"Tes vraiment qu'une incapable." Ces mots, je les entends chaque jour. Je ne suis qu'une enfant, mais le destin en a décidé autrement. Je m'appelle Lila, mais peu importe mon nom, il sera bientôt gravé sur ma tombe. À Londres. Enterrée avec mes ancêtres ?

Non, seule.
Je suis née seule, j'ai vécu seule et je mourrai seule. On me considère comme un monstre, espérant que j'accepte. Mais cette fois, c'est trop. J'y pense depuis un moment déjà. À chaque fois, je me dis que ça ira mieux. Ça n'a jamais été le cas. Je descends, me dirige vers le lycée.

J'entre, monte les escaliers avec cette voix dans ma tête, celle qui me dit "arrête". Cela fait longtemps que je ne l'écoute plus. Je monte pour la dernière fois ces escaliers. J'arrive enfin au toit. Le vent caresse doucement ma peau et me parfume de sa douce brise. Je m'approche, parcours les grillages sans difficulté. Je m'avance, respire. Puis...

???: Que fais-tu ici ? Quelle question stupide. Tous les élèves qui viennent ici veulent la même chose que toi, comme moi et tant d'autres avant nous.

Moi: Luca, c'est ça ?

Luca: Oui.
Moi: Toi aussi ?
Luca: C'est fou, non ? Ce sol n'a pas été foulé depuis des années et en vingt ans, c'est nous qui sommes là pour faire une telle bêtise. C'est étrange, mais on pense tous que ça nous soulage , on ce lève quand même tout les matin en disant que sa va s'arranger, on a perdu patiente .

Moi: Pourquoi es-tu là ? Si c'est d'une telle idiotie.
Luca: Harcèlement, moqueries, je me fais battre. Je sais que c'est idiot. Mais je n'ai jamais prétendu être intelligent. Et toi ?
Moi: Solitude, harcèlement, pression. Quelle autre raison m'aurait poussé à venir ici ?
Luca: Tu as tort.
Moi: À quel propos ?
Luca: Tu aimes la solitude ?
Moi: Alors ça doit être la question la plus idiote qu'on m'ait posée jusqu'à présent.
Luca: Réponds.
Moi: Je n'aime pas ça. Mais je ne la déteste pas non plus.
Luca: Alors, tu n'es pas seule. Les personnes véritablement seules le savent. La solitude est une chose accablante. Une chose que personne n'apprécie. À trois exceptions : les gens venant de vivre un traumatisme, les gens morts, et enfin les gens qui ne sont pas vraiment seuls.
Moi: Je suis seule, totalement seule et d'après toi j'appartiendrais à la troisième catégorie.
Luca: Car à présent je suis là.
Moi: Tu dis ça aujourd'hui, pas dans dix ans.
Luca: On a qu'à faire un pari.
Moi: De quel type ?
Luca: Dans dix ans, on se retrouvera ici et si l'autre ne va pas mieux, on partira ensemble, d'accord ?
Moi: Ce n'est pas si simple.
Luca: Je sais. Alors, tu acceptes ?
Moi: Si j'ai bien compris, je n'ai pas le choix.

*Ma phrase lui laissa échapper un petit rire. Mais il finit par acquiescer. Je n'avais jamais remarqué ses yeux.*

Moi : Quel est ton nom ?

Luca : "Luca Saurère, et d'après moi, toutes les vies sont précieuses, car même les plus insignifiantes peuvent changer le monde, tu ne crois pas ?" s'écria-t-il, un sourire aux lèvres.

Ellipse de 10 ans.

Depuis ce jour, je ne l'ai plus revu. Je pensais souvent à commettre ce geste, celui qui hantait mes journées. Puis je me souvenais de notre promesse. Au fur et à mesure des années, les choses se sont arrangées ; je dirige ma propre entreprise.

Je remontais ces marches, ces escaliers que j'avais montés tant de fois. Je m'approchai de cette fameuse trappe qui menait au toit et j'attendis. Le temps passait, je me surprenais à penser à lui, et quand sonna minuit, il n'était toujours pas là. Je téléphona à plusieurs proches pour savoir s'ils connaissaient un dénommé Luca Saurère.

Personne ne le connaissait.

J'attendis.
J'attendis.

Encore et encore, j'attendais. Quand mon téléphone sonna, ce fut mon frère qui m'annonça la nouvelle : Luca était $Ui¢id€R.

Il y a neuf ans.

Ces mots résonnèrent comme des balles. Je fis tomber mon téléphone par inadvertance. Mais cela n'avait plus d'importance. Luca était parti, il m'avait laissé tomber. Mais je devais le faire, je devais continuer à vivre pour lui. Ce que je fis. Je m'éteignis finalement 67 ans plus tard de vieillesse.

Sur ma tombe, il est d'ailleurs gravé : "Toutes les vies sont précieuses, car même les plus insignifiantes peuvent changer le monde."