Ariel enfonça ses écouteurs dans ses oreilles et ferma les yeux. Guidé par la mélodie qui résonnait dans sa tête, il ne pouvait s'empêcher de chantonner les paroles de sa chanson. Même s'il faisait nuit et que les rues de NewYork n'étaient plus très sûres, le jeune garçon continuait de marcher en rythme.

- C'est peut-être pas le bout du monde, mais auprès de toi je me sens loin.., chantonnait-il.

Il était dans une autre réalité, celle ou il pouvait tranquillement gesticuler en rentrant chez lui. Emporté par les basses qui faisaient vibrer son coeur, il ne vit par le colosse qui l'observait du coin de l'œil. Après une longue journée de cours où il n'avait fait que de dessiner et d'écrire, il avait bien le droit de danser.

Alors qu'il tournait au coin d'une ruelle pour se rendre chez lui, complètement coupé du monde, le colosse se décolla du mur sur lequel il s'appuyait et le suivit. Ce gosse avait l'air un peu étrange à bouger les bras et à revenir sur ses pas pour repartir. Personne ne faisait ça, à part les allumés et les enfants. Ce qui était sur, c'était Ariel était au moins l'un des deux. Mais qu'importe, il était seul et pas très musclé, le colosse allait pouvoir se faire plaisir.

Ariel s'arrêta devant un escalier de secours et leva les yeux vers le ciel. Un large sourire s'étira sur ses lèvres alors qu'il posait ses mains sur la rambarde. Il s'apprêtait à poser son pied sur la première marche quand il sentit un objet pointu lui piquer le dos. Pris d'un soudain frisson de peur, il s'arrêta de bouger. Ses écouteurs continuaient quant à eux de diffuser de la musique dans ses oreilles. Son coeur avait soudainement prit un rythme plus rapide et son souffle se fut plus lent, presque coupé. Une voix étouffée parvint à se frayer un chemin mais il ne pouvait pas comprendre. Ses poignets se resserraient doucement sur les barreaux abîmés de l'escalier. La peur l'avait soudainement sorti de sa bulle et à présent, il n'osait plus bouger.

Tant pis, il n'entendrait pas ce que lui disait son agresseur. Alors qu'il sentait de plus en plus ses mains moites et la sueur couler contre ses tempes, la pression de ce qui lui semblait être un couteau se retira. Le lycéen fronça les sourcils dans un reflex mais ne dit rien. Une autre voix à peine audible avait rejoint la première. Sûrement un de ses coéquipiers, se résigna l'adolescent. Si seulement il osait ne serait ce que leur tendre son téléphone pour qu'ils le laissent tranquille.

Toujours bloqué comme une statue de verre, musique dans les oreilles, il sentit du mouvement dans son dos. Beaucoup de mouvements et des bruits sourds. La rouille des barres qu'il tenait lui égratignait les phalanges et son incapacité à respirer le rendait rouge. Ariel allait s'évanouir s'il ne bougeait pas.

Et alors qu'il sentait doucement son esprit et sa vue se brouiller, les bruits s'arrêtèrent. Une pression sur son épaule le fit pousser un cris. Le jeune lycéen se retourna brusquement et balança son poing vers l'agresseur. Un poing qui se fit bien vite arrêter par une main gantée de rouge. Les yeux d'Ariel suivirent avec appréhension le bras rouge et bleu jusqu'à arriver à un visage, ou plutôt un masque. Celui de Spiderman.

Ses yeux verts s'agrandirent soudainement face au super héros qui se tenait devant lui et qui observait sa main. Ariel cru entendre une voix et retira rapidement ses écouteurs de sa main libre.

- Quoi ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.

- Je disais que t'avais des mains vachement fines ! J'ai eu peur de t'avoir cassé le poignée en l'attrapant. Bon après, t'as essayé de me frapper alors que je viens de te sauver la vie !

Vexé par les remarques de Spiderman, Ariel tira sur son bras afin de le récupérer. Il se frotta doucement les poignets en gonflant les joues.

- Ce sont des mains d'artiste.

- T'es un artiste ? Tu fais quoi ? Pas de la sculpture en tout cas.

Ariel leva les yeux au ciel et croisa les bras après avoir rangé ses écouteurs dans sa poche.

- Je dessine, je peints et j'écris.

- C'est génial ! Moi il m'arrive de prendre des photos.. mais je préfère bricoler ou construire des vaisseaux en legos !

Le super-héros semblait enthousiaste, Ariel était étrangement persuadé qu'il souriait derrière son masque. Le timbre de sa voix était enjoué et rayonnant. Après avoir passé une main hésitante dans ses cheveux roux, le jeune lycéen se racla la gorge. Le célèbre Spiderman jouait au lego ?

- Oh excuse moi, j'me suis pas présenté ! je suis Spiderman et je t'ai sauvé la vie, s'exclama le héros masqué en lui tendant la main.

Ariel l'étudia un instant puis jeta un coup d'œil inquiet autour de lui. Non loin, un homme était entoilé contre un mur.

- T'inquiète pas, je vais appeler la police pour qu'ils viennent le chercher !

Ariel hocha faiblement la tête puis baissa les yeux. Il passait pourtant un bon moment dans sa bulle, mais des gens mal intentionnés en avait profité pour l'agresser..

Spiderman secoua sa main devant les yeux du rouquin et pencha la tête sur le côté.

- Eho ? t'es toujours la ?

- Euh.. oui. Merci, j'imagine..

Le super-héros, qu'il remarqua faire la même taille que lui se redressa, la tête haute.

- Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ! Je défends le quartier.

Ariel devait remettre ses idées en place, du moins comprendre ce qui se passait même s'il n'avait pas l'habitude de réfléchir. Ariel ne se prenait que très rarement la tête, laissant plutôt les problèmes se volatiliser et accueillant la vie comme elle venait. Il avait parfois du mal avec les imprévus.

Alors que le jeune super héros n'arrêtait pas de parler, il se surprit à sourire. Il eut même envie de participer mais laissa plutôt le super héro à son interminable monologue.

Au bout d'un quart d'heure, alors qu'Ariel observait le ciel taché d'étoiles en écoutant Spiderman, il bailla. L'araignée le remarqua et se tut un instant.

- Tu devrais rentrer, je surveille que personne ne te saute dessus, t'inquiète pas !

- Oh euh merci, mais je pense que ça ira.

Ariel sourit amicalement à son sauveur puis remit correctement son sac sur le dos avant de commencer à grimper sur l'escalier de secours.

- Ah au fait, Spiderman ? demanda-t-il sans se retourner.

- Oui ?

- Je m'appelle Ariel.

Derrière son masque, l'araignée souriait, il en était sur.

- Bonne nuit.

- Bonne nuit Ariel.

L'adolescent remonta les escaliers puis poussa la petite vitre qui pivota pour le laisser entrer. Quand il se retourna et regarda en bas, Spiderman avait déjà disparu. Le garçon poussa un long soupire et se laissa tomber sur son lit. Quelle drôle de rencontre. Lui, qui n'avait pas tant d'amis même si la moitié de son lycée l'appréciait, venait de passer les minutes les plus amusantes- et étranges- de toutes sa vie en compagnie d'une pipelettes aux capacités surhumaines.

Après un court instant de réflexion, le jeune garçon se redressa et courru à son bureau. Il sortit papiers et crayons, mordit sa lèvre puis sourit alors que la mine se posait sur sa feuille. Il avait retrouvé l'inspiration après quelques semaines de doutes, et sans qu'il ait à réfléchir, il vit se dessiner le masque de Spiderman, avec un sourire derrière.

Fin.