Chapitre Neuf.
« Tout ce que je sais est que je ne sais rien. »
Inconnu
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Chapitre Neuf.
J MOINS NEUF CENT SOIXANTE CINQ. La vie poursuivait son cours, tout simplement. Exactement comme avant, et comme ce serait sûrement le cas après. Mais, aussi lente et calme qu'était la vie, aussi tourmenté et perturbé j'étais ; les révélations que cette fille m'avait faite il y deux jours m'avaient énormément troublé.
Donc, j'aurai peut-être été conçu artificiellement, aurais grandi, aurais appris à aimer certaines choses de la vie, mais ne m'en rappellerais plus ? Et puis qui ? Qui était cette personne à l'origine d'une telle chose ? Aussi, étant littéralement un « faiseur de roi », il devrait être connu de Fitz, n'est-ce pas ? Ou au moins figurer dans les archives. Dans ce cas, pourquoi est-ce que je n'en avais jamais entendu parlé ? Pourquoi Fitz m'avait-il caché ça ? Ou alors peut-être qu'il ne le savait pas... Mais dans ce cas, comment est-ce possible qu'un seul homme terré dans l'ombre puisse tenir entre ses seules mains le destin de tout un royaume ? Fitz m'avait toujours dit qu'il y avait plusieurs personnes derrière tout ça et que, malgré les recherches approfondies, elles étaient introuvables. Tout se relie dans ce cas, mais le fait que ce hangar soit une propriété privée de la couronne et que ni les rois, ni les surintendants, ni même le conseiller principal, c'est-à-dire Fitz, qui est normalement chargé de tout contrôler, n'aient été au courant de ce qui s'y passait est complètement abasourdissant ! Y aurait-il un problème de communication au sein du royaume ? Ou de gérance ? Ou alors un complot ?
A l'instant où le mot « complot » jailli de mon esprit, je me secouai violemment la tête et me relevai du sol sur lequel j'étais assis, dos contre la partie inférieure du lit. Non, mais qu'est-ce qui me prenait ? Je croyais une espèce de gamine qui, en plus d'avoir été complètement insupportable avec moi depuis le début, était classée parmi les ennemis numéro un du royaume. Elle aurait très bien pu inventer tout ça pour sauver ses fesses de la pendaison. Surtout qu'elle avait eu six jours pour parfaire sa petite histoire. Elle aurait donc très bien pu n'avoir raconté que des bêtises du début à la fin et puis moi, le naïf, je l'avais cru ! Une seconde. Mais je ne suis pas naïf ! Admettre que je l'étais c'était admettre qu'il existait bien un dossier sur moi dans lequel elle aurait lu cela et donc que les autres choses qu'elle avait dite étaient vraies ! Alors, non non non, je n'étais pas naïf. Mais, d'un côté, comment aurait-elle pu aussi bien décrire le précédent roi sans le connaître personnellement ?
Je grognai. C'était complètement stupide de me torturer ainsi l'esprit. C'était complètement stupide d'être autant déstabilisé par ce qui peut sortir de la bouche d'une petite vagabonde. Mais celui qui était le plus stupide, c'était moi. Je ne devais pas fragiliser mes bases à cause de simple bobards racontés en plus à la va-vite. Tout le monde est capable de raconter des histoires de nos jours.
Je me levai alors et me saisi ensuite de ma pipe à opium qui se trouvait sur la table de chevet de mon lit et, en l'allumant, je repensai à la dernière phrase de son exposé : « un monde pareil ça ne s'oublie pas, ça reste gravé dans le cœur. » Cette horrible incohérence apaisa mon cœur et je me senti plus détendu ; elle était pour moi une preuve qu'elle ne m'avait racontée qu'une histoire fantaisiste pour sortir de cette prison. Elle avait essayé de me manipuler. Je devrais alors la faire enfermer de nouveau puis la faire tuer. Du moins, c'était l'idée de Fitz, à qui j'avais d'ailleurs tout raconter. Moi, j'avais une autre stratégie en tête : je voulais l'analyser. On la décrivait comme une personne vile et mauvaise, traquée pendant de nombreuses années par les trois derniers rois mais assez fourbe pour ne jamais se laisser attraper, alors je voulais avoir un œil sur elle lorsqu'elle jouissait de la liberté. Comprendre sa façon de penser, son langage corporel, connaître ses habitudes aussi. Et, cela, aussi discrètement que possible. Je voulais comprendre cet ennemi me disant que, lorsque j'y parviendrais, je pourrais en savoir assez sur comment mettre la main sur d'autres ennemis au même titre qu'elle. Et, sur le moment, évidemment, je ne mesurais pas vraiment les risques qu'il pouvait y avoir à la laisser circuler librement au point central de tout le royaume...
Je sorti sur le balcon ouest de ma chambre, ma pipe entre les mains, et allai m'appuyer contre le garde-corps en pierre. Il était dix-huit heure moins le quart et j'avais droit à un merveilleux couché de soleil. La nature était belle et agréable, l'atmosphère était paisible. Je prenais de grosse bouffée de fumée parce que je commençais depuis quelques jours à franchement ressentir de moins en moins les effets bénéfiques de la pipe qui ne m'administrait de l'opium qu'à moyenne dose. Je me demandais de plus en plus chaque jour si je ne devais pas reprendre les injections. Elles étaient rapides, simples et je n'avais besoin que d'une dose par jour pour ressentir cette plénitude que je désirais. J'en étais même arrivé au point de me dire que je devenais nostalgique de ses moments d'évasion totale. Ces moments où plus rien n'avait d'importance ni même de valeur. Où la seule chose qui était palpable autour de moi était le néant.
J'y pensais encore lorsque j'entendis le bruit d'une violente chute en bas. Cela provenait des jardins. Je baissai alors les yeux, qui étaient jusque là portés sur l'horizon, et vis une petite masse grise allongée sur l'herbe à plat ventre, les cheveux complément en bataille. Elle se redressa sur ses genoux et cracha la terre qui s'était apparemment introduite dans sa bouche, y glissant juste après deux de ses doigts pour en retirer un ou deux brins d'herbe, avant de soudainement se lever et de se mettre à courir entre les buissons et les fleurs en riant fort, comme un enfant.
C'est donc ça mon ennemie ?
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