Chapitre XXVI
Will Solace :
-Terre en vue ! S'exclame Léo, m'extirpant de mon état de somnolence ; tandis que je me redresse lentement contre le dos du fils d'Héphaïstos, me frottant péniblement les yeux pour chasser la fatigue.
Après notre fuite in-extremis du Palais d'Hadès, Léo m'avait révélé une carte, confiée dans l'urgence par le roi des Enfers. « Rendez-vous en Argentine, vous devriez pouvoir y retrouver mon fils. Mais évitez à tout prix la terre ferme, survolez les océans autant que possible ! », telles avaient été les ultimes paroles d'Hadès, avant que le dieu ne rejoigne Perséphone, menant un ultime assaut funeste aux côtés de la déesse.
Nous avons voyagé toute la nuit durant, survolant les immensités bleutées de l'Atlantique Sud, et maintenant, les côtes de l'Amérique latine se présentent enfin devant nous. Seulement, à mesure que Festus approche, mon sang se glace dans mes veines face au spectacle qui s'offre à moi. L'éclat du Soleil et de ses rayons semble incapable de percer jusqu'aux rivages, la couleur or du sable se voyant remplacée par le pâleur d'un tapis de cendres grises, alors que de sombres colonnes de fumée noire s'élèvent du continent.
-C'est... Murmurais-je, ne parvenant pas à articuler le moindre mot supplémentaire, mon corps tétanisé par l'horreur.
-Buenos Aires. Termine Léo dans un soupir à peine audible, alors que nous survolons la capitale argentine.
Les rues en contre-bas sont étrangement désertes, encombrées par les débris de bâtiments effondrés, restes de voitures calcinées, et contours d'innombrables silhouettes inanimées... Les gratte-ciels, du moins les rares tenant toujours debout, sont la proie de quelques incendies éparses, illuminant les tours de centaines de minuscules éclats orangés ; les monstres d'aciers menaçant la ville de leur ombre vacillante. Une fine pluie de cendres s'abat lentement des cieux, sans discontinuer, recouvrant les ruines toujours fumantes de l'ancienne métropole d'un fin voile blanchâtre, figeant la cité dans le silence pour l'éternité.
- Il faut trouver Nico au plus vite ! M'écriais-je, l'inquiétude mêlée à l'incompréhension commençant sérieusement à me faire perdre patience, sachant que trop bien chaque seconde précieuse pour retrouver mon prince des Enfers.
Léo partageant tout autant mes craintes, le fils d'Héphaïstos entraine Festus dans une descente en douceur, en direction d'une petite vallée, encaissée et à l'écart, cernée de rocs massifs.
Soudainement, des traits dorés fusent de toutes parts, juste au-dessus de nos têtes. J'ai à peine le temps de deviner des flèches que ces dernières virevoltent dans les airs, s'enroulant en un instant tout autour du corps du dragon doré. Entravé, Festus se débat furieusement, à mesure que les liens resserrent leur prise sur les membres du dragon mécanique, scintillant toujours plus fort au point de nous aveugler. Les yeux assaillis par une lumière incroyablement vive, des ombres ailées jaillissent de la clarté à une vitesse folle, alors que j'entends Léo pester :
- Je vous conseille de nous laisser tranquille, si vous ne voulez pas avoir à faire à moi !
Seulement la menace du fils d'Héphaïstos ne semble guère avoir l'effet escompté, Léo ayant à peine le temps de finir sa phrase qu'une sensation de vide s'installe soudainement sous nos corps, nous projetant aussitôt sur le sol dans un fracas assourdissant.
Encore un peu sonné, mon premier réflexe est de chercher à tâtons mon arc, ou ne serait-ce qu'une dague dans la poussière, en vain. Me redressant sur le sol rocailleux, je réussis à reconnaitre Léo à mes côtés, le fils d'Héphaïstos essayant à mains nues de défaire les liens retenant Festus. Un élément attire alors immédiatement mon attention : de la vapeur. Cette dernière s'échappe massivement des cordes nouées autour des rouages dorés du dragon mécanique. Seulement, à mesure que Léo s'évertue à combattre les liens, des cloques apparaissent sur ses mains, le fils d'Héphaïstos se mordant férocement la lèvre inférieure, au point de rapidement laisser un fin sillon pourpre descendre le long de son menton.
- Léo arrête tes mains ! M'écriais-je, totalement pris au dépourvu, le croyant pourtant insensible à la chaleur, alors que je me jette sur mon ami pour vérifier l'état de ses bras.
- Je vais y arriver, j'y suis presque... j'en suis sûr... AHHHHHH ! Proteste aussitôt Léo, tirant toujours plus désespérément sur les liens, ne pouvant, cette fois-ci, plus retenir un cri tant la douleur semble insupportable.
- Bonjour à vous ! S'exclame soudainement une voix masculine à travers la brume, stoppant net le moindre de nos mouvements.
Le voile blanchâtre nous encerclant se dissipe alors peu à peu, laissant apparaitre à nos yeux un jeune cavalier aux cheveux d'ébène, accompagné de plusieurs dizaines de combattants en armures d'argents et manteaux bleus comme la nuit pour certains, et en cuirasses d'or et capes pourpres telles le sang pour d'autres.
- Bienvenue sur les terres de Solaria ! Continue le cavalier. Je suis Orion Ibanez, fils d'Aphrodite et commandant des Cavaliers de La Lune. Se présente le jeune homme, plaçant une main sur son torse, s'inclinant légèrement comme pour imiter un salut... sonnant faux.
« On est mal barrés... » Me dis-je intérieurement, observant discrètement du coin de l'œil les alentours, pour ne rencontrer que des rangs alignés de jeunes guerriers, aux arcs pointant leurs flèches droit sur nous.
- Comme vous pouvez le constater, je suis là pour accueillir les nouveaux arrivants avec toute l'hospitalité qui se doit... Poursuit Orion d'un ton se voulant solennel, bien que contrastant fortement avec le sourire pervers trônant sur son visage. Je n'irai donc pas par quatre chemins. Je vais vous poser une unique question, et selon votre réponse, je donnerai l'ordre de vous tuer ou non, cela vous contient-il ? Termine notre interlocuteur d'une voix des plus sarcastiques et méprisables.
« D'accord Will, là tu es vraiment dans la panade... Mais bon tu en as connu d'autres, et gérer celui là n'est sûrement pas plus compliqué que de garder Nico à l'infirmerie contre son gré ! » Pensais-je. « L'important c'est de ne surtout pas l'énerv... »
- Vois-tu man, on était venu dans le coin en vacances mais vu comment les animateurs accueillent leurs clients, on ne va sûrement pas rester ! Résonne soudainement la voix rieuse de Léo à mes oreilles, coupant court au fil de mes pensées. Et compte sur moi d'ailleurs, pour vous faire une réputation de misère !
- Pour qui te prends-tu pour me parler ainsi !? S'emporte aussitôt le commandant des Cavaliers de La Lune. SAIS-TU QUI JE SUIS ?!!!!
-Et toi alors ! Réplique Léo. Tu réalises même pas que tu parles à un mec ô combien génial ! Tu ferais donc mieux de baisser d'un ton si tu ne veux pas offenser le grand, le fantastique, l'INCROYABLE Léo Valdez !
« OK, alors là on est définitivement foutus... » Soufflais-je intérieurement, hésitant franchement entre me frapper fortement le visage ou me jeter à la gorge du demi-dieu me faisant office de compagnon de quête.
- Nan mais tu TE FOUS DE MOI !? GARDES ! S'écrie notre interlocuteur en direction des soldats revêtant le même uniforme que le sien, paré de bleu et d'argent. Ces derniers tournant tous leur attention vers leur commandant, leurs arcs brandis, les pointes acérées de leurs flèches dirigées fixement sur nous, guettant l'ordre fatidique...
- CA SUFFIT ORION ! Intervient alors in-extremis un jeune homme ; paré d'une armure de plaques d'or à l'éclat entrecoupé par les plis sombres d'un manteau en soie pourpre ; se saisissant avec force du poignet du cavalier, l'empêchant ainsi de donner le signal de décocher. Ce n'est assurément pas à toi de décider de leur sort... Ajoute notre sauveur, me scrutant du regard. C'est à Julio de traiter de leur cas, et tu le sais très bien !
- Toujours à ne jurer que par ton très cher Julio à ce que je vois Gaston ! Réponds sarcastiquement Orion.
- Et toi toujours à vouloir agir dans ton coin sans écouter les ordres ! Réplique derechef le prénommé Gaston.
- Je suis commandant, Gargalen. Je n'ai pas d'ordres à recevoir, et encore moins de toi et de tes Crinières Ardentes ! S'époumone le commandant des Cavaliers de La Lune, criant rageusement comme pour essayer de montrer sa supériorité au monde.
- Au cas où tu l'aurais oublié, tu n'es pas à Lunaria ici, alors tu ferais mieux de te montrer un peu plus respectueux !
Tandis que le ton continue de dangereusement monter entre les deux guerriers, les jeunes prenant chacun parti pour leurs commandants respectifs, je remarque une silhouette surgir du sommet d'une crête voisine. Cette dernière sonne d'un cor, laissant s'échapper un son aigu strident, attirant l'attention de tous.
Je place aussitôt ma main contre ma bouche afin d'étouffer un cri d'horreur, alors qu'un cyclope jaillit pour balayer de son poing la frêle silhouette de l'éclaireur, son corps venant s'écraser au loin dans un bruit d'os brisés absolument atroce, la bile me montant instantanément dans la gorge.
L'espace d'un instant, le temps semble comme tétanisé. Le cœur battant, tous observent impuissants le corps d'un des leurs écrasé ; son sang maculant de pourpre l'herbe fraiche, s'écoulant de la pauvre victime reposant sur le sol rêche.
- Nous sommes attaqués ! S'écrie Orion, brisant le premier le silence mortel.
- Octavio ! Reste avec eux. Déclare alors Gaston, à l'un des jeunes guerriers se tenant à nos côtés.
- Mais... Tente de protester le dit Octavio, avant de se faire couper aussitôt par son commandant.
- C'est un ordre ! ¡La Luz en la Oscuridad! S'exclame ensuite Gaston, faisant se cabrer majestueusement sa monture avant de s'élancer vers la horde de monstres jaillissant des hauteurs, sous les cris vengeurs de ses camarades, reprenant en cœur la devise des Crinières Ardentes, La Lumière dans l'Obscurité !
Le combat est terriblement furieux, tandis que des dizaines de cavaliers chargent sous mes yeux. Côte à côte, Gaston et Orion mène courageusement l'assaut, conduisant leurs hommes toujours plus profondément dans le chaos. Crinières Ardentes et Cavaliers de la Lune se sacrifient sans la moindre hésitation, faisant couler des torrents de sang avant de rejoindre leurs compagnons tombés par-delà le Phlégéthon.
- Léo ! ATTENTION ! M'écriais-je soudainement, voyant trois harpies s'extirper de la mêlée générale pour fondre sur le fils d'Héphaïstos.
C'est alors qu'Octavio bouscule mon ami de la trajectoire des créatures ailées, avant de s'élancer puissamment dans les airs, hurlant sa rage alors qu'une lueur ardente vient briller dans ces iris ambrés. Les harpies n'ont guère le temps de réaliser le danger, que le jeune demi-dieu dégaine deux fines épées courbes, taillant en pièce, tour à tour, ses trois adversaires ; avant de retomber habilement sur le sol dans un salto maitrisé.
- C'était moins une... Murmurais-je, soulagé, tandis que les cavaliers prennent en chasse les derniers monstres, les chassant derrière les lignes de crêtes. « Par contre, on s'en ai toujours pas sorti pour autant... » me dis-je intérieurement, les jeunes, maintenant le combat terminé, retournant leur attention vers Léo et moi, nous considérant toujours comme leurs prisonniers.
Et c'est à cet instant que le fils d'Héphaïstos s'empare du jeune demi-dieu nous ayant sauvé la vie, le prenant par surprise par derrière, lui passant un bras sous sa tête pour l'immobiliser contre lui.
- Euh... Léo, je ne suis pas certain que les énerver encore plus soit la solution... Tentais-je, m'approchant doucement de mon ami, face aux guerriers brandissant leurs armes vers nous à l'unisson, enragés par la prise en otage d'un de leurs camarades.
- Désolé man, mais j'ai pas l'intention de les laisser gentiment nous massacrer sans rien faire !
« Par l'Olympe, déjà qu'essayer de calmer une horde de demi-dieux en colère et armés jusqu'aux dents n'est pas facile, alors si maintenant Léo commence à perdre le contrôle, ça va vraiment, vraiment mal finir... » Commençais-je à m'inquiéter, un mauvais pressentiment envahissant mes pensées.
- Du calme mi amigo, si tu ne veux pas finir flambé ! S'exclame d'ailleurs Léo, la voix mal assurée, resserrant sa prise sur son prisonnier, gigotant contre le corps du fils d'Héphaïstos.
Priant tous les dieux de l'Olympe, enfin du moins ceux encore en vie, pour que le demi-dieu ne fasse rien pour aggraver l'état de Léo, mon sang ne fait qu'un tour lorsque je vois les lèvres du jeune prisonnier s'étirer en un sourire malicieux, laissant s'échapper un rire enfantin, alors qu'il prononce trois mots :
- Brûle-moi alors.
Léo doit être sûrement autant surpris que moi, ce dernier desserrant faiblement sa prise dans l'incompréhension. « Calme-toi Léo... » Priais-je intérieurement. Mais il est déjà trop tard, une lueur flamboyante traversant presque simultanément les iris des deux demi-dieux, des étincelles s'échappant des pores de leur peau alors qu'un halo de chaleur ardente se forme, enveloppant leurs corps liés...
- Octavio arrête !
« Co... Comment ? Cette voix je la reconnaitrais entre mille, c'est celle de... »
- Nico ? Pensais-je à voix haute, alors qu'une voix à l'adorable accent italien me répond, elle aussi marquée par la surprise...
- Will ?
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