Chapitre XXIV
Will Solace :
De la fumée. Il s'agit certainement du seul élément que ma vision semble être à même d'identifier. Mes yeux me font terriblement souffrir, irrités par des émanations de dioxyde de carbone, flottant dans l'air putride. Ne parvenant à percevoir rien d'autre que l'obscurité, je resserre encore davantage mon emprise sur les hanches de Léo, afin de ne pas chuter de Festus ; mais aussi pour me rassurer, la sensation du corps de mon ami ne me laissant plus seul dans ce chaos. Je sens le fils d'Héphaïstos se tendre contre moi, signe que lui aussi doit être dans un état d'inquiétude similaire au mien, Léo devant nous guider au travers de ces ombres opaques telle la nuit noire.
Alors qu'une nouvelle bourrasque d'air sulfureux vient me frapper de plein fouet, me brûlant la peau, de vifs éclats lumineux surgissent soudainement de toute part. Flamboyante, la vive lumière pourpre de ces lueurs semble aussi puissante qu'éphémère, ces apparitions aussitôt nées des noirceurs venant se noyer dans les ténèbres et leurs horreurs. Tout à coup, un de ces arcs lumineux, semblables à des colonnes de flammes, fait irruption tout près de nous, m'éblouissant avec force.
A la chaleur oppressante se substitut soudain une froideur glaçante. Ouvrant peu à peu mes yeux, je me fige instantanément face au spectacle auquel je suis témoin. Un jeune homme chevauche dans les airs, sur une monture que je n'arrive pas à identifier. Le cavalier semble terriblement malmené par les éléments, la tempête et ses vents venant déchirer ses vêtements, les réduisant en lambeaux. Plissant les yeux, mon sang se glace dans mes veines lorsque m'apparait le visage de Nico, trempé par des torrents de pluie, tremblant de froid. De terribles éclairs frappent de toute part, se rapprochant inexorablement du fils d'Hadès. J'essaie de toutes mes forces de rejoindre Nico, mais n'y parviens pas, mon corps restant impuissant, comme figé dans une sorte de transe. J'hurle d'effroi à l'instant où la foudre s'apprête à s'abattre sur l'élu de mon cœur. Le temps s'arrête alors qu'un ultime éclat lumineux fend les cieux. Sur son chemin, je me déchire les cordes vocales tentant d'avertir Nico du danger, en vain. Mes cris de désespoir se noient dans les hurlements du vent, mon visage baigné de larmes, avant que, soudainement, tout ne disparaisse.
La lumière des éclairs se voit à nouveau remplacée par les mêmes lueurs pourpres familières. Les battements de mon cœur encore incontrôlables, je ressens une violente bourrasque ardente, ne parvenant pourtant guère à réchauffer mon corps, toujours glacé.
-Nico... Murmurais-je, la voix cassée à peine audible.
Le souvenir récent de la vision me tétanise encore, alors que mon champ de vision s'éclaircit enfin, Festus jaillissant des ténèbres. Les Enfers se présentent finalement à nous, comme je les aurais imaginé ; des étendues au sol obscurcis et noircis par les flammes, des débris volcaniques s'abattant de temps à autre, le tout étant dominé par un ciel de feu. Il y règne une chaleur infernale, des bourrasques d'air sulfureux venant redoubler leurs assauts brûlants contre mon visage.
« Quelque chose cloche... », pensais-je intérieurement, un mauvais pressentiment venant m'assaillir. Une clameur terrible attire soudainement mon attention. Relevant mon visage de la nuque de Léo, m'ayant protéger le visage de la chaleur ardente, je me penche sur le côté, cherchant à m'offrir un champ de vision accru. Du mouvement au sol suscite effectivement l'attention de mon regard. Je ravale la bile me montant dans la gorge, du fait des fortes vapeurs de souffre, ou de l'immonde spectacle s'offrant à moi ; des créatures par centaines, non par milliers, avançant dans la même direction. Cyclopes, Chimères, Empousai, Géants, Gorgones, Harpies et bien-sûr Titans, à perte de vue, semblent converger vers un même endroit. Mes yeux s'agrandissent aussitôt avec effroi lorsque je comprends la cible de ces créatures : Le Palais d'Hadès.
-Léo regarde ! M'écriais-je immédiatement, m'empressant de pointer du doigt la demeure du dieu des Enfers.
-Décidément, tu parles d'un comité d'accueil... Soupire le fils d'Héphaïstos, ne semblant guère ravi de la situation.
« Allez creuse toi les méninges, Nico compte sur toi bon sang » n'a de cesse de me harceler ma conscience. Seulement, avant même que l'ombre d'une idée n'est pu faire son chemin dans mon esprit, Léo réalise soudain une descente en piqué, me faisant lâcher un léger cri tout à fait viril, sous l'effet de la surprise. Fusant à une vitesse folle, la terre ferme se fait inexorablement plus nette dans mon champ de vision avant que le fils d'Héphaïstos ne vienne, au dernier instant, tirer sur les rennes, faisant tournoyer Festus dans les airs, formant des cercles au-dessus de la bâtisse. Le Palais du roi des Enfers est littéralement assailli par des hordes de monstres.
-On ferait mieux de vite trouver un endroit pour se poser man. Me lâche alors Léo, la mine tout sauf sereine. A basse altitude Festus fait une cible beaucoup trop facile, et je ne tiens pas à me retrouver entre deux feux...
-Ici ! M'exclamais-je aussitôt, indiquant à mon ami une petite cour intérieure, placée en arrière de l'immense Palais.
Ne prenant guère le temps de réfléchir à ma découverte, le fils d'Héphaïstos engage un virage serré avant de venir se poser sur les dalles de marbre pâle de la petite place.
Tout à coup, des morts vivants en armes, jaillissent par dizaines de toute part, nous encerclant. Je brandis aussitôt mon arc, une flèche déjà encochée, prête à fendre l'air à tout instant. Je jette un rapide coup d'œil à Léo à mes côtés. Le fils d'Héphaïstos dresse quant à lui ses poings fermés, les flammes dansant dans ses yeux parées à jaillir de son corps, pour réduire en cendres tout ce qui se trouverait sur son chemin. Les gardes resserrent leur étau autour de nous. J'inspire profondément, je n'ai jamais aimé le combat, ni la violence d'ailleurs. Seulement, aujourd'hui tout est différent. Mes mains ne tremblent pas, mon regard, rempli de détermination, ne lâche plus les cibles se présentant devant moi. Je ne suis pas un guerrier, non, mais pour Nico, je me battrai sans la moindre hésitation contre le monde entier. Mes doigts caressent lentement les plumes de ma flèche, diminuant lentement la pression retenant le projectile.
-CELA SUFFIT ! Résonne soudainement une voix féminine, d'un ton autoritaire.
Pris au dépourvu, je baisse lentement mon arc vers le sol, Léo m'imitant avec ses poings, cherchant l'origine de l'intervention ayant stoppé l'action des gardes.
-Que font deux jeunes demi-dieux aux Enfers ? Interroge immédiatement Perséphone, les soldats morts vivants ouvrant leurs rangs afin de laisser passer la déesse, brandissant leurs armes pour saluer leur reine. Je vous conseille de répondre, sinon je ne vois aucune raison de vous laisser la vie sauve. Menace la reine des Enfers, agacée face à notre mutisme.
-Je... Nous sommes là pour Nico. Concédais-je finalement.
Perséphone se fige alors suite à ma déclaration, ses yeux grands ouverts sous l'effet de surprise. La déesse s'apprête à dire quelque chose avant qu'un sifflement ne vienne l'interrompre. Relevant mon visage en direction de l'origine du bruit, mon regard entre alors en contact avec un énorme débris de roche incandescent, fusant dans les airs. Je n'ai guère le temps de réagir, une tour voisine se voyant pulvérisée à l'impact, en une multitude de débris, l'un deux venant écraser une rangée entière de garde juste devant nous.
-Il ne faut pas rester là... Venez vous abriter, VITE ! S'écrie Perséphone, nous attrapant Léo et moi par le bras, afin de nous forcer à la suivre.
Nous exécutant, nous pénétrons dans le Palais d'Hadès, Perséphone sur nos talons faisant fuser ses ordres, les gardes refermant les lourdes portes de fer derrière nous, avant de les barricader.
-Suivez-moi. Nous ordonne la reine des Enfers d'un geste de la tête, ouvrant la marche une torche enflammée à la main.
Je parcours ainsi les allées désertes du Palais d'Hadès, Léo juste derrière moi. Le long couloir n'est guère plus éclairé que par la faible lueur de la torche, offrant aux murs et statues éparses des reflets sinistres. Toutes les deux minutes, un choc se fait sentir, de la cendre et de la poussière tombant du plafond, venant recouvrir mon visage, mes cheveux arborant une teinte blanchâtre. Puis toutes les minutes, un choc à nouveau, des pierres chutant, des restes de statues victimes des débris jonchant notre chemin. A chaque seconde, des chocs à répétition, inlassables, incessants, les murs et colonnes soutenant la toiture tremblant comme jamais.
Perséphone prend alors une grande porte sur sa droite. Toujours sur ses talons nous pénétrons au sein d'une vaste pièce.
-Les défenses extérieures ne tiendront pas plus longtemps... Annonce la reine des Enfers d'un ton grave à son époux, surplombant l'espace de son trône d'obsidienne noire.
-Qui sont-ils ? Demande immédiatement Hadès à son épouse, nous désignant du doigt, Léo et moi, avec un air réprobateur.
Clairement intimidé, je sens soudainement un léger coup de coude dans les côtes. Me retournant, je remarque aussitôt Léo, agenouillé, essayant par des mimiques de me faire comprendre de l'imiter.
-Nous sommes venus pour savoir où se trouve Nico. Déclarais-je d'une voix ferme, tout en mettant à mon tour un genoux à terre.
-Tu dois être totalement inconscient ou sacrément déterminé pour me parler avec un tel aplomb, fils d'Appolon. Rétorque sarcastiquement Hadès. Mais peu importe tes intentions envers mon fils, sache que je ne te donnerai pas la moindre information à son sujet.
-Ils pourraient nous aider... Suggère alors Perséphone, intervenant juste à temps pour m'empêcher de me jeter furieusement sur le père de Nico, et de commettre une légère erreur par la même occasion. Votre fils aura besoin d'aide dans sa quête, et vu le caractère critique de la situation, nous ne serons jamais en mesure de lui prêter main forte... Ces deux jeunes demi-dieux incarnent notre seule alternative...
-Nico est en route pour l'Amérique latine... Lâche finalement Hadès dans un soupir. Il est parti là-bas à la recherche de demi-dieux, pour demander leur soutien dans la guerre contre Gaia.
-Qu'est-ce qu'on attend alors ? Allons-y ! M'exclamais-je aussitôt en direction de Léo.
-Ca il en est hors de question. Me coupe de façon catégorique le roi des Enfers.
-Je vous demande pardon ? Répliquais-je froidement. Nico n'est même pas au courant de la chute de l'Olympe ! Il court sûrement un grand danger à l'heure qu'il est, et chaque seconde s'avère cruciale ! Terminais-je hors d'haleine, commençant sérieusement à paniquer.
-Ecoute... Débute mon interlocuteur d'une voix lasse. Tu dois comprendre fils d'Appolon que Nico a traversé un grand nombre d'épreuves dans sa vie et qu'il est loin d'être étranger au danger. Et puis, il s'agit de mon fils, le prince des Enfers, son sang lui assure un instinct hors du commun, Nico a sûrement dû sentir quelque chose de grave et se tenir sur ses gardes. De plus, quitter le Palais maintenant est bien trop risqué. Continue Hadès. Cela tient déjà du miracle que vous ayez réussi à vous faufiler jusqu'ici sans finir en charpies, alors partir maintenant serait du suicide pur et simple.
-Tu ne seras d'aucune utilité mort, Nico a besoin de toi vivant. Intervient alors Perséphone, apposant sa main sur mon bras.
-Elle a raison man. Concède Léo, cherchant à me conforter dans cette idée.
-Très bien... Que proposez-vous ? Cédais-je finalement, essayant de me calmer, comprenant que mourir en fonçant tête baissée ne ferait que condamner Nico.
-Je vais utiliser mon pouvoir pour générer un bouclier d'énergie et ainsi empêcher les monstres de continuer leurs attaques. Déclare le roi des Enfers. Cela devrait me donner suffisamment de temps pour rassembler quelques troupes et lancer une sortie. Je ferai office de diversion, pour vous donner l'opportunité de vous échapper. Poursuis Hadès, faisant un signe de tête à Perséphone. Mon épouse va vous conduire à vos appartements pour la nuit, il serait préférable que vous vous reposiez, de durs combats vous attendent demain.
Ayant remercié notre hôte pour son hospitalité, nous avons suivi la reine des Enfers. Après avoir conduit Léo dans une première chambre, la déesse arrête sa marche devant une porte sombre.
-Un instant. Me retient soudainement Perséphone par le bras. Je voulais savoir, pourquoi tiens-tu tant à voler au secours de Nico ?
-Ah... Hum... Et bien... Bafouillais-je. Disons que Nico compte énormément à mes yeux, et... que... j'ai une promesse à tenir. C'est pour ça qu'il faut... absolument que je le retrouve. Avouais-je à demi-mots, les joues en flammes, essayant de faire retomber mes mèches blondes sur mes yeux afin de cacher ma gêne.
-Je vois... Souris la reine des Enfers, me lâchant le bras, puis me laissant rentrer dans la pièce. Au fait... J'espère que tu apprécieras la chambre de Nico ! S'exclame Perséphone avant de venir aussitôt flanquer la porte derrière moi.
Pris au dépourvu et me retrouvant seul, j'observe doucement la pièce. La chambre possède des murs aux couleurs sombres, un lit au bois d'ébène trône au centre de la pièce, seul accompagné d'un coffre et d'un bureau. M'approchant de ce dernier, je saisis un cadre abritant une photo de Nico plus petit, mangeant une glace à l'italienne aux côtés de personnes que je devine être sa mère et sa sœur. Mes lèvres s'étirent en un sourire, alors que mes doigts s'apposent sur la photo, caressant le visage enfantin de Nico.
Reposant délicatement le cadre à sa place, un bâillement franchit la barrière de mes lèvres, me rappelant la nuit blanche de la veille à survoler les Etats-Unis sur Festus, à la recherche de Nico. La gêne toujours présente, je dépose mon sac au sol, dans un coin de la pièce. Puis je retire mon pantalon, sweat et mes chaussures, me retrouvant en simple sous vêtement. Approchant lentement, comme s'il s'agissait d'un objet défendu, je m'installe doucement sur le vaste lit, entrant dans les couvertures. J'inspire profondément, capturant précieusement des bribes de l'odeur de Nico. Je serre les draps contre moi comme s'il s'agissait du corps de Nico dans mes rêves, alors que bercé par le parfum du fils d'Hadès, je rejoins finalement le monde des songes.
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