Chapitre 1: Jouons!
- Vous vous êtes jamais demandés ce que ça faisait de mourir? nous demanda Changbin d'une voix très sérieuse tout en passant ses doigts sur la cross du pistolet qu'il tenait.
Son mouvement me fit frissonner mais pas de peur, non. De curiosité. Oui il m'était arrivé, comme à tous, de me demander ce qui se passait une fois qu'on mourrait. Si la mort était douloureuse, si nous nous sentions seuls après qu'elle nous ait frappés ou si, au contraire, nous n'avions même pas le temps de réaliser que nos yeux était déjà clos. Et je me demandais encore en cet instant même si après la vie nous nous retrouvions dans un paradis céleste ou bien alors si tout était noir et qu'il ne se passait rien. S'il s'agissait simplement d'un long sommeil éternel, sans fin.
Je jetai un coup d'œil à mon voisin qui pleurait presque de terreur. Nous étions onze dans cette salle de détention mais un seul possédait une arme, un seul choisissait les règles. Et nous devions nous y plier. Changbin soupira de frustration alors qu'il nous observait un par un puis ouvrit le barillet sans quitter Jeongin des yeux. A présent, il pleurait bruyamment, éhonté des larmes qui maculaient ses joues. Il avait trop peur pour se soucier du ridicule. Irène lui tendit un mouchoir qu'il saisit pour s'essuyer le nez alors que Changbin reprenait la parole. Il s'était à présent déplacé et se tenait derrière le bureau du surveillant qui, nous espérions allait revenir bien vite.
- Je veux dire, vous avez déjà pensé à la douleur de la mort? A quel point l'agonie peut être longue et insoutenable? A votre avis, qu'est-ce qui est le plus douloureux, une balle dans la tête ou... une dans la poitrine? demanda-t-il en pointant son Glock sur Wendy qui ne trembla pas et conserva son demeurant inébranlable. Devant elle, Hyunjin se leva brusquement et tenta de garder un ton nonchalant malgré les spasmes qui saisissaient ses jambes.
- Changbin... Ça va on a compris baisse ton joujou-
- Ch-ch-chut... le coupa l'intéressé en reportant son pistolet sur lui. Tu préfères qu'il soit pointé sur toi peut-être, non?
Terrorisé, Hyunjin ne répondit pas et se rassit silencieusement en croisant les mains devant lui.
Changbin rangea, à notre grand soulagement, son Glock dans sa poche et écrivit nos noms au tableau, faisant grincer la craie sur l'ardoise aussi noire que l'aura qui l'entourait. Sans se retourner il s'adressa à moi:
- Felix, ferme la porte à clé.
Je me levai et me traînai jusqu'au battant sous le regard désespéré de mes camarades, lorsque soudain Woojin, un garçon à qui je n'avais jamais vraiment parlé avant et qui comme nous, s'était retrouvé par un malheureux hasard dans la même pièce que ce cinglé, m'interrompit. Oui, Changbin était fou. Quel personne normalement constituée se baladerait avec une arme sur lui? On était pas aux États-Unis.
- Je pense que c'est pas une bonne idée... Monsieur Jeon va revenir d'une minute à l'autre-
- Toi le premier de la classe, tu fermes ta gueules. D'ailleurs j'me demande c'que tu fous là hein? Ah oui c'est vrai... Devoir non rendu. Oups. Je me demande qui a bien pu le jeter dans les toilettes ce matin, rit Changbin toujours dos à nous.
Le visage de Woojin grimaça et il ouvrit grand la bouche pour répliquer quelque chose mais Wendy le dissuada d'un seul regard.
Alors c'était lui! songeai-je en me remémorant l'air outré de Madame Park ce matin, lorsqu'elle a constaté que le devoir Woojin manquait.
- Felix la porte, me rappela Changbin en essuyant ses mains tâchées de craie sur son pantalon noir.
J'aurais pu m'enfuir si j'avais voulu mais honnêtement, j'étais curieux de voir où cette histoire allait mener et je me voyais mal sortir de la classe en laissant derrière moi neuf personnes avec ce malade. Alors je verrouillai simplement la porte d'un "clic" sonore qui fit sursauter tout le monde.
- Bien on va pouvoir commencer. Mettez vos bureaux en cercle.
Sans se poser trop de questions, Jisung et Minho placèrent les tables auparavant rangées les unes derrière les autres, en arc de cercle. Wendy refusa de quitter la chaise ce qui ne leur facilita pas la tâche et mit Changbin davantage en colère.
- Hey la miss aux ongles fluo de mes couilles tu bouges ton cul et t'aides les autres avant que je m'énerve.
- J'te demande pardon? Tu crois que j'vais t'écouter? Non mais d'abord t'es qui pour-
- Wendy... chouina Irène et l'agrippant par le bras.
Changbin passa une main lasse sur son visage et pointa à nouveau le Glock en direction de Wendy.
- J'suis celui qui tiens le flingue et toi t'es celle qu'est au bout alors parle moins et agis.
Irène n'eut pas besoin d'insister que Wendy se plia aux demandes étranges de Changbin et quitta sa chaise que Chan souleva aussitôt. Dans un coin de la pièce, Jeongin reniflait bruyamment, s'essuyant dans la manche de son pull couvert de morve et je décidai de m'approcher suffisamment près pour que Changbin ne m'entende pas lorsque je lui chuchotai:
- Hey pourquoi tu pleures?
- Ça devrait être à moi de te demander pourquoi tu pleures pas. Il v-va tous nous tuer... tu vois bien, hoqueta-t-il en pointant un doigt sur le groupe d'élèves qui s'installait sur les chaises en bois.
- Il ne nous tuera pas. Je sais pas ce qu'il veut mais il essaye juste de nous faire peur parce qu'il sent qu'on a peur. Et lui c'est ce qu'il aime. Panique pas. Respire ça va aller. Si tu fais ce qu'il dit tout ira bien.
Jeongin hocha la tête mais je sus qu'il ne me croyait pas car moi même je n'arrivais pas à croire ce que je disais. Changbin était si imprévisible. Comment être sûr qu'il n'en tuerait pas un avant la fin de la colle? Ou qu'il ne se collerait pas une balle dans la tête ? Personne ne savait. Personne n'était certain et c'était précisément pour ça que nous avions peur. À mon tour je m'installai à une place libre et observai les gens qui m'entourait. L'évidence me frappa et je me giflai mentalement pour ne pas l'avoir remarqué plus tôt. Je ne savais pas si c'était une simple coïncidence mais mon esprit me souffla que c'était beaucoup trop gros pour en être une. Toutes les personnes se trouvant dans cette salle avait des attraits physiques et moraux différents.
Déjà il y avait des garçons mais aussi des filles. Certains étaient roux, Minho, Wendy et moi. D'autres bruns Seungmin, Irène, Jisung et Woojin. Chan était blond et Changbin, Hyunjin et Jeongin avaient les cheveux noirs. Nous étions tous âgés de 17, 18 ou 16 ans pour Jeongin. Irène incarnait la douceur et la gentillesse tandis que Wendy semblait plus trash avec ses vêtements en cuire et son rouge à lèvres provoquant. Je ne lui avais jamais vraiment parlé auparavant pourtant je savais que ce n'était pas une bonne fréquentation: sa réputation en disait long sur ce dont elle était capable. Sous ses couches de maquillage et son décolleté aguicheur, elle semblait très sereine concernant la situation dans laquelle nous étions. Ses yeux ne quittait jamais le bois gravé du bureau derrière lequel elle était assise et contrairement à nous, elle ne cillait pas même légèrement lorsque la voix effrayante de Changbin retentissait.
Woojin était un intello studieux d'ordinaire à éviter les problèmes alors que Chan accumulait les heures de colle. Je ne savais pas vraiment la raison qui le poussait à passer plus de temps entre les quatre murs de la salle de détention que chez lui mais j'avais entendu dire qu'il fuyait ses parents en cours de divorce. Vivre au milieu des cris et des projectiles d'assiette en céramique ne devait pas être chose facile et je savais de quoi je parlais. Hyunjin était le capitaine de l'équipe de base-ball, toujours adoré des filles qui le supportaient à chacun des matchs en scandant son nom du haut des tribunes. S'il avait l'art d'attirer l'attention sur le terrain, il n'avait rien dans le pantalon.
Je connaissais bien Jisung, j'avais souvent fait des projets de sciences avec lui. Il était toujours de bonne humeur et avait la tchatche. Son humour décalé parvenait à me décrocher un sourire même quand je n'étais pas en forme mais aujourd'hui, ses yeux rieurs avait laissé place à un air effrayé. Il s'était progressivement rétréci sur son siège et s'enfonçait un peu plus, à chaque seconde dans sa capuche mauve, rabattue sur ses cheveux hirsutes, comme si cela pouvait lui permettre de disparaître car tout comme nous, il aurait aimé être n'importe où mais certainement pas ici. Minho était une machine à séduction. Je ne saurais dire combien de filles étaient tombées sous son charme mais vue la manière dont Irène rougissait lorsqu'il la fixait, cela ne m'aurait pas étonné s'ils étaient sortis ensemble. Seungmin était le plus silencieux d'entre nous. Il ne parlait jamais à personne et restait dans son coin. Dans ce genre de situation il était certainement le mieux protégé de nous car les fortes têtes comme Wendy et Chan risquaient certainement de nous causer du tort, si ce n'était pas déjà fait.
Changbin était certainement le plus dangereux d'entre nous. Certes il ne dealait pas de la drogue comme Chan ou ne se battait pas avec tout ce qui lui tombait sous la main mais il était probablement fou. La lueur qui brillait dans son regard détraqué tandis qu'il caressait le canon de son Glock me faisait froid dans le dos. Il était connu pour avoir volé les grenouilles qu'on était chargé de disséquer et les avoir lentement dépecés dans la cour arrière du lycée avant d'étendre leurs organes encore sanguinolents sur le parquet du gymnase.
Loin d'être repoussant, il aurait pu largement plaire à certaines filles si seulement il n'arborait pas cet air maladif qui ne le rendait que plus terrifiant. C'était un pervers narcissique imbu de sa personne qui ne comptait que sur lui-même et ne fréquentait que la solitude. Certains racontaient que son père le battait lorsqu'il était petit, c'était sans doute ce qui l'aurait poussé à devenir comme ça mais personnellement je pensais simplement que les gens inventaient ses rumeurs pour renforcer le côté obscure de son personnage et effrayer les premières années comme Jeongin qui tremblait de tous ses membres. Changbin n'était pas un voyou qui traînait dans la rue le soir et sautait les cours, il était toujours présent au premier rang et se tournait sans cesse pour observer ceux à l'arrière de la classe. S'il décelait la moindre once de peur dans leur regards, il souriait et se détournait puis continuait de suivre le cours comme si rien ne c'était passé. Il lui arrivait parfois de s'enfermer dans les toilettes pendant toute la pause déjeuner et d'y ressortir avec l'air encore plus sinistre que d'habitude. Sa démarche menaçante inquiétait même les professeurs qui se demandaient parfois s'il ne souffrait pas de bipolarité. Tout un tas de rumeurs couraient à son sujet, mais lesquelles étaient vraies, lesquelles ne l'étaient pas? Personne ne le savait. Parmi elles la plus célèbre était celle du cadavre enterré dans son jardin. J'avais toujours trouvé cette histoire sordide particulièrement stupide et enfantine mais aujourd'hui je devais bien avouer qu'elle ne me paraissait plus si dérisoire. J'évaluai même la possibilité qu'elle soit vraie.
Tous les élèves présents dans cette salle représentaient de parfaits clichés. Nous aurions pu être les acteurs d'une mauvaise série pour adolescents mais nous n'étions pas dans un bouquin fantastique, non. Nous étions dans la vraie vie. Chacun semblait si spécifique que je me demandai si l'auteur de cette mascarade ne nous avait pas volontairement choisi pour jouer les pantins de son jeu macabre.
En toisant Irène qui gigotait sur sa chaise, je me demandai quelle place m'avait été attribuée. Quel personnage étais-je? Quelle était ma caractéristique? Quel stéréotype incarnais-je? Et pendant que je réfléchissais à la possibilité d'être le héro de cette plaisanterie, je trouvai ma fonction. J'étais l'observateur. Pas le cerveau, l'intelligence supérieure, celui qui pensait avant d'agir, non. Ce rôle là était réservé à Woojin. Moi j'étais celui qui écoutait et analysait. Chan prenait les décisions, Wendy s'y opposait, Seungmin les suivait et je tranchais. Je me demandais d'ailleurs si quelqu'un d'autre que moi avait remarqué nos personnalités flagrantes, le Jeongin timide, le Minho beau gosse ou encore le Hyunjin sportif mais sus en voyant qu'aucun d'eux n'épiait les autres que personne n'avait considéré la possibilité que peut-être Changbin voulait qu'on soit tous là, ensemble au même moment. Peut-être qu'il avait fait exprès. Mais pour quelle raison? Je l'ignorais.
Toujours sur l'estrade, il sortie un petit carton blanc de sa poche, pas plus grand qu'une carte de crédit, pas plus épais qu'un livre et le posa sur la table. Aucun de nous ne fit de commentaire là-dessus car la taille de la boîte laissait peu de place à l'imagination. Et lorsqu'il en extirpa un petit cylindre de plomb, nous sûmes bien vite de quoi il s'agissait. Des balles.
D'un rapide mouvement, il ouvrit le barillet, plaça la balle dans un des trous et referma l'arme qu'il déposa sur la table.
- Bien. Tout le monde s'est calmé. Jeongin a fini de chialer, on va pouvoir commencer. Je pensais qu'on serait que huit mais visiblement certains avaient envie de nous rejoindre. Je ne vais pas m'en plaindre, ça fait toujours un peu d'animation en plus. Alors si je vous ai réuni ici c'est pour-
- Tu ne nous as pas réuni. Tu t'es contenté de verrouiller la porte de la salle en nous maintenant ici avec ton putain de flingue, cracha Wendy en plongeant son regard dans celui de Changbin.
- Tu n'as pas tort. Et tu as du répondant, j'aime ça. Il en faut des filles avec du répondant mais pour l'instant chaton, je ne t'ai pas demandé ton avis. Alors... tais-toi.
Wendy s'apprêtait à répondre mais je la fis taire en pressant sa cuisse sous la table d'un coup sec. Si elle l'ouvrait encore, je n'étais pas sûr qu'on sorte tous vivants de cette salle.
- Comme je disais, je vous ai réuni ici pour jouer à un jeu parce que j'adore jouer, reprit Changbin d'une voix hystérique en appuyant sur le mot "jeu", et malheureusement je commence à me lasser des jeux solitaires. J'avais besoin de partenaires pour jouer alors quoi de mieux que vous choisir vous.
À cet instant, nous nous observâmes tous et remarquâmes alors les particularités de chacun.
Agacé, Hyunjin se balanca sur sa chaise et lança d'une voix moqueuse:
- Tu comptes jouer au Monopoly? Non parce que si c'est ça j'peux te filer mon chien. Il fera aussi bien l'affaire.
- J'parie plus sur un action vérité, lança Chan en plaçant ses converses abîmées sur la table.
- Tu crois pas si bien dire...
Wendy pouffa en jetant un regard amusé à Irène qui haussa les épaules puis Chan partit dans un éclat de rire tandis que Jisung tentait de le résonner. De mon côté cette idée ne m'amusait pas du tout car je savais pertinemment que Changbin ne jouait pas à action et vérité de la même manière que nous. Le sien devait forcément impliquer des conditions supplémentaires.
Il resta étonnamment calme en voyant Hyunjin rejoindre Chan dans son fou rire et attendit que le bruit s'évaouisse pour reprendre la parole.
- Je ne joue pas comme vous jouez.
- Ça m'aurait étonné, murmura Woojin.
- Il y a des règles à respecter et puisque vous êtes des joueurs vous devez impérativement les respecter.
- Ça vaut aussi pour toi alors? demanda Jeongin d'une voix incertaine qui fit sourire Changbin.
- Quelle naïveté. Bien évidemment que je ne joue pas. Je suis un spectateur et accessoirement le maître du jeu.
- Si toi tu te la coules douce, alors moi aussi, convint Wendy en croisant les bras sur sa poitrine.
- Nope. Ça ne fonctionne pas comme ça princesse. Je dicte, tu fais.
- Et si on refuse de jouer à ton jeu? lançai-je, ne m'attendant pas vraiment à la réponse que je souhaitais.
- C'est très simple...
Changbin pointa le pistolet sur le néon et appuya d'un coup sec sur la détente. Instinctivement, je portai les mains à mes oreilles pour me couvrir du bruit mais rien ne se produisit. Seulement le cran du barillet qui se décala.
- Voilà ce qui se passera si tu refuses de jouer mon petit Felix. Pour l'instant je n'ai qu'une balle dedans. Mais s'il le faut, j'en mettrai six.
Changbin se retourna vers le tableau, confiant, sans douter une seule seconde que nous pourrions fuir par la porte et écrivit les règles du jeu au tableau en faisant grincer odieusement la craie à chaque lettre.
Seungmin chaussa ses lunettes et pencha la tête sur le côté tandis qu'il lisait.
Lorsqu'il eut fini, Changbin se retourna dans notre direction et énuméra à voix haute ce qu'il venait d'écrire comme si nous n'étions pas capable de comprendre.
- Règle numéro une: Tous les joueurs sont obligés de jouer jusqu'à la fin de la partie. Je suis celui qui décide de la fin de la partie.
Règle numéro deux: Il n'y a que des actions. L'option vérité n'existe pas.
Règle numéro trois: Je donne les actions à qui je souhaite. La personne désignée est obligée d'exécuter ce que je lui demande. Si elle est incapable de relever le défi, elle devra lancer un dé. Le dé est numéroté de un à six. Elle fera tourner autant de fois le barillet qu'indique le chiffre du dé et appuiera sur la détente après avoir placé le pistolet sur sa tempe.
Règle numéro quatre: Le joueur précédent est autorisé à augmenter le nombre de balles du joueur suivant s'il le souhaite. Plus le nombre de balle est grand plus son tour sera éloigné. Tu ajoutes deux balles, ton tour recule de deux.
Règle numéro cinq: Quiconque ne respecte pas une de ses règles sera puni de mort.
Maintenant que vous avez entendu toutes les règles, on peut jouer. C'est parti!
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