42. Ayden
Je savais confusément que cette merde me rattraperait un jour. Ça ne s'arrêtera jamais, de toute façon. Quoi qu'il se passe. Quoi qu'il se passe de bien dans ma putain de vie, ça durera jamais longtemps. Je peux pas respirer, à croire que j'ai pas le droit.
— Quand est-ce qu'on part ?
— Tout de suite, si tu ne veux pas qu'on vienne te chercher.
— Tu n'aurais pas une petite bière, dans ce cas ? Au point où on en est...
Mon demi-frère lève un sourcil, mais ma provocation délibérée n'a pas l'effet que j'attendais. À côté de moi, Mel plisse à peine les yeux, mais elle se contient comme elle peut. Encore une fois, elle va pleurer. Elle va s'inquiéter, elle va paniquer. Pourquoi je suis pas foutu de lui faire ressentir autre chose que ce genre de merdes ? Elle va me lâcher. Elle va me lâcher et elle aura raison. Mais il faut pas qu'elle le fasse. Si elle le fait... si elle le fait...
— Je suis désolé, Ayden. Tu ne mérites pas tout ça. Je ne sais pas ce qui s'est passé avec ce mec, et je t'en veux vraiment d'apprendre ça de cette façon, mais je ferai le maximum pour te sortir de là.
— T'es spécialiste en évasion, toi, maintenant ? je crache.
— J'espère qu'on n'en arrivera pas là. Mais je pense que des avocats suffiront. Quoi qu'il arrive, Live te soutiendra. Et moi aussi.
— Pourquoi ?
Après tout, il a aucune raison de le faire. C'est pas parce qu'on partage un peu de sang que ça l'oblige à être là.
— Parce que tu en vaux la peine.
La voix douce et brisée de Mel envahit l'espace, et Chuck pose les yeux sur elle avant de se râcler la gorge.
— Quelque chose comme ça, en effet. Je vais t'accompagner là-bas.
— Ça ira.
— Que ça te plaise ou non, Ayden.
— Fait chier.
— Comme tu dis, rétorque mon demi-frère.
*
Devant le commissariat, Chuck interpelle une femme d'une cinquantaine d'années perchée sur de vertigineux talons hauts. Elle nous rejoint en trottinant, l'air préoccupé.
— Enfin, soupire-t-elle. Vous voilà. Bonjour, m'interpelle-t-elle. Maître Donovan. Je suis votre avocate. Venez.
— Katia, l'interpelle Chuck avec gravité en posant une main sur son bras.
L'intéressée s'arrête, et observe Chuck par-dessus ses petites lunettes carrées.
— Je sais. Je ferai de mon mieux. Venez, Ayden. Allons prendre votre défense avant que quelqu'un ne vous reconnaisse.
Perdu, je pose les yeux sur Mel. Tant qu'elle est là, rien ne peut m'arriver. Rien. Rien ne peut me briser tant qu'elle est là. Il faut que j'essaie de m'en convaincre. Une seconde plus tard, j'enfile mes lunettes de soleil. Je sais pas si je vais entrer. Je sais pas si je vais y arriver. Il faut qu'on me sorte de là, bordel. Il faut qu'on me sorte de cette chair qui ne m'a jamais conduit à rien d'autre qu'à l'enfer.
— Vous allez me laisser parler, Ayden. Quand on vous posera des questions, je vous dirai ou non si vous pouvez répondre. S'il vous plaît, je vous demande de suivre scrupuleusement mes instructions.
— Sinon quoi ?
— Sinon, vous risquez de commettre une erreur qui vous coûtera cher. Vous avez tué cette personne ?
— Qui ça ? Brittany ?
— Non. Je sais ce qui s'est passé avec Brittany. Je suis désolée pour vous. Cet homme. Avez-vous tué cet homme ?
— Oui. C'est à cause de moi qu'il est mort.
— Vous avez dit à la police qu'il était tombé en s'enfuyant. Est-ce que c'est vrai ?
— Non. Il est tombé à cause de moi. Je l'ai bousculé. Et ensuite, je l'ai frappé.
— Que souhaitez-vous dire à la police ?
— C'est vous l'avocate.
— Ma défense ne fonctionnera que si vous la suivez. Que voulez-vous faire ?
— Dire la vérité.
— Je ne suis pas sûre que...
— Rien à foutre. Je veux payer. C'était ma faute, je dois payer.
Je ne paierai jamais pour Brittany. Je ne paierai jamais pour Dean, alors je vais payer pour ce que j'ai fait à ce connard. Il a payé ses actes, lui aussi, à travers moi. Y'a pas de raisons que ce soit pas mon cas. Si je dois m'en sortir, je veux que ce soit dans les règles. J'ai besoin d'expier. Pour elle, pour moi. Pour Zack et pour Cass qui me couvrent depuis des mois. Et même pour Brittany.
— Bien. Vous aurez sans doute certainement droit à un procès. Avec un peu de chance, on vous laissera en conditionnelle.
Quitte à ce que ma vie devienne un cauchemar, autant faire les choses bien.
— On verra bien.
— Vous êtes sûr que vous voulez prendre ce risque ?
— Ouais. C'est ce que je veux.
De toute manière, si je ne dis pas la vérité, ça ne s'arrêtera jamais, quoi qu'en pense Chuck. Et puis peut-être que si pour une fois j'assume mes conneries, un truc bien en ressortira.
— Bien. Je ferai le maximum pour vous éviter le pire, dans ce cas. Allons-y.
L'avocate me précède dans le hall du commissariat. Deux flics qui discutent dans un coin chuchotent quand on passe devant eux, mais je fais comme si je n'avais rien vu. C'est pas le putain de moment de paniquer. Je peux pas me permettre de partir en vrille, pas ici. Pas maintenant.
Je ne sais pas pourquoi, je repense à Noah. Puis à Noah et à ma mère. Puis à Brittany. Heureusement pour moi, on atteint l'accueil avant que la douleur ne soit trop forte.
— Bonjour, s'annonce la femme de loi. Maître Katia Wagner. Nous avons rendez-vous, Ayden Harrington pour l'inspecteur Sawyer.
L'homme qui se tient derrière le comptoir tique en entendant mon nom, et me jette un regard mauvais que je lui rends sans broncher.
Baisse les yeux, connard. Vite. S'il te plaît.
Heureusement, notre confrontation visuelle ne dure pas, et l'homme attrape son téléphone pour appeler l'inspecteur... Sawyer ? Vraiment ? Je contiens tant bien que mal un rire nerveux, traversé par les images d'un dessin animé qui me semble avoir existé dans une autre vie.
— Mon collègue va vous escorter à son bureau. Attendez ici.
Alors c'est à ce point ?
— Calmez-vous, Ayden, m'interpelle l'avocate en lorgnant mes poings serrés. C'est le protocole qui veut ça.
— Le protocole, je répète comme un con.
J'ai besoin d'air, et Mel est même pas là pour m'en donner un peu. Alors je respire comme je peux, à grandes goulées, sans arriver à me rassasier. Je sais pas ce qui me prend, mais j'aime pas ça du tout. Je me suis jamais senti aussi mal de toute ma putain d'existence, comme si toutes les saloperies que j'ai pu faire jusqu'à maintenant venaient de se produire toutes en même temps.
À l'étage, l'homme en uniforme qui nous précède frappe à une porte qui ressemble à toutes les autres, et la déverrouille pour nous laisser passer quand on l'y autorise de l'autre côté de la porte.
Maître Wagner me précède avec fermeté, et mes paupières se ferment un instant quand je passe la porte du bureau. Si ça se trouve, je ne sortirai pas d'ici avant plusieurs heures. Si ça se trouve, je ne reverrai pas le ciel ni les étoiles avant longtemps. Si ça se trouve, ce type va pas me croire. Si ça se trouve, je vais perdre encore tout ce que j'ai.
— Inspecteur.
— Maître Wagner.
Le regard est poli, mais l'inspecteur est déjà prêt à en découdre.
— Asseyez-vous, Monsieur Harrington.
L'avocate m'encourage du regard, et je me pose comme je peux sur un siège en bois dur. Cette pièce est minuscule, il fait une chaleur à crever. En face de moi, l'homme parcourt un dossier. Le mien, sûrement. Est-ce qu'il essaie de m'impressionner ? Sans rien ajouter, il extirpe un dictaphone d'un tiroir de son bureau et démarre l'enregistrement.
— Monsieur Harrington, vous êtes ici de votre plein gré pour éclaircir certains détails autour de la mort de Ben Evans, de laquelle vous avez été témoin la nuit du 6 mai 2016. Est-ce exact ?
— Oui.
— Pourriez-vous nous raconter à nouveau les faits qui se sont produits cette nuit-là ?
Un chapitre tout court pour terminer la semaine...
J'espère que vous allez bien. Merci, pour toutes vos lectures et toutes vos réactions. Plein d'amour, prenez soin de vous !
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