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LES SIRÈNES HURLENT. Les pompiers, accompagnés de la police, s'amassent autour de l'ouverture inondée du métro. Peter les aperçoit pendant quelques secondes, lorsqu'il dépose soigneusement ses victimes au sol, en murmurant son inquiétude derrière les plis de son masque. Les policiers semblent se tenir à l'écart, réduits à une procédure qu'il ne connait pas. Il pense qu'on lui parle, qu'on l'interpèle, et pourtant la seule chose qui agite son souffle dans le vacarme de la catastrophe, c'est le surnom de sa co-équipière.
- Putain, chaussons, putain.
Sous ses yeux, le tumulte des choses emporte avec lui le seul moyen de retourner vers elle. Il se tient bien debout, devant la bouche creusée dans le ciment New-Yorkais, qui vomit ses tripes. Il est bien à la surface, lui, alors qu'elle, est coincée dans les décombres qui se noie, à quelques mettre sous le sol. Les eaux montent, et Peter ne sait pas nager. Il réfléchit à toute vitesse, et annonce, à la première personne qu'il trouve, avec un calme qu'il ne parvient pas à tenir dans sa voix :
- Occupez-vous des blessés. Il reste deux personnes, là dessous !
L'homme à qui il vient de tout déblatérer semble ne pas tout de suite comprendre, puis tente de le retenir avec des mots. Peter n'en comprend aucun, et se mets à courir vers la prochaine bouche de métro - parce que s'il y a bien quelque chose qu'il connait par coeur, c'est bien le réseau souterrain sur rail de sa ville natale.
GWEN RESPIRE UNE DEUXIÈME fois. Collé contre elle sanglote le gamin, son masque de justicière entre les doigts, comme un doudou qui redonne du courage. Elle ne pense même pas à réconforter l'enfant, tentant tant bien que mal de ne pas, elle aussi, céder à la panique. Elle tire son poing, et cogne la vitre. Celle-ci vibre sous ses phalanges, mais rien ne semble se passer. Qu'est-ce qu'ils allaient faire ? Crever, noyés, dans un wagon de métro ? Le jour de Noël ?
Entre deux reniflements, le gamin gémit, et attire son attention lorsqu'il parvient à dire :
- Le plafond...
- Hein ?
- Le plafond, y'a une porte.
Gwen grimace. Elle se tourne vers le petit doigt boudiné qui lui indique le haut de leur piège.
- Oh, dis moi que c'est une blague.
Gwen bouillonne. D'un seul coup, d'un seul, elle s'élance, l'enfant dans les bras. Une colère s'empare soudainement d'elle, et elle ne peut s'empêcher de dire, au beau milieu de la catastrophe qu'elle échappe avec tellement de facilité.
- Merci pour le drama, Gwen Stacey. Merci pour le moment "je vais mourir", Gwen Stacey ! Il y avait une putain d'issue au dessus de ta gueule, et toi, ça fait dix minutes que tu cognes contre une vitre de plexiglas de trois millimètres. Est-ce que t'es conne, ou est-ce que t'es conne, ma vieille ?
Elle doit effrayer le gamin lorsqu'elle parvient à forcer l'ouverture, et se dresse sur le toit de la voiture dans laquelle ils étaient. Sans aucune grâce, elle redescend sur le sol, où le niveau de l'eau est encore bas. Le métro ayant déraillé, il bloque, comme un barrage, les dangereux litres qui grimpent de l'autre côté.
- Trou du cul de dieu, un cliffhanger, une tension qui monte, un frisson et tout le bordel, tout ça pour se rendre compte que y'avait une sortie de secours et qu'il suffisait, mesdames et messieurs, de lever les yeux aux ciel ? Deus ex-machina de merde ! Ça faisait combien de temps que tu l'avait vu, cette issue ?
Elle le pose par terre, sur les rails humides. Ils pataugent encore dans l'eau sale, et elle sait que ces quelques secondes de répit deviendront dangeureuses s'il ne bougent pas vite. Malgré tout, elle trouve le temps de râler.
- Je-
- Laisse tomber. Rend-moi ça. Putain, moi j't'ai même donné mon masque en pensant : "oh mon dieu j'vais sans doute me sacrifier mais tu pourras mettre ça sur ma tombe", t'imagines ? On pourrait être dans un manga. Tout ça pour ça. Urh !
Elle lui prend son masque des mains, le remet sur son visage.
- Et la meuf se prend pour une super-héroïne. Elle vient de se faire niquer la logique par un gosse de quatre ans.
- J'ai neuf ans.
Elle soupire. Se pince l'arrête du nez. Ils sont tout les deux debout, derrière une situation qui risque vite de dégénérer. Le métal craque derrière elle, et le gamin sursaute. Il s'accroche à sa cuisse, et elle le prend sur ses épaules.
- T'inquiète, ça peut être dangereux autant que ça veut, y'a surement une sortie de secours aux dessus de nos têtes. Et au pire, j'sais grimper aux murs.
- J'ai vraiment envie de rentrer chez moi, et j'me sens pas trop en sécurité avec toi.
- Sans blague. Mais on a tous vraaaaaaaiment eu une mauvaise journée, donc soit sympa, lui dit-elle en ignorant la puanteur qui court sur les murs, et le danger qu'elle n'a fait que retarder. En quelques bonds, elle se presse de trouver une issue, pour que toute ça prenne bientôt fin.
HONNÊTEMENT, PETER PENSAIT QU'IL ALLAIT DEVOIR LA SAUVER. Ou alors qu'elle serait à bout de forces, et qu'il pourrait la tirer dans ses bras, alors qu'elle tenterait de faire son boulot de justicière jusqu'au bout pour faire éviter la mort à ce pauvre gamin. À la place, il l'a retrouvé à la prochaine station, le gamin sur le dos, trempée de la tête aux pieds. Ils se sont croisés comme deux amis qui se croisent dans la rue.
Gwen se dépêche de mettre le gamin au sec, en le posant délicatement sur les dalles de la station déserte. Tout est silencieux - la ligne entière avait arrêté de rouler. Les services du coin avaient réagis assez vite pour pas causer d'autres accidents.
- M-Mais, vous allez bien ? Chaussons ? Par où vous êtes sortis ?
Peter, beaucoup plus paniqué que Gwen - qui avait décidé d'aborder tout les prochains évènements avec la plus grande indifférence possible - gigote dans tout les sens. Il pensait qu'ils étaient sur le bord du gouffre et qu'ils s'en étaient sortis de justesse.
- Ta pote n'avait pas vu la sortie de secours.
- Oh, Dan, je te jure que je te ramène pas chez toi ce soir si jamais tu continue à me prendre pour une idiote.
- Dan ? demande Peter, d'une voix aiguë, de plus en plus perturbé par l'aisance qu'avait les deux rescapés face à la situation.
- C'est son nom.
Peter se tourne vers le gamin qu'il avait laissé en pleurs il y a une trentaine de minutes, et qu'il pensait récupérer traumatisé à jamais. En remarquant qu'il a les yeux braqués sur lui, le gamin lui fait un minable signe "peace", à l'aide de ses deux doigts frippés par l'eau dans laquelle il a trainé.
- Vous... Vous avez eu le temps de papoter ou je rêve ?
- Juste assez pour que je chope son nom et son pokemon préféré. Pas grand chose, t'inquiète.
Gwen se redresse, et s'étire. Son costume, souillé, a perdu sa jolie teinte de blanc éclatant.
- Je pensais que vous étiez aux portes de l'enfer et vous, vous parliez de pokemon ?
Cette fois-ci, c'est Dan qui reprend, en montrant du doigt le fond du tunnel :
- Ouais. On disait que c'était certainement Farfuret qui avait fait de la merde.
- Comment tu parles, t-
Peter se tait. Il aperçoit, pour la première fois, les drôles de marques qui parcourent le mur d'en face. Le carrelage, normalement indemne, devant lequel s'entasse les métros bondés de gens, était déchiré comme un vulgaire tissu. L'oeuvre d'une paire de longues griffes que même tigre n'aurait pas pu commettre.
- Les new-yorkais parlaient d'un monstre, non ? C'est par là qu'il est parti. En titubant. Mais c'est bizarre, il n'y a pas de trace de pas sur le sol, rien. Juste ça, des éraflures sur les murs, comme s'il se rattrapait après avoir perdu l'équilibre, acquiesce Gwen devant les yeux étonnés de son ami.
- C'est moi qu'a tout déduis, se vante Dan.
Peter l'ignore, et il sent que son cœur bat plus vite. Quand il se tourne vers Gwen, ils disent, en même temps, à l'attention de l'autre :
- Faut qu'on le suive.
Gwen ricane sous son masque, devant leur complicité. Dan, qui sent que l'attention n'est plus du tout sur lui, se lève, et annonce, d'une voix qui se veut convaincante :
- Je viens avec vous !
Les deux adolescents se tournent vers lui, surpris. Gwen se moque, devant l'enfantillage du gamin qui était en pleurs il y a à peine quelques minutes. Une telle réaction ne l'étonnait pas, venant d'un jeune de son âge, mais elle ne manque tout de même pas de répliquer :
- Bah bien sur. On compte sur toi pour sauver la ville, ça va de soi.
C'est Peter qui s'interpose, paniqué, avec sa même voix de fillette :
- Qu- Chaussons ! Tu te rends compte de l'irresponsabilité de ta suggestion ? Non, faut ramener le petit en lieu sur, et-
- Ça s'appelle du sarcasme, génie. Et non le moustique, toi, on t'envoie à la surface dans les jupes de ta maman avant que tu ne te retrouves encore une fois dans une situation létale.
Capricieux, Dan croise ses bras sur son torse.
- J'veux attraper le pokemon. Je viens avec vous.
Il semble bien déterminer à les suivre, parce qu'il se met à les rejoindre sur les rails. Mais avant qu'il puisse atteindre le sol de sa basket sale, Gwen le retient :
- Oh ! Tu rentres chez toi, direct, sinon...
- Sinon quoi ? Hein ?
Gwen se met à réfléchir à toute allure. Qu'est ce que les gosses de neuf ans détestent plus que tout ? Qu'est-ce qui les répugnent, au plus au point ? Elle a soudainement une idée - qu'elle n'a pas le temps d'évaluer comme tordue - et agrippe Peter contre elle. Et d'une paire de doigts agile et rapides, elle lui remonte le masque juste au dessus des narines.
- Sinon je te jure, on se roule des pelles devant toi. De quoi te donner des cauchemars, déclare-t-elle en remontant elle aussi, légèrement son masque.
- Hein ?
- HEiiNN ?
- Ta gueule et joue le jeu, toi, murmure-t-elle à son co-équippier qu'elle sent paniquer contre elle.
Elle reprend, comme si elle maitrisait complètement la situation, en s'adressant à Dan qui vient de virer pâle. Elle avait vu juste : même les films de fantômes étaient moins pesant pour des mioches de la dizaine.
- Je compte jusque trois, si t'as pas disparu en courant chez toi, j'lui fourre ma langue dans la bouche. Un !
- Mais vous êtes pas FRÈRE ET SŒUR ?
Gwen se rapproche, entrouvre sa bouche, et ose tirer dangereusement sa langue vers les lèvres de Peter.
- Deux !
Dan plisse les yeux, pensant pouvoir fuir la tragédie. Il se cache le visage, mais il sait bien qu'il ne tiendra pas longtemps en aveugle :
Peter sent la pulpe de la lèvre de la justicière frôler la sienne. Un frisson lui parcoure le corps, et il se rend compte que si le gosse n'était pas là, il n'arriverait peut-être pas à se tenir aussi immobile.
- Trois !
- Non, non, non ! J'y vais ! Horrible, horrible, démons ! supplie le gamin, en faisant demi-tour.
Gwen lâche Peter qui lui, n'est pas aussi tranquille qu'elle. Elle observe le gamin se diriger vers la sortie, qui n'est qu'à un escalier du lieu où ils se trouvent. La lumière du dehors filtre doucement, et vient taper contre quelques carreaux de la station de métro. Lorsqu'elle est certaine que le gamin est sur le bon chemin, elle lui annonce comme derniers mots :
- Je t'adore, Dan !
- HO-RRIBLE ! parvient-elle à entendre alors qu'il s'éloigne.
Elle ricanne, remet son masque en place, et se tourne vers Peter, qui lui, n'a pas oser bouger.
- On y va, tête de toile.
- Tu, tu sais, c'est vraiment pas raisonnable ce qu'on vient de faire là, laisser un gamin partir, comme ça, tout seul, en le menaçant - franchement, chaussons, je pense pas que t'appliques de bonnes méthodes.
Gwen se tourne vers lui et tente de le convaincre avec ses mauvais mots. Elle ne peut cacher sa fierté dans son ton moqueur : elle avait presque réussi à exaucer son plus grand souhait. Embrasser le même mec qui l'avait rejeté il y a quelques jours. Elle bouillonne.
- Urh, steuplait. Regarde les choses du bon côté, t'as faillis m'embrasser, Peter. Fais pas genre ça te fais rien.
- Qu-Quoi ? Non, pas du tout, c'est pas du tout ce que tu crois, je t'aurais carrément pas embrasser, j'avais certainement pas envie, j'étais pas d'acc- enfin si, je t'aurais embrassé mais, pas, pas-
- Respire, et garde la crise cardiaque pour après l'intervention héroïque avec ce... monstre, même si j'y crois pas trop. Et on se grouille, je veux pas être en retard pour "le pôle express".
- EST-CE QUE TU SAIS SEULEMENT où nous nous trouvons ?
- Tu viens de foutre en l'air toute notre discrétion, chaussons. Comment tu veux avoir l'avantage de la surprise sur l'ennemi si tu fais que de me demander toutes les deux secondes quand est-ce qu'on arrive ?
À peine quelques minutes ont passées depuis qu'ils ont laissés derrière eux la station de métro noyée sous les eaux. Le sol est à nouveau sec sous leurs pieds, et ils se laissent guider par les traces de griffes qui écorchent les murs - aussi effrayantes qu'elles peuvent être, les deux justiciers gardent la tête froide, sans se poser de questions.
- Waow.
Gwen vient de chuchoter son exclamation. Au-dessus d'eux, se creuse un tunnel à la verticale. Ils lèvent doucement la tête, à s'en tordre le cou. D'ici bas, c'est comme s'ils se trouvaient au fond d'un puit : la seule chose qu'ils parviennent à voir, c'est le petit halo de lumière fébrile qui marque la sortie.
C'est alors qu'ils sursautent, tout les deux. Surement parce que leur sixième sens s'est mis à bourdonner violemment dans leurs oreilles, et qu'ils entendent, à la surface, des paroles. Des murmures. Un chuchotement, qui siffle le long des parois déchiquetées pour tomber jusqu'à eux. Impossible de définir les mots, les syllabes qui sont mâchées et recrachées, là-haut.
- Toi aussi, tu l'entends, hein ?
Peter hoche doucement la tête. Elle n'a pas besoin de regarder sous son costume pour savoir que son corps est parcouru de frissons, parce qu'elle ressent exactement la même chose. Agile comme un chat, elle saute sur le mur, et sans un bruit, elle rampe dans la bouche du diable. Peter fait la même chose, et bientôt, ils sont côte à côte, aussi silencieux que des araignées, en train d'escalader le ciment sec qui mènent au fruit de leur cauchemar.
Alors qu'ils se rapprochent, les mots sonnent de plus en plus clairs à leurs oreilles. Ils n'ont pas de sens, mais Gwen parvient malgré tout à les déchiffrer, alors qu'ils rasent dangereusement les rayons de lumière endormie qui éclairent faiblement la pièce supérieure.
"Les résultats ! Les résultats... Tu vois, tu vois ? Je t'avais dis, les résultats ! Eh oui ! Mais oui !"
Son souffle s'affole, et elle se tourne vers Peter, qui a l'impression d'être au beau milieu d'un film d'horreur. À deux, ils osent passer la tête dans l'ouverture, et comprennent vite qu'ils sont dans une cave - effroyablement large et profonde. La luminosité ne leur permet pas de voir clairement les objets et le contenant des gigantesques étagères de stockage qui s'entassent tout autour, mais avec effroi, ils distinguent nettement la silhouette monstrueuse qui leur tourne le dos, penchée sur un bureau, à quelques mètres d'eux. Des os roulent sous une peau qui a perdu toute couleur humaine - le teint blafard, malade, sous les mauvais éclairages. Les cuisses, découvertes, sont celles d'un colosse - même Gwen, dans ses aventures sur le ring, n'a jamais vu aucun catcheur avec de telles jambes. Mais le plus effrayant, ce doit être ses mains, auxquelles sont attachés des doigts ridiculement grands, eux-même habillés d'ongles... aussi acérés que des couteaux. Ils cliquent et claquent contre le métal des drôles de sphères qu'il manipule habilement entre ses mains - et il ne faut pas une seconde de plus pour que Gwen comprenne qu'il s'agit des fameuses bombes qu'il a utilisé pour saccager les stations de métro.
Peut-être de peur, ou de panique, Peter glisse, et d'un coup de pied, fait tomber quelques fragments de béton sur lesquels il se tenait. Les pierres tombent dans un vacarme assourdissant, et les deux justiciers disparaissent dans leur trou. Gwen cesse de respirer, lorsqu'elle remarque que les murmures ont cessés. Il n'y a plus que le silence.
Elle se tourne vers Peter, et lui fait signe qu'il faut y aller - ils sont repérés, et rester cachés ne résoudrait rien. Sans attendre, elle s'élance en dehors de sa cachette, et se réceptionne sur le sol de la cave, à l'affut. Devant elle, il n'y a plus personne. Juste un bureau, croulant sous les seringues et des objets d'une technologie qu'elle ne comprend pas. Au moment où Peter la rejoint, un bourdonnement de machine la frappe à l'oreille. L'écho d'un rire résonne dans le plafond de la cave, et Gwen n'a le temps que de sentir son sixième sens s'électrifier quand un éclat de lumière vient l'expulser à trois mètres de là, dans un fracas chaotique.
Et par dessus tout ça, le même rire continue, vient remuer encore plus le désordre de l'explosion qu'elle vient de se prendre en pleine face. Le souffle coupé, elle tente de se relever, trébuche, et peine à lever la tête. Entre deux coups d'œil, elle aperçoit Peter, qui tournoie dans les airs, accroché à un engin qui flotte à deux mètres du sol. Elle n'essaye même pas de réfléchir, de trouver une explication - seule sa rage l'enflamme, lorsqu'elle reconnait l'ignoble silhouette verdâtre du bombeur.
Les côtes endolories, elle parvient à se relever, et court en aide à un Peter qui dégringole. Elle parvient à le rattraper avant qu'il s'écrase sur le sol, et en un soupir, il le remercie. Ils se relèvent, à nouveau dans le silence. Dos à dos, ils observent, effrayés, les environs, à nouveau déserts. Seul le rire du monstre continu de les hanter, alors qu'ils peinent à le retrouver parmi les ténèbres.
- Qui c'est, ce mec ? parvient à demander Gwen à Peter entre deux bouffées d'oxygen.
- Comment j'suis censé savoir, demande lui ! répond-t-il à bout de souffle.
- EH, L'BOUFFON !
Son cri résonne, et le même ronronnement de moteur qu'elle avait entendu avant de se prendre une bombe vient à nouveau lui chatouiller les oreilles.
- Chaussons !
- Tu m'as dis de lui demander !
- Ça s'appelle du sarcasme, génie !
Un rire vient jouer à nouveau avec sa peur, et une voix caverneuse tinte, derrière les ombres :
- Je suis... les résultats ! HA ! Je suis LE résultat !
- Tu vois, je te l'ai dis, c'est un bouffon. Vert, en plus, gromelle Gwen, les poings serrés - comme si continuer de parler avec sa mauvaise langue d'ado pouvait vaincre la peur qui lui fait trembler les os.
- Un bouffon ? HAHAHA ! MOI ! BOUFFON ! HAHAHA ! C'EST VRAI ! Vrai, qu'ils m'ont TOUS pris pour un bouffon...
- Mec, je te jure, il est chelou. Je flippe, avoue Gwen à l'oreille de Peter.
- Han, sans blague, répond-t-il, pas rassuré.
Gwen, qui n'a pas finit de gueuler, reprend à haute voix, à l'attention de l'homme qui leur tourne autour :
- Descend tout de suite de ton skate, tu sais pas à qui t'as affaire !
Un silence vient hanter les murs de la grande halles souterraine. Leurs mains, moites, en position de combat, préfèreraient faire autre chose que de faire face à un ennemi fou à lier. Ils entendent à nouveau sa langue claquer :
- Qui ? Oh, mais je sais, on parle que de vous ! Tu es, tu es.. L'araignée ! Spider-man, Spider, tu sais...
L'air s'alourdit soudainement sur leurs épaules.
- L'araignée Gipsy...
Gwen ne sent même pas le courant d'air qui vient la balayer et lui faire perdre l'équilibre. En moins de deux secondes, elle est élevée dans les airs, tenue à la cheville par une main ignoble, qui lui enfonce ses griffes dans la peau. Gwen, surprise, gémit de douleur, et entre deux vertiges, comprend que leur ennemi maitrise parfaitement son planeur.
Elle n'aperçoit que ses pieds, parfaitement en harmonie avec l'engin, avant qu'il lui révèle un éclat de son visage, déformé par le sérum :
- Monte à la GOUTIÈÈÈÈÈREEEEUH !
Elle pousse un cri, et ne reconnait pas le visage taillé par les ombres. D'un geste vif, elle envoie valser son coude dans sa mâchoire. Prit par surprise, il la lâche, et Gwen se réceptionne sur la première étagère grâce à ses tisse-toiles. Il n'a même pas le temps de reprendre ses esprits, le pied de Peter l'assomme à nouveau, et, étant plus habile avec ses toiles, il en profite pour tenter d'immobiliser son ennemi. Celui-ci, pourtant sonné, lâche entre deux rires :
- HA ! TIENS ! Voilà la pluie !
Gwen hoquète de dégout, lorsqu'il sort un bras osseux, pour baffer vulgairement Spider-man. Elle grogne en voyant que celui-ci perd l'équilibre - et au moment où leur adversaire actionne une autre de ses bombes, elle l'arrache de son emprise, et la lance dans un coin de l'énorme cave, où elle l'enfouie sous ses toiles - une pauvre secousse vient remplacer l'explosion qu'elle aurait du produire.
Peter, sur le dos du bouffon, esquive ses coups et ses claques - qui se frustre en réalisant qu'il n'arrive pas à mettre la main sur l'araignée qui l'ennuie.
- L'araignée... tombe par terre ! hurle-t-il en essayant, tant bien que mal, d'agripper son pied pour l'envoyer valser contre un mur.
Mais Gwen contre son geste, et sous les coups du duo de justiciers, l'ignoble s'énerve.
- J'ai dis... commence-t-il, et Gwen ouvre de grands yeux devant la scène abominable dont elle est témoin.
Son dos double de taille, tandis que la pupille de ses yeux disparait complètement de son regard. Quand deux dents - les deux canines du bas, précisément, se mettent à pousser toutes seules, à vu d'œil, elle se dit que jamais, elle n'aurait du le traiter de bouffon. D'un coup de pied, il l'envoie cogner contre le mur d'en face, et d'un geste d'un vitesse inoui, empoigne Peter par le cou.
- L'araignée...
Les machines de son planeur sifflent, et le bouffon entraine Peter vers le sol - qui finit projeté par une force qui lui donne l'impression qu'on lui brise les côtes une par une. Il sent le ciment craquer sous son corps.
- TOMBE PAR TERRE !
Et là, les ongles, les lames, viennent lui lacérer le bas du ventre. La panique dans son regard, il cri, appelle à l'aide mais il manque de souffle. Le sang de Gwen ne fait qu'un tour quand elle voit, sous le choc, le costume de Spider-man se teindre de rouge.
Elle pousse un cri de guerrière, et plonge sur le bouffon. Elle l'expédie à deux mètres de l'adolescent en un coup de pied - gorgé de rage - à l'arrière du crâne. Elle fond sur lui, et en bougeant comme une acrobate, elle parvient a emprisonner ses deux poignets dans ses toiles.
Son instinct la guide, et l'ordonne de prendre Peter et de se tirer d'ici - que ses menottes ne tiendront pas longtemps. Le blessé sur ses épaules, elle cherche la première fenêtre par laquelle elle peut s'enfuir - et elle la trouve : minuscule cartouche de lumière qui laisse à peine filtrer les rayons lunaires. Sans regarder derrière elle, elle l'explose, et passe par l'étroite ouverture en trainant derrière elle le corps douloureux de Peter. Les bouts de verre viennent blesser ses cuisses, mais elle roule sur la pelouse du dehors et s'extirpe entièrement de la cave - juste à temps pour voir la main monstreuse du bombeur sortir de la fenêtre. Trop gros, celui-ci ne peut pas les poursuivre, et agite inutilement sa main comme un animal en cage. Même si elle est parvenue à s'en sortir vivante, elle n'ose plus le charier, et le regarde battre en retraite dans les ténèbres de son propre monde.
Gwen tire Peter vers elle, qui gémit, au bord du gouffre de l'inconscience.
- Aller, Peter, pas de coup de pute, ok ? Tu me fais pas de coup de pute, je, je-
Elle ne finit pas sa phrase quand elle voit pour la première fois l'enseigne prestigieuse du bâtiment duquel ils viennent de sortir de la cave. Elle vient de comprendre l'endroit où ils ont faillis se faire tailler en pièce, c'est les sous-sols de Horizon High.
- BOUGE PAS, JE REVIENS. Tu restes sur ce palier, tu comprends, Peter ?
- Tu veux que j'aille où, exactement ?
Heureusement que Peter n'est jamais venu chez Gwen - heureusement qu'il se contre-fout de savoir où elle habite, où à quoi ressemble sa chambre, parce que sinon, elle se serait complètement grillée. Elle l'avait allongée entre deux étages de la cage d'escalier en métal qui serpentait devant la fenêtre de son immeuble - celui à utiliser en cas de secours.
Il ne lui faut pas beaucoup de temps pour trouver les bandages et les désinfectants - depuis qu'elle avait commencé les tournois illégaux, elle en gardait toujours précieusement dans les tiroirs de sa propre chambre. Les bras remplis de quoi le soigner, elle redescend, le cœur qui bat à cent à l'heure.
Elle pose une main rassurante sur son épaule qui tressaute, lorsqu'elle prépare ses pansements. Peter, lui, enlève son masque, et tire une grimace de douleur.
- Je suis désolé, chaussons...
- Quoi ? Tête de toile, c'est pas le moment, t-
- Tu seras jamais à l'heure pour "le pôle express".
Concentrée sur les manipulations qu'elle a tellement pris l'habitude de faire, elle réplique :
- Ta gueule, Peter Parker, on perd plus de sang quand on dit des âneries.
Sans même attendre son approbation, elle soulève gentiment le bas de son costume, pour pouvoir révéler plaie qui lui barre le ventre. Trois cavités lui trouent la peau - pour les trois ongles que le bouffon a enfoncé dans son flan.
- Chaussons, ce mec...
- C'est pas le moment, on en parlera plus tard. Attention, ça va piquer.
Elle essuie la plaie avec un coton imbibé d'alcool qui fait tressaillir le garçon. Entre deux grognements, elle aperçoit les traits de son visage se durcir sous ses mèches sales. Elle sort un fil et une aiguille, et se met au travail, les yeux toujours cachés derrière son masque.
- Tu t'en sors plutôt bien à ce genre de trucs, j'ai l'impression.
- Tu sais, quand tu vas affronter des badauds tout les soirs sur un ring, y'a bien un moment ou tu t'en prends une dans la gueule, araignée ou pas araignée. Donc j'ai appris.
Peter respire fort, et tente de ne pas bouger pour ne pas la gêner dans son œuvre. Quand elle a terminé, elle lui bande le bas du buste, comme une infirmière qui s'occupe d'un soldat qui a fait la guerre.
- Et toi, t'as rien ?
- J'aurais de beaux bleus, mais c'est pas très grave, dit-elle en passant une main sur les blessures à sa cheville, là où le bouffon a aussi laissé la marque de ses ongles.
Elle le regarde, lui qui est épuisé, dans son costume souillé, adossé à la rambarde. Ils sont proches, face à face. Le vent chaud de la ville vient réchauffer l'hiver qui s'est depuis longtemps installé sur la ville. Au loin, une église sonne minuit.
- Joyeux Noël, Chaussons.
- Joyeux Noël, Tête-de-toiles.
Accroupie, devant les lumières de son quartier natal, elle peut enfin souffler. Des milliers de questions lui tirent les neurones, mais elle préfère les ignorer pour l'instant. Elle verra demain. Et même si le monde devait s'écroulait d'ici peu - elle verrait demain. Et tant pis, c'était pas grave, et tout ce qu'elle voulait vraiment, maintenant, c'est se reposer un peu - juste un petit peu.
Alors sans rien demander à Peter, elle se glisse contre lui, et pose sa tête dans le creux de son cou, comme si elle l'avait toujours fait. Lui, qui ne s'y attendait pas, sent son cœur s'emballer (encore une fois) lorsqu'il la sent doucement se blottir contre lui. Il ne savait même pas à quoi elle ressemblait, ne connaissait ni son nom, ni son identité, et pourtant, c'était la personne sur qui il comptait le plus. Alors, avec la même douceur qu'elle, il l'entoure d'un bras chaleureux, et la serre contre son corps endolori.
L'un contre l'autre, les araignées soignent leurs plaies. Et alors que les rues chantent Noël, eux, ne demandent rien d'autre que d'être ensemble, une nuit de plus.
a/n : cadeau! chapitre bien gros, très gras - mangez quand même équilibré dans votre vie les amis
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