Quand Andy est parti, mon monde s'est arrêté de tourner et la culpabilité m'a envahi. Comment n'avais-je rien vue ? Pourquoi n'avais-je pas su lui parler de cette course avant que son père ne le fasse ? Comme des années auparavant, je me suis retrouvée là, assise dans ce canapé, réduite au même stade. Et si je le perdais, lui aussi ?

Le jour où j'ai perdu mes parents, je les avais mis en retard, car je voulais manger une glace, au parc, avant de rentrer. Mais, ils n'avaient pas cédé et à ce moment-là, je les détestais. Arrivée à la maison, j'étais partie dans ma chambre en trombe, sans même leur adresser un regard. Pas de bonjour à nounou, pas d'au revoir à papa, ni de bisous pour maman. Et, sans le savoir, j'avais encré en mon cœur les premiers regrets de ma vie. J'aurais dû leur dire que je les aimais, leur dire que j'étais désolée et que je tenais à eux... Mais à la place, j'étais restée dans ma chambre en boudant sans savoir que je ne reverrais plus jamais leurs visages. Dans ce même canapé, mes larmes coulaient de tristesse, en apprenant la déchirante réalité. Ils étaient morts, et j'étais persuadée que tout était ma faute.

Une fois encore, en le voyant s'éloigner tout à l'heure, j'ai eu l'impression d'être la seule responsable. Si seulement j'avais eu le courage de lui dire que je souhaitais participer à une course de niveau A il ne serait pas parti. Si je perdais Andy ce soir, je n'aurais plus le courage et l'envie de me battre pour quoi que ce soit...

La peur qui se logeait dans mon cœur était intense et plus rien ne semblait compter. J'étais assise, sans vie. Lise essayait tant bien que mal de me réveiller, mais rien ne semblait me réanimer. Le temps défilait, alors que les verres et les assiettes intactes se succédaient. Aucun mot ne me comblait, aucune caresse maternelle ne dissolvait ce sentiment en moi. Et la seule chose qui m'obsédait, s'était de voir la silhouette de l'homme que j'aime dans l'encadrement de cette porte qui paraissait scellé à jamais. J'aurais dû lui dire, que je voulais faire cette course pour qu'on puisse rembourser Spider et ne plus vivre dans la menace constante de nous prendre un coup de couteau. Être honnête en lui disant aussi que ce défi me faisait vibrer, car j'aime cette adrénaline que ça me procure. Lui faire partager mes envies et mes pensées comme je l'aurais fait, avant qu'on soit ensemble. Mais à la place, j'ai eu peur. Peur qu'il m'en empêche, peur qu'il se braque, et peur de le perdre. J'ai une fois de plus tout centrer sur moi-même, sans même penser que lui, il pourrait tout simplement se sentir trahi. Je lui ai toujours tout dit... Mais la peur de perdre les gens que j'aime m'a bouffé. Et j'ai préféré garder ça pour moi trop longtemps, comme les sentiments que je n'ai même pas vus s'installer entre nous.

Le soleil avait fini par s'en aller, en me laissant ici, seule dans mon obscurité. Puis, enfin, une clé s'était fait entendre dans la serrure. Mon regard, lui, c'était tourner vers l'horloge, dont l'aiguille affichait quatre heures du matin. Ma voix tremblante l'appelait et enfin, son timbre si doux, bien qu'exténué, pénétrait mon âme. Sa chaleur, son odeur, son corps... Il me réanimait enfin, laissant mes peurs s'évacuer dans mes larmes. Il était là, debout devant moi, vivant. Mes mains seraient le tissu de sa chemise comme si ma vie en dépendait. Il m'était revenu, malgré mes erreurs. Je voulais lui dire tout ce que j'avais sur le cœur et tout ce que je ressentais pour lui, lui dire à quel point j'étais désolée... Mais à la place, j'avais vu son visage abîmé et ruée de coups. Je lui ai caressé ses blessures dans l'espoir de les lui effacer, car il ne méritait pas ça. Mon cœur saignait pour lui, et j'avais envie de tuer tous ceux qui avaient participé à me le rendre dans cet état.

Mais quand il m'avait enfin avoué que c'était son père, à lui seul qui lui avait infligé tant de coups... Une part de moi, elle, c'était brisé. Ma vie n'avait donc été que mensonges, toutes ses années ? Je me devais de prendre soin de lui. Rattraper tout ce que j'avais loupé, en étant aveuglé sur moi-même. Parce que même si j'avais vécu dans le mensonge, lui, il avait survécu à l'enfer. Et ce soir, il avait besoin de moi.

Je me retrouve ici, à faire semblant de fouiller dans ce buffet pour recentrer mes émotions. Je ne dois rien lui laisser paraître. Cette fois, c'est à lui de parler, c'est à lui, de se confier. Et surtout, c'est à moi d'être présente pour combler ses meaux. J'essuie rapidement mes larmes, pour refouler ce flot d'émotions qui m'anime. Mais sa voix vient percer le silence. Une fois encore, il ne peut pas rester sérieux... Et ceux, malgré la gravité des évènements.

— Mon chaton, j'ai le droit de te demander en mariage, dans notre marché ? Il en rigole, alors que le fait qu'il reparle du marché me hérisse le poil.

Je croyais qu'on avait dépassé ce stade, mais vraisemblablement, ce n'est pas le cas. J'attrape la trousse de soin, en me précipitant sur lui, à califourchon. Légèrement agacé, j'humidifie une compresse avec du désinfectant avant de tamponner son arcade avec. Il se tord de douleurs, avant de rire à nouveau.

— Okok, je prend ça pour un non alors ? Putain, ça fait un mal de chien ton truc ! Il sourit, malgré son visage cabossé...

Il ne se dit même pas que me parler de notre accord maintenant est malvenue. Je reste silencieuse, réitérant l'opération sur sa lèvre cette fois-ci. Mais je regrette instantanément en voyant des larmes de douleurs monter en lui. Il s'agrippe à mes hanches, pour ne pas hurler, et ses dents se serrent quelques instants, le temps que les picotements s'estompent.

— Ça va aller ? Je glisse ma main dans sa nuque, le regard confus.

— Ça ira mieux quand tu voudras bien me parler, plutôt que te venger avec ce truc ! Je n'ai rien fait en plus... Rien fait ? Il se fiche de moi là ?

Je reprends une compresse, en fronçant les sourcils, mais il m'arrête en me retirant délicatement le flacon des mains. Il replace le matériel dans la trousse, avant d'enlacer mes paumes entre ses doigts et son torse.

— Mon chaton, parle-moi. Son regard amoureux me perd complément...

Je ne veux pas parler, car si je parle, j'explose. Et je n'ai pas le droit d'exploser, aujourd'hui. Je veux changer, je veux être plus à l'écoute. Et ce n'est pas en m'effondrant sur lui que je vais y arriver. Mais mes larmes percent, étant trop dure à contenir. Je me précipite sur ses lèvres pour l'embrasser, malgré ses blessures, car c'est tout ce que je suis capable de faire...

Mon corps se presse sur lui, alors qu'il passe ses mains sous ma robe. Il gémit, mais répond à mon baiser avec la même intensité que la mienne. Ça m'est égal, s'il me met du sang partout. Je le veux lui, entièrement.

— Je... Je suis heureuse, que tu sois revenu. Mes sanglots explosent alors que j'enfouis mon visage contre lui.

— Mon chaton... Je reviendrai toujours vers toi. Ses bras m'entourent, et mon cœur ce livre malgré moi.

— Andy, je me fiche de ce marché entre nous, ça va bien au-delà. Je tiens à toi, et te voir dans cet état... Tu ne le mérites pas, tu es... La personne la plus à l'écoute que je connaisse, tu es drôle, gentil, patient... Je pose mon front sur son torse, en serrant le poing. Bordel ton père est un con ! Et je n'arrive pas à croire que j'ai réussi à vivre toutes ses années en m'apercevant de rien ! Je suis... Tellement désolé d'avoir trahi ta confiance... Je sais qu'avant, je te disais tout, mais au plus je tiens à toi... Au plus j'ai peur que toi aussi, tu t'en ailles. Je me redresse en le regardant dans les yeux, alors que les siens se remplissent de larme. Je suis... Capricieuse et complètement égoïste, je me plains constamment... Mais je veux changer, pour toi. Et je suis vraiment mal barrée, mais il faut que tu le saches, parce que je ne veux plus jamais que tu t'en ailles sans savoir à quel point tu es important pour moi.

Nos yeux larmoyants s'observent, en silence... Puis, il saisit ma joue pour la caresser avec son pouce. Je me blottis contre sa main en fermant les yeux, comme pour apaiser les dernières larmes qui s'y écoulent...

— Ne te rabaisse plus jamais, devant moi. J'ignore qui t'a mis toutes ces idées en tête, mais tu n'es rien de tout ça ! T'es ma putain de lumière Kiara, et si j'ai trouvé la force de rentrer ce soir, c'est grâce à toi... Tu crois réellement qu'une personne d'égoïste se battrait pour rattraper mes conneries avec Spider ? Tu aurais pu me lâcher, m'abandonner... Mais non. Tu es là, et tu prends sur toi pour que j'arrête de fumer toutes ces merdes. Tu t'accroches, jusqu'à prendre le risque de faire une course en A pour nous sortir de là... Je t'aime, Kiara, et sans toi, crois-moi, je ne serai plus là.

Il m'embrasse à nouveau, mais je me recule en pleurant... Je dois lui avouer, il doit tout savoir même si je prends le risque qu'il m'en veuille.

— Mon amour... Attends. Je... Pour cette course, au début, je voulais la faire que pour l'argent qu'elle allait nous rapporter. Mais, au plus on avance... Au plus je veux la faire, pour moi. Pour le défi qu'elle représente et... La compétition, ça me fait vibrer et je m'aperçois que j'adore ça... Je suis désolée de ne pas avoir osé t'en parler...

Il sert les dents en n'osant plus me regarder dans les yeux. Son visage se ferme, puis il me sort sûr lui pour s'avancer sur le canapé. Il pose son visage dans ses mains, en gardant les coudes sur ses genoux pour se maintenir. Mon cœur bat à mille à l'heure... J'aimerais l'enlacer, ou poser ma main sur lui pour le réconforter, mais je n'ose pas.

— Tu veux passer pro, Kiara ? C'est ça que tu essaies de me dire ? Je sens la douleur dans sa voix...

La vérité, c'est que je n'ai pas la réponse à cette question. J'ai juste envie de me laisser porter au jour le jour, sans faire de plans. Je sais qu'Andy déteste les pros, mais c'est pour les mauvaises raisons... Toute cette haine qu'il a envers eux, c'est à cause de son père, et je le comprends désormais. Mais je ne peux pas lui cacher, car je ne veux plus le faire souffrir.

— Je ne sais pas... Tout ce que je sais, c'est que je veux faire une course en A. Petit chat, je... Il repousse la main que j'essaie de poser sur lui en ce levant brusquement.

— Bien. Je vais me coucher, je suis fatiguée.

Il me laisse en plan, et semble blessé. Je sais que réussir grâce à Heatedly est notre rêve à tous les deux, mais j'ai aussi besoin de tester de nouvelles choses. En aucun cas l'un empêche l'autre, et je sais que jamais, je ne m'éloignerais d'Andy. Mais comment je peux lui faire comprendre en sachant la haine profonde qu'il leur porte ? Je reste en bas, en faisant les cents pas. Puis, je décide de monter le rejoindre. J'ignore comment le rassurer, pourtant je ne peux pas le laisser comme ça. Alors tant pis s'il m'envoie dans les roses... J'ouvre la porte sans me faire entendre et l'observe quelques instants... Il est en fœtus sur le lit, sanglotant comme un enfant et ça me brise le cœur. Cette vision est déchirante, car je m'aperçois que ça le touche encore plus que je le pensais. Je m'approche sur la pointe des pieds, avant de me glisser dans son dos pour le prendre dans mes bras.

— Va-t'en. Il le dit si faiblement que je sais qu'il ne le pense pas.

Je le sers contre moi quelques instants, tout en lui caressant les cheveux. Je ne bougerai pas, car je sais qu'au fond, il n'a pas du tout envie que je m'en aille. Ses tremblements s'apaisent un peu, alors que mon cœur lui appartient pleinement, désormais.

— Mon amour... Tu ne me perdras pas, jamais. Qu'est-ce que tu m'as dit en bas déjà ? Je reviendrai toujours vers toi ?

J'embrasse ses cheveux alors qu'il lâche enfin un petit rire. Il se retourne pour m'enrouler de ses bras et mettre son visage sur mon ventre. Puis, il attrape ma main, pour la garder contre lui...

— Kiara reviendra toujours, oui. Mais Speedrain, tu me promets qu'elle ne s'échappera pas ? Sa remarque me fait rire, même si je sais qu'elle a tout son sens, pour lui.

— Speedrain est amoureuse de Blackrift, alors elle me suivra...

Il me sourit, et ferme les yeux contre moi... Même si les choses sont dites, je sais qu'au fond de lui un séisme doit-être en marche. Hélas, on en connait la puissance que lorsqu'il éclate... Et je dois avouer que j'en suis terrorisée...

____Xoxo, Foxy____