Nico Di Angelo :

Les Enfers. A peine arrivé à destination, les paysages désolés du monde souterrain se présentent devant moi. Bien que cela puisse paraitre surprenant, la vue de ces terres ardentes, aux crevasses obscures, parcourues par le fleuve Styx, m'a manqué. Après tout, en tant que fils d'Hadès, on peut dire que ce monde est le mien. C'est d'ailleurs l'une des principales raisons pour lesquelles je suis venu ici aujourd'hui. Je m'y sens à ma place, je peux penser librement et puis je suis seul, sans un certain Solace sur mon dos, et ce léger détail change tout.

Clairement, il m'a déçu. Je pensais que l'on était ''amis''. Honnêtement, oui j'étais attaché à Will, il semblait vouloir me comprendre, je croyais que si il était là pour moi, c'est qu'il tenait ne serait-ce qu'un petit peu à notre relation... Enfin, à quoi bon maintenant ? Encore une fois, tu t'es laissé attendrir, tu t'es ouvert à lui et tu t'es surtout fait avoir Nico ! Me martèle ma conscience. A cause de lui, je n'avais strictement aucune chance que Chiron puisse me croire, et par conséquent c'était peine perdue de convaincre la colonie Sang-mêlé du retour de Gaia. Et c'est précisément la seconde raison qui m'a poussé à revenir aux Enfers. En effet, des points d'ombre subsistent concernant ma vision, mon dernier rêve et je suis convaincu qu'une divinité pourrait m'aider à tirer tout cela au clair. Seulement, ces derniers temps, les dieux de l'Olympe ne sont, pour ainsi dire, pas franchement disponibles. Occupés comme d'habitude à se quereller pour un rien, l'idée de les déranger ne m'est clairement pas venu à l'esprit. Mon paternel est apparu alors comme mon seul recours possible.

Je me tiens donc face à l'entrée massive du palais d'Hadès. Inspirant profondément, je m'apprête à frapper lorsque les portes s'ébranlent soudain, laissant apparaitre Perséphone se tenant quelques mètres devant moi. La déesse porte une longue robe noire et pourpre, brodée d'argent, laissant apparaitre ses épaules nues. Ses cheveux d'ébène sont réunis dans une somptueuse coiffure, laissant quelques mèches bouclées retomber. Son rouge à lèvres vif contraste avec le mascara, obscurcissant son regard. Impeccable, comme toujours. Me dis-je intérieurement.

-Bienvenue chez toi Nico. M'accueille-t-elle, un léger sourire étirant son visage.

-Merci Perséphone. Tu es toujours aussi radieuse... Par le Styx ! Les Enfers ont-ils ne seraient-ce qu'un impact sur ton bronzage ? Ajoutais-je sur le ton de l'humour.

Un rire franc passe la barrière de ses lèvres, son regard chaleureux posé sur moi. Nous nous apprécions sincèrement elle et moi. Pourtant on ne peut pas dire que nos rapports aient toujours été amicaux. En effet, en ayant longtemps et d'ailleurs encore voulu à Hadès pour le sort de ma mère, je voyais d'un mauvais œil l'épouse de mon paternel, et elle me le rendait bien ! Mais finalement, au fil de mes nombreux séjours ici, nous avons créé un lien. Comme quoi, rester coincés aux Enfers peut avoir du bon. Perséphone jouait souvent les intermédiaires lors des nombreux conflits avec mon père. En contrepartie, je lui tenais compagnie, et devenait son confident et inversement. Et même si je ne la considérerais probablement jamais comme une mère, Perséphone compte pour moi. On est là l'un pour l'autre en quelque sorte.

-Que me vaut le plaisir de ta visite ? Cela fait déjà plusieurs mois, je te croyais au camp Sang-mêlé ?

-J'y étais... mais il y a du nouveau. Je suis venu car j'ai à parler à Hadès, peux-tu m'annoncer à lui je te prie ?

-Bien... suis moi. Il doit certainement être dans la salle du trône. Me dit-elle, m'invitant à la suivre d'un geste de la main.

M'exécutant, je m'avance le long d'une immense allée flanquées de colonnes de marbre noircies. Entre chacun de ces piliers massifs se dressent des statues représentant les multiples divinités et créatures peuplant le royaume souterrain. Hécate, déesse de la Lune, veillant sur le monde nocturne. Les Erinyes, divinités infernales, portant les malédictions des défunts. Minos, Rhadamanthe et Éaque, assis sur leurs trônes respectifs, juges des âmes des morts aux Enfers. Charon, le passeur, faisant passer le Styx aux morts, sur sa barque, en échange d'une obole. Cerbère, le chien à trois têtes, gardant les portes du royaume souterrain et s'assurant que nul ne puisse en sortir. Thanatos, dieu de la mort, fidèle bras droit de mon paternel. Perséphone, épouse d'Hadès, et dans cette qualité reine des Enfers. Et puis bien évidemment Hadès, représenté en un nombre incroyable de sculptures, toutes plus somptueuses et puissantes que les autres. Décidément, les Dieux ne changeront jamais, si leur orgueil était mortel, ils ne seraient certainement jamais venus au monde. Cette seule pensée suffit à me laisser échapper un léger rire sarcastique que Perséphone s'empresse de dénoter.

-Que trouves-tu donc de si amusant ?

-Les Dieux ne connaissent donc rien d'autre que leur orgueil démesuré ? Ils dominent l'univers depuis l'aube des temps, et pourtant ils ont toujours ce besoin de le montrer et de rappeler leur prétendue supériorité au monde entier !

Perséphone relève un sourcil interrogateur suite à mes paroles, laissant un court instant le silence régner en maitre. Elle finit par lâcher un léger soupire amusé.

-Ah Nico ! Cela fait bien longtemps que tu n'as pas côtoyé le monde des Dieux je me trompe ? Tu les connais presque aussi bien que moi, et tous les deux savons bien que toute cette démesure, c'est dans leur nature. L'Olympe sans le luxe, la puissance et la réputation d'invincibilité, ce ne serait plus le monde divin... Autant imaginer Zeus humble ! Ce serait inimaginable. Termine-t-elle sarcastiquement.

-Effectivement. Nous coupe soudain une voix grave.

Mon regard se tourne immédiatement vers l'origine de cette interruption. Hadès se tient dans l'embrasure d'une grande ouverture, donnant sur une vaste salle du trône, éclairée par une cheminée aux flammes ardentes. Le Dieu des Enfers affiche une mine fatiguée, des cernes marquant ses yeux.

-L'image que tu as de nous est telle qu'elle pourrait presque me faire de la peine... Déclare-t-il d'une voix lasse.

-Mais tu ne serais me contredire très cher... Réplique-t-elle avec malice.

Son audace habituelle arrache un rictus au roi du monde souterrain. Seulement, son faible sourire se fane bien vite, à l'instant même où son regard se pose sur moi.

-Père... Veuillez excusez ma visite impromptue, je ne serais pas venu si les circonstances ne l'exigeaient guère. Déclarais-je fermement, mettant un genou à terre en signe de reconnaissance de son statut divin.

-Je ne le sais que trop bien que tu ne serais pas venu sans raisons valables. Suis-moi. Ajoute-t-il d'un geste de la tête, m'invitant à me relever.

Obéissant, je pénètre dans l'immense salle principale du palais, Hadès prenant place sur son trône en obsidienne noire, Perséphone se tenant fidèlement à ses côtés.

-Bon très bien, cessons avec le protocole. Que se passe-t-il pour que tu descendes dans le monde souterrain ? Je suppose que ce n'est pas pour saluer ton si cher paternel ? Termine-t-il d'une voix lasse.

-Gaia est de retour.