Chapitre 16
La désillusion.
La réalité qui porte un coup au visage.
Les rêves et les espoirs qui s'envolent, laissant au sol une carcasse vide.
Opale marqua une hésitation face à la question. Elle pencha sa tête sur le côté, son regard vide traversant Bel, effondrée.
- Enfin, Héra, tu le sais déjà, soupira finalement la femme.
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? C'est moi, enfin ! Bel !
L'elfe grimaça à l'évocation du nom de la défunte. Ce prénom avait le don de la paralyser, puis de la mettre dans une colère noire contre elle-même. Le B lui évoquait du dégoût, le E crissait dans ses oreilles, le L rallongeait cette simple syllabe pour la changer en démon.
Opale empoigna les barreaux à deux mains, ancra ses pupilles dans les yeux effrayés du songe. Elle tremblait de colère, de rage, contre l'assassin qui jouait avec ses sentiments comme on joue avec un yoyo. L'attirer par une vision trop réaliste, la lâcher dans un tourbillon de haine, la ramener par un simple réveil.
C'en était trop.
- Je te jure ... je te jure, Héra El Sanje, que si tu oses encore utiliser la mémoire de Bel à tes fins ...
L'adolescente écarquilla les yeux, humectés de larmes. Ses sourcils se froncèrent soudainement, et elle saisit le col de l'assassin, le soulevant à sa hauteur.
- Qu'est-ce que tu as fait ?! rugit-elle.
- Rien que tu n'aies envie d'entendre, murmura Héra.
Encore souriant, malgré le sang qui s'écoulait abondamment de son torse, clapotant dans le silence des cellules, l'homme semblait plus sûr de lui que jamais.
- Tu te rends compte de ce que tu es en train de faire, Bel ? questionna-t-il.
La mâchoire de l'adolescente se contracta brutalement, mais elle garda le regard haut, ancré dans l'ébène cruel du blessé. Celui-ci souleva un sourcil amusé, et un rire saccadé parcourt son corps blême.
- Tu veux que je te dise ? Tu n'es qu'une stupide gamine, bien trop gâtée, bien trop choyée. Tu n'es qu'une idiote, mais je le savais depuis longtemps : entre ton Peuple d'origine et tes tortionnaires, tu as déjà fait ton choix. Tu as fait le choix de sacrifier Diane, qui a pourtant tout donné pour toi ...
- Diane n'est qu'une hypocrite ! cria Bel, ses larmes noyant ses tâches de rousseur. Je la déteste, au même titre que toi !
D'un geste du bras, elle envoya le corps sur le côté, et s'approcha d'Opale. Elle la dévisageait toujours, une lueur d'espoir dans le regard.
- Je vais te faire sortir de là, affirma Bel en cherchant une quelconque issue.
- Et tu perdrais ton temps.
L'Autre sursauta, et se tourna vers la source de la voix. C'était une elfe aux yeux verts, dressée devant deux autres femmes, éveillées et terrifiées. Son corps, légèrement tendu, démontrait qu'elle considérait Bel comme une menace pour les deux êtres. Pourtant, ses yeux dénonçaient sa surprise, et son espoir.
- Opale ne sait plus dans quel univers elle est. Chercher à la convaincre est un comportement qu'adoptent ses cauchemars, dont tu es l'antagoniste principal. Je me trompe ?
Bel recula d'un pas, son regard dérivant toujours vers Opale. Pourtant, c'est à Amano qu'elle s'adressa, la voix rendue atone par l'horreur de ce qu'elle venait d'apprendre.
- Non, tu ne te trompes pas. Sais-tu comment ouvrir ces barreaux ? Ils sont magiques, je le sens.
L'elfe tiqua à la mention du mot « magique », mais renonça à faire un quelconque reproche. Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais le son resta bloqué dans sa gorge. Ses pupilles rétrécirent, et elle recula, horrifiée.
- Attention ! s'époumona Caiyo, tendant la main vers la menace.
Alors, tout se passa très vite. Bel tourna la tête, mais ne pu faire un geste face à l'épouvante qui glaça son coeur.
Le cadavre de l'assassin, vidé de son sang, venait de se relever. Une roche brillante couvrait son torse, comme une armure retenant le peu de sang qu'il lui restait. Des centaines de cristaux tranchants couvraient ses bras, son tronc, son visage – sauf ses yeux, injectés de carmin. Sa main écarlate tenait fermement le poignard qui avait servit à Bel, et, dans un hurlement inelfien, il se rua sur l'Autre.
- Ne la touche pas.
Un craquement terrible agita les profondeurs de Liyol, suivit d'un silence glaçant.
Chacun tentait de comprendre ce qui venait de se dérouler, et tous en craignaient la cause.
Au centre des barreaux déchirés, une silhouette incandescente illuminait les lieux. De ses paumes brûlées jaillissaient des lames torturées, couvertes de pics tordus, qui frôlaient le corps de Bel, la protégeant de l'assaut brisé de l'assassin.
Opale avança d'un pas, et se tourna vers l'homme. Ses pupilles avaient entièrement submergé ses yeux, et pas seulement ses prunelles – mais bien l'entièreté de son regard, reflétant désormais une force enragée.
- Héra, si tu lui fais du mal, tu le regretteras ! rugit-elle.
Ce qu'était devenu Opale se jeta sur l'assassin, tout aussi monstrueux qu'elle. Un pouvoir combattit son frère, dans des crissements de verre, des explosions de roches et des hurlements de rage.
La femme dirigeait tous ses assauts sur son adversaire, concentré à parer et à riposter, coup pour coup. Il était évident qu'en combat égal, Héra aurait pris le dessus en quelques instants ; mais, grièvement blessé, l'assassin n'avait qu'assez de force pour contrôler le pouvoir dérobé à Opale.
Au terme d'un ballet hurlant, la femme libéra une onde claire, qui frappa de plein fouet son adversaire. Il fut projeté contre le mur, et, avant qu'il ne puisse reprendre ses esprits, le cristal tranchant l'avait emprisonné contre le mur, laissant à peine sa bouche à l'air libre.
Les cheveux d'Opale retombèrent sur ses épaules, et l'aura violette recouvrant son dos s'effaça du même coup. Elle battit des paupières, comme si elle s'éveillait d'un long sommeil, et se retourna légèrement vers Bel.
- C'est donc la réalité ...
L'adolescente ouvrit la bouche pour répondre, les yeux pleins d'espoir ; mais Opale leva ses mains à son visage, mouchant la flamme qui avait illuminé l'ambre : les paumes de l'elfe avaient été entièrement brulées.
- Tu aurais de l'eau ? chuchota Opale, grimaçante.
- Je ...
- Attendez !
Les anciennes amies se tournèrent d'un même mouvement vers la source du bruit, et en comprirent rapidement la cause. Dans son accès de rage, Opale avait également déchiré les barreaux de la seconde cellule, libérant les elfes. Amano et Asiho s'etaient déjà enfoncées dans le boyau de roche, mais seule Caiyo s'était retournée, et avait adressé ce cri. Elle regardait successivement ses concitoyennes et le duo, comme déchirée.
- Caiyo ! Dépêche-toi ! s'écria Asiho, tremblante.
- Attendez, je vous dis ! Il faut ...
- Il faut fuir ! Les bruits ont déjà alerté les Autres, ils ne vont pas tarder.
Bel s'avança dun pas, reprenant peu à peu des couleurs.
- Cet endroit est un labyrinthe, conçu pour que les prisonniers ne puissent sortir. Je suis la seule ici à savoir comment remonter. Suivez-moi. Opale, tu peux marcher ?
- Oui, répondit l'elfe, encore sonnée par le déchainement de force qu'elle venait d'accomplir.
Bel tourna les talons, et entama une marche rapide. Gauche, droite, droite, centre, remontée, droite, descente ... Elle se remémorait déjà l'itinéraire à suivre, cherchant également des alternatives, au cas où elles rencontreraient des Autres. Devrait-elle attaquer à nouveau l'un des siens ? Mais ...
- Tu plaisantes, petite ?
L'adolescente regarda derrière elle, et découvrit que seule Opale l'avait suivie. Amano s'était au contraire éloignée, et les deux autres elfes n'avaient pas bougé d'un pouce.
- Bien sûr que non ! Dépêchez-vous.
- Pourquoi on te ferait confiance ? s'exclama Asiho, estomaquée. Nous avons été enfermées par ton peuple !
- Je ne suis plus des leurs, souffla Bel, trop bas pour être entendue.
- Tu es une Autre. Asiho, Caiyo, venez.
L'elfe aux yeux roses rejoint sa congénère, alors que Caiyo demeurait déchirée entre les deux partis. Elle regardait des deux côtés, incapable de choisir un camp. Finalement, elle se tourna vers ses amies, fébriles :
- Je ne leur fais pas non plus confiance, mais la fille a raison : on ne connait rien à ce souterrain.
- Tu nous trahi ... souffla Amano, profondément déçue.
- Non !
- Caiyo, intima Opale, nous n'avons plus le temps.
Les prunelles indigo vibrèrent de frayeur, puis elle secoua la tête, avant de reculer vers Bel.
- Caiyo, ne fais pas de bêtise ! implora Asiho. Tu es devenue folle ?
- Moi aussi je veux être libre, et ce n'est pas en se jetant dans une toile d'araignée tendue par nos tortionnaires que nous y arriveront ! Opale n'est peut-être pas de notre côté, mais elle n'appartient pas non plus au leur. Je veux rentrer chez moi !
Amano secoua la tête, puis s'enfuit, ses pas résonnant dans le boyau de roche. Quant à Asiho, elle tendit la main vers son amie, les larmes aux yeux ; pour toute réponse, Caiyo se rapprocha de Bel, et porta sa paume à son coeur. Sa mâchoire contractée témoignait de sa peur, mais aussi de sa détermination.
- Je remets ma vie ... Entre vos mains.
Fiction © Manda
Univers et personnages de Sphérianne © Manda
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Yo !
Chawa vous ?
Perso je suis un peu anxieuse, la visite officielle des jurys de X-Writor (concours auquel participe Sphérianne), le 31 janivers, me met dans tous mes états qand j'y pense !
Bref ! Nouveau chapitre, je me demande bein quels seront vos retours ... Honnêtemnt, j'ai un peu de mal à écrire ce que j'ai en tête en ce moment, la scène du déchainemet d'Opale ... je voulais davantage la détailler, mais je ne suis parvenue à rien de concluant. C'est un peu ça partout, j'espère que ça ne se ressent pas trop à la lecture ...
Enfin, terminons ce monologue - non, c'est uniquement pour le théâtre (les lecteurs D'Ambre comprendront) - je vous souhaite une bonne journée, n'oubliez pas de voter et de commenter, ça illumine mes journée *-*
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