Chapitre 1
Parfois, je torture mon cerveau de questions sans réponses.
— Jungkook, lève-toi, le père va réciter la prière.
J'ai toujours aimé ça, poser des questions.
Ma soif de réponses aux grandes questions de la vie en est devenue insatiable au fil des années. L'excitation de savoir, d'apprendre, de découvrir. Je crois que j'étais insupportable de curiosité, enfant.
— Oui, pardon.
C'était facile. Chaque problème, chaque devinette avait une solution simple et précise. Pourquoi mourrons-nous ? Pourquoi le vert est-il vert et le bleu est-il bleu ? Puis un jour, les interrogations sont devenues trop complexes pour pouvoir y répondre.
Et c'est devenu horrible.
La philosophie, appelons-nous ça ces grands points obscurs de notre condition que tout le monde soulève sans y trouver de solution concrète. Je pense qu'il n'y a rien de plus frustrant de ne pas trouver de réponse à une question. L'esprit ne parvient pas à se reposer tant qu'elle y flotte. Elle accapare notre énergie et nous aspire dans un tourbillon sans fin. Récemment, j'en ai fait l'expérience :
« Qui suis-je ? »
C'est en rangeant du Shakespear sur une étagère poussiéreuse que cette question m'est venue.
Ne vous est-elle jamais venue ? Elle parait si simple. Pourtant, elle secoue l'âme comme un séisme meurtrier. Je pense que tout le monde se l'est déjà posé une fois, dans l'espoir de trouver ou bien de s'imaginer une identité. Paradoxalement, à force de la remettre en question, on finit par la perdre. Une réflexion en entraîne une autre, nous nous laissons engloutir dans un cercle infini et infernal jusqu'à oublié quel était le point de départ de tout ce capharnaüm. Me plonger dans mes pensées sans queue ni tête me fait perdre un temps précieux, me fait perdre pied, me fait douter jusqu'à perdre foi en ma propre existence. Pourquoi mon temps est-il précieux, d'ailleurs ? Je ne suis pas un philosophe, je n'ai pas de solution.
« Qui suis-je ? » n'a pas de solution.
— Jungkook, allons-y. La messe est terminée.
J'écoute à peine la douce voix de la mère de Jimin, me levant simplement et suivant la famille Park jusqu'à la sortie de l'église.
Cette question me taraude depuis quelques mois : que suis-je de plus qu'un simple étudiant ? Qu'apporté-je au monde ? Je suis à peine majeur, je fais mes premiers pas dans l'autonomie du monde adulte avec un colocataire grincheux, quelques factures et le reste d'acné d'une adolescence à peine achevée. Malgré l'excitation de cette nouvelle liberté, de ce nouveau départ en société, mon quotidien reste plat et insipide. Je me lève le matin pour aller en cours, je révise à la bibliothèque le soir, et quelques fois par semaine, je travaille dans la librairie du coin.
— Te sens-tu prêt pour le partiel de physique demain ?
— Oui. J'ai beaucoup travaillé.
— Bien. Puisse Dieu nous porter chance.
Embrassant son médaillon puis mon front, mon meilleur ami s'échappe, un frère dans chaque main, le pas souple et délicat.
Pour être honnête avec vous – et surtout envers moi – je ne sais pas vraiment qui je suis. Je ne suis qu'un corps avec un prénom et un nom, qui a grandi dans une chouette famille. Mais c'est tout.
En d'autres termes, je ne suis qu'une coquille.
C'est triste, à en foutre le cafard. Si on gratte un petit peu à la surface, il n'y a pas grand chose en dessous. Rien d'extraordinaire, je suis de la même espèce que tous les autres, sans rêve, sans but précis. Je bouge, je mange, je dors, comme n'importe quel humain. Quand on regarde les statistiques, la majeure partie de la population se pense supérieure aux autres. À toujours se croire original, ils finissent par tous se ressembler. Et du jour au lendemain, j'ai fini par me rendre compte que moi aussi, j'étais piégé dans ce monde infernal aux schémas répétitifs. Les premières semaines, je me suis torturé l'esprit. Je ne savais plus où j'habitais. À tourner en rond comme un poisson dans son bocal, on finit par virer fou. Puis peu à peu, coinçant ces tracas dans un coin de ma tête, une nouvelle obsession a pris place dans ma vie.
Mais ça, c'est encore une autre histoire.
N'est-ce pas ?
*
— Fais gaffe où tu vas ! grommelle-t-on dans mon oreille.
Je m'excuse dans le vide. Ma mère me dirait certainement de faire plus attention à ce qui m'entoure. Le nez dans les nuages et l'esprit vagabond, je suis habitué à me cogner contre les gens ou les poteaux dans la rue. Quand j'étais enfant, on me disait que j'avais une mouche imaginaire. Je m'inventais un monde en marchant et eux suivaient mon regard en cherchant quelle bête volante pouvait bien attirer mon attention.
Aujourd'hui, plutôt qu'être à la recherche des drosophiles, je suis à la recherche de ma place dans l'amphithéâtre. Je scanne les étiquettes des yeux, essaie de trouver les premiers chiffres de mon numéro étudiant ou bien mon prénom. Cinq rangées et trois étages plus tard, je déchiffre un «Jeon Neil» bavé sur l'autocollant. Je ravale mon stress, tasse la boule pesant dans ma gorge et m'installe. Je ne me suis jamais habitué à ce prénom. Je ne sais pas qui je suis, mais je suis certain de ne pas être ce Neil. Ce n'est qu'une suite de lettres choisies pour faire joli sur les papiers et faciliter la vie aux institutions publiques. Non, moi je m'appelle Jungkook, et j'aimerais rayer au feutre rouge ce garçon que je ne connais pas.
— Bon courage Jungkook. On se retrouve pour le déjeuner.
Un dernier message de Jimin avant que j'éteigne mon téléphone.
— À toi aussi.
Je ferme mon sac et le lance sous mes pieds. Un critérium, un surligneur, deux stylos et un correcteur, j'inspire et expire trois fois en retenant mon souffle entre chaque.
Le retour à la réalité me secoue toujours trop fort. Flotter dans les « et si » m'est parfois bien plus agréable. Les gens gagnent leurs places autour de moi, sortent leurs affaires et cachent leur angoisse derrière leurs visages vides. Cet endroit est beaucoup trop anxiogène.
Je compte.
J'ai passé ma vie à compter. Je saute de dizaines en dizaines et de millions en milliards.
Deux, quatre, six.
Deux, quatre, six, huit, douze.
Douze, doux nombre, deux chiffres, pair mais écrit avec cinq lettres, que c'est frustrant.
Quatorze, je n'aime pas la prononciation de celui-ci. Mais j'aime ce qui est multiple de deux.
Seize, dix-huit et vingt.
Vingt. Entier, rond et pair. Il a tout pour plaire.
Parfois j'imagine qu'un inconnu entre dans ma tête et m'entend débattre sur la beauté des chiffres. Ce serait pour moi un aller simple en psychiatrie. Je ne me sens pas fou, encore moins dangereux pour moi ou pour qui que ce soit. J'ai en revanche souvent eu l'impression que ma réalité était différente de celle des autres. Atypique, profuse, d'une imagination sans limite ou, qui sait, peut-être pathologique.
À onze ans je m'imaginais propriétaire d'animaux fantastiques, des amis chimériques aux plumes colorés mêlées à des fourrures duveteuses que j'étais incapable de toucher. J'avais parfaitement conscience que c'était anormal. Alors je leur ai dit au revoir et j'ai créé des univers pour peupler mes rêves plutôt que mon quotidien ennuyeux. Ce que je regrettais, c'était de ne pas les voir. Ils auraient, pour sûr, été magnifiques.
Je crois que je ne l'ai jamais dit à personne. Même pas à mon meilleur ami. Je sentais que ce n'était pas quelque chose qu'il fallait dire. On parle d'un jardin secret, celui qui renferme nos pensées et vices inavouables. Ils en font partie. Je pense que là est la place de cette période de ma vie. J'étais un enfant trop faible pour les moqueries, un adolescent trop fier pour les on-dit, un détraqué qui se sait et qui s'ignore, aujourd'hui avide d'un semblant de normalité. Ce que je peux être dingue quand je me laisse aller !
Deux, quatre, six, huit, dix.
Douze, quatorze, seize...
Cesse de compter.
Dix-huit, vingt.
Tu te fiches la honte dans ta propre cervelle.
Minute.
Pause, tout s'éteint.
Le bruit blanc s'estompe et le paysage se floute. Ma vue s'axe sur la silhouette qui me dépasse, mon odorat se concentre sur ce parfum musqué. Une veste en cuire trop large, des boucles brunes et une prestance qui me cloue sur place.
« Une autre histoire » disais-je ?
Là voilà. Elle monopolise une nouvelle fois mon attention, assez pour me faire cesser de compter encore et encore la même séquence. Je détaille ses épaules se dégageant de son manteau, son profil qui se dessine à la lumière, le sourire qui s'adresse à l'inconnu sur le bord de ses lèvres, jusqu'à ce qu'un autre étudiant ne s'installe dans mon champ de vision. Je n'ai pas le temps de râler, le surveillant annonce le début des épreuves d'une voix morne dans son micro. Les retardataires courent, les instructions et mises en garde retentissent tandis que les feuilles, brouillons et sujets sont distribués. Nous sommes debout derrière les tables, trépignant d'impatience.
L'horloge sonne le début de l'épreuve et plus rien n'existe autour de moi. Silence, mort des chuchotis. Stylo qui gratte, bouchon de Stabilo qui claque, feuille qui se retourne à droite, à gauche, derrière, dernière encore puis devant.
Calcule, Jungkook, calcule.
Toi qui aime les chiffres, ce n'est qu'un partiel rempli de mathématiques cachées.
Les questions se succèdent, la trotteuse saute des tours entiers. Bientôt mes brouillons sont saturés de gribouillis illisibles, un mélange de français, de hangul, de numéros et de schémas dans un désordre effréné que moi seul peut déchiffrer. J'étais le cauchemar de mes voisins de classe en contrôle. Celui qui voulait copier mes brouillons avait plus vite fait de se résigner à une mauvaise note. Ce n'était pas volontaire. Je réfléchis sur papier comme je réfléchis dans ma tête : du cafouillage.
— L'épreuve est terminée. Veuillez poser vos stylos et vous lever. Vous pourrez quitter la salle lorsque les copies seront ramassées.
Déjà ?
Je me lève et tourne la page de mon sujet. Je hausse les sourcils : c'était la dernière. Ai-je réellement eu le temps de terminer ? Moi qui peinais toujours à achever les annales à temps en condition d'examen... J'expire, soulagé et tends ma copie au responsable de mon rang. Ses grosses lunettes tombent sur son nez. L'air fatigué, le quinquagénaire m'arrache presque le papier des mains. Il semblerait que les surveillants ont autant envie d'être ici que nous.
Et lui ? S'en est-il sorti ? L'épreuve était particulièrement dure. Je me penche un peu, espérant apercevoir son dos. Il est droit et grand, étirant sa nuque après tant de temps courbé sur le papier. Bien sûr qu'il s'en est sorti. J'en suis certain.
Nous sommes autorisés à nous en aller. La foule s'abat comme une vague sur les accès de l'amphithéâtre. J'aimerais innocemment croiser sa route. Je me faufile entre les corps pressés de s'échapper. Des pleurs, des rires, des ventres qui gargouillent et des exclamations agacées. Malheureusement, mes espoirs sont vains et je me résous à retrouver Jimin.
— Jungkook ! Là ! m'interpelle-t-il dehors. Alors ? Comment était-ce ?
— Bien, j'imagine ? J'ai réussi à finir le sujet.
— C'est une excellente nouvelle ! Allons manger pour fêter ça ! Paula ne peut pas venir avec nous aujourd'hui.
Il m'entraîne par le bras et nous sortons de l'université pour dîner dans les rues voisines du campus de Jussieu. Il est tard, le contrôle commun a duré longtemps. Il fait nuit noir autour de nous et le froid le mord le nez.
Jimin, je le connais depuis longtemps. Je suis étonné de le voir poursuivre ses études dans la voie de la physique et des mathématiques, lui, ce fervent croyant. Petit, je l'imaginais prêtre. Je lui connaissais un goût pour les sciences, mais je pensais qu'il préférerait les lois de Dieu à celles de Newton. Contre toutes attentes, il m'a suivi dans mes aventures scolaires, affirmant bec et ongles qu'il prouverait que les mathématiques sont la création de ce grand et bon esprit des cieux et qu'il est sage de découvrir ce savoir qui lui a permis de créer notre monde. Ce petit brun rayonnant de tendresse se révèle être véritablement doué dans ces filières.
En philosophie nous avions étudié la guerre que se mènent la religion et les sciences ; lui ne s'était pas embêté longtemps. Il avait levé la main et avait argumenté en faveur d'une coexistence harmonieuse des deux :
« Le problème ne vient pas des croyances, le problème vient de la mauvaise interprétation des croyants et du détournement perfide ou ignorant des messages de Dieu, » avait-il dit.
Il avait lancé une polémique durant tout un trimestre. Il envoyait valser les dogmes, énonçant que la plupart avaient été fondés sur des savoirs trop flous qui avaient induit en erreur ceux qui les avaient retranscrits. Le savoir religieux ne devrait pas s'opposer au savoir scientifique de la recherche, mais s'y allier pour évoluer et atteindre l'ultime vérité, celle qui permettrait, à son sens, d'assembler Dieu et sciences dans une même école de pensée.
Jimin a un esprit fort et inébranlable. Je ne sais pas si je crois en Dieu. Et même si j'y croyais, je ne sais pas si je croirais en son Dieu. En revanche, je crois en sa foi solide et en l'amour qu'il y porte. Je respecte ça, même si j'aurais plutôt tendance à croire que le Dieu que ses adorateurs décrivent n'est qu'un modèle construit sur un idéal vertueux, ce même idéal que l'Homme poursuit sans jamais réellement atteindre. Il est imparfait et le pleure, inconsolable.
Si Dieu existe, il n'est pas un modèle humain à imiter : il est bien plus grand que cette vanité. « L'homme est à l'image de Dieu. » Si Dieu est une invention, croire être semblable à une entité si puissante, n'est-ce pas risible d'orgueil ? Si Dieu existe, s'encombrerait-il d'une si faible enveloppe charnelle ?
Je suis sûr que lui aussi, il le pense. Il est fait de ce bois.
Assis au chaud dans notre café-snack préféré, le Sweet Epiphany,Jimin avale joyeusement son repas alors que je pense à ce grand brun aux airs provocateurs. Que dis-je, il n'en a pas l'air, il est provocateur. Je l'ai vu à l'œuvre de bien nombreuses fois.
— Jungkook ? M'écoutes-tu ?
— Hein ? Oui, non, pardon.
— Tu es de plus en plus dans la Lune ces derniers mois. Y a-t-il quelque chose qui ne va pas ?
— Je suis désolé. Que disais-tu ?
Il essuie sa bouche et prend une gorgée d'eau.
— Je te demandais ce que tu allais faire pendant les vacances, hormis réviser les épreuves qu'on aura à la rentrée.
— Pas grand chose. Je vais très certainement passer les fêtes avec mon frère. Nos parents restent en Corée pour la nouvelle année, ils ne peuvent pas prendre de congés. Et toi ?
— Je reste sur Paris aussi. Je passe Noël en famille. Je pense que nous ne retournerons pas à Séoul avant cet été.
Jimin et moi nous sommes rencontrés très tôt dans nos vies. Nos parents, originaires de Corée du Sud, ont emménagé en France pour leur travail lorsque nous étions petits. Il a très vite fallu nous adapter à notre nouvelle vie. Il était mon voisin de classe pendant mes cours de français dans une école spécialisée. Nous avons ramé ensemble sur les mêmes exercices de phonétiques qui nous rendaient fous. C'est peut être d'ici qu'est née notre complicité. Nous avons fait la majorité de notre scolarité ensemble et passer la plupart de nos temps libres et de nos vacances chez l'autre. Je ne compte plus les fois où j'ai dû les accompagner à la messe du dimanche. Après toutes ces années, je connais les prières par cœur.
Notre père qui êtes aux cieux...
— Tu es reparti dans tes pensées, Jungkook.
— Pardon.
— Tu pensais à lui, n'est-ce pas ?
J'oublie parfois qu'il connaît chaque recoin de ma personne.
— À moitié. Là, je me récitais une prière.
— Pourquoi ? Il fallait le faire avant de manger, rit-il.
— Je sais pas. Elle m'est venue comme ça.
— Tu es un drôle de personnage.
Je pouffe en avalant une bouchée de mon œuf au plat.
La mi-année sonne déjà ; j'ai l'impression d'avoir passé le portail de mon université pour la première fois il n'y a qu'une semaine. Le temps est devenu une notion abstraite. J'ai passé des années de ma vie à compter les secondes, les jours et les mois sans exactement savoir ce que j'attendais. Nous comptons dans un but précis : pour une date, pour de l'argent, dans l'espérance que quelque chose se produise. Et moi, qu'espérais-je exactement ? Je ne l'ai jamais su.
Puis du jour au lendemain, j'ai cessé de fixer la trotteuse de l'horloge et me suis plutôt mis à le regarder lui, du peu que je pouvais voir de son profil depuis mon siège de l'amphithéâtre. J'arrête systématiquement de compter lorsqu'il est là.
Il ne vient que rarement en cours magistral. Parfois calme, parfois dissipé, je m'amuse à décrypter son comportement. Il est souvent accompagné de cet ami, plus petit et remuant. Je les observe se taquiner, loin de leur attention, hors de portée de leur complicité.
Je m'en pince les lèvres, aigre et honteux de l'être. Je n'ai pas le droit de l'envier. Je suis jaloux de ne pas connaître plus que mesure celui qui me distrait de mes réflexions les plus malsaines.
— Tu ne devrais pas trop t'intéresser à ce garçon, entends-je soudain de Jimin. Du peu qu'on dit, il n'est pas quelqu'un de fréquentable.
— N'es-tu pas habituellement le premier à m'encourager à aimer mon prochain ? j'hausse un sourcil, curieux.
— C'est ce que disent mon cœur et ma foi. Mais être ouvert aux autres ne m'empêche pas de vouloir nous protéger. Et mon instinct me dit que je ne peux pas lui faire confiance.
— Nous ne le connaissons pas vraiment. Nous ne pouvons pas nous limiter aux rumeurs. Avant de juger que quelqu'un est mauvais, il faut se faire son propre avis dessus.
— Tu as raison, je le sais, acquiesce-t-il, contrarié. Mais quelque chose cloche chez lui et j'ai peur de découvrir ce qu'il cache derrière ce masque social.
Un Jimin méfiant et se fiant aux préjugés, c'est du jamais vu. Je ne comprends pas le comportement soudainement fermé de mon ami, tirant la grimace avant de finir son assiette. Ça ne lui ressemble pas. Défenseur de la veuve et de l'orphelin, il était le premier déjà en primaire, à tenir compagnie à celui ou celle que les autres rejetaient pour d'obscures raisons.
Les enfants peuvent être méchants. Les premières années en compagnie de nos pairs sont décisives. Les plus naïfs sont dévorés par les vipères, les plus populaires s'entourent d'admirateurs comme bouclier – éphémère, puisqu'un jour ils y passeront aussi. Et les plus malins, eux, apprennent vite à s'armer pour se protéger de ce monde. Nous apprenons nos premières leçons sur les relations humaines : bien vite nous changeons d'école et notre comportement se modifie. Le naïf est méfiant, l'intimidé intimide, la vipère rencontre pire qu'elle et le populaire perd son bouclier. Le malin est le seul qui survit au naufrage.
Dans tout cela, Jimin et moi étions celui que je qualifie d'étranger. Nouveaux, débarquant en milieu d'année de CE1 sans même savoir ce que c'est. L'avantage de l'école dans laquelle nous étions, c'est que la majorité des élèves étaient dans des cas similaires au nôtre.
Au collège, c'était une autre paire de manches. Certaines habitudes que nous avions, comme discuter dans notre langue maternelle, ont rapidement été pointées du doigt et nous sommes devenus de véritables bêtes de foires.
Pourtant, Jimin est resté ce qu'il était, avenant, sympathique, même prêt à enseigner quelques « mots à nous » à nos camarades. Grâce à ses traits fins, il avait la chance du beau garçon : apprécié, cool, gentil comme tout.
— Je vais rentrer. À demain !
— À demain.
Moi, le visage ravagé par l'acné, j'étais le copain boutonneux dont personne ne comprenait l'amitié avec La Beauté de la classe. J'avais l'air du péquenaud de service, souvent dans ses pensées, pas vraiment gâté par la nature. On pardonnait moins facilement mes maladresses, mais je ne lui ai jamais été envieux pour autant.
Le collège ne m'a pas réussi. Il n'y a qu'au lycée que ma cote de popularité a légèrement augmenté. La puberté, qui avait plutôt mal commencé son travail, m'a bâti grand et large d'épaules. Une bonne génétique m'a permis de gagner facilement en muscle lors de quelques séances de sport, l'acné a attaqué mon dos plutôt que mes joues et mon frère m'a fourré toutes sortes de crèmes réparatrices entre les mains pour atténuer la sécheresse de mes cicatrices.
Introverti dans l'âme, l'intérêt soudain de mes camarades me faisait fuir. Mais cette fois, plutôt que d'être le garçon étrange, asocial et un petit peu dégoûtant sur les bords, j'étais le brun mystérieux de la Terminale B. Jimin aimait me raconter les ragots qui circulaient sur moi, allant des prouesses dont je n'étais pas capables aux habitudes que j'étais loin d'avoir. Nous rions de ces spéculations ridicules.
Je me demande donc pourquoi il y prête aujourd'hui attention, lui qui sait si bien que le mensonge est monnaie courante dans ces bouches à oreille.
Quand bien même ce jeune homme n'est pas sage, il n'est pas censé le savoir avec tant de conviction.
†
Joyeux Noël !❤️
C'est avec un petit peu de stress et pas mal d'excitation que je vous partage le prologue et le premier chapitre de Sublimation (vu que j'envoie les deux en même temps j'espère que vous avez bien commencé par le prologue).
Comme je l'avais dit dans l'avant propos, ce roman a un thème religieux omniprésent et mes personnages peuvent avoir tendance au blasphème. Pour l'instant c'est plutôt léger et ça le restera encore un peu.
Si vous êtes encore là malgré l'avant-propos, j'espère que ce premier chapitre vous aura plu!
Oui, il est saturé de narration : bienvenue dans la tête de Jungkook. Je vous laisse le soin de le découvrir sous toutes ses facettes au fil des chapitres ! (Promis il y aura bien plus d'action, tout de même.)
Sur ce, je vous donne rendez-vous dans deux semaines pour le chapitre 2.
Des bisous
Calyssime
Update : Je vous reposte le prologue et le 1er chapitre avec une version plus propre, ne vous inquiétez pas si vous avez une notif. Il n'y a pas grand chose de différent. Si vous voyez des fautes d'accord ou d'orthographe, n'hésitez pas.
À mercredi !
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