Chapitre Dix-huit.
« Mais j'aimais le goût des larmes retenues, de celles qui semblent tomber des yeux dans le cœur, derrière le masque du visage. »
Valéry Larbaud
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Chapitre Dix-huit.
- Je t'interdis de lui parler de cette manière !, dit une voix masculine derrière moi.
Je me retournai et croisai le regard d'un homme à peine aussi grand que moi. Je le reconnaissait, c'était la nounou du clochard !
- Ai-je été assez clair, prisonnière ?, me défia t-il du regard.
- Sinon quoi ?, le défiai-je à mon tour.
- Tu ignores qui je suis apparemment, reprit-il la parole presqu'en murmurant, mais fais très attention, parce que le jour où je déciderais de te le faire découvrir, tu risques de ne pas t'en remettre... Garde !, cria t-il soudain. Faîtes sortir cette... fille d'ici ! C'est inadmissible de laisser une fugitive errer dans les couloirs de la sorte !, conclut-il en me contournant pour aller rejoindre la fille aux cheveux noirs.
Je n'eus même pas je temps de me retourner pour lui faire face que je sentis une grande main se poser sur mon dos et me pousser pour me faire avancer. « Avancez sans faire d'histoire », répondait le garde derrière moi quand je lui hurlais de ne pas poser ses pattes sur moi.
Enfin sortis de ce maudit château, je me dirigeai rapidement vers mon cabanon. Quand j'y entrai, je claquai la porte, enlevai mes chaussures et retirai violemment ce t-shirt stupide avant de le balancer contre un coin de la pièce avant de m'allonger sur le dos dans mon lit. Ainsi, je restai en sous-vêtements, allongé en position d'étoile de mer à méditer sur toute la haine que je portais à tout ce qui était en rapport à ce roi.
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J'émergeai doucement de mon sommeil qui avait été perturbé par une sensation de chaleur sur ma joue ; le soleil s'était déjà levé et s'était invité dans le cabanon par les petits trous dans le bois. Je me levai, portai un de mes shorts, un débardeur et une serviette puis allai me doucher. Ma douche terminée, je retournai au cabanon et écrivis dans un journal tout ce que j'avais appris de nouveau sur la royauté, sur comment était construit le château, et sur comment établir une stratégie parfaite pour m'évader. Et bien, oui, je comptais m'évader. À quoi bon rester ici finalement ? Tout ce qui me retenait était la tranquillité et la sécurité que j'avais ici, mais je ne pouvais pas fuire éternellement le monde du dehors, la vie réelle. J'avais survécu pendant plus de vingt ans, alors je ne vois pas pour quelle raison ça ne continuerait pas. En plus, ma rage de m'en aller avait augmenté depuis hier soir où j'avais été traité comme un chien par l'autre salop de roi et ses acolytes.
Alors j'établissais un plan que je voulais infaillible, et mes journées depuis ce dîner ne se résumaient pratiquement qu'à ça. Oui, environ un mois était passé. Un mois de réflexion, mais surtout un mois de routine. Tous les jours étaient pratiquement les mêmes. Néanmoins, je trouvais toujours un peu de temps à passer dans le jardin et profitais de mes derniers jours de sécurité et de glanderie. Je dois avouer que je pensais parfois à l'autre garçon, celui à la couronne. Je pensais au fait que, avant ce dîner, il venait parfois me rejoindre pour me poser des questions bizarres ou pour jouer le philosophe. Je pensais au fait que ça faisait un mois que je ne l'avais pas vu, ni même entendu parler de lui. C'est comme si il avait disparu. Pas qu'il me manquait, non, certainement pas. Mais c'est juste que c'est quand on s'ennuie qu'on repense aux personnes qui ont l'habitude de nous emmerder.
Il était quatorze heure, il faisait beau. Le soleil brillait et il n'y avait aucun nuage. Je m'étais allongé sur l'herbe, dos contre le sol, genoux en l'air, mains sur le ventre et profitais de la chaleur, les yeux fermés. Je réfléchissais à des tas de choses à la fois, triste comme joyeuse, et laissais chaque pensé négative brûler sous ces rayons chauds, quand une ombre se déposa sur mes idées, et sur mon visage aussi. J'ouvris les yeux et je fus complètement étonné de voir ce qui était debout devant moi ; comme on dit, quand on parle du clochard... Ça m'avais fait toute drôle de le revoir là, maintenant aussi brusquement.
- Ta proposition tient toujours ?, demanda t-il.
- Bonjour ! Oui je vais bien, merci !, ironisai-je en me redressant pour m'asseoir.
Il roula des yeux avant de revenir à la charge.
- Répond moi juste. S'il te plaît.
- Mais de quelle proposition tu parles d'abord ?
- De la proposition de me désintoxiquer.
- Pourquoi ? Tu veux le faire ?
- Bordel, s'exclama t-il en passant une de ses mains sur son visage. Sinon pourquoi est-ce que je serais venu te voir à ton avis ?
Je me levai d'un bond pour lui faire face.
- Non, c'est pas une vraie réponse ça. Oui, ou non ?
- Oui, grogna t-il en détournant le regard et croisant les bras. C'est déjà assez dur comme ça.
- Mais, qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?, le questionnai-je.
- Ça, ça te regarde pas. Je veux juste que tu fasses ce que tu m'a proposé !, s'énerva t-il.
- Tu vois, tu recommences ! C'est à cause de ton caractère braqué qu'on s'entend pas !, haussai-je le ton à mon tour.
- T'as rien compris ou quoi ? Je ne cherche pas à m'entendre avec toi !
- Mais moi non-plus en fait ! C'est toi qui viens me voir pour que je t'aide et tu te mets à me crier dessus et à me donner des ordres ! Si je t'ai posé la question, c'est parce que, si tu veux que je t'aide pour ton sevrage, je dois savoir un minimum de choses.
- Putain..., râla t-il en passant ses deux mains dans ses cheveux et en se détournant de moi un instant. Bon, okey, dit-il en se retournant vers moi puis en s'asseyant sur l'herbe. Alors ? Assied-toi.
Je m'executai et m'assise en tailleur en face de lui.
[ Flashback. Point de vu de 0001.
J'étais complètement épuisé : je n'avais pas eu une seule minute à moi aujourd'hui. Que des réunions, des audiences, des questions, de doléances. « Mon roi » par-ci, « Sa majesté » par-là. Mais je crois que ce qui m'avait le plus embêté, c'était le fait que je devais rencontrer autant de monde en une seule journée, sans, au moins, une heure d'intervalle. Être entouré d'autant de gens en même temps me rendait anxieux, stressé, et anéantissait ma confiance en moi, qui n'était déjà pas bien grande. Je me sentais vulnérable et peu sûr de mes convictions, de ce que je disais et de ce que je voulais. Tout ce poids de roi qui me pesait sur les épaules et que je ne connaissais que trop bien... Il m'étouffait. J'avais besoin de me détendre.
Il était dix-neuf heure et j'avais réussi à avoir trente minutes de pause pour manger un peu et souffler dans ma chambre, avant d'entamer une dernière réunion avec des intendants royaux d'Asie. Mais j'en avais trop besoin... Et je m'étais dit qu'avec une petite dose, je serais juste assez requinqué et prêt à affronter cette réunion. Je m'étais alors introduit furtivement dans la chambre de Vaïma, avais pris dans son inventaire une seringue stérile, avais pompé grâce à elle le liquide d'un des flacons qui étaient sur son bureau sur lequel il y avait écrit « opiacé liquide », et me le suis injecté dans le bras. J'avais d'ailleurs eu de la chance que ce soit bien de l'opium.
Ce n'était qu'une dose de rien du tout, une minuscule quantité. Enfin, je crois. Mais vu la chute en arrière que j'avais faite juste après la prise, il était normal d'avoir des doutes. Et j'étais complètement dans un état second quand j'avais entendu qu'on m'appelait. Je m'étais levé tant bien que mal et étais sorti de la chambre pour me diriger directement vers la salle à manger conviviale du rez-de-chaussée où je devais dîner avec les intendants.
A peine arrivé dans la salle que tous me regardaient. Fitz s'approcha de moi et hurla mon prénom et me demanda si ça allait. Je l'ai tenu par l'épaule et lui ai répondu que ce n'était pas la peine de crier, que j'allais bien, et que j'avais juste pris ma dose pour me booster avant de lui faire un clin d'œil furtif. Je détournai ensuite mon regard de Fitz pour le poser sur les intendants aux yeux bridés qui me regardaient avec insistance. Cet échange de regards silencieux me gênait plus qu'autre chose, surtout que je n'en comprenait pas la raison. Alors, je me suis mis à rire. Ça n'avait duré que quelques secondes, puis je me suis arrêter pour leur souhaiter la bienvenue et leur dire à quel point j'étais heureux de les voir tous réunis pour parler affaire. Mais, la minutes qui a suivit, je sentais que ma tête était lourde et que j'avais besoin de m'allonger, et, après, je ne me souvenais plus vraiment de quoi que ce soit. ]
- Vaïma m'a raconté qu'en fait c'était moi qui parlait trop fort, que je n'avais pas ris quelques secondes mais pendant une bonne grosse minute, malgré que mon conseiller m'en empêchait, que j'avais bien salué tout le monde mais que je l'avais fait en riant et en faisant de grands gestes bizarres, que j'avais fait des sous-entendus débiles sur le mot « affaire », que j'avais grimpé sur la table en m'excusant, et que je m'était allongé la tête dans le plat de nouilles et le bras ensanglanté de l'assiette de riz. Ah, et mon bras était en sang parce que j'avais mal retiré la seringue et m'étais un peu explosé la veine.
Je ne savais absolument pas quoi dire. Je ne savais même pas si je devais rire ou pleurer. Mais en tout cas, j'avais ris.
- T'es sérieuse là ? C'est la pire chose qui me soit jamais arrivé, et tu ris ?, dit-il en fronçant les sourcils.
Je m'excusais mais j'avais du mal à m'arrêter. Ça faisait longtemps que je n'avais pas ri comme ça.
- Et bah, m'exclamai-je en essuyant mes larmes, J'aurais aimé y être.
- Je ne sais même pas si le pire c'est ça ou le fait qu'ils avaient lancé ce matin une pétition mondiale pour convaincre tout le monde de me détrôner. Même si je l'ai censuré, je me rend compte à quel point c'est allé loin, à quel point je me suis ridiculisé. Maintenant, si on avait encore des doutes sur mon addiction, là c'est bon, tout est confirmé, avait-il terminé par dire en soufflant et passant sa main sur son visage. Je dois arrêter... C'est la seule solution... Et je n'arrive pas à le faire tout seul..., releva t-il la tête vers moi.
- Alors, tu vas m'aider ?, reprit-il après un blanc de plusieurs secondes.
Je n'avais pas eu besoin de trop de temps pour réfléchir à ma réponse. Alors, mes yeux dans les siens, lentement, j'avais remué la tête de bas en haut ; je voulais l'aider.
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