Chapitre 3 : Amis.
On a roulé jusqu'au parc Piedmont... Un des lieux paisibles, à Atlanta la nuit. On y voit, au loin, les lueurs de la ville, qui viennent percer cette douce obscurité... Je ne pense pas que venir ici à moto soit autorisée, mais Andy semble être peu réceptif aux panneaux d'interdictions. Il se gare prêt de l'eau, et je sens son thorax ce gonflé. Il respire un grand coup, alors que je le lâche, me reculant sur la R1.
Il retire son casque, en secouant ses cheveux. Il a toujours fait ça. Mais aujourd'hui, et je ne sais pour quelle raison... Je comprends pourquoi ce sont les vidéos qui réunissent le plus de likes sur son compte. Sa mâchoire saillante, ses yeux fermés... Et le petit sourire qu'il exprime à la fin me fait fondre pour la première fois. Je rougis, alors je décide de juste relever ma visière en gardant mon casque sur la tête. Il descend de la R1, en faisant les cents pas...
Puis, il se retourne vers moi en se rapprochant. Il pose ses deux bras sur le siège de sa moto en continuant de me fixé.
— Bon, tu me dis ce qu'il t'arrive ?
— Tout ça pour... Ça ? Vraiment ? Bordel, tu sais que tu pouvais aussi me parler là-bas et optionnellement, si ce n'est pas trop te demander... Des excuses sont les bienvenues ! Je croise les bras, mécontente de perdre mon temps pour des broutilles.
— Tu veux bien enlever ton casque ? Je veux parler à Kiara, pas à Speedrain.
Franchement, ça ne m'arrange pas. Mais il a raison, ce n'est jamais hyper agréable si l'autre garde son casque quand on veut réellement se parler. Je souffle avant de le retirer, puis je le pose entre mes jambes. Je redonne du volume à mes cheveux en passant les mains dedans et je sens son regard ce posé sur moi. Lui aussi, ressent-il la même chose ? Il détourne rapidement son regard et semble troublé... Je fais semblant de n'avoir rien vu. Dans tous les cas, je ne veux pas de ce genre de sentiment entre nous. C'est probablement... Une passade, et il est hors de question qu'on gâche notre amitié pour une petite attirance soudaine.
— Bon, tu t'excuses maintenant ?
— Dans tes rêves, je ne m'excuserais pas pour ça. Je veux juste te protéger, pourquoi c'est mal ?
— Mais Andy sérieux... Tu ne me protèges pas, tu m'étouffes !
— Je... Ok. Il part vers l'eau, regardant l'horizon en gardant les mains dans les poches.
Vêtu de son slim déchiré, sa chemise et sa veste de moto, il reste là, triste et immobile. Je crois... Que je l'ai vexé cette fois. Malheureusement, mes mots sont sortis tout seuls. Je ne peux pas m'en vouloir, car c'est ce que je ressens. Au moins, il pourra essayer d'y faire attention à l'avenir. Le voir ainsi me fait mal au cœur, alors je décide de le rejoindre en tentant de détendre l'atmosphère. Je me glisse dans ses bras, en m'enroulant autour de sa taille.
— Grand frère ne fait pas la tête... Tu sais très bien que je t'adore, mais laisse-moi juste... Faire mes choix, parfois. Tu peux me protéger, mais tu ne peux pas m'envelopper dans une prison dorée.
— Et pourquoi pas, hein ? Kiara, sérieusement... Je refuse qu'il t'arrive quelque chose.
— Car j'ai aussi besoin de vivre, pour être heureuse. Et... Faire ses propres expériences, ça nous apprend la vie. Regarde, jamais plus je ne prendrai le raccourci d'un autre motard désormais ! Je me mets à rire, l'emmenant avec moi alors qu'il lève les yeux au ciel.
— Tu es chiante.
Il enroule ses bras autour de moi, et on finit par croiser nos visions. Je sens mes joues s'enflammer, alors que son regard suit le même chemin. Les émotions que j'éprouve me font peur, à ce moment-là. Je m'enfouis dans son torse pour échapper à cette attraction déplaisante. J'entends alors son cœur battre si fort dans sa poitrine que je me demande comment il arrive à tenir encore debout. On a vraiment un petit problème, mais je pense que le mieux que l'on est à faire, c'est d'ignorer tout ça. Et j'espère que de son côté, il pense comme moi. L'ignorance semble être notre meilleure issue.
— Je ferai plus attention à tes besoins, petite peste. Et, je m'excuse, pour la vidéo. Par contre, plus jamais on repasse une soirée comme celle-ci. Je déteste me disputer avec toi, tu sais ?
Je suis heureuse, qu'il comprenne et on arrive à se réconcilier. Je ne peux pas faire sans lui parler, de toute manière. Alors pour si peu, je pense qu'on a le droit de passer à autre chose. On finit par chahuter ensemble, et rire comme avant. La grande étendue d'eau devant nous, perdu dans cette végétation luxuriante, nous apaise et conserve en elle toutes nos mauvaises énergies pour nous en offrir de nouvelles, plus douce.
On regagne rapidement la R1, nos amis nous attendant au Kwidi. C'est un bar ambiance plutôt relax qui est vraiment parfait pour un after sympa. Le son est bon, les bières sont à profusion et pas à des tarifs exorbitants... Surtout, il y a une grande terrasse. Parfait, comme je le disais... Au moment où j'attrape mon casque, Andy pose une main imposante dessus.
— Kiara, pour ce que tu as dit sur la rareté de mes posts... Tu pourrais m'aider ? Si j'avais plus d'idées, j'en ferais plus mais... Je ne sais pas quoi poster.
— Tu ne pouvais pas me le demander plus tôt ? Bien sûr que je vais t'aider espèce de nouille ! Tiens, mets-toi sur la R1.
Je lui prends son téléphone, mais il essaie de le récupérer. On n'a jamais eu de gène, en se les attrapant sans se le demander, avant. En le déverrouillant, je m'aperçois qu'il regardait une photo de nous alors qu'il me portait sur son dos. La photo est zoomée sur mon visage souriant... Je lève un sourcil, perplexe...
— Je te stalker pas promis, c'est juste que... J'avais envie de retrouver ma meilleure amie souriante cinq minutes tout à l'heure.
— Euh, ouais ne t'en fait pas, ce n'est rien. Tiens... Tu fais juste un signe de main, tu sais avec ton pouce et ton petit doigt. Après, rupteurs, et tu accélères à fond. C'est simple, mais efficace.
Il accepte, en me remerciant avec un rictus en coin. J'adore ça... J'active Heatedly, et lui dit quand commencer. Je le filme, alors qu'il s'exécute. Mais, il parait tellement gêné que c'est visible sur l'écran. Je le conseille comme je peux, et je finis par lui dire de faire comme si la caméra n'existait pas. Qu'il me regarde moi, comme si ont été que tous les deux et qu'il voulait me taquiner ou me saluer.
La révélation. Son regard est plus envoutant, ses gestes plus fluide... Et son sourire... Il va en faire tomber plus d'une. Je vois déjà les commentaires arriver, d'ici. Il fait rupter son moteur et il a l'air... Surpuissant. Il laisse partir sa R1 comme un éclair s'abattant violemment sur la Terre. Je coupe, et franchement... C'est la vidéo du siècle. Ses cheveux sombres qui retombent sur sa peau claire, ses yeux bleu nuit et ses tatouages... Il a l'allure du parfait badboy, à la tendresse d'un p'tit ours en peluche.
Je cours vers lui, pour lui montrer avec quelques effets ce que ça donne. Je choisis une musique de fête, en speed up. La vidéo est parfaite. Il est parfait... Mais ce qui est encore plus parfait entre nous, c'est cette amitié qui ne s'est jamais étiolée.
J'enfile mon casque, alors qu'il m'ordonne de monter après m'avoir embrasé sur le front pour me remercier. Je me colle à lui, quand qu'il accélère. Je me permets de fermer les yeux, quelques instants. Rouler avec lui, c'est paisible. Aucune compétition n'existe, pas de vidéo, pas d'attentes. Juste lui, une moto et moi. Nos deux cœurs reliés par la même passion, et les mêmes envies. Cette nuit, on va rattraper cette soirée pourrie. Même si elle c'est déjà nettement améliorer. Il prend ma main dans la sienne, caressant l'intérieur de mon poignet sur lequel se trouve mon tatouage. Cette date, la date à laquelle tout a commencé. Celle où il m'a sauvé.
Le jour funeste où j'ai appris l'abandon de mes deux parents, tard dans la nuit. Leurs décès soudain, auquel je n'étais pas préparée. Mais, qui peut s'attendre à un tel événement si jeune ? À un âge où toute notre vie tourne grâce à eux. Ce jours-là, je m'étais sauvé dans la ville en pleurant toutes les larmes de mon corps. Je courais à toute allure, me sentant coupable de leur départ et je n'avais même pas remarqué qu'il m'avait suivie. Son père et le mien étaient amis, et ce sont eux, les parents d'Andy, qui avaient eu la lourde tâche de m'annoncer cet enfer. Les yeux embués de larmes, j'avais traversé un passage à niveau sans même regarder. Hélas, le klaxon d'un TGV lancé à vive allure retentissait et ses phares m'aveuglaient... Ça aurait dû être la fin, ma fin, mais une main m'avait tiré en arrière, violemment.
C'était lui, qui m'avait pris dans ses bras en m'encerclant de son corps du haut de nos dix ans, alors que j'explosais en sanglots. La poussière volait autour de nous, alors que mes cheveux bougeaient anarchiquement dans son visage. Il me serait si fort contre lui, que je me sentais protégé malgré les bruits métalliques qui émanaient du passage de ce géant d'acier, à quelques centimètres de nous.
Cette nuit-là, il m'avait sauvé et ne m'avait jamais lâché, depuis. Andy et moi étions déjà amis de longue date, mais cette nuit d'effroi, il était devenu ce qu'il me restait d'une famille. C'est peut-être pour ça que je tiens autant à ce qu'on a. Et que jamais, je ne laisserai quoi que ce soit gâché ça.
Il m'a offert ce tatouage, à mes 18 ans. Car il sait pertinemment que je ne veux jamais oublier ce jour. Me souvenir de ça, c'est me souvenir de mes racines, et du fondement de tout ce que je suis. Mais surtout, de ce que j'ai accompli, depuis. Même si je n'ai pas l'impression d'avoir beaucoup avancé.
Une larme coule sur ma joue, alors qu'il accélère. Je le sers plus encore, alors qu'il en fait de même sur ma main, comme s'il ressentait mes émotions en son cœur.
Quelques minutes passent, avant qu'il se gare sur le parking à côté de nos amis, brisant ce moment paisible. Je me redresse rapidement, alors que je sens leurs regards suspicieux et amusé. Je sais exactement ce qu'ils pensent alors que je descends de la moto en retirant mon casque.
Il en fait de même, alors qu'on commence à se faire charrier comme toujours. Mais on est de mèche, fidèle à nos discours habituels. Bien sûr, ils sont déçus. Tout le monde veut nous voir ensemble, sauf nous. On a bien trop à perdre.
On pénètre dans notre lieu de fête favori, et des airs de guitare pop-rock raisonnent déjà. Des revêtements en bois, des planches de surf et des parasols qui ornent les cocktails des jeunes prêts à faire la fiesta toute la nuit. Ça, c'est le Kwidi. Un lieu ensoleillé, perdu dans une ville ennuyeuse et grise. Des airs paradisiaques s'en dégagent.
Nous suivons les guirlandes lumineuses le sourire aux lèvres, en faisant un signe aux patrons de l'établissement avant de nous diriger sur la terrasse. Ici, nous n'avons plus besoin de commander. Ils connaissent nos habitudes. Une girafe de bière, et un Malibu coco pour moi.
La musique s'éprend de mon corps, alors que je me dirige vers la piste de danse extérieure. Les garçons, eux, choisissent une table et les connaissant, ils n'en bougeront pas de la soirée. Habituellement, je les accompagne, mais là, j'ai besoin de me vider la tête. Je me déhanche sur cette chanson entraînante, avec les quelques danseurs présents. La patronne me rejoint quelques instants, après avoir déposé nos verres...
— Tu as conscience qu'il te dévore des yeux ma belle ? Ce regard ne trompe pas... J'espère qu'un jour, vous arriverez à en prendre conscience tous les deux. La vie est courte, profitez les jeunes !, dit-elle en me montrant Andy. Et elle n'a pas tort... Son regard est un vrai brasier.
— Gwenn, il est juste à l'affût du premier idiot qui viendra m'approcher, comme d'habitude ! Je souris, mais au fond, les questions s'accumulent en moi.
Elle m'octroie quelques pas de danse, puis retourne à son service. La bonne humeur est présente, et enfin tout le monde semble se détendre. Je me dirige à notre table pour siroter quelques gorgées de mon cocktail quand j'entends Solarus, dos à moi, charrier Andy. Ça me rassure de voir que je ne suis pas la seule à subir leurs réflexions constantes.
— Pourquoi tu ne la rejoins pas ? Tu sais, si tu attends trop, elle finira avec un autre type... J'explose de rire, en lui frappant l'épaule, alors qu'Andy ne me lâche pas du regard, amusé.
— Tu ne sais pas qu'Andy ne sait pas danser ? Je n'ai aucune envie qu'il m'écrase les pieds, tu sais ! Le concerné affiche un regard outré alors que je n'arrête plus de rire.
— Non mais je rêve, tu vas voir si je ne sais pas danser ! Sous l'œil étonné de tous, il se lève et m'attrape le bras pour m'emmener sur la piste.
Il me lâche et me fait un clin d'œil avant de commencer à se déhancher au rythme d'une musique latine. Il joue avec sa chemise noire et son faciès est mémorable. Je le rejoins, le suivant complétement dans son délire, dos à dos, on descend au sol en symbiose, riant comme jamais. Puis, il continue en solo en imitant les nanas qui twerk. J'attrape mon téléphone pour filmer ça, je sais que je tiens du lourd.
— Alors, je ne sais pas danser ?
— Tu gères mieux que je ne l'aurai pensé ! Il se mord rapidement la lèvre en penchant la tête, avant de rire gaiement.
Dans l'euphorie, je finis par danser de mon côté en fermant les yeux. Mon verre à la main, je me lâche complétement. Je ne vois pas le temps passé, alors que je sens quelqu'un derrière moi. J'ouvre les yeux, voyant qu'Andy est retourné à la table pour se prendre une bière...
— Excuse-moi, mais j'aime danser seule. Je me retourne pour freiner les intentions de mon partenaire inattendu...
— Non, une si jolie fille, comme toi ? C'est impossible, je ne peux pas laisser passer ça. Il attrape mes hanches, alors que je le repousse gentiment.
Sa peau bronzée et ses muscles surdimensionnés ne m'impressionnent pas. Il a l'allure parfaite du playboy détestable, cheveux court surchargé de gel, blond... Et les yeux d'un véritable prédateur. Il ne me fait pas peur, loin de là.
— Malheureusement, tu n'as pas réellement ton mot à dire beau gosse. Jusqu'à présent, je suis parfaitement capable de faire ce que je veux, et tu ne m'intéresses pas. Je m'éloigne, reprenant ma danse en pensant avoir enfin la paix.
— Aller poupée, c'est bon, excuse-moi d'accord ? Accorde-moi juste une petite danse ? Il retrouve à nouveau mes hanches. Je rugis intérieurement, roulant des yeux, à deux doigts de le frapper.
— Putain mais... Une main passe par-dessus mon épaule, me coupant la parole et une personne me tire vers lui. J'ai l'impression d'être une poupée de chiffon qu'on manipule, mais je comprends vite en atterrissant sur son torse qu'il s'agit d'Andy.
— Lâche-la. Elle est avec moi, et je te jure que si je te voie encore rôdé autour d'elle, je te fais voler la mâchoire jusqu'à l'autre bout de la terrasse. Pigé ?
— Euh, ouais pardon mec, j'ignorais qu'elle était accompagnée, je ne voulais pas paraitre lourd.
— Alors casse-toi, et vite. Il serre le poing, et je sens son torse se contracter en même temps que sa mâchoire. Il est effrayant, ne lâchant pas son regard menaçant de lui, même s'il s'éloigne.
— Andy, c'est bon, viens. Tu n'étais pas obligé, tu sais...
Il acquiesce, alors que je place ma main sur son cœur. En silence, il redirige un regard plus doux sur moi. Il me sourit, en m'invitant à regagner la table avec lui et les autres. Ça, c'est Andy tout cracher.
Un frère surprotecteur, et auparavant ça ne m'a jamais dérangé. Aujourd'hui, c'est un peu différent, car j'ai la cruelle impression que notre relation change. J'en suis terrifiée parce que je refuse que ça nous arrive à nous. Mais au fond, si ça se trouve... C'est seulement moi qui me fais des films.
____Xoxo, Foxy____
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