Chapitre I
Jason Grace :
- Il est grand temps d'agir ! Me répétais-je, harcelant encore davantage Reyna, la commandante en chef du Camp Jupiter, semblant sur les nerfs.
« Bien-sûr qu'elle est sur les nerfs... Nous le sommes tous. » Pensais-je, mais je ne m'emporterai pas si la situation n'était pas aussi critique.
En effet, cela fait déjà deux fois que le Soleil nous prive de sa lumière, nous imposant les nuits de veille, dans l'inquiétude et la crainte de l'obscurité. Deux jours que la maladie, les privations et la mort sont notre lot quotidien.
De l'ombre, ces créatures avaient jailli, tandis qu'un mal inconnu frappait l'humanité, la décimant impitoyablement. Telle la poussière emportée par le vent, les villes tombèrent les unes après les autres ; des hordes infernales arrachant aux ruines fumantes les pauvres âmes s'y accrochant.
Dans ce chaos, les demi-dieux aussi furent pris de court. Notre expertise dans l'art de la guerre nous a, certes, permis de nous retrancher en vitesse derrière les remparts du Camp Jupiter, mais je ne me fais guère d'illusions, ce n'est que partie remise...
Nous le savons tous ici... Le temps nous est compté avant que les maigres palissades de bois ne finissent par céder.
La peur... Nous la ressentons tous. Elle se lit aisément dans le regard de chacun des officiers présents, tandis que cela fait maintenant des heures que nous sommes enfermés dans le Grand Temple de Bellone, assistant au conseil convoqué dans l'urgence par Reyna.
- Et que suggère-tu Jason ? Me répond finalement la Prétrice, visiblement lassée de l'attitude de ses centurions, murés dans un silence de plomb.
- Ça saute aux yeux nan ? On ne peut pas rester ici. Lâchais-je, ne faisant qu'exprimer tout haut ce qui m'apparaissait clairement comme étant une évidence.
- Oh je t'en prie Jason... Reprend aussitôt la fille de Bellone, ne semblant pas apporter le moindre crédit à mes propos. Tu as bien vu ce qu'est devenu le monde extérieur... Par-delà ces collines, c'est le chaos... et tu sais très bien qu'il n'existe pas d'endroit plus sûr que le Camp Jupiter.
- Avant, oui, c'était sans doute le cas... mais plus maintenant. Continuais-je avec fermeté, tandis que je me saisis du poignet de la demi-déesse afin de capter son attention, cette dernière s'affairant à nouveau sur des cartes et plans de bataille. Mais ouvre les yeux ! Combien de temps crois-tu qu'il faudra à ces monstres pour trouver un moyen de nous atteindre ? Car reconnais au moins ça Reyna. Tu sais aussi bien que moi qu'ils finiront par arriver jusqu'à nous.
- Mais qu'ils viennent donc goûter à nos pilums ! Contre-t-elle immédiatement, désignant du doigt le Caldecott Tunnel, passage souterrain donnant accès au camp. Ces créatures tomberont par milliers en se brisant contre nos défenses !
- Et nous perdrons des centaines des nôtres ! Haussais-je brutalement la voix, à la surprise générale du conseil.
Il n'est guère dans mes habitudes de m'emporter. J'ai toujours estimé que crier était inutile, ne servant qu'à se faire entendre au lieu de se faire comprendre... Mais aujourd'hui, tout est différent, il faut à tout prix que la Prétrice m'entende. Le sort du Camp Jupiter et de ses occupants en dépend !
- Reyna... Continuais-je après avoir pris une profonde inspiration, reprenant au mieux mon calme. J'ai juré de te soutenir et de toujours me montrer sincère avec toi, et je te le dis sans détour : rester ici... c'est du suicide.
- Le Camp Jupiter est notre honneur, notre héritage, notre maison... Notre place est ici Jason. Souffle finalement la demi-déesse dans un murmure presque inaudible, le poing fermé de la déesse semblant moins motivé par la rage que par la peine et la frustration.
- Non Reyna, le Camp Jupiter est en chacun de nous. Tant qu'un Romain vivra, le Camp Jupiter perdurera. Ici ou ailleurs, cela importe peu.
- Quitter la Californie ne nous sauvera pas Jason...
- Non, en effet... Admettais-je, relâchant la main de mon amie et me redressant afin de faire face à l'assemblée, essayant de transmettre dans mon regard toute ma détermination. Mais rester en mouvement nous donnera au moins une chance. Je préfère encore me battre pour ma vie dehors, plutôt que d'attendre ici bien gentiment la mort.
- Un Romain ne devrait mourir que d'une seule manière, le gladius à la main et aux côtés de ses compagnons de cohorte, se battant fièrement dans l'ombre des aigles de la Nouvelle Rome !
- Qu'attends-tu de moi Jason ? Finit par demander Reyna, essayant de dissimuler un sourire naissant sur ses lèvres, cette dernière étant plus qu'habituée à mes discours, cherchant toujours à insuffler ma détermination dans la ferveur guerrière et les efforts des jeunes demi-dieux.
- Je ne suis plus Préteur, je n'ai donc aucune autorité ici... Mais il en est tout autrement pour toi. Tu es Prétrice de la XIIème légion, les soldats t'écouteront. Si tu en donnes l'ordre, nous pourrions être sur le départ à l'aube.
- Même si j'acceptais de lever le camp Jason, une légion de demi-dieux ne survivrai pas longtemps au voyage...
- C'est vrai. C'est pourquoi l'on ne prendra pas avec nous la seule douzième légion. Lâchais-je, faisant retourner derechef l'ensemble des regards des centurions et officiers en ma direction. Nous ferons marche vers la Nouvelle Rome. Ses citoyens sont tous d'anciens pensionnaires du Camp Jupiter, et en temps de crise ces derniers peuvent être appelés à reprendre du service. Si la cité a survécu, ses demi-dieux viendront grossir nos rangs. Avec de la chance, il pourrait même en avoir assez pour lever une légion supplémentaire.
- Je vois que tu y as déjà mûrement réfléchi... Constate finalement Reyna, se massant les tempes comme pour faire le tri dans les méandres de son esprit et de ses pensées, assurément plus confuses les unes que les autres.
- Très bien, c'est entendu. Centurions ! S'exclame soudainement la fille de Bellone, les officiers romains se remettant vivement au garde à vous, prêts à recevoir les ordres de leur commandante. Moi, Reyna Avila Ramírez-Arellano, Prétrice de la XIIème légion, vous déclare que le sang des Dieux romains n'est plus en sécurité ici. Par conséquent, j'ordonne dès à présent l'évacuation du Camp Jupiter et de tous ses occupants. Que tous les légionnaires se tiennent armés et parés pour le départ. Demain, aux premières lueurs du Soleil, nous partirons.
- A vos ordres !
Soulagé, je quitte finalement le grand hall du Temple, l'épuisement d'heures de débats continus commençant à prélever un lourd tribut sur les muscles de mon corps, tandis que je laisse mon regard suivre le tracé des derniers rayons de l'astre couchant, parant de mille feux les allées, colonnes et toitures du Camp.
Oui, le voyage sera assurément périlleux, mais rien ne saurait nous arrêter.
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