Chapitre 2 - Dans l'encre
« C'est moi qui lui construit sa vie lentement
Tout ce qu'elle peut dire sur moi
N'est rien à côté du sourire qu'il me tend
L'absence a des tords
Que rien ne défend
C'est mon enfant »
Mon fils, ma bataille
Daniel Balavoine
Chapitre 2 - Dans l'encre : Dimanche 25 février 1940
Le soleil se levait paisiblement sur la vallée, la tempête de la veille n'était déjà plus qu'un mauvais souvenir et l'air glacial de cet hiver 1940 se réchauffait doucement.
A l'intérieur de sa petite maison en pierres, Edgar préparait son café, le regard perdu sur l'horizon splendide qui s'étendait derrière les montagnes. La fenêtre empoussiérée laissait volontiers passer quelques rayons de soleils qui se miroitaient doucement dans les yeux bleus océan du vieil homme. La cafetière émettait un petit sifflement tandis que la chicorée - bien plus abordable que le café en ces temps de guerre - s'écoulait lentement.
La soirée de la veille avait été riche en souvenirs et le sommeil d'Edgar en avait payé le prix. Les visages de sa femme et de ses fils étaient venus peupler ses rêves et ses cauchemars, leurs cadavres, leurs visages en larmes... Ses plus grandes craintes avaient refait surface et pourtant ce matin, il voulait juste se faire encore plus mal, voir encore plus de photos... et même relire encore de vielles lettres... si son pauvre coeur le lui permettait.
Sentant les larmes monter à la pensée de ses fils, Edgar attrapa la cafetière et se servit un bol du liquide qui n'avait plus rien à voir avec le café à cause de ce satané rationnement. L'avalant lentement, gorgée après gorgée, il sentit son coeur ralentir et finit par se lever, déterminé, et se dirigea vers les escaliers d'un pas lourd et prudent.
Une fois en haut, il marcha vers sa chambre en passant devant les portes sinistrement vides de celles de ses fils et finit par pousser le battant branlant du fond du couloir.
« À quoi bon s'y risquer, à quoi bon se faire mal comme ça ? » s'interrogea tristement Edgar en traversant la pièce.
Mais il continua et ne s'arrêta qu'une fois au pied de son lit, devant sa table de nuit où trônait un petit paquet de lettres aux écritures diverses : celle appliquée d'Allan, celles baveuses des jumeaux et - plus rarement - les petites pattes de mouches de Rodolphe. Edgar les caressa du bout des doigts avant de saisir le paquet avec délicatesse comme s'il menaçait de se briser à chaque instant. S'asseyant sur un vieux matelas, il défit le noeud qui les retenait et marqua un instant d'hésitation avant de saisir la première.
Chaque semaine depuis ce terrible premier septembre 1939 et la déclaration de guerre, il recevait deux lettres : une de Theophilus et Joseph et une d'Allan et Rodolphe. Séparés dès les premiers jours de combats, ses fils avaient réussis à rester à deux : les jumeaux sur la ligne Maginot et Allan et Rodolphe en Afrique du Nord.
Cette guerre, terrible, sanglante et sans issue, ses fils s'y étaient heurtés comme à un mur. Partis avec des rêves de victoires, leurs lettres avait peu à peu exprimé une profonde désillusion, même l'humour des jumeaux semblait parfois pâtir de ce climat de combats, d'attente et d'ordres.
Edgar n'avait jamais tenu une arme à la main et pourtant, en lisant les lettres de ses fils, il avait cette indéniable impression d'être lui même sur le front, d'être là-bas, à se battre et à risquer sa vie chaque matin. Pourtant, sa maladie l'avait exempté de service militaire et la première guerre avait dû faire sans lui... Mais ces lettres, il le savait, c'était leur exutoire hebdomadaire, leur moyen d'oublier l'horreur en la racontant, de tout dire à leur père comme au bon vieux temps, quand ils n'étaient que des gamins, terrifiés par leur directeur et pressés de faire leurs preuves. Pour Edgar c'était un moyen d'être plus proche d'eux, de comprendre ce qu'ils vivaient et de les aider, à son échelle.
Il attrapa donc la première lettre du paquet, sa propre adresse élégamment écrite sur une enveloppe jaunie par le voyage. Elle lui venait d'Allan et il l'avait écrite il y a de cela à peine deux semaines.
Le Caire,
Le 16 Février 1940
Cher Papa,
Comment vas-tu ? Ici, la vie est toujours aussi calme. Aucun combat à l'horizon, aucune troupe ennemie. Le néant. Mais je ne me plaindrais pas, Rodolphe et moi participons à notre échelle, il s'est rapproché d'un groupe d'ingénieurs et à l'air de bien se plaire au milieu de tous ces calculs, ça a toujours été son pêché mignon, le travail. Je ne te cache pas que je suis très content pour lui, il est heureux et occupé comme il se doit, ça change positivement du début de la guerre.
Par ailleurs, as-tu des nouvelles de Théo' et Jo' ? Vont-ils bien ? La ligne Maginot est-elle toujours tranquille ? Les informations nous parviennent au compte-gouttes ici... J'imagine qu'ils s'amusent comme des fous là-bas ? Les soldats de leur unité ne doivent pas s'ennuyer ! Dis-leur tout de même de faire attention, trop d'humour peut coûter cher en ces temps troublés...
L'Egypte est toujours aussi belle, je ne cesse de penser à toi ! Comme tu aimerais ces paysages ! Des déserts à perte de vue, un peuple accueillant, une gastronomie savoureuse, une météo ensoleillée du matin au soir... Rodolphe et moi avons même pu visiter les si connues pyramides d'Egypte durant notre dernier jour de repos et j'en ai été émerveillé ! Tant d'objets ancestraux et d'histoire entre ces murs ! Quand nous rentrerons, la guerre aura au moins eu cet avantage de nous avoir fait voir du pays...
Et à la maison ? Comment va la France ? Comme je te le disais, les informations sont rares ici... Nos lieutenants sont peu bavards mais je pense les avoir charmé avec mon ambition et mes propositions. Peut-être passerais-je un jour de caporal à adjudant qui sait ? Enfin, fais bien attention à toi, les Allemands pourraient être partout, même dans nos petites campagnes pyrénéennes. Supportes-tu bien le rationnement ? Ils ne sont pas trop sévères ?
Je dois te laisser Papa, la nuit va bientôt tomber et je dois surveiller le camp ce soir.
Rodolphe et moi t'embrassons fort, prends soin de toi.
Ton fils,
Allan
Avec un sourire nostalgique, Edgar caressa l'élégante écriture de son aîné. De tout ses fils, Allan était sans doute celui qui lui avait le plus écrit. Jo' et Théo' se contentaient d'alterner une semaine sur deux et Rodolphe - qui n'était pas doué avec les mots - lui écrivait de temps à autre. Il ne leur en voulait pas bien sûr, la guerre était prenante et ils avaient autre chose à faire mais il lisait toujours ces nouvelles d'Afrique avec joie. Comme ces pays avait pu le faire rêver durant sa jeunesse ! La chaleur, les déserts... Aujourd'hui Allan y était et il lui avait même promis de lui ramener un bocal de sable du désert Arabique. Comme il avait hâte de le sentir glisser entre ses doigts, lui qui jamais n'avait été à la plage !
En glissant la lettre d'Allan dans son enveloppe, Edgar sentit une autre feuille de papier sous ses doigts. Il la sortit et esquissa un sourire en voyant la petite écriture en pattes de mouches de Rodolphe. Faisant d'une pierre deux coups, ses fils avaient glissé leurs deux lettres dans la même enveloppe. Egard la déplia et plissa les yeux pour déchiffrer au mieux cette écriture tout juste lisible.
Le Caire,
Le 15 Février 1940
Papa,
Comment vas -tu ? Moi je vais bien, l'Égypte est vraiment un pays magnifique, quelle chance avons-nous d'avoir été envoyés ici ! Les journées sont toujours ensoleillés, pas l'ombre d'une troupe ennemie, on aurait presque l'impression d'être en vacances. Bien sûr, ça ne doit pas être la même chose pour Théo' et Jo'... Ce terrible climat d'attente... Quelle drôle de guerre pas vrai ? Passe leur tout mon courage si tu leur écris.
En tout cas, ici, j'ai réussi à me rapprocher des ingénieurs du camp, je crois que je leur ai bien plu. Je les vois tous les deux jours maintenant, nous planchons actuellement sur un moyen d'améliorer les quelques avions que nous possédons sur place... ils ne sont pas très performants, tu comprends. Allan souhaiterait que je m'engage un peu moins mais bon... on n'est pas là pour se tourner les pouces ! Et puis je crois qu'il est content que je m'occupe enfin un peu.
Mis à part ce projet, je lis beaucoup. J'ai déjà fini tous mes livres mais j'ai eu l'idée de prendre ceux de mes camarades de dortoir, de toutes façon, ils ne lisent pas. Moi, je trouve ça génial de se poser au pied d'un figuier avec un bon livre pendant mes jours de repos. J'ai hâte de rentrer et de pouvoir relire La Peur, peut être que je comprendrais mieux le livre maintenant que je suis moi aussi parti à la guerre. Même si bien sûr, les combat de 14-18 n'avaient rien à voir avec notre vie paisible ici.
Je crois que je t'ai tout dit, j'espère que cette drôle de guerre en finira vite et que je pourrais bientôt te retrouver.
Je t'embrasse et fais attention à toi,
Rodolphe
Edgar replia la lettre et la rangea dans l'enveloppe, quelques larmes argentées perlant aux coins de ses yeux plissés. L'une d'entre elles glissa le long de sa joue et atterrit sur l'adresse, faisant baver la belle écriture de son aîné. Il prit une grande inspiration et s'efforça de se calmer. Une boule se formait dans sa gorge et le chagrin de l'éloignement se faisait de plus en plus ressentir, chaque kilomètre s'enfonçant un peu plus dans sa peau pour l'empoisonner, le vider et le briser. Il soupira et se leva en s'appuyant sur son matelas, les lettres glissèrent de ses genoux et il alla se poster devant l'unique fenêtre occupant la pièce, donnant droit sur le sud, sur l'Afrique, sur l'Egypte, sur Allan et Rodolphe. Est-ce qu'ils pensaient à lui depuis leur camp de régiment ? Avaient-ils parfois quelques mots pour ce père qui attendait, rongé par l'inquiétude, le retour de ses enfants ? Leur lettres ne combleraient jamais plus ce terrible manque depuis que les rires tonitruants, les bousculades et les cris avaient désertés cette maison. Orpheline d'enfants et de joie, elle était devenue un coquille vide, sinistrement vierge et déserte.
Edgar enfouit sa tête entre ses mains et ses épaules tremblèrent un instant avant qu'il ne se ressaisisse, se souvenant de la promesse qu'il avait fait à Théo' avant son départ : « La vie est courte, avance, sourit, souviens-toi et affronte les larmes ». Il la lui avait fait répéter plusieurs fois et ces mots étaient gravés en Edgar désormais. Son phare, ce fil rouge de vie qu'il se devait de suivre jusqu'au bout.
Avec un sourire qui tenait davantage du rictus, il retourna s'asseoir sur son matelas et hésita un instant avant de se pencher et de ramasser le paquet qui avait glissé de ses genoux. Il lissa mécaniquement une des enveloppes et finit par l'ouvrir. L'écriture baveuse et enfantine de Theophilus et Joseph s'étalait sur la feuille et Edgar dû faire glisser ses yeux jusqu'au bas de la page pour savoir auquel des jumeaux il avait à faire.
« Théo'... » lâcha t'il dans un souffle avec un sourire.
Nice,
Le 11 Février 1940
Salut Papa !
Comment vas-tu ? Les Pyrénées sont toujours aussi belles ? Je te jure que je vais finir par me lasser de la plage ! La ville n'est pas très belle, le peu que j'en ai vu durant mes journées de libre ce sont des gens vieux et pas contents. Comme Allan et Rodolphe ont de la chance d'être en Afrique ! Ils nous ont envoyés une photos le mois dernier : leurs deux têtes devant les pyramides, magnifiques ! (Pas leurs têtes, les pyramides...)
Ici pas de « merveilles architecturales et historiques » (c'est d'Allan, pas de moi) mais on a des bons cafés. Aujourd'hui je suis en repos et j'ai pu venir un peu en ville, je suis attablé dans un petit bar donnant sur la mer et j'en profite pour t'écrire. La vue est belle sur cette terrasse et la mer est calme, même en plein hiver ! Dommage que Jo' n'ai pas les même congés que moi, ça aurait été sympa de se balader sur la plage tous les deux... Mais c'est la guerre comme on dit.
Enfin la guerre... c'est un bien grand mot pour cette « drôle de guerre » sans combat ni force ennemie ! Tu vois, on s'est encore fait avoir : en septembre on nous dit, venez venez, ça va être sympa, vous allez combattre pour la France machin machin et puis finalement ? Rien ! Niet ! Zéro patate !
Je plaisante bien sur, Jo' et moi sommes bien contents d'être tranquilles... même si nos chefs ne font que de nous répéter « Restez sur vos gardes! Tenez vos postes! Soyez sérieux », comme s'il pouvait arriver quoique ce soit ! Moi je te le redis, je suis sûr (et Jo' et d'accord avec moi), les Boches ont pris peur et ils se sont cassés ! C'est tout. Suffit que je le fasse comprendre au capitaine et on sera de retour avant le printemps !
Bon... j'ai pas encore réussi du coup va falloir que j'y aille, je suis de garde cette nuit. Dix balles que le chef a une dent contre moi. Tu crois que c'est ma grimace sur la photo officielle qui lui a pas plu ? Pour ma défense, Jo' à fait pareil !
Bon, je te laisse vraiment cette fois,
Bises Papa, prend soin de toi et passe le bonjour à Marcel le charcutier (je suis sûr que je lui manque pas vrai ?),
Théo'
Avec un sourire teinté de nostalgie, Edgar replia la lettre de Theophilus. Cet enfant ne manquait pas de culot. Effronté et « rentre dedans », jamais il n'hésitait à foncer dans le tas, même si ce tas s'avérait être ses supérieurs... Il n'était pas fait pour l'autorité et traçait son propre chemin, libre comme l'air, sans se soucier du monde autour de lui. Ses seules réalités étaient ses rêves et ses espoirs. C'était sûrement là la seule chose qui le différenciait de son frère Joseph. Il était idéaliste, avançant tête baissée vers l'avenir là où son frère connaissait le prix des erreurs et des actions irréfléchies.
Edgar reposa l'enveloppe de Theophilus par dessus celle d'Allan et Rodolphe et se saisit d'une autre recouverte de l'écriture de Joseph, similaire à celle de son jumeau quoique un peu plus lisible. La réaction des deux garçons face à la guerre avait été bien différente, Théo' avait foncé tête baissée, sa valise à la main et le regard déterminé alors que Jo' avait répugné à quitter son père, à s'éloigner de sa vie, à partir pour, peut être, ne jamais revenir... Jour après jour, la tension se faisait toujours ressentir entre les lignes de ses lettres, dont celle-ci.
Massif de l'Authion,
Le 2 Février 1940
Bonsoir Papa,
Comment vas-tu ? Des nouvelles d'Allan et Rodolphe en Afrique ?
Cette dernière semaine n'a pas été de tout repos ici, après une mauvaise blague au réfectoire (sur idée de Théo, je précise), le capitaine nous a assigné à deux jours de nettoyage des toilettes des dortoirs... Mais bon, malgré les sacrés odeurs, ça valait le coup. Tu aurais vu la tête de ce benêt de Bernard Dupuis quand il a glissé sur notre peau de banane ! (J'entend d'ici Allan : « Non mais vous vous rendez compte ! Vous auriez bien pu être renvoyé ! Ou même pire, déclassés ! »). De toute façon, il faut bien rire un peu, sinon l'ambiance de mort qui règne ici nous tuera tous.
Sinon, comment se porte la région ? Et le village ? Est ce que tout le monde va bien ? J'espère que oui, et que toi le premier tu te sens bien... Je pense souvent à la maison ici et comme j'aimerais être avec toi, Papa ! Loin de cette ville que je connais à peine, de ces soldats mornes et de cette vie d'attente ! Si tu savais comme il ne se passe rien... Mais bon, je suis en vie c'est déjà ça, et avec Théo' en plus.
Ce soir, c'était pâtes cramées au diner, le cuistot se fait de plus en plus mauvais, je crois. Mais j'ai mangé, c'était pas si pire. Au moins, on a fini notre corvée de toilette ! Je te promets que dès que je rentrerais à la maison, je ferais une campagne de sensibilisation à la propreté des sanitaires ! C'est un vrai cauchemar !
Bon, je crains de devoir te laisser, je suis à notre bureau pour t'écrire et le vieux Bernard va bientôt sortir de la douche. Je crois qu'il essaye de se venger de nous depuis le coup de la banane alors mieux vaut rester loin de lui !
Gros bisous et à très bientôt, promis (dès que Théo' et moi auront convaincu le capitaine que les Allemands ne poseront plus de soucis) !
Je t'aime fort,
Jo'
P.S : Pourras tu porter la petite fleur que j'ai glissée dans l'enveloppe à Maman ? Merci d'avance !
Edgar replia la lettre et sentit son coeur se serrer violemment tandis que les mots de Joseph résonnaient dans sa tête... « Comme j'aimerais être avec toi... », « l'ambiance de mort qui règne ici nous tuera tous... », « Cette ville que je connais à peine... », « Ces soldats mornes... », « Cette vie d'attente... ». Les phrases rares, mais au sens alarmant, de ce garçon tout sauf préparé à la guerre.
De ses quatre fils, Jo' était celui que le décès de sa mère avait le plus brisé. Allan s'était jeté à corps perdu dans ses études, Theophilus s'était réfugié dans l'humour noir, Rodolphe avait plongé dans les livres au point de ne jamais vraiment en ressortir mais Jo' s'était complètement écroulé. Effondré, détruit et incapable de se relever. La mort de sa mère l'avait poignardé partout et il n'avait plus jamais été ce petit garçon hyper actif et prêt à rire de tout. Il avait laissé le rôle de clown à son frère et était devenu un véritable fantôme avant que les années n'estompent le traumatisme et qu'il se remette à vivre, un peu.
De ce fait, Edgar avait toujours été très protecteur avec lui et le voir s'en aller loin de la maison, dans une ville d'où il ne reviendrait peut-être jamais et pour une guerre qui semblait impossible à finir, lui avait fait si mal. Peut être même plus que pour Allan et Théo', parce que ces deux-là savaient vivre seuls, ils savaient ne dépendre que d'eux-mêmes et de leur atouts, plus que tout, ils savaient se relever. Et, eux, ils n'étaient pas responsable du décès de leur mère.
Ici était sûrement le plus grand secret de Joseph, celui qu'il n'avait dévoilé qu'à un seul homme : son père. Pas à Theophilus, pas à Allan, pas à Rodolphe, parce que leur regard auraient changé, que tout aurait été différent, et qu'aucun d'entre eux n'auraient compris. Parce que ce n'était pas leur bille qui trainaient en haut de l'escalier. Ce n'était pas sur leur bille que Sarah avait glissé. C'était sur celle de Joseph, il était accidentellement devenu le responsable de la mort de sa propre mère.
Edgar était le seul à le savoir, le seul à qui Joseph en avait parlé mais il ne lui en avait jamais voulu, son regard n'avait jamais changé. Il l'avait juste aidé à se remettre de la culpabilité dévorante qui le brisait et à cesser d'imaginer la vie qui aurait pu être s'il avait glissé la bille en verre dans sa poche avant de partir à l'école.
C'était pour ça qu'Edgar avait répugné à laisser partir son fils, parce que n'importe quand, la culpabilité pouvait revenir et le détruire. Mais apparement, tout allait bien. Jo' était en forme, il voulais simplement rentrer à la maison, comme chacun des jeunes soldats parti au front...
Pas de quoi s'inquiéter. Edgar s'enjoignit à se calmer, son rythme cardiaque s'affolait déjà et ses mains commençaient à trembler.
« Calme-toi... Calme-toi, Degarde. Respire. », se chuchota t-il.
Il y parvint laborieusement et enroula difficilement la ficelle autour du paquet de lettres avant de le glisser dans sa table de nuit et de quitter sa chambre, ses pieds frappant le sol comme le martèlement funèbre d'une heure qui se rapproche.
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