J'ai du mal à y croire. Mais alors vraiment du mal. C'est moi çà ?

Je regarde attentivement l'image que me renvoie le miroir en silence, Joséphine tout sourire derrière moi.

- Alors tu te trouves comment Carla ?

Comment je me trouve ? Je dirais plutôt comment je trouve cette fille devant moi. C'est juste impossible de m'imaginer que celle qui se trouve face à moi soit bien la Carla que je connais. La Carla dont je parle, vous la connaissez plutôt bien: elle est rondouillarde, elle a la forme d'une grosse poire avec ses grosses fesses et sa petite poitrine, un visage cerné, recouvert de boutons, des cheveux secs en épis de blés, ternes et jamais coiffés. Elle est toujours habillée avec de vieux pulls et des joggings, qui sont toujours couverts de miettes de chips d'ailleurs. Mais là ! Devant moi ! C'est une autre Carla.

Elle est tout simplement belle. Il se dégage d'elle quelque chose: comme une assurance à toute épreuve. Elle est fine, de belles hanches proportionnées avec sa poitrine ronde et ferme, des jambes fines et des bras délicats. Ses cheveux tombent en cascades d'ondulations de blond vénitien tout en dégradé sur ses épaules. Et son visage ! Son visage me semble parfait: des pommettes relevés, une bouche pulpeuse ni trop grosse - comme une de ces ventouses que les stars botoxés portent avec fiertés- ni trop fine, une peau de pêche lisse et parfaite, des sourcils délicats qui viennent souligner des yeux d'un brun profond entourés de longs cils épais et noirs.

C'est magnifique. Tout simplement somptueux.

- Je ne sais pas comment tu as fait Joséphine mais c'est réussit. C'est magnifique.

- Tu es magnifique Carla. J'ai simplement fait ressortir ta beauté naturelle.

Avec des push-ups et du contouring. C'est naturel ça ? Bref on s'en fout je suis belle.

Je me tourne et me retourne devant le miroir prise d'une joie soudaine. J'ai l'air d'une petite fille dans une robe de princesse sauf que là c'est mon corps tout entier qui ressemble à une princesse. Je me sens prête à aller à la conquête du monde. Ou plutôt devrais-je dire de l'objectif puisque l'on va à la séance photo de ce matin.

- Alors, prête à partir ?

- Tu veux pas que je prenne ces boucles d'oreilles ? je demande on pointant deux immenses créoles argents qui me font de l'œil depuis tout à l'heure.

- Bien sûr ! Super idée !

- Génial ! Je sens que ces créoles et moi allons former un super couple.

Joséphine rigole et prend ses clés pour sortir. Je me dirige vers mon sac et vérifie que mes clés de voitures sont dedans, mais non.

- Attend Jo ! Je dois prendre mes clés de voiture.

- Pas la peine.

- Comment ça pas la peine ? Tu veux que j'aille au shooting en métro pour en ressortir tout en sueur ?

Depuis quand je m'inquiète de ça moi ?

- Non pas du tout. Mais sans vouloir te vexer ta voiture n'est pas des plus jolie et puis... la maison d'édition te paye le taxi.

Je reste bouche bée. Quoi ?!!

- Attend tu es en train de me dire que ces radins ont décidés de me payer le taxi ? J'y crois pas !

- Il faut croire que quand tu décides d'être sur les réseaux sociaux ils sont prêts à t'aider.

Et bien dans ce cas il faudra organiser ce genre d'évènements plus souvent !

Nous descendons ensemble de l'immeuble et lorsque nous sortons se trouve garée juste devant l'immeuble une limousine ! Non je rigole, je ne suis pas encore dans un de mes livres quand même.

Il s'agissait d'un taxi noir basique mais le chauffeur est très aimable et nous ouvre la porte arrière très gentiment. Je m'installe aux côtés de Joséphine qui cale confortablement ses fesses sur le siège. Du tout cuir ! Noir ! La classe suprême , et en plus c'est confort ! Mais faut pas rêver, je changerais quand même pas ma vielle voiture chérie pour un bijoux aussi luxueux. Question sentimentale.

- Je vous emmène ?

Joséphine donne l'adresse et nous nous mettons en route. Je regarde le paysage avec délice: Paris est sous le soleil et le ciel bleu est partout. C'est vraiment une belle journée. Nous arrivons enfin devant un bâtiment de type haussmannien qui semble être l'endroit où va se dérouler le shooting.

- Où sommes-nous ?

- Ce bâtiment est un des cafés sur les toits de Paris cachés. De nombreuses stars s'y retrouvent et c'est magnifique, tout particulièrement pour les shoots.

En effet c'est magnifique. La café comporte une terrasse qui offre une vue panoramique sur le tout Paris ensoleillé. Le maître d'hôtel (enfin je crois qu'on appelle ce poste comme ça) regarde si l'on est inscrit sur le registre avant de nous souhaiter la bienvenue.

- Suivez-moi, monsieur Reckly vous attend.

Monsieur Reckly ? C'est qui celui-là ?

- Jo, fiche en chuchotant, c'est qui ce Reckly ?

Jo se tourne vers moi comme si je venait de l'étrangler.

- Enfin Carla ! C'est Jason Reckly ! Un photographe hyper connu ! Il a fait de nombreuses couvertures pour Vogue !

- Mais pourquoi on a prit un photographe aussi renommé ? Je peux me contenter de bien moins tu sais...

Ou alors Jo a pris ce photographe pour être sûre que malgré ma mocheté ça rendra quelque chose de bien quand même.

- Ecoute Carla je l'ai choisit parce que de un il est talentueux, de deux il était de passage à Paris, et de trois il est séduisant.

- Mais enfin on s'en fiche de ça !

- Pas moi !

J'ai mal entendu ? Jo n'a pas déjà quelqu'un normalement ? Ou alors elle est peut être libertine ? De toute manière ce n'est pas une question à poser.

On arrive dans une salle plutôt simple avec un coin dans lequel est posée une grande toile blanche illuminée par... des parapluies ?! Il va pas pleuvoir dans le studio pourtant non ? Ce photographe est vraiment bizarre.

***

J'ai maaal au dos !! Ca va bientôt faire une heure que cette énergumène qui se prend pour le roi du monde me fait poser dans tout les sens. Un côté à gauche, un à droite, on cambre plus le dos, on écarte les pieds, épaules en arrières, menton levé... Mais je ne suis pas une putain de gymnaste moi ! C'était à la limite si je me demandais s'il allais me demander de faire le grand écart. Mais bon c'était pour que ce soit "plus à votre avantage". Dans ce cas je préfère autant être moche sur la photo croyez-moi.

Je ne vois vraiment pas ce que Joséphine lui trouve ! Mais alors vraiment pas du tout ! Depuis le début de la séance c'est à la limite si elle est en train de lui lécher les pieds. On a compris qu'il te plait mais épargne moi ton décolleté plongeant s'il te plait. Des fois elle me fait peur quand même.

- Carla tu peux aller prendre un verre si tu veux, me dit Jo, pendant que je regarde un peu avec Jason les photos.

Et oui parce que elle l'appelle par son prénom et le tutoie maintenant. Je parie que ce soir elle le vois ?

- Ok merci ! Regarde bien les photos.

Et mate bien Jason au passage, je te le laisse avec sa grosse tête de monsieur-je-sais-tout.

Je vais sur la terrasse dans l'idée de m'installer confortablement lorsque je ne trouve pas de place. C'est bondé tout d'un coup ! Je croyais que c'était censé être un endroit plutôt secret ? Elle raconte que de la merde Jo vraiment...

Je cherche néanmoins une chaise de libre et je vois un côté un peu salon avec un grand canapé d'extérieur, des poufs et des chaises toutes libres avec au milieu une grande table. Sauf qu'il y a quelqu'un qui est déjà assis sur le canapé. Il est assez impressionnant d'ailleurs. C'est un jeune homme qui doit avoir dans les 25 ans je dirais vétu d'un costard bleu foncé et les yeux rivés sur son téléphone.

Oh et puis zut ! Il ne va pas prendre tout pour lui tout seul et j'ai un besoin urgent de poser mon fessier !

- Excusez-moi !

L'homme lève ses yeux bleus vers moi et m'ausculte pendant que j'essaye de parler. Mais ma bouche reste pâteuse. Parle Carla bon sang !!

- Mademoiselle ?

Il dit cela comme si je le gênais terriblement et qu'il ne rêvait que d'une chose: retourner sur son téléphone. Pourtant il garde son regard sur moi.

- Oui pardon, je voulais savoir si la place était prise.

Il me regarde encore, comme s'il hésitait à répondre, pour finalement lâcher un faible "non". Je soupire intérieurement de joie et me met dans une grande chaise avec le plus de grâce possible en sachant que je voulait juste me jeter dessus.

Il continue de m'observer du coin de l'œil ce qui est très gênant soit disant passant. Je le dérange ou quoi ?

Un serveur s'approche de moi pour prendre ma commande qui est un chocolat chaud (je n'aime pas le café). Je prend mon téléphone et regarde les notifications en silence. Tiens ! Un message de Victor !

Je sourie bêtement et l'ouvre.

De: Victor

Hey ! Je voulais te demander quelque chose, tu es occupée ?

Il veut me demander quelque chose !!!! Je manque de sauter de joie ! Mais quand je vois que le type à côté de moi continue à me fixer comme une curiosité je me retiens.

De: Carla

Holà ! Non désolé je suis prise toute la journée mais ce soir je n'ai rien.

De: Victor

Ok super ! Je t'envoie un message un peu plus tard alors !

De: Carla

Génial ! A ce soir alors !

Je me demande bien ce qu'il va me demander. J'avoue que la curiosité me dévore.

- C'est la première fois que vous venez ici ?

Je me tourne surprise vers le type qui vient de me poser la question. Il me fixe avec ses yeux bleus dans l'attente d'une réponse. Mais pourquoi il me parle lui ?

- Oui pourquoi ?

- Et bien toutes les tables de la terrasse sont toujours réservés à l'avance et vous n'aviez pas l'air d'avoir de réservation.

- Ah.

Il me regarde toujours fixement. Mon dieu mais que cet homme est gênant !!! Mais s'il veut jouer au combat de regard on va jouer !! Oui je suis une gamine et ?

Je le regarde fixement sans sourciller, l'air de dire: tu me veut quoi toi ? Je me plonge dans ces yeux bleus sans le lâcher et il fait pareil. Le temps me semble être une éternité et je sens que je vais craquer. Alors que je suis sur le point de lâcher il détourne le regard un sourire sur le visage comme s'il se moquais de moi.

- Il y a quelque chose de drôle ?

- Oui. Vous.

Oh !!! Je ne m'y attendais pas à celle-là ! Mais pour qui il se prend ce malpoli en beau costume ? Je m'apprête à lui crier dessus lorsque le serveur arrive avec mon chocolat. Vite !!! Ca va me calmer !!

J'en prend lentement une gorgé tandis qu'il continue de me fixer comme s'il attendait que je fasse quelque chose. Mais il m'énerve ! Si mon chocolat n'était pas aussi bon je le lui foutrais à la figure.

- Et en quoi je suis drôle ?

- Et bien vous êtes différente des autres.

Il me regarde toujours avec ce petit sourire collé à la figure tandis que j'essaye de lui lancer le regard le plus noir possible. mais on dirais que ça le fait encore plus rire.

- En quoi vous pouvez dire que je suis différente ? Vous ne me connaissez pas que je sache.

- Mais peut être me connaissez-vous ?

- Certainement pas ! Et je ne suis pas sûre de vouloir vous connaître.

- Ne pas être sûr c'est mieux qu'un non définitif. En tout cas moi j'aimerais bien vous connaître.

La blaaaaague ! Il se fout littéralement de ma gueule j'en suis sûre et certaine maintenant.

- Tenez, prenez ma carte et appelez moi à l'occasion.

Il me tend sur la table une carte de visite. Je hausse un sourcil surprise: il a des cartes de visites ?

Je ne touche pas à la carte et le regarde alors qu'il se lève pour partir.

- Ca ne sert à rien je risque de la perdre quelque part.

- Alors donnez moi votre numéro dans ce cas.

Je prend rageusement la carte sans prendre la peine de la lire et note rapidement mon numéro. Si ça se trouve il n'arrivera même pas à le lire de toute façon. Et vu la tête d'abruti qu'il a il ne prendra pas la peine de m'appeler. Et ce sera très bien comme ça !

Je lui tend la carte fière de mon coup.

- Voilà.

Il me regarde surpris en prenant la carte.

- J'espère que c'est votre numéro au moins.

- Je ne vous apprécie peut être pas, mais pas au point de faire souffrir quelqu'un d'autre en donnant son numéro.

Ses yeux semblent s'êtres glacés d'un coup. Il n'a pas aimé. Mais il reprend rapidement son sourire moqueur et part en ajoutant:

- Mais peut être finirez-vous par m'apprécier lorsque nous nous connaîtrons mieux.

Il s'en va sans que je lui lance un seul autre regard. Non mais ! Insupportable ! Il y a vraiment des claques qui se perdent de nos jours. Je profite du fait qu'il soit parti pour m'assoir à sa place lorsque je sens quelque chose sous moi. Je me lève et découvre une petite clé. Tiens c'est peu être à lui. Peu importe ! Je la range dans mon sac avant de prendre une nouvelle gorgée de mon chocolat.

Je vois alors arriver Joséphine tout sourire. Elle se met à côté de moi et me lance un regard coquin en sortant un papier avec un numéro de téléphone dessus.

Je me met à rire. Visiblement elle a enfin réussit à l'avoir son numéro.

- Alors on fait quoi maintenant ?

- Maintenant on mange ! Il parait qu'ils ont de superbes entrecôtes ici !

- Et ensuite ?

- Ensuite direction l'essayage de la robe !

Parce que on va l'essayer ?

***

Oh. Mon. Dieu.

Quand Jo me disais qu'on allait essayer ma robe j'avais trouvé ça étrange. Mais maintenant je comprend. Elle a osé ! Elle a commandé une robe chez Balmain ! Balmain ! Elle est folle. Je sais que j'ai les moyens mais même ! Cette robe coûte plus cher que le Smic enfin ! C'est malsain d'avoir sur la peau un truc aussi couteux ! Et je tiens à mon argent ! Je ne veux pas le gaspiller dans des robes hors de prix que je ne vais mettre qu'une fois dans ma vie alors que je pourrais m'acheter à la place des dizaines de paquets de chips ! Ou m'acheter plein de chocolats chaud ! Elle est folle.

On vient de sortit de la séance d'essayage qui c'est passé très bien pour moi. Mais apparemment il fallait faire quelque rajustement puisque la robe n'était pas assez serrée. Il veulent me transformer en boudin je vous jure. Du coup comme on a tout notre temps Jo a décidé de m'emmener me faire coiffer et maquiller. Alors qu'elle est elle-même maquilleuse et coiffeuse. J'ai l'impression de gaspiller mon argent. Je ne vit pas si bien que ça et mes livres me permettent de vivre. Je ne suis pas milliardaire comme J.K. Rowling. Mais je vais faire une exception. Pour aujourd'hui seulement.

Je regarde la route en silence pendant que le chauffeur nous emmène vers le salon de coiffure. Je repense à la robe qui était magnifique. Je me demande si tout est vrai. J'ai l'impression d'être dans un rêve. Le genre de rêve que j'écris. Mais le gala sera-t-il comme ce que j'écris ? Tout sera-t-il parfait comme je me l'imagine ? Je ne sais pas. J'ai un trac pas possible. Il est actuellement 16h39. Dans exactement 2h et 21 minutes c'est l'ouverture du gala. Et de ma plus grosse soirée depuis longtemps. Pour ne pas dire de ma vie.