécurité, aussi. De calme.
Taehyung était quelqu'un de calme.
Ce soir-là, nos deux esprits rejoignirent le sommeil, durant deux heures.
Quand je me réveillai, j'étais seul, détaché, toujours sur la chaise, et un mot figurait sur ma cuisse. Un petit post-it blanc, et une belle encre noire formant des mots que je me mis petit-à-petit à comprendre. C'était une phrase tirée de la Bible, accompagnée de quelques mots de sa part.
"Le fruit de la justice est semé dans la paix."
Je ne suis pas forcé de te punir si les autres pensent que tu l'as été, et craignent la punition jusqu'à m'obéir pour l'éviter.
T.
**
J'étais au bar, assis, en train de surveiller. Il y avait peu de monde ce soir, mais c'était habituel pour un mardi. Je serrai ma croix entre mes doigts, les yeux figés sur la petite foule qui dansait au rythme de la musique.
Je ne cessai de me remémorer les mots de Taehyung. Et plus j'y pensais, plus je comprenais leur sens dans notre contexte, dans notre réalité.
Mon admiration et mon inquiétude pour mon patron grandissaient à la même allure.
Je ne le cernais pas vraiment, et à la fois, je savais qu'il me comprenait.
Rien que de le savoir, depuis quelques jours, suffisait à m'apaiser d'une drôle de façon. Comme si vivre à présent tous les jours aux côtés de quelqu'un comme lui me réconfortait. Je me sentais davantage à ma place, peu importe à quel point ça semblait bizarre d'un regard extérieur.
Ce soir-là, Yoongi s'était assis à mes côtés, à observer la foule avec moi. Je n'avais pas été surpris, comme si, d'une manière ou d'une autre, je m'y étais attendu.
Et puis, soudain, il a pris la parole.
"Je suis désolé."
Mon visage s'est tourné vers le sien.
J'avais un oeil violacé, et une lèvre fendue. Yoongi détourna immédiatement le regard, les poings serrés.
Du maquillage, piqué à ma maman, chez qui j'allais encore régulièrement. Taehyung m'avait vu avec ces fausses blessures, et je n'avais rien vu de particulier dans ses yeux à ce moment-là, mais je savais au fond qu'il était soulagé de voir que je jouais le jeu.
"Est-ce que tu as mal ? Me questionna mon collègue.
-Ca va." Répondis-je.
Je me sentais étrangement puissant.
Etrangement confiant.
"Yoongi." Prononçai-je.
Ce dernier se tourna vers moi, les sourcils légèrement arqués d'inquiétude. Ca le rendait drôlement mignon.
"Ca te dit de boire un verre avec moi, demain soir ?"
Je le vis se retenir d'être surpris, et ce fut exactement la réaction que j'avais cherché. Un petit sourire naquit sur mes lèvres. Ca sembla le désarçonner puisqu'il cessa de m'observer. Je savais à présent, après mûre réflexion, ce qu'il voulait de moi.
Ce n'était pas lui qui m'attirait. C'est moi qui l'attirais. Et il savait à présent que je l'avais compris. Que son comportement coïncidait avec le fait que, tout ce qu'il voulait depuis le début, c'était attirer mon attention sur sa personne.
Il hocha la tête à ma proposition, sans piper mot.
Et puis, aussi simplement que ça, il se leva, et me quitta.
**
C'était vachement silencieux.
Hier soir, j'avais été confiant, quand j'avais proposé à Yoongi de sortir boire un verre avec moi. Et, à vrai dire, je ne savais pas trop pourquoi je lui avais demandé ça.
Il me plaisait, certes, il était beau. Mais il fallait avouer qu'une relation dans un même réseau, c'était une très mauvaise idée. Peut-être qu'il le savait. Peut-être que, lui aussi, il me voulait mais pas pour demain. Juste pour ce soir.
Le trajet fut silencieux. Yoongi était venu me chercher en voiture, chez moi, après que je lui ai donné l'adresse. On s'était salué d'un signe de tête, et après un silence pesant dans l'habitacle de fer durant tout le chemin, nous étions arrivés au pied d'un café-restaurant, du nom de L'Assiette gourmande.
J'avais commandé un chocolat chaud, lui un sirop, ce qui m'avait étonné.
Et puis nous avions regardé les gens, parfois nos regards s'étaient croisé, mais pour être honnête, c'était gênant.
J'osai, au bout de quelques minutes de supplice, lui lancer un regard, cette fois assez fixe. Il continua de regarder le couple à côté de nous, sur sa droite, et son profil me renvoya violemment quelques années en arrière.
C'était lui, n'est-ce pas ? Ou est-ce que je rêvais encore ?
"Je..."
Il me regarda.
Je me pinçai les lèvres.
"On- On se connaît, non ?" Bégayai-je, peu sûr de moi.
Je vis ses mains se déposer autour de son verre, puis il tapota dessus, comme s'il réfléchissait.
"Moi je ne te connais pas. Je te l'ai déjà dit." Affirma-t-il.
Je ne sus pourquoi, mais ça me blessa.
Comme si cette phrase signifiait qu'il avait réellement disparu. Que je ne le reverrai plus jamais.
"Tu cherches quelqu'un, n'est-ce pas ?
-Non, enfin... Je ne le cherche pas. Je voudrais juste m'assurer de son existence."
Car, au fond, je ne savais même pas si ce type était réel ou non. Je n'avais après tout aucune preuve de son existence, à part ce souvenir.
"Je crois que peu importe qui est cette personne, tu dois avancer. De ce que je comprends elle t'a beaucoup apporté. Sers-toi de ça pour évoluer. Mais ne reste pas enfermé dans ton passé."
Surpris, je l'observai avec incrédulité, car j'avais l'étrange impression qu'il en savait bien plus.
"Comment tes mots peuvent-ils être aussi justes ? Tu ne sais rien de moi.
-Disons que j'aime observer les autres.
-D'où ces regards fixes ?
-Eh bien...
-Tu me fixais, Yoongi." Affirmai-je.
Un petit sourire se dessina sur ses lèvres.
"Peut-être bien." Répondit-il.
Je retins à mon tour un rictus. On s'échangea un drôle de regard et, encore une fois, je le reconnus.
Et puis ce fut comme une évidence.
Il était là.
Il était devant moi.
C'était lui, sans l'être réellement.
Il était simplement là, comme une partie de lui qui habitait mon collègue. J'en étais convaincu.
Ca, je ne le dirais jamais à Yoongi. Je ne l'avais jamais dit. Je n'avais plus jamais reparlé de ce garçon. Car j'avais la sensation que si j'oralisais de trop mon ressenti, il allait disparaître.
Alors je m'étais tu, et à partir de ce moment, je m'étais mis à apprécier chaque seconde passée avec Yoongi.
C'est ce soir-là que j'ai commencé à l'aimer.
J'ai aimé tout ce qui le composait. Sa voix, son intelligence, son nez, son cou, son corps, ses yeux, ses lèvres, la couleur de sa peau, cette pâleur qui faisait de lui une poupée de porcelaine vivante.
Yoongi était la meilleure chose qui me soit arrivée.
Il m'a sauvé de tout, de mes démons, de mon passé, en étant là, en étant lui, en abritant aussi cette lueur de ce garçon du lycée.
Et j'ai un jour compris.
Ce type, au lycée, n'était qu'un envoyé de Dieu. J'en étais persuadé. Il était mon ange gardien, celui qui m'a permis d'avancer. Yoongi était également celui que je devais rencontrer, depuis le début. Tout comme ce mystérieux garçon, à l'époque, Yoongi était à présent celui dont j'avais besoin pour continuer.
Nous étions destinés à être ensemble. Et c'était une trop grosse coïncidence que je ne le rencontre dans le réseau dans lequel je travaillais, pour dire que c'était le simple fruit du hasard.
Peu importait pourquoi ces trois personnes, ce garçon, Yoongi et Taehyung, avaient croisé mon chemin.
J'étais heureux, à présent.
Et j'étais reconnaissant envers chacun d'entre eux. Je leur devais, à chacun, ma propre vie.
**
"Je t'ai dit que je te l'interdisais.
-Peu importe, tout dépendra du patron !" Répliquai-je.
Yoongi me regarda de son habituel coup d'oeil surprotecteur.
"Ne me dis pas que tu vas te servir de cette mission pour déverser ta haine.
-Crois-tu encore à cette légende que tu t'es inventé toi-même ?!" M'offusquai-je.
Il détourna le regard vers la fenêtre. Je m'approchai de lui, les pieds nus sur le parquet, et pointai vers son torse un doigt accusateur.
"Tu n'as pas le droit, après deux ans et demi, de penser encore que je vais exploser. Je ne suis plus comme avant.
-Je n'arriverai jamais à croire que ce n'est que grâce à un mot de Taehyung que tu as complètement changé.
-Tu m'as fait changer, Yoongi." Couinai-je, attrapant son visage entre mes mains.
Il m'observa de nouveau, et je pouvais lire la peur dans ses prunelles, celle de me perdre.
"Ce mot était un déclencheur. Et on a pris ce foutu verre quelques jours plus tard, merde, tu... Tu sais bien que tu es arrivé au bon moment, Yoongi. Sans toi je me serais simplement calmé quelques temps, et puis j'aurais explosé de nouveau. C'est toi qui m'as changé. Tu as fait taire ma colère.
-Et si cette colère voulait de nouveau crier ? Et si tu te mettais à devenir fou, dans ce manoir, jusqu'à en jouer les héros ou que sais-je !" Hurla-t-il.
Il me poussa et se tourna, me montrant son dos. Je n'abandonnai pas, et passai doucement mes mains sous sa chemise. Il expira doucement l'air contenu dans ses poumons en sentant mon toucher.
"Je ne suis plus en colère, je... J'ai trouvé la paix. Je suis en paix avec mon passé. Tu le sais. Toi, Taehyung, le réseau... C'est... C'est paradoxal, mais c'est ce monde sombre qui m'a aidé à éteindre ma colère. Parce que j'ai compris que je n'étais pas le seul. Que nous souffrions tous. On est une famille.
-Tu romantises tout. Nous ne sommes pas une famille. Nous sommes un réseau."
Il s'en alla de nouveau, mais je le suivis encore.
"Non Yoongi, Taehyung nous aime. Je te dis qu'il nous aime. Nous sommes plus que ses employés, bien plus.
-Regarde, tu le fais encore !
-Quoi ?
-Tu rends tout plus rose, plus doux, plus enfantin, tu..."
Il vit mon regard blessé, mais il continua.
"...Tu n'as aucune idée de ce dont Kang-Dae est capable. Il te tuera pour avoir ce qu'il veut, sans scrupule. Lui, ou un de ses employés.
-Et tu y seras comme moi, comme Jungkook, comme tout le réseau. C'est notre devoir d'y aller, notre travail. Tu n'as pas le droit de m'empêcher de participer à la mission qui libérera Taehyung."
Il s'arrêta net, et se tourna vers moi, comme si ces derniers mots l'avaient interpellé.
"Yoongi..."
Je m'approchai de lui. Il se laissa tomber légèrement en avant, et son front se colla au mien.
"Je t'aime, et je vais sortir de ce manoir avec toi quand tout sera terminé."
Je replaçai une mèche derrière son oreille.
"Je te le promets."
Il déglutit, ses doigts parcourant mon dos.
"Je t'en supplie..." Murmura-t-il en me pressant fortement contre son corps.
J'eus un sourire apaisé, doux, laissant mes mains parcourir le bas de son dos, que je caressais avec tendresse.
"...Ne m'abandonne pas, Jimin."
Cette demande emblématique me cloua sur place.
Mais il en était hors de question. Je n'abandonnerai jamais Yoongi, pour rien au monde. Je me battrai jusqu'au bout. Pour lui, pour ma mère, pour Taehyung.
Je les aimais tous les trois, chacun d'une manière différente.
Mais la personne que j'aimais encore plus était moi-même.
Oui, maintenant que j'étais enfin heureux, maintenant que j'avais trouvé ma place dans ce cruel monde, dans cette vie sans pitié, je voulais vivre.
Je voulais vivre.
Oui.
C'était mon souhait le plus cher.
Vivre enfin, car la vie m'avait appris, m'avait donné l'expérience nécessaire pour comprendre mes erreurs, pour savoir quel chemin suivre afin de trouver la paix.
Vivre, à partir de maintenant.
Vivre...
"Je ne te laisserai jamais, Yoongi."
...Une éternité.
******************************
J'espère sincèrement que ce chapitre un peu spécial vous aura plu les amis, vous connaissez les Interludes mais celui-là est, je trouve, assez particulier...
Aussi, je précise qu'on n'en sait pas vraiment + sur Yoongi parce que je prévois un Interlude pour lui aussi, mais je ne garantis rien. Au pire ce sera un bonus à la fin de la fiction, car là ça avance assez vite et on se rapproche de la fin (je ne sais pas si j'aurai le temps de caser encore des Interludes avant la fin). Mais Yoongi aura tôt ou tard son Interlude ;) ❤
En tout cas j'adore vraiment Jimin, et je vais essayer de publier le prochain chapitre assez vite, je commencerai à l'écrire en rentrant de vacances (donc mercredi qui arrive)! ^-^
Je vous aime fort, merci pour votre patience, et à très bientôt!! ❤❤
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