"Le destinataire d'une lettre a toujours un énorme avantage sur l'expéditeur. Il peut la lire et la détruire en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire." - Groucho Marx

Point de vue de Nathan

Une fissure se crée dans le sol. Je suis pris au piège dans cette immense plaine, je suis seul. Le sol s'ouvre sous mes pieds et je baisse la tête. C'est profond et il fait noir. Je me sens tomber sans savoir combien de temps durera ma chute.

Je sursaute en ouvrant les yeux. Ma vue prend du temps à devenir nette mais je reconnais tout de même mon salon. J'ai un mal de crâne et j'ai déjà envie de me rendormir. Mais je ne le fais pas. Des images me remontent au cerveau alors que je sens un léger engourdissement au niveau de mon bras gauche.

"-Marguerite?"

Je crie en attente d'un signe de vie, mais rien. Je ferme mes paupières et respire. Je dois remonter le fil des événements. Ce matin, Marguerite est venue me rendre visite, à l'appartement. C'était à quelle heure? Aux alentours de 11h. Qu'elle heure est-il à présent? Il est 14h03 si j'en crois l'horloge du style vintage. Qu'avons nous fait? Nous avons discuté. De quoi? Elle m'a annoncé qu'elle repartait quelques temps à Miami et je l'ai encouragé. Mais j'étais tout de même triste car cela reviendrait à vivre loin d'elle, alors j'ai pleuré. Que s'est-il passé ensuite? Elle m'a proposé un verre d'eau. Est-ce que je l'ai bu? Oui je l'ai bu. Est-ce que je pense que Marguerite m'a drogué? Oui, j'en suis convaincu.

Je me lève fou de rage mais mon oreille se met à siffler et je tombe. Le canapé amortit ma chute, tout va bien. J'inspire un bon coup et me relève plus doucement. Je me dirige vers le téléphone fixe. Il s'agit de mon dernier contact avec le monde extérieur mais sur ma route, mon regard est interpellé.

En effet, sur la table basse en verre du salon sont posées une carte accompagnée d'une Marguerite. Je me fige et hésite. Devrais-je la lire ou devrais-je la tremper dans l'essence et y foutre le feu? Je pourrais même y ajouter la marguerite, ça lui donnera une odeur plus fleurie rappelant que nous sommes au printemps.

Malheureusement, ma curiosité l'emporte sur ma haine. Je m'assois sur le tapis et attrape le morceau de papier. Ce n'est qu'un papier essuie-tout, rempli de mots.

"Nathan, mon Nate,

Je suis désolée. Si tu doutes que je ne t'ai jamais aimé, détrompe-toi. Je t'aimais, je t'aime et je t'aimerai. A cause de mes parents, j'avais peur d'aimer, j'avais peur de tomber amoureuse. Mais je t'ai rencontré. Tu crois au coup de foudre? Non, je suppose que non. Moi non plus. Je ne sais pas si je l'ai eu, le coup de foudre, mais je sais qu'après t'avoir vu pour la première fois, dans l'ascenseur le jour de la rentrée, j'ai fermé les yeux et me suis vue dans tes bras.

Je suis désolée. Tu es si facile à aimer. C'est l'excuse que je me suis trouvée pour être tombée amoureuse de toi. Tu es gentil et doux. Tu m'écoutais et dans tes bras, j'avais le sentiment d'être protégée, que tu veillais sur moi. Quand je t'embrassais, je fermais les yeux. Je nous voyais dans un immense champs de fleurs. Après, j'ouvrais les yeux, j'étais d'autant plus heureuse en me disant que tout est réel, que j'aime, que je suis aimée et que l'amour c'est, désolée pour le langage, putain de beau.

Je suis désolée. Je n'étais pas une bonne petite-amie, je t'ai caché mes secrets alors que je connaissais les tiens. Je te faisais des crises même lorsque j'étais en tord. Je te laisse tomber, mais tu n'es pas seul, tu as gagné un frère et tes parents tiennent à toi. De plus tu as Stef, oui il t'apprécie.

Je suis désolée de t'avoir drogué, d'avoir prélevé un échantillon de ton sang et de l'avoir donné au Docteur Hanks en échange de quoi il m'a promis de sauver ma mère. Il va lui trouver un traitement adapté et elle survivra. Peut-être que je m'accroche à du vide mais au moins je m'accroche. Je suis désolée. C'est ma maman, le tout premier amour de ma vie, je dois la sauver.

Je ne m'attends pas à ce que tu me pardonnes, ni à ce que tu comprennes mon acte.

A dans une autre vie.

Marguerite (Maggie) Conover."

Je plie le papier en 10. Je veux qu'il soit si petit qu'il disparaisse à tout jamais. J'analyse mon bras gauche. Le trou est si petit qu'il me faut bien sept minutes avant de le localiser. Je me rappelle alors que Marguerite n'est qu'une droguée, une junkie, que les seringues ça la connaît. Je me donne une claque. Comment ai-je pu sortir avec ça? Elle puait la dépression a des kilomètres à la ronde.

J'aurais dû moi aussi la laisser tomber quand elle était au plus bas, quand elle m'a dit qu'elle est réellement une fleur fanée qui ne pourrait jamais être ravivée. J'aurais dû jeter l'éponge à ce moment précis au lieu de jouer au parfait canard. Plus qu'à elle, je m'en veux moi.

Je dois remettre mes pensées haineuses à plus tard, la porte d'entrée vient de s'ouvrir. Je me penche pour voir de qui il s'agit, c'est Sacha. Le blond rentre dans la pièce, vêtu de l'uniforme du lycée. Il fait bien plus sérieux qu'au départ avec ses cheveux coiffés. Et il l'est. Il va à l'école et même s'il n'est pas le meilleur, il se bat et travaille ses cours de fond en comble. Je l'aide de temps à autres, cela me permet de ne pas perdre la main. Monsieur Reyes me porte les cours tous les après-midi de ce qui a été vu le jour même alors je ne suis pas lésé.

Sacha dépose son sac à dos couleur camel de la marque Fendi. C'est un cadeau de mon père, pour le remercier de s'être considérablement adouci. Il me sourit et je lui souris en retour, faisant comme si je n'avais pas présentement le cœur plein de haine. Correction faite, je dirais que j'ai le cœur brisé.

"-Ça va? Tu ne t'es pas trop ennuyé aujourd'hui? Il s'inquiète.

-Non, j'ai joué à la DS, ça a été. Et toi, les cours? Tu as eu des notes?

-Je fais de mon mieux, mais j'ai eu en C en chimie... il soupire. Tu as vu Maggie aujourd'hui? Elle n'étais pas en cours, alors je me dis que peut-être... Il fait la danse des sourcils.

-Désolé de te décevoir, mais non, je ne l'ai pas vue.

-Donc tu vas me dire que cette marguerite est arrivée ici par magie? Il désigne la fleur encore posée sur la table basse. Allez, quoi! Tu peux me dire qu'elle est venue, que tout est reparti comme avant et que vous avez couché ensemble. Je grimace et il reprend. Ne joue pas l'innocent, toi et moi savons que c'est loin d'être la première fois. Dis-le et je te laisse tranquille.

-D'accord, j'expire. Marguerite est venue, tout est reparti comme avant et nous avons couché ensemble. Je mens convaincu.

-Je suis content pour vous. Il s'étire. Les cours m'ont épuisés, je vais faire une sieste.

-Attends Sacha. Je voulais te poser une question. J'hésite.

-Oui? Il plisse des yeux. Je t'écoute.

-Est-ce qu'on te pose beaucoup de questions? Des questions par rapport à moi, je veux dire.

-Ouais, non, il détourne le regard. Presque plus.

-Merci. Bonne sieste!"

Je sais très bien qu'il ment. C'est un très mauvais menteur. On dit que les mauvais menteurs ont bon fond. Je ne sais pas pour tous les mauvais menteurs, mais, je sais que Sacha a bon fond. Bien meilleur que Marguerite qui ment comme une arracheuse de dents. C'est hors sujet mais j'ai appris très récemment que cette expression vient du fait qu'à l'époque on surnommait les dentistes "arracheurs de dents" et que ces derniers mentaient en assurant à leur patient que non, arracher une dent simplement avec une énorme pince ne leur ferait pas mal. C'était quand j'y repense, évident, mais pas assez pour que je le remarque moi-même.

J'attends vingts minutes, histoire d'être certain que Sacha soit endormi. Il a laissé son sac à quelques mètres de moi. Je sais que dedans, se trouve son portable. Si Sacha et moi nous ressemblons beaucoup sur un certain point, c'est bien celui-ci, nous n'utilisons que très peu nos portables. Jamais quelqu'un ne nous surprendra entrain de fixer durant des heures un smartphone en tapotant sur le clavier.

J'ouvre son sac en cuir. Son portable se trouve bien à l'intérieur. Je le prends et le déverrouille rapidement. J'ai une mémoire très visuelle, il m'a suffit de voir Sacha réaliser son code une fois pour le retenir: 760823.

Je sais que si mon père m'a coupé de toute connexion avec le monde extérieur c'est pour me protéger. Mais comment pourrais-je me sentir protégé si je ne sais même pas de quoi on me protège? Je ne veux plus être aveugle. Peut-être que je le regretterai... mais, au point où j'en suis, j'ai le sentiment que rien d'autre ne peut m'atteindre.

Je tape Nathan Amadeus dans la barre de recherche du navigateur internet. Environ 50 900 000 résultats. Cela veut dire que je suis mentionné 50 900 000 de fois sur la partie légale d'Internet? D'accord mon père dirige une grande entreprise mais 50 900 000 résultats me semble être énorme. A titre de comparaison, je cherche le nom d'une des célébrités les plus en vogue du moment, Kylie Jenner. Elle n'a, que, 23 000 000 résultats. Je ne réalise pas. C'est peut-être pire que ce que je pensais.

Je cherche de nouveau mon nom et cette fois, j'ose faire défiler la page. "L'origine de la Fluoritosinum" je clique sur cet article.

Il s'agit en fait d'un professeur d'Harvard expliquant l'origine de ma maladie, si je reprends les termes de l'article. Ils ont choisi de l'appeler la Fluoritosinum. Ils auraient tout de même pu me demander mon avis, je suis tout de même le précurseur. Soit. Le professeur a vrai pour le reste. J'ignore sur quelles preuves scientifiques se base-t-il, mais il a raison quand il dit que ce n'est pas contagieux et que ce sont simplement les cellules de ma peau qui, pour une raison que tout le monde ignore, fabriquent du fluor lors de la mitose. Ce fluor devient évidemment fluorescent dans la nuit et ma peau rayonne.

En soit cet article n'a rien de dérangeant, il ne se base pas sur des preuves mais dit tout de même la vérité. Je clique sur une vidéo cette fois. Je prends garde à ce que le son ne soit pas au maximum avant d'appuyer sur play.

"-Que pensez vous du Fluoritosinum dont est atteint Nathan Amadeus? Demande un journaliste en pleine rue à une adolescente un peu plus jeune que moi.

-C'est super sexy! Elle affirme. J'aurais adoré qu'il soit mon petit-ami. Nous serions un peu comme Bella et Edward de Twiligth.

-Tu ne sais pas de quoi tu parles ma petite! Arrive une femme passablement âgée dans son dos. C'est un monstre!

-De qui parlez-vous madame? D'Edward de Twilight ou de Nathan Amadeus?

-Twi quoi? Je parle de Nathan Amadeus bien évidemment! C'est un monstre. Ce n'est pas un homme. Les scientifiques cherchent à nous donner des excuses plausibles mais c'est juste parce qu'ils sont de mèche avec son père. C'est un monstre. Il faudrait l'abattre.

-Ce n'est pas un monstre! Un homme à lunettes bruns fait à son tour son entrée sur le champs de vision de la caméra. C'est un extra-terrestre. Il vient d'une autre planète, il nous observe. Il ne faut pas le laisser s'échapper, il risquerait de raconter nos plus grands secrets à son vrai peuple."

Et ça dure durant plus de dix minutes, chacun donne une nouvelle théorie. Certains disent que je suis un robot, d'autres le fruit d'une expérience scientifique ratée, un sorcier, un descendant des schtoumpfs, le membre suprême tirant les ficelles de la théorie du complot. Mais la majorité s'accordent sur le fait que le monde se porterait bien mieux sans moi.

Et s'ils disaient vrai? Le monde a déjà beaucoup trop de problèmes. La famine, des guerres de religions, les maladies incurables et j'en passe. Pourquoi voudrait-il s'embarrasser d'un être trop différent pour rentrer dans les normes. De toutes façons je ne vois pas ce que je pourrais faire d'autre de ma vie. Je suis contraint à rester enfermer dans un appartement jusqu'à la fin de mes jours. Autant se tirer une balle dans le crâne tout de suite, non? Malheureusement, nous n'avons pas du fusils ici.

De plus, mon suicide sera la plus belle revanche que je pourrais prendre face à Marguerite. Elle qui déteste tant ce concept à cause de sa mère, elle devra vivre avec ma mort sur sa conscience. Parce que oui, elle est grandement responsable de mon acte proche.

Je choisis d'écrire une lettre. Ecrire pour exister, écrire pour marquer le temps, écrire pour laisser une trace dans l'Histoire. J'y dis que je m'excuse au près de ceux qui m'aiment réellement, pas ceux qui aiment mon nom de famille. Je pense notamment à Sacha, mes parents et peut-être bien Stefan. J'explique mes motivations, sans jamais mentionner Marguerite. Ce ne serait qu'une perte de temps. Elle n'a été qu'une perte de temps. J'explique que je ne suis qu'un homme, avec un cœur, des sentiments. Je n'ai pas été conçu pour résister à tous ces mots, je ne suis pas assez fort, je m'en excuse.

Je plie la lettre et la coince dans ma main gauche. Je prends une grande inspiration. Dans ma main droite se trouvent une bonne dizaine de pilules médicales. C'est très clairement le comble pour mon père de voir son fils se suicider avec les propres médicaments qu'il commercialise.

Mes larmes coulent et je me demande alors si je ne serais pas dépressif. Qu'importe puisque dans quelques minutes je ne serai plus. J'avale pilule après pilule, sans eau pour que la dernière étape de ma vie soit aussi nulle que ma vie entière.

Quand elle sont toutes dans mon corps, je fermes les yeux. Je pleure et je réalise une chose. Avoir le cœur brisé, ce n'est ni comme dans les films ni comme dans les livres. On ne mange pas une glace pour noyer sa peine. On n'écoute pas des musiques tristes en pleurant. Alors pourquoi romantise-t-on les ruptures? Il faudrait apprendre à tous dès leur plus jeune âge que quand tu perds la personne que tu aimes, tant d'émotions te submergent, la haine, la tristesse, la mélancolie, le manque et bien d'autres. Certains sont assez fort pour sortir leur tête de l'eau.

Moi, j'ai coulé. Désolé.

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Hey!❤️

J'espère que vous allez bien,

Et que ce chapitre vous a plu!

Ce n'est pas la fin ne vous en faites pas! Les choses s'amélioreront très prochainement. Enfin....... peut-être.

J'ai regardé 13 reasons why! Je l'ai finie en deux jours, je suis pas fiere de moi mais je n'arrivais pas à m'arrêter ! C'était vraiment génial ❤ je vous la recommande !

Kiss

Noémie =)