Chapitre 5 : La normalité des choses
"Hé bien, il reste une dernière personne à nous partager son stéréotype."
...
??? : ...
Organisatrice : Mademoiselle ? C'est à vous. Vous êtes la dernière.
??? : ...
Kader : Hé. Tu es celle qui nous a à tous posé une question, et maintenant tu as perdue ta langue ?
Sandy : Hum... Tu es là...?
Organisatrice : S'il vous plait, on se tait vous autres.
Kader : Je suis désolé mais pourquoi elle ne dit rien, d'un coup ?!
Lucas : Elle est peut-être timide...
David : O-ou muette !
Sandy : Non, pas muette. Elle a parlé tout à l'heure.
David : Alors... Aussi handicapé ?
Kader : Timide, handicapé ou autre, on a tous parlé. Je ne vois pas pourquoi elle ferait une exception !
??? : ... Vous voyez ? On est en plein d'dans.
Tous : Quoi ?
??? : Je n'ai même pas ouvert la bouche que... vous mettez des hypothèses sans réfléchir. On est en plein jugement et préjugé. C'est bien un truc que j'déteste...
Kader : Que...
Lucas : Mais pas du tout !
Organisatrice : S'il vous plait, taisez-vous. Présentez-vous, voulez-vous ?
??? : Urg... Ok. Ahem... Jm'appelle Manon, j'ai 22 ans, j'habite dans un petit village et je suis étudiante Auxiliaire de puériculture dans un centre de formation à Toulouse.
Tous : Bonjour Manon.
Manon : Et si j'suis ici, c'est pas pour rien. Car comme vous, c'est quelque chose que j'endure depuis que je suis petite. Un stéréotype tout con qui est sur... moi-même.
Organisatrice : Continuez, Manon...
Manon : Voici mon histoire.
...
Depuis gamine, je ressens la sensation de ne pas être une fille comme les autres. Je sens déjà la différence avec ma famille. Je suis la fille d'une femme qui en a bien chié dans la vie ayant eu trois filles d'une précédente union et d'un géniteur laissant sa trace dans les recoins de la région que j'appelle "le diable en personne".
Mais je vous zappe les détails. Bref, depuis que je suis petite, je suis une grande timide. Déjà à l'école maternelle, j'étais une enfant très isolée et qui parlait peu. J'avais déjà aussi de gros complexe à l'époque. Pourtant, je ne vivais pas vraiment dans un milieu anti-social... Mais je l'étais.
A l'école primaire, ça c'est pas arrangé. J'étais "amie" avec qui une fille qui me martyrisait. Et comme je ne faisais rien, les autres enfants ont commencé à s'en prendre à moi. Déjà, à cause de mon nom de famille, puis par mon anxiété du publique.
Mais c'est arrivée au collège que c'était le pire du pire. J'étais une proie tellement facile pour les harceleurs, au point d'être connue dans l'école pour être la gosse isolée qui manquait tout le temps l'école pour éviter le harcèlement.
Aussi, je n'étais pas vraiment aidé dans ma famille. J'apprenais de plus en plus que mon géniteur n'était pas quelqu'un de bien, ma mère travaillait tout le temps et une de mes sœurs auquel j'étais très proche a fait sa vie avec un type qui l'isolait de la famille... Sans oublier ma seconde sœur qui nous méprisait et ma sœur aînée qui s'occupait de sa fille de trois ans de moins que moi.
J'dis pas avoir une mauvaise famille... Ma mère et deux de mes sœurs me sont très chers aujourd'hui... Mais je pense que si je n'étais pas aussi renfermé sur moi-même, j'aurais pu avoir une adolescence mieux. "Normale".
J'étais différente des autres filles de mon âge... Et techniquement, je le suis encore aujourd'hui. Mais je possède toujours sur la tête le visage d'une femme qui n'aime pas entrer dans la discussion.
On m'a toujours dit que la timidité s'en ira une fois adulte, c'est faux. Je sais que je suis comme ça et je suis bien comme ça maintenant. Cependant, ce n'était pas gagné.
Pendant toute mon enfance, j'entendais les mêmes choses :
"Pourquoi tu ne parles pas ?", "Tu es timide ?", "On va pas te manger, tu sais !", "T'as des amis au moins ?"...
C'était une question de confiance en moi, en fait. Mais constamment, j'avais une peur : Le jugement. A chaque mot et chaque geste, j'avais une peur bleu qu'on me jugeait. Alors je ne faisais rien... Mais c'est en faisant rien qu'on me jugeait quand même.
Bien sûr, tout le monde a besoin de sociabilisation. Alors, j'ai trouvé une sorte d'alternative. Internet. Je me suis rendu compte qu'il était beaucoup plus facile pour moi de parler et d'être moi-même sur internet.
Mais si on enlève la timidité, je suis quelqu'un d'assez bizarre, heh heh...
Et pourtant, c'est tout à fait normal.
C'est normal d'agir de manière différente entre la famille, les amis et le milieu professionnel... Mais à l'époque, je pensais que c'était pas normal... Que je n'étais pas normale. Je pensais vraiment que j'étais bizarre, anormale.
J'avais un stéréotype sur moi-même à cause de mes agissements et de l'agissement des autres.
Et ce manque de sociabilisation étant enfant m'a fait comprendre une fois adulte la réalité. De faire attention à qui on se dévoile...
Quand j'ai eu 18 ans, j'ai teint mes cheveux en rouge. Ça parait con, mais ça m'avait donné une confiance en moi. Trop, même... Ma timidité était toujours là, mais je me dévoilais plus. Surtout sur internet. Vous savez, Facebook, Twitter, Instagram... Ces conneries.
Et le drame surgit, me ramenant sur terre. Je me suis rendue compte que internet n'est VRAIMENT pas un bon moyen pour sympathiser avec les autres, et encore moins de se dévoiler car... Tout ce qui tombe sur internet reste.
Car comme moi qui me cachait derrière mon écran, les autres se cachent aussi. J'ai été pourri par des personnes que je croyais connaître et que je croyais être mes amis, au point de complètement changer d'identité sur les réseaux pour mettre fin à ce cyber-harcèlement.
La plateforme qui me permettait d'être moi-même m'avait alors pourri jusqu'à l'os. C'est à ce moment que où que je sois et quoi que je sois, les jugements humains étaient toujours présents.
Et ça m'en a tellement tiré leçon que je me suis à nouveau renfermé sur moi-même. Comme si ces années de "liberté" n'avaient jamais existé.
Mais enfin de compte, ce n'est pas plus mal. Quand j'y repense, avec ma pensé de femme adulte, je me demande vraiment ce qui me passait par la tête. On pourrait dire que c'est l'adolescence, mais aussi le ressenti d'être une personne solitaire.
"Qu'est-ce qui m'a prit ?", "J'suis con, ou quoi ?", "J'étais vraiment une idiote, à l'époque", "J'ai honte que des personnes m'ont connus en cette période", "J'espère ne jamais tomber sur ces personnes en face à face"...
Encore aujourd'hui, je ressens ces préjugés... Mais c'est pas ceux des autres qui me touchent le plus, c'est les miens. Mes préjugés, MES stéréotypes de l'enfant bizarre.
Je suis consciente de ne pas être la seule solitaire, de ne pas avoir été la seule adolescente se dévoilant sur internet... Mais j'ai honte. Je n'aime pas mon enfance.
Si il y a bien un truc que je ferais en tant que futur professionnelle de la petite enfance, c'est de faire les préventions aux parents pour protéger les enfants.
En fait, les gens jugent tout ce qui n'est pas normal... Mais c'est quoi, être normal ? De faire comme les autres ? De ressembler aux autres au point de se confondre et de ne plus avoir d'identité propre ? Si c'est ça "être normal"...
Alors je suis fière de ne PAS être normale.
...
Organisatrice : Votre situation est en fait vous qui vous stéréotypez. C'est bien cela ?
Manon : Oui.
Organisatrice : Mais vous avez-vous même dit que vous n'êtes pas la seule, comme ça. Le fait de ne pas être seule ne vous rassure pas ?
Manon : Du tout... J'ai toujours peur qu'on me juge. Là par exemple, à vous voir tous me regarder, je sais que vous vous dites des choses. Que vous critiquez mon histoire, ma façon de m'habiller ou juste mon apparence. Même vous, madame l'organisatrice...
Organisatrice : Comment ça ?
Manon : Au début de la séance, vous avez dit que personne ne doit juger. Mais c'est pas parce que on ne parle pas qu'on ne juge pas. Le jugement c'est surtout dans la tête.
Organisatrice : Il est vrai. Mais c'est pour ça que nous sommes ici, pour partager les stéréotypes dont vous êtes tous victimes.
Kader : Vous croyez que je suis venue ici pour être jugé ? Je préfère m'en aller.
Sandy : Moi aussi ! J'ai assez souffert comme ça.
Lucas : J'aurais pas dû venir ici...
Organisatrice : S'il vous plait ! R'asseyez-vous !
Tous : ...
Organisatrice : Je sais qu'une séance ne vous protégera pas des futurs préjugés. Mais le but de cette séance est de montrer que vous n'êtes pas seuls à être victime de ce genre de harcèlement. Que vous êtes plusieurs... Certes, chacun d'entre vous a son stéréotype, mais vous êtes plusieurs. Il y a plusieurs homosexuels comme Lucas qui sont vue comme des efféminés.
Lucas : ...
Organisatrice : Il y a plusieurs musulmans comme Kader qui sont vue comme des terroristes.
Kader : ...
Organisatrice : Il y a plusieurs femmes comme Sandy qui sont vue comme des soumises.
Sandy : ...
Organisatrice : Il y a plusieurs personnes handicapés comme David qui sont vue comme des extraterrestres.
David : ...
Organisatrice : Et il y a plusieurs personnes comme Manon qui sont vue comme des personnes "anormales" et qui finit par le penser et même se juger eux-mêmes.
Manon : ...
Organisatrice : Le but de cette séance est de vous faire tous comprendre que vous n'êtes pas les seuls avec des mots écrits sur la tête. Et qu'il n'y a pas tout le monde qui vous juge de la sorte. Vous comprenez ?
Lucas : ... Je ne sais pas si c'est parce que je ne suis pas attiré par les femmes, mais je trouve révoltant que les hommes les traites encore aussi mal après toutes ces années...
Kader : Ce n'est pas une question que tu sois attiré par les femmes ou non ! Je suis né dans un milieu où ma mère était celle qui nous faisait vivre, et je ne suis pas pourtant un matcho avec ma femme ! Les femmes ont autant le droit que les hommes. En tout cas, ici...
Sandy : C'est gentil de dire ça... Moi je trouve nul que les gens s'en prennent aux handicapés. S'en prendre à plus faible c'est vraiment lâche.
David : O-ou de s'en prendre à... à quelqu'un qui est différent de peau ou d'amour...
Lucas : En fait, ou on s'en prend à nous parce qu'on est différent, ou il faut qu'on soit différent dans l'extrême pour eux !
Kader : Ces putains de stéréotypes... Comme si le juste milieu n'existait pas, en fait.
David : Mais il y a des... des personnes qui nous ont aidés.
Sandy : Toutes personnes jugent, mais ne sont pas intentionnels.
Manon : Et on pourrait s'entre-aider pour faire passer un message...? Enfin, j'sais pas.
Organisatrice : C'est la prochaine étape. Vous êtes les premiers à témoigner dans notre regroupement "STOP aux stéréotypes". Vous pouvez être ceux qui parlerons dans notre campagnes contre les stéréotypes !
Sandy : Mais comment ?
Organisatrice : Nous allons bientôt organiser une journée porte-ouverte contre le harcèlement. Vous pourriez êtres des intervenants et engager la bataille contre ces préjugés.
Lucas : Témoigner devant des inconnus ? H-hum, on ne m'a jamais parlé de ça...
Organisatrice : Ce ne serait pas obligatoire, mais vous n'êtes pas le seul garçon à avoir eu des problèmes. Pensez à tout ces jeunes hors de leurs maisons parce qu'ils sont homosexuels... Vous avez eu de la chance vous, alors que certains sont désormais à la rue.
Lucas : ...
Manon : Je veux bien intervenir...
David : Moi aussi ! Moi aussi !
Kader : Hfm, je pourrais montrer aux jeunes que notre vie n'est pas tracé dû à nos origines...
Sandy : Et moi je pourrais conseiller les filles qui ont des rêves.
Organisatrice : Lucas ? Vous êtes des nôtres...?
Lucas : Je... Je ne sais pas...
...
Lucas : Ok !
Nous sommes tous victimes des jugements des autres. Pour notre vie, nos vêtements, nos cultures ou encore pour notre personnalité. Mais tout ça a une histoire. Tout a un début, donc une histoire à connaitre. Alors avant de juger du premier regard, essayez de comprendre cette histoire et de ne pas créer des hypothèses et de se fier à des "on dit". Cherchez vous-même les informations et ignorez les paroles des autres ou les règles de la société. Une fille n'a pas besoin de se maquiller, comme un garçon n'a pas besoin d'être musclé... Si vous êtes victime de harcèlement, parlez-en à votre entourage. Ne refoulez pas vos émotions. Dites-vous que vous n'êtes peut-être pas le seul dans cette situation. Il n'est pas trop tard pour en parler, ni pour agir.
- Manon, Alias PlayerChan sur Wattpad.
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