Chapitre Vingt.
Chapitre Vingt.
LA JOURNÉE était chaude et le soleil brûlant. Sans aucun doute, nous étions bien en plein dans le mois de juillet. Le petit cabanon au bois vieux et foncé, niché dans un coin de la cour royale, semblait lui aussi souffrir de la dureté du soleil, lui dont tout l'éclat avait été absorbé par cet astre. Au fil des ans, il avait fini par devenir un vieil assemblage de planches de bois sans beaucoup d'intérêt. Mais depuis deux semaines, quand on passait près de lui, on était surpris parfois par le bruit d'une dispute, et plus souvent le son de longues discussions nocturnes, ou par des éclats de rire.
Cela faisait deux semaines que le roi et la prisonnière cohabitaient dans ce petit espace de neuf mètres carrés. Deux semaines que le roi recevait son traitement à base de plantes et de calme. Il allait beaucoup mieux, et ça, ce n'était pas que sa bonne mine qui le disait, mais aussi son sourire. Il était joyeux. Il apprenait à peine à s'ouvrir, lui qui était enfermer dans un tourbillon sans fin, seul contre le vent contraire de ses sentiments. Il apprenait à les exprimer maintenant. Il les avait trop longtemps gardé pour lui, et, un soir, il avait senti le besoin de les partager. Alors, sous l'effet de la douleur due au sevrage, il les avait montré pour la première fois. Il s'était dit par la suite qu'il n'aurait pas dû, que ce n'était pas la personne idéale pour partager avec elle autant d'intimité. Mais, il fallait bien se l'avouer : c'était la seule personne qui lui avait, jusque là, donné l'impression d'avoir le droit de pleurer.
Elle aussi était joyeuse. Joyeuse de pouvoir aider quelqu'un à ne pas finir comme son grand frère, se disait-elle. Elle s'attellait à concocter chaque jour des remèdes pour aider son nouveau patient à arriver jusqu'au bout du sevrage et ne plus jamais recommencer. Elle ne l'aimait pas pour autant, mais elle était touchée de le voir sourire et sembler se sentir bien. Elle avait aussi été touchée lorsque, au bout de cinq jours de sevrage, le « clochard » avait commencé à se confier à elle. Elle ne savait pas si il avait développé de la sympathie pour elle, mais, le voyant pleurer à chaudes larmes, elle l'avait pris dans ses bras ce soir là. Lui ne s'en souvenait pas bien mais elle ne l'oublierait jamais.
Elle avait aussi fini par comprendre qu'il ne faisait que porter le masque qui, selon lui, était le plus pratique : le masque du dédain, de l'arrogance, et de la méchanceté. Ayant également compris que la Vaïma dont il n'arrêtait pas de parler était la jeune femme aux cheveux noirs et bouclés, et que c'était elle qui l'aidait à se droguer, mais prétendait ne pas pouvoir l'aider à arrêter, elle la détestait davantage.
Nilam était douce dans ses gestes et voulait bien faire. Même si à l'extérieur elle avait en permanence une attitude féroce, il voyait clairement qu'elle était quelqu'un de bien. Elle était trop mince à son goût, mais adorait manger. Elle était jeune, mais avait des habitudes qu'il qualifiait de vieille, comme nourrir les oiseaux et fredonner du Elvis Presley. Elle était très méfiante aussi, mais n'avait pas réussi à s'empêcher d'accepter de l'aider. Lorsqu'elle lui parlait, elle lui donnait le sentiment d'être authentique, d'être vraie et sincère. Et lorsqu'elle riait avec lui, il se surprenait parfois à s'arrêter de rire pour la regarder. Il ne comprenait pas pourquoi il s'était autant dévoilé à elle, mais il se disait que c'était en grande partie dû à son magnifique sourire. En tout cas, c'était comme cela qu'il qualifiait intérieurement le sourire de la « prisonnière », et il n'y avait rien d'autre derrière cet adjectif. Du moins, c'était ce qu'il pensait. Mais le soucis était que, quand ce n'était pas son sourire qu'il admirait, c'était dans ses yeux qu'il se perdait.
Il ne comprenait pas ce qui était en train de se passer, et, en réalité, il ne voulait pas comprendre. Cette fille, en plus de susciter de l'admiration à cause de toutes les épreuves qu'elle racontait avoir traversé, avait fait ce que personne d'autre ne pouvait pour lui, et il ressentait donc à présent du respect, de la gratitude et de la sympathie pour elle, voilà tout. Du moins, c'était ce qu'il pensait.
Ainsi, en à peine deux semaines, ils s'étaient beaucoup rapprochés. Cela était d'ailleurs normal étant donné qu'ils étaient un peu coincés ensemble et donc amenés à mieux se connaître. C'est comme ça que le « clochard » était devenu juste un garçon frustré qui avait besoin d'aide, et que la « prisonnière » avait pris l'apparence d'une jeune femme attentionnée et courageuse. Même leurs disputes s'étaient transformées et étaient devenues plus drôle qu'énervante ; ils se détestaient amicalement. Du moins, c'était ce qu'ils pensaient.
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« Rien n'est plus beau et puissant qu'un sourire décroché au milieu des larmes. »
Anonyme
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