Chapitre 11
Le silence.
Cet instant pur et volatile.
Cette seconde fragile où la vérité éclate et où elle ne laisse que des émotions à l'état pur.
Le premier à agir fut l'assassin. Ses yeux brûlaient de haine, et les ondes qui parcouraient son corps étaient plus désordonnées que jamais. D'un bond, il se jeta sur Opale, trop choquée par ce qu'avait dit la voix pour réagir. Sa main faucha le cou de la nouvelle, et il la souleva du sol sans peine.
La femme tenta de se débattre, ses yeux s'illuminèrent ... Pour finalement s'éteindre dans un cri. Le serpent de brume s'enroula autour du bras tendu de l'assassin, alors qu'Opale gémissait, à la fois étouffée et torturée par le vol de son pouvoir, horriblement douloureux.
- Alors ?! TU COMPRENDS CE QUE ÇA FAIT, SALE CHIENNE ?!! TU VOIS CE QUE C'EST LA SOUFFRANCE ?! EMPORTE-LA DANS TA TOMBE !!!
Les larmes roulèrent sur les joues de la nouvelle, à la fois de terreur ... Mais son expression dégageait un regret sincère, une véritable peine. Elle ne voyait plus l'Autre face à elle : il ne restait qu'un monstre dévoré par ses démons, par la rage qui le nourrissait depuis qu'il avait échappé à leurs laboratoires.
Et dont la soif de vengeance n'avait pas d'égal.
- Ça suffit.
Héra tourna son visage enragé vers Laso. Le bras de Sanje avait le regard dur, en pleine réflexion.
- Je nai pas besoin de me projeter pour savoir qu'elle sera bientôt morte.
- Ah oui ?! Alors je dois serrer plus fort, puisqu'elle remue encore !
L'assassin agrippa le cou d'Opale à deux mains, rendu fou par la rage. Oui, il allait se venger. Se venger face à cette raclure qui avait osé se fondre parmi eux, se venger face à ce peuple qui semblait tant tenir à elle.
La pensée des elfes désemparés face à la mort d'une de leur « citoyenne » le fit éclater d'un rire fou et enragé. Rien de pourrait l'arrêter.
- Héra El Sanje !
Le rugissement de Laso noya les rires de l'assassin. Ses trois prunelles vermeilles s'étaient changées en lave, et toute son allure reflétait son autorité.
- Je suis le Guerrier de notre Dieu, je suis ton supérieur ! Et c'est en tant que tel que je t'ordonne de la libérer !
La respiration du concerné se bloqua dans sa cage thoracique, et il balança Opale contre le mur fissuré par l'impact des balles. Il baissa les yeux, la mâchoire contractée dans une expression de rage pure.
L'insecte se releva en tremblant, encore terrifiée. Son corps tout entier frémissait sous l'effet de l'adrénaline, et sa peau qui avait pris une teinte bleue revenait lentement à sa couleur d'origine. Elle ouvrit la bouche, le visage peint d'une reconnaissance infinie pour Laso.
- Non. Ferme-la, l'arrêta-t-il. Je ne veux entendre aucun mot de ta bouche qui ne sait que mentir. Clair ?
Le Bras de Sanje nettoya sa dague, comme si l'explosion imminente du mur n'avait pas la moindre importance.
- Voici ce que nous allons faire. Héra, garde bien le contrôle de son pouvoir contre nature. Tu vas créer un dôme pour nous protéger de leurs assauts.
- Mais à vos ordres, supérieur, grinça l'homme.
Laso tendit sa main à Opale, l'air sévère. L'elfe, après un instant d'hésitation, la saisit. Aussitôt, son bras fut immobilisé dans son dos, et une lame frôla sa gorge.
- Toi, tu avances et tu ne fais rien d'autre. Au moindre mouvement suspect, tu sais ce qui t'arriveras.
La femme ne répondit pas, et baissa la tête. Ses boucles brunes cachèrent son regard, et, satisfait, Laso ordonna leur avancée. Héra avait retrouvé son cynisme habituel, et c'est avec un sourire narquois qu'il éleva sa paume pour former une demi sphère translucide. Puis, d'un balayement de son poignet, le colossal mur vola en éclats.
- Elfes ! Continuez à tirer, et votre espionne en paiera le prix fort ! déclara Laso, d'une voix atone et sans appel.
Les déflagrations de canons continuèrent à résonner dans la clairière ; puis la voix mécanique retentit, surplombant les bruits des armes. Elle prononça plusieurs mots en elfique, et soudain, les soldats cessèrent d'attaquer. Opale écarquilla les yeux, reconnaissant les paroles. Des larmes naquirent, mais la dague l'empêchait de faire quoi que ce soit, même de sangloter.
Les statues impersonnelles s'écartaient sur le passage du trio, dans un silence glaçant. Seuls leurs pas brisaient l'atmosphère muette qui avait enveloppée le bois.
- Il semblerait que nous ayons un argument de taille ! railla Héra, dans une moquerie qui avait des airs de menace.
Leur marche continua à saccader le silence ; enfin, ils franchirent les montagnes de métal qui entouraient le périmètre des soldats. Les Autres se mirent à courir, mais c'était inutile : derrière eux, plus rien ne bougeait. Les elfes tenaient plus à la vie de l'une des leurs qu'à tuer deux ennemis.
Une fois suffisamment enfoncés dans la végétation, ils s'arrêtèrent, essoufflés. Héra défit le dôme protecteur. Il avait toujours cette posture de force et de maîtrise, pourtant, sa pâleur et la pellicule de transpiration qui couvrait son corps prouvaient qu'il avait peiné à maintenir cette protection.
Laso poussa brutalement Opale, qui manqua de chuter dans la neige. Elle se rétablit contre le tronc d'un arbre, mais gardait le regard baissé.
- Héra, je te la laisse, cracha le bras de Sanje.
Le concerné sourit, et tendit la main devant lui. Le serpent de brume se solidifia, se changeant en une pointe affutée. Opale écarquilla les yeux, et chercha à senfuir ; ses pieds étaient pris dans un étau translucide.
- Non ! Attendez !
Aucune réaction, ni de la part de Laso, qui lui avait tourné le dos, ni d'Héra, à part un sourire plus sadique.
- Vous ne comprenez pas ! Si vous me tuez, vous jouerez le jeu des elfes !
- Mais bien sûr ! fit l'assassin en posant la lame sur le cou d'Opale.
- Je dis la vérité.
Héra marqua une légère hésitation. Le ton apeuré de cette elfe s'était changé en une assurance grave, qui laissait place à un certain doute. Encouragée par cet arrêt, la femme poursuivit.
- Je suis effectivement Opale, du peuple des elfes. Opale Bael Norde. J'ai grandi parmi eux, mais il y a quelques mois, j'ai développé une mutation au niveau des yeux : vous le voyez vous-même, ils se sont éclaircis.
- Foutaises ! cracha Héra en intensifiant la pression.
- Je m'en suis rendue rapidement compte : j'ai peu à peu muté en Autre, en me découvrant un pouvoir. Celui que tu brandis contre moi.
Le saphir heurta l'ébène, dans un duel menaçant.
- On m'a transféré dans un laboratoire pour endiguer la progression de ce qu'ils appelaient virus : mais c'était tout simplement impossible. Finalement, les Gouvernements ont décidé de m'envoyer chez vous, sans me tuer. Je suis une citoyenne elfique : ils ne peuvent m'ôter la vie, vous l'avez vu vous-même. Mais jai une magie, et je ne peux donc pas demeurer parmi eux.
- Parce que tu penses vraiment qu'on va croire ça ?! cria lassassin en élevant la lame.
Opale plissa les yeux, la mâchoire contractée.
- Et si je te disais que c'était la vérité ? chuchota-t-elle.
- Foutaises ! hurla l'Autre en abattant son arme.
Mais elle n'atteignit pas sa cible.
La lame mordit bien la chair, mais pas celle de l'elfe.
Celle de Lethos.
Fiction © Manda
Univers et personnages de Sphérianne © Manda
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