02
J'ai terminé toutes mes tâches pour ce soir ; le diner en tête-à-tête en faisait partie. Je sens que j'ai besoin d'aller me coucher, d'être seule, d'oublier tout ça, espérant me réveiller sans tout ce que je reproche à mon mari. Me dire que tout ceci n'est que dans ma tête, que je me fais des idées, qu'on va très bien, qu'on s'aime, qu'on vit un conte de fée.
Une petite voix au fond de moi me dit que je me voile la face, et que je fais mieux de rester dans la réalité.
Mais la gamine amoureuse qui sommeille toujours en moi me dit de taire ces pensées et me battre pour garder tout ce que j'ai ici, à commencer par l'homme que je suis en train de perdre.
- Qu'est-ce qu'on fait ce soir ? me demande Niall
- J'allais me coucher tôt.
- Sérieusement ?
- Bah oui, pourquoi ?
- Elles sont si épuisantes tes journées à la maison ?
Et c'est reparti. Une petite pique dont il n'a même pas conscience.
- S'ennuyer à mourir en nettoyant ton immense maison est crevant, oui.
- MON immense maison ? Je croyais qu'on était deux pour la vouloir.
- Ouais, peu importe. M'occuper de la maison et de ta fille, ça me fatigue à la fin de la journée.
- Ah parce que c'est MA fille maintenant ?
- Bah oui, tu crois que c'est celle de qui ? Liam ?
- Si tu me dis qu'il t'a touchée, je vous frappe tous les deux.
- Wow, relax. Y a pas de ça entre nous. Je plaisantais juste. Et depuis quand tu frappes ta femme toi ?
- Depuis qu'elle sous-entend me tromper avec mon meilleur ami.
- Et si je l'avais fait tu m'aurais frappée ?
- Euh...
- De toute façon, je ne vois même pas pourquoi ça te préoccupe.
- Quoi ? demande-t-il surpris
- Bah, c'est pas comme si t'en avais quelque chose à faire que quelqu'un puisse vouloir de moi.
- Quoi ? répète-t-il
- Pas comme si toi tu avais envie de me toucher.
- Euh... Quoi ?
- Tu me vois même plus, je dis en haussant les épaules. Depuis que Lena est là, je suis devenue ta femme de ménage.
- Quoiii ? répète-t-il encore
- Arrête de faire le mec surpris, tu sais très bien que c'est vrai.
Je prends ma fille dans mes bras et me dirige vers sa chambre, avant de la déposer dans son lit.
- On va reparler de ça, me dit Niall sérieusement avant d'aller s'occuper de sa fille
On termine de mettre Lena au lit, puis, quand elle s'est endormie, on sort de sa chambre et on ferme la porte.
- Comment ça tu es devenue ma femme de ménage depuis qu'on a Lena ? me demande-t-il sans attendre. C'est quoi ces conneries ?
- C'est pas des conneries, c'est la vérité, je dis en le regardant dans les yeux au risque de laisser paraitre que je suis blessée. T'en as plus rien à faire de moi quand c'est pas pour faire ta lessive. Moi je suis fatiguée ok ? Je veux juste de temps en temps ne pas avoir la maison à nettoyer et les fringues à laver, et que tu me voies moi, et pas la personne qui fait ton ménage.
Il me regarde un moment, avant de répéter :
- C'est quoi ces conneries ?
- Tu vois, je ne sais même pas pourquoi j'ai pris la peine de te parler.
Vexée et blessée, je prends le chemin de notre chambre et m'assois sur le lit. Il me suit ; la seule fois où j'aurais effectivement aimé qu'il m'oublie, il me suit.
- Mais parle-moi, je t'écoute, dit-il
- Non, je te parle et tu t'en fous de ce que je te dis.
- Tu me dis quoi exactement ? Que t'en as marre du ménage ? Mais t'as que ça à faire de la journée. Si on l'enlève, il te reste quoi ?
J'ai envie de pleurer en entendant ça, même s'il ne l'a pas dit méchamment. Le truc c'est que moi je voulais me marier, avoir des enfants, tout ça, mais pas avoir cette vie de femme au foyer. Lui il ne comprend pas, il s'est marié et il a eu Lena mais il n'a pas arrêté sa vie de chanteur. Moi quand j'ai commencé ma vie de mère, toutes mes autres vies se sont arrêtées.
- Il me reste ce que je suis. Ce que j'étais avant de faire ma vie avec toi, et de tout laisser tomber pour toi.
- Oh, wow, ralentis deux secondes. T'es en train de dire que tu regrettes d'être avec moi ?
- Non ! Je suis en train de dire que je regrette que tu ne voies pas que pendant que toi tu vis, moi je ne vis pas !
Il reste là immobile, silencieux, suite à ma réponse brusque.
- Tu crois vraiment que ça m'éclate de changer des couches et faire la lessive toute la journée ? J'ai jamais dit que je ne voulais pas le faire, mais je ne veux pas passer ma vie à faire ça !
- Alors quoi, tu veux arrêter ? Et on fait quoi ? On se sépare ? Parce que t'en as marre de ta vie ici ?
- Mais met-toi à ma place deux minutes !
Je n'arrive pas à croire qu'il ait dit ça. Se séparer parce que j'en ai marre de ma vie. Se séparer. Parce que MOI j'en ai marre. Je dois rêver.
- Pourquoi tu ne veux pas juste entendre que je suis fatiguée d'être devenue une femme de ménage et non plus une femme ?
- Une femme ? répète-t-il
- Une femme, ouais. Des seins, des fesses, un vagin, tu vois ce que c'est ?
Il me regarde avec la bouche entrouverte, certainement choqué parce que je parle rarement de cette façon, et parce que j'ai toujours détesté être réduite à des seins, des fesses et un vagin.
- Vendredi prochain je vais avec Mollie au concert de McFly.
- Je sais, mais pourquoi tu me dis ça subitement ? Je croyais que tu faisais une histoire à propos d'être une femme et... Oh, je vois. Tu vas t'habiller sexy et tout ?
- Si j'arrive à rentrer dans ces fringues qui trainent dans le dressing depuis avant la grossesse... je dis tristement
- Pourquoi tu dis ça ? T'as pas grossi.
- Tu crois ? Tu m'as regardée au moins ?
- Oui.
Il se plante devant moi, et me prend les mains pour que je me lève.
- Je te regarde là, et je te dis que tu n'es pas grosse.
- Tu dis ça à la femme qui a porté ton enfant ou à celle qui lave tes chaussettes sales ?
- A la femme que j'ai épousée, et qui me fatigue à nous inventer des problèmes depuis tout à l'heure.
- J'invente pas... Je te dis ce que je ressens.
- D'accord. Alors, tu veux que je te fasse ressentir que tu es une femme et non pas une femme de ménage ?
- Oui.
- Okay.
Il pose les mains sur mes hanches puis les fait glisser sous mon pull.
- Attends, je l'arrête
- Quoi ?
- La femme de ménage, tu peux aussi bien la baiser aussi.
Il me regarde, puis lève les yeux en se reculant de moi.
- Oh, je comprends plus rien.
Je ne dis rien, me mordillant la lèvre.
- Je fais exactement ce que tu veux, là.
- Non. J'ai pas demandé ça.
- Mais tu veux quoi alors ?
- Je veux que tu me rappelles pourquoi on s'aime.
Il reste comme ébahi quelques secondes.
- Tu... Tu ne sais plus pourquoi on s'aime ?
J'ouvre la bouche pour répondre, mais je le vois tellement perdu, que je ne dis finalement rien alors qu'il s'assoit sur le lit.
Il reste immobile, fixant un point invisible devant lui, et moi-même je ne sais pas comment réagir. Il a l'air tellement perturbé soudainement, tellement perdu, tellement... mal.
- Je... Je sais plus non plus, finit-il par laisser échapper
Et c'est la douche froide.
Ces mots, ce sont les mots qui veulent dire « On est ensemble, mais je ne sais pas pourquoi. Ce n'est plus parce que je t'aime. » Les mots qui balaient tous les moments d'amour, de partage, de bonheur intense qu'on a eus. Les mots qui nous effacent, nous.
Je m'assois alors lourdement sur le lit à côté de lui, regardant dans le vide.
C'est le moment. Le moment où il va me dire que je ne me fais pas des idées, qu'on a changé, lui et moi, que notre couple a changé, qu'on n'est plus ces deux personnes qui s'aimaient plus que de raison, qui auraient tout traversé l'une pour l'autre. Qu'on est ensemble plus par habitude que par amour, qu'on n'a certes rien à se reprocher l'un à l'autre mais qu'on n'a plus non plus quoi que ce soit qui nous raccroche l'un à l'autre. Que lui il a avancé vers la musique, et que moi j'ai avancé vers le ménage. Qu'on a tous les deux avancé vers notre fille, mais qu'on a reculé face à notre couple. Qu'on s'est laissés tombés, sans même le voir venir.
C'est le moment. Le moment où tout se décide. Le moment où ma vie continue ou s'arrête, le moment où il me garde ou me jette. Le moment où je suis ou ne suis plus quelqu'un pour lui. Le moment où je vais ou non quitter mon rôle de femme de ménage pour reprendre mon rôle de femme inconnue.
C'est le moment. Le moment où on met ou non un terme à notre couple, et à notre plan d'années de bonheur.
- Je me souviens plus, dit-il d'une voix brisée
Il tourne la tête vers moi, le regard vide, comme mort, et je sens que c'est son amour pour moi qui est mort ici. Ici et maintenant.
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