Chapitre 1
LUNDI
Je me lève, j'entends qu'il pleut des cordes dehors, il fait nuit. Toutes les lumières de la ville sont éteintes comme si tout le monde avait déserté. Je sors de ma chambre et j'arrive dans un long couloir étroit que je ne connais pas, je tâtonne autour de moi pour ne pas me cogner. Aucun bruit, rien, juste l'eau qui tombe. J'ouvre la porte et je suis dehors. La pluie s'est arrêtée. Je lève les yeux et découvre un ciel sans étoiles. C'est le noir complet. Je sais juste que je suis dehors parce que je sens une légère brise qui chatouille mes bras et mes jambes. Aucun bruit, aucune lumière, personne. Je n'ai pas peur. Et j'entends un violon. J'entends l'archet qui frotte les cordes désespérément en les faisant grincer. Et un homme qui pleure. Le morceau est beau, il me fait ressentir tout un tas d'émotions : de la tristesse, du désespoir mais aussi du réconfort comme s'il m'évoquait des souvenirs. Mais maintenant je trouve ça juste beau. Je m'approche du son qui guide mes oreilles. Maintenant, le violoniste joue corps et âme comme s'il allait y laisser sa vie. Les notes du violon se font de plus en plus mélancoliques. On dirait que le violon me supplie de le sauver, d'arrêter ça. Le grincement de l'archet sur les cordes se fait de plus en plus fort et j'avance d'un pas déterminé jusqu'à son origine. Je me rend compte que je suis en t-shirt et en culotte quand un courant d'air frais me glace les jambes mais j'avance et pose ma main sur le violon sans le voir. L'homme pleure toujours, c'est presque inaudible mais je le ressens. Tout à coup, je vois cet homme. Je ne vois toujours rien autour mais je vois le violon et je vois l'homme qui se révèle être un jeune homme, un garçon. Il pose son violon et me regarde. Une larme roule au coin de sa joue mais il l'essuie rapidement avec sa main. Il ne doit pas être bien plus vieux que moi. Il porte un long manteau, des bottines et un pantalon noirs ainsi qu'une chemise blanche qui m'évoque le style victorien. Je le regarde de la tête aux pieds. Heureusement pour moi, il ne fait pas la même chose car je deviendrais rapidement écarlate. Il fixe juste intensément mon visage. Quoique cela ait suffit à me faire monter le rose aux joues. Il a des cheveux mi longs d'un noir qui n'est pas noir parce qu'il fait noir autour, non, ses cheveux sont noirs comme de l'encre qui dessinerait le contour de son visage. Il a les cheveux en bataille et leur couleur absorbe tout ce qui se trouve autour à l'exact opposé de la lumière. Je le verrais se transformer en corbeau que je ne serais même pas surprise. Mais il ne se transforme pas, il continue à me fixer intensément. J'ai l'impression que son regard me transperce. Son visage est pâle et sa peau paraît lisse comme de la porcelaine. Il a de beaux traits droits. Il tend une main vers moi et me caresse délicatement la joue. Le contact de sa peau sur la mienne est si rapide qu'il me donne l'impression d'un coup de vent qui me fait frissonner. Je lui demande :
-Pourquoi tu joues aussi désespérément ?
-Tu crois qu'il y a de l'espoir, toi ?
Ses paroles arrivent à mon oreille dans un souffle chaud qui a quelque chose de rassurant, contrairement à ses paroles. Et je vois ses yeux, tout aussi noirs que ses cheveux. Pourtant j'aurai juré il y a deux secondes qu'ils étaient bleus. Il a l'air vraiment triste et je sens comme un poids dans mon estomac. Le garçon continue de me fixer avant de rouvrir la bouche dont la lèvre inférieure est légèrement ourlée :
-Je m'ennuyais sans toi, ça fait longtemps que je t'attends.
-Tu sais pourquoi il n'y a personne ?
-Peut être que tu les as fait fuir.
-Pourquoi ?
-Tu poses trop de questions.
-Toi, tu es resté, pourtant.
-Peut-être que c'est toi qui le voulais, April.
-Comment tu connais mon prénom ?
Il me prend la main, saisit le violon et l'archet de son autre main et me fait avancer tout droit.
Bizarrement, j'ai totalement confiance en lui, je me sens en sécurité, comme si je le connaissais.
-N'aie pas peur, quoi qu'il arrive, je suis là.
On avance encore de quelques pas sur le béton mouillé et le sol se dérobe sous mes pieds. Un grand cratère se forme et je commence à tomber. Le garçon est au-dessus de moi et tient toujours fermement ma main mais celle-ci commence à glisser. En dessous, il n'y a que du vide à perte de vue, un vide angoissant qui me saisit à la gorge comme deux mains qui se refermeraient sur mon cou.
-Ne t'inquiète pas, Ape. On se reverra bientôt.
Il lâche ma main. Comment connait-il mon surnom alors que je ne sais même pas qui il est ? Ape veut dire singe et c'est May qui m'appelle comme ça parce qu'elle dit que le singe est mon animal totem, quoique je n'ai jamais compris ce qu'était un animal totem.
-Mais comment t'appelles-tu ? criai-je en commençant à tomber dans le vide.
Il continue à me transpercer de son regard qui redevient d'un bleu glacial et esquisse un léger sourire, qui laisse découvrir d'adorables fossettes aux coins de sa bouche, avant que je sombre.
Je me réveille en sursaut. Bon sang, encore un rêve troublant. Ou un cauchemar, je ne sais pas. Je mets quelques secondes à me rendre compte que je suis dans ma chambre, couverte de sueur. Ces temps-ci, j'ai retrouvé le même garçon dans plusieurs de mes rêves et à chaque fois, c'est comme si je ne l'avais jamais vu. Je regarde mon réveil, il n'est que six heures. En principe, je dois me lever dans une heure mais je n'ai absolument aucune envie de me rendormir.
Tout à l'heure, j'irai au lycée pour la première fois. May m'en parle souvent et j'ai hâte de voir comment c'est. Nous sommes voisines et les seules personnes de mon âge que je connaisse en dehors d'elle, c'est elle qui me les a présentées. May est cool, on passe beaucoup de temps ensemble. C'est ma meilleure amie. C'est notamment dû au fait qu'elle soit ma seule amie mais on s'entend réellement très bien. On partage beaucoup de passions comme la lecture, le cinéma et le dessin. Je fais un peu partie de la famille, elle m'invite souvent et ses parents sont adorables avec moi. Elle est très belle, du genre à attirer tous les regards. Ses cheveux sont longs et blonds et ses yeux sont couleur noisette. Elle est grande et fine, ce qui ne l'empêche pas de s'empiffrer avec moi de pizzas et de bonbons piquants, qui sont nos confiseries préférées quand on regarde des films. Cette année, je rentre en terminale. J'ai sauté une classe, rien de bien glorieux : la cinquième, j'ai donc seize ans. May a un an de plus que moi et cette année, on sera dans la même classe. D'ailleurs, moi je suis à peu près tout son contraire, je ne suis pas bien grande, je mesure un mètre soixante, mes yeux en amande sont gris et très grands, trop grands, on dirait des yeux de chat. Les yeux de chats vont très bien aux chats mais sur une humaine, ça a l'air disproportionné. Mes cheveux sont châtain foncé. J'ai une sacrée tignasse très épaisse, difficile à dompter, alors je préfère les couper courts un peu sous les oreilles, en carré. A peu près une fois tous les deux mois, quand ça repousse, je chope mes ciseaux. Mon nez est un peu en trompette et j'ai quelques tâches de rousseur sur les joues. Je m'appelle donc April. Autant dire qu'on s'est bien trouvées avec May.
Je dégage ma couette et me lève doucement en essayant de ne pas trop appréhender cette journée. Une fois debout, je file sous la douche. J'enfile un T-shirt rouge, un jean et des converses noires ainsi que ma veste en cuir et je prends mon sac à dos vert. J'enfourche mon vélo qui est accroché près de ma fenêtre et commence à pédaler dans les rues endormies. Le ciel est plutôt clair, le soleil est en train de se lever, il est maintenant presque six heures et demi. Mes cheveux trempés volent dans tous les sens en me fouettant le visage tandis que je prends de la vitesse. J'accélère de plus en plus et c'est bon de se sentir exister à travers l'effort, de se sentir libre, prête à s'envoler. J'arrive au lycée, transpirante, les cheveux emmêlés et tout intimidée. May m'attend devant. Je suis contente de voir un visage familier. Je suis un peu effrayée par toute l'agitation qui m'entoure. Je n'ai pas l'habitude.
May me montre mon casier et m'explique notre emploi du temps. Elle me présente quelques personnes dont j'oublie le nom instantanément. La journée passe rapidement finalement. Les cours sont intéressants. La prise de note, pas trop dure. En cours d'histoire, je croise le regard d'un garçon. Je détourne les yeux et quand je jette à nouveau un coup d'œil sur lui, il me regarde encore. Ça me trouble un peu parce que je ne comprends pas pourquoi il me dévisage. Je demande à May qui c'est et elle me fait un signe de la main, du genre « laisse tomber ». Je laisse donc tomber. Je reste avec May tout le temps de peur de me perdre. Le midi, je mange avec elle et deux de ses amies : Julie et Margaux. Julie est brune et a les cheveux bouclés et Margaux est châtain comme moi. Elle a de longs cheveux brillants. Je l'envie. Moi, je n'arrive pas à prendre bien soin de mes cheveux si ils poussent trop. Personne ne fait trop attention à moi et ça me va de me fondre dans la masse. J'aurais plutôt peur de l'inverse. Dans la cour, je m'assieds sur un banc et lis mon livre : la biographie de Marie Stuart de Stephan Zweig. C'est un livre passionnant. Marie Stuart était une femme incroyable. Je l'admire beaucoup. Stephan Zweig est l'un de mes auteurs favoris. J'aimerais beaucoup savoir écrire comme lui.
Quelqu'un me fait de l'ombre et je lève les yeux. Un garçon se tient devant moi et me sourit.
-Bonjour, c'est April, c'est ça ?
-Oui, c'est ça.
-Je suis dans ta classe.
-Oui... tu t'appelles Charlie, c'est ça ?
-C'est ça. Ça te dirait de venir boire un café demain avec moi ?
-Oui avec plaisir.
Je lui donne mon numéro et il me fait un signe de la main avant de retourner voir ses amis.
Il a l'air gentil mais je me méfie un peu. C'est mon premier jour et quelqu'un m'invite à sortir ? Je ferme mon livre et vais vers May.
-May, je peux te parler s'il te plaît ?
-Oui bien sûr.
Je lui parle de Charlie et elle sourit.
-Il est vraiment mignon, tu as accepté ?
-Oui.
-ll faut que je te dise que je suis sortie avec lui pendant deux mois en seconde.
-Ah... tu préfères que j'annule ?
-Non, non, ne t'inquiète pas, ça fait longtemps.
-Ça me gêne un peu.
-Vas-y, April. Amuse-toi un peu.
-Eh ! Je sais m'amuser !
-On sait toutes les deux que tu es un peu trop sérieuse, un peu trop scrupuleuse et un peu trop méfiante.
Elle rit. Je suis un peu « trop » vexée mais je souris.
-Pourquoi vous vous êtes séparés ?
-On avait pas de sentiments l'un pour l'autre, c'est tout. Il n'a pas de vices cachés si c'est ce que tu veux savoir.
Je ris. Elle me connait trop bien. Le reste de la journée se passe tranquillement. Il n'y a pas de drames comme on en voit dans les séries. Ce n'est pas pour me déplaire. Charlie me sourit en cours et je réponds à son sourire timidement.
Quand je rentre chez moi, je vais directement dans ma chambre. Je suis fatiguée. Je suis seule, les autres sont encore en vacances tous les quatre. J'aime bien être seule. Je peux souffler, enfin. Je lis mes cours de la journée. Finalement, le lycée n'est pas trop effrayant. Il y a du monde, c'est sûr, mais les cours sont compréhensibles, du moins pour l'instant, et il y a May, surtout. Je ne sais pas comment je ferais sans elle. Je n'aurais d'ailleurs probablement pas voulu aller au lycée si elle n'y était pas.
Je me fais des pâtes et me couche tôt en regardant une série amusante.
MARDI
Aujourd'hui, j'ai physique, une matière avec laquelle j'ai un peu de mal. Et après les cours, je dois voir Charlie. J'avoue que ça m'effraye un peu. Je n'ai jamais vraiment eu de rendez-vous et je suis nerveuse. Je mets un jean et un chemisier bleu et monte en voiture avec May. Le cours de physique me paraît durer une éternité. Effectivement, je ne comprends rien. Je vais encore devoir demander à May de m'expliquer quand j'irai dormir chez elle demain. Charlie vient me voir devant mon casier après le cours. Il est assez grand et vraiment très beau. Il est brun et a les cheveux frisés. Il paraît rasé de près et très soigné dans sa manière de s'habiller et de se tenir.
-Tu as un endroit où tu voudrais aller en particulier ?
-Non, je te laisse décider.
Je suis timide d'habitude mais là je suis presque mortifiée. Je n'avais pas remarqué hier à quel point il était charmant. Pourquoi s'intéresse-t-il à moi ?
Après les cours, je monte dans sa voiture et nous allons dans un grand café avec des posters de films un peu partout à l'intérieur. Nous nous asseyons à une table avec nos cappuccino et il paraît tendu.
-Est-ce que ça va ?
-Ecoute, je ne t'ai pas invitée pour te draguer. Tu ne me plais pas.
Je le regarde un peu abasourdie par ses paroles. Ça ne me gêne pas de ne pas lui plaire mais c'est assez cru comme révélation.
-Non, désolé, je ne voulais pas être aussi direct. Je suis assez stressé, je ne sais pas trop comment te dire ça...
Ce « rendez-vous » est de plus en plus gênant. Je commence à être agacée. Je sais bien que je ne suis pas miss monde mais c'est plutôt désagréable tout de même.
-J'ai un morceau de salade coincé entre les dents ?
-Non... Oh, je suis désolé... c'est... je voulais te parler de May.
-Ah... ok, je crois que je vais y aller.
Il attrape mon bras et me retient.
-Non, s'il te plaît. Je ne voulais pas te blesser. Je voulais juste savoir si tu pouvais parler de moi à May... je sais qu'elle t'aime beaucoup et... je l'aime beaucoup...
Je ne sais pas pourquoi je me sens humiliée. Je sais bien qu'elle est plus belle que moi, plus intéressante, plus drôle, plus populaire... mais m'inviter à un rendez-vous pour me parler d'elle, ce n'est vraiment pas sympa. Je m'en vais sans me retourner.
Je rentre à pied. Ça fait une longue marche. En arrivant, je suis épuisée. Je me pose dans mon lit et m'endors sans m'en rendre compte.
MERCREDI
Je me réveille au milieu de la nuit, en sueur. Encore le même rêve. Je ne cesse de rêver de ce garçon et pourtant je ne le connais pas.
Je n'arrive plus à dormir alors je vais me doucher. Je repense à la veille et je me sens bête. Je n'arrive pas à m'ôter ce sentiment de la tête. Je m'attaque à mon cours de physique et essaye d'y voir plus clair. Quand vient l'heure de partir, je monte sur mon vélo après avoir verrouillé la porte. Faire le trajet à vélo me fait du bien. Je sens l'air qui arrive dans mon visage et je hume l'odeur des arbres. Devant le lycée, je me souviens que je n'ai pas regardé mon téléphone depuis hier. J'ai deux messages de May : « Alors ? Raconte-moi ! », « Ape ? ».
Je la rejoins devant nos casiers et lui raconte ce qu'il s'est passé hier. Elle paraît désolée pour moi et me frotte maladroitement le dos.
-Ça va, ne t'inquiète pas, c'était juste un peu désagréable mais on ne va pas en faire une histoire.
-Tu veux bien que je lui parle ?
-Oui, bien sûr.
Elle me laisse et va dans la cour. Quand elle me rejoint en cours, elle me sourit.
-On a parlé. Je lui ai dit que je n'avais pas trouvé ça sympa de sa part mais il m'a dit qu'il ne voulait pas te faire de peine et qu'il m'aimait vraiment bien. J'ai accepté de sortir avec lui demain soir...
-Ah... super !
Je suis surprise mais je lui souris. Au fond, je suis contente pour elle si ça lui fait plaisir. Et puis, je n'ai pas besoin d'être encombrée d'un garçon de toutes façons.
La journée se passe tranquillement. Charlie vient me remercier et s'excuser. Je m'excuse à mon tour d'être partie si vite la veille. Après tout, il n'avait jamais dit que c'était un rencard. Je ne sais pas pourquoi je m'étais imaginé ça. En tous cas, malgré ce malentendu, je le trouve gentil et je pense qu'il est bien pour May.
Je mange avec May et plusieurs filles dont je ne me souviens plus trop les noms en dehors de Margaux et Julie avec qui je parle un peu.
Après les cours, je mets mon vélo dans le coffre de May et nous allons chez elle.
On met des masques pour hydrater le visage et on se prend en photo. Ensuite, elle me fait des tresses collées et on fait nos devoirs ensemble sur son lit. Elle m'explique la physique et je trouve qu'elle est pédagogue, je comprends un peu mieux maintenant. Je prends une douche dans sa salle de bain tandis qu'elle prend la sienne dans celle de ses parents et on met nos pyjamas super confortables. Ensuite, on commande une pizza qu'on mange dans sa chambre. Ses parents sont sortis mais d'habitude, quand je viens, on mange avec eux. On finit par s'endormir devant la « ROM-COM » (comédie romantique) qu'on a choisie.
JEUDI
Je me réveille très tôt et décide de laisser un mot à May avant de partir faire un tour à vélo. Ce soir, je ne serai plus seule chez moi. Les autres rentrent. A part les enfants, ils ne m'avaient pas beaucoup manqué, je dois avouer. Je ne fais même pas attention à la direction que je prends étant donné le temps qu'il me reste pour aller au lycée. Au bout d'une demi-heure, j'arrive dans une rue qui ressemble un peu à la mienne avec des maisons alignées et des jardins devant. La rue paraît interminable. Je décide de m'arrêter devant l'une des maisons, semblable à toutes les autres. Je pose mon vieux vélo bleu métallique par terre et m'assieds sur le trottoir avant de fermer les yeux pour essayer de capter les bruits autour de moi. C'est apaisant. J'entends des volets qui s'ouvrent, une voiture qui démarre, un enfant qui pleure, quelqu'un qui respire. Quelqu'un qui respire ? J'ouvre les yeux. Un garçon se tient devant moi et me fixe avec un petit sourire en coin. Il porte un T-shirt blanc et un jean. J'ai l'impression de le connaître. Il s'assied sur le trottoir à côté de moi.
-Salut, je m'appelle Will et toi ?
Il prend un air assuré et me regarde droit dans les yeux. Je dois avouer qu'il est vraiment beau. C'est un grand brun à la carrure plutôt athlétique. Son regard est captivant et je le dévisage longuement avant de répondre :
-April. Tu ne serais pas dans ma classe, par hasard ?
-Si, tu es nouvelle ?
-Oui.
C'est ce garçon qui m'a dévisagée le premier jour !
-Tu étais où avant ?
-Je faisais des cours par correspondance.
-C'était pas trop ennuyeux ?
-Non, j'aimais bien.
-Moi, j'ai redoublé parce que je ne suis pas très assidu, je n'aurais pas réussi à faire comme toi. Tu as dix-sept ans ?
-Seize, j'ai sauté une classe.
-Oh, un petit génie !
Il me fait un grand sourire et je ris. Je devrais me méfier. Il veut peut-être aussi sortir avec May.
-Tu veux que je te dépose ?
-Non merci, j'ai mon vélo.
-Je ne suis pas Charlie.
-Comment tu... ?
-C'est mon ami.
-Super... tout le monde sait. Je suis ravie.
Je suis vraiment embarrassée que cet idiot de Charlie ait raconté à quel point j'étais stupide.
-Il n'en a parlé qu'à moi.
-Alors, tu me trouves stupide ?
-Non pas du tout. C'est plutôt lui l'idiot. Moi, si je t'invitais, je ne te laisserais pas partir.
Je souris et il me regarde. Il me dévisage presque. Il est étrange.
-Il y a de la place pour mon vélo dans le coffre ?
-Oui, viens.
Il se lève et va vers une voiture au coin de la rue avec mon vélo dans les mains. Je presse le pas car il est bien plus rapide que moi étant donné qu'il doit me dépasser d'au moins vingt centimètres et que mes jambes sont aux siennes ce que les radis sont aux courgettes. On est loin des voitures de sport que certains des amis de May conduisent. C'est une vieille Range Rover vert bouteille qui paraît avoir vécu une éternité. Elle est un peu cabossée et rayée, ce qui lui donne un certain charme. Après avoir déposé mon vélo dans le coffre, Will m'ouvre la portière côté passager en faisant une révérence. Je lève les yeux au ciel et m'assieds. On dirait qu'il essaye de m'impressionner. Il claque la porte en ricanant et fait le tour de la voiture pour s'asseoir derrière le volant. Il démarre en marche arrière.
-Tu sais conduire ?
-J'ai pas passé le permis.
-Pourquoi ça ?
-Pourquoi l'aurais-je passé ?
-Pour l'avoir, peut-être ?
-T'es à ce lycée depuis la seconde ?
-Oui, tu voudras que je t'aide à t'y retrouver ?
-Non merci, May m'a tout expliqué.
Il hoche la tête avant de répondre :
-Comment tu la connais ?
-On est voisines.
-Elle en a de la chance.
On roule encore quelques instants en silence et on se gare dans le parking du lycée. Nous commençons à marcher vers l'entrée devant le regard ahuri des autres élèves. C'est nous qu'ils regardent ? Je jette un œil autour de moi. Oui. Bon sang ! Je ne suis pas toute nue, j'espère. Je vérifie. Ouf. Non. Alors qu'est-ce qu'ils ont ? Comme s'il lisait dans mes pensées, Will me souffle :
-Ils te regardent parce que tu es belle.
Je ne sais pas si c'est un compliment ou une moquerie.
-A plus.
Mon chauffeur salue quelqu'un et me laisse plantée là en tournant dans un couloir perpendiculaire au nôtre. May arrive et m'attrape par le bras avant de m'emmener vers une rangée de casiers.
-Salut May !
-Tout le monde parle de toi. Ils disent que tu as flirté avec William sur le parking ! Certains disent même que vous vous êtes embrassés ! Sérieusement, April !? C'est un tombeur, tu devrais te méfier de lui !
Elle enchaîne les mots rapidement en remuant ses bras dans tous les sens. Elle est totalement hystérique et si le sujet de la conversation n'était pas aussi agaçant, je crois que ça me ferait rire. Une fois qu'elle a fini son monologue, je soupire et lui réponds :
-Merci pour toutes ces informations mais je ne l'ai pas embrassé et ne compte pas le faire, il m'a juste déposée au lycée.
Ces rumeurs m'exaspèrent. Et le fait que May y croit m'énerve encore plus. Pourtant, je savais à quoi m'attendre en décidant d'aller au lycée. Mais elle a dit qu'il sautait sur tout ce qui bougeait. Peu importe. Je le connais depuis même pas une heure. Mais il a quand même mon bolide à pédales dans son coffre.
-Eh ! Tu m'écoutes ? Comment ça se fait qu'il t'ait déposée au lycée ?
-Mon vélo a crevé et il m'a vue sur le bord de la route, alors il a proposé de m'emmener.
Je ne sais même pas pourquoi j'ai menti, peut être pour simplifier les choses.
-Ok. Tu sais que le mec que t'as pas embrassé et que t'embrasseras jamais est dans notre classe ?
Elle ricane. Je lui fais une grimace.
-Très drôle.
-On se retrouve en classe dans dix minutes. Je te garde la place à côté de moi.
-Merci.
Elle me fait une bise sur la joue et se dirige vers la cour. Je dépose mes cahiers et livres de l'après-midi dans mon casier et le ferme pour tomber nez à nez avec une grande blonde. Je rectifie, une grande fausse blonde, ses racines sont brunes. Elle porte un rouge à lèvres rose criard et sa peau est limite orange. Elle doit dépenser des fortunes en fond de teint. Elle porte un sac à main tape à l'œil rose vernis en écailles de crocos, assorti à son rouge à lèvres, bien entendu, ainsi qu'une mini-jupe noire moulante qui révèle des formes généreuses qu'elle semble vouloir exhiber à la vue de tous. Cette charmante tenue s'accompagne d'un haut blanc à manches courtes avec un énorme décolleté et des sandales noires à talons. Je crois qu'elle atteint le summum de la vulgarité. C'est totalement fascinant. Je lui souris avant de lui lancer :
-J'adore ton style.
Elle me fixe un instant, perplexe et finit par lâcher :
-A ce qui paraît, t'es nouvelle ?
Avant toute chose, toute phrase qui commence par « à ce qui paraît » ne mérite pas de suite. Elle parle d'une voix nasillarde en mâchant un chewing-gum, à la menthe, qui plus est. Elle est effectivement tellement près de moi que je peux sentir son haleine. C'était visiblement une question rhétorique puisqu'elle ne me laisse pas le temps de répondre et enchaîne :
-Je m'appelle Alicia. Tu dois être Autumn ou je sais pas trop quoi ?
Enchantée.
-April.
-Ouais, 'fin c'est pareil.
Mastique, mastique.
-Enfin bref, ne t'avise pas d'embrasser encore une fois Will. Ne lui parle pas, d'ailleurs et ne le regarde même pas. Cette année, je compte sortir avec lui. On sera un couple super. T'es nouvelle, fais-toi toute petite, tu t'es déjà beaucoup trop faite remarquer.
Elle est sérieuse ? J'ai envie d'exploser de rire. Toujours en souriant, je lui réponds :
-Je n'ai aucun doute sur le couple époustouflant que vous formerez, je suis déjà fan. Et on ne s'est pas embrassés, je ne le connais même pas. Donc, il est à toi. Félicitations !
Je prends mon sac et commence à faire demi-tour quand elle m'attrape par le bras, m'obligeant à faire volte-face.
-Fais pas la maligne, Autumn. Je vois bien quel genre de fille t'es.
-Et quel genre de fille je suis, Felicia ?
Elle enrage que je ne l'ai pas appelée par son prénom. Et moi, je jubile.
-Tu joues les dures mais à la moindre fissure, je vais me faire un plaisir de te briser en mille morceaux.
Les ennuis commencent pour moi au lycée. Peut-être que ça se passe vraiment comme dans les films et séries finalement. Ça sent le mélodrame à plein nez. Elle lâche mon bras et fait demi-tour. Des élèves autour de moi me regardent, ils n'ont pas perdu une miette de la conversation. Je baisse les yeux et file vers ma salle de classe au deuxième étage. Elle n'avait peut être pas totalement tort sur un point. Je devrais me faire toute petite. Ça ne fait même pas une semaine que je suis là et j'ai déjà une ennemie. Mais c'est assez excitant tout de même d'interagir avec les autres. Je suis en avance pour le cours. Quand j'ouvre la porte, il n'y a personne. Je me dirige vers le fond et m'installe près du mur. La porte s'ouvre et qui entre, hilare ? Je vous le donne en mille : notre bourreau des cœurs, Will.
-J'ai entendu la conversation, Autumn.
-Ah. Super. Alors, heureux ? Une dispute de filles rien que pour toi !
Je bats des cils et il rit encore plus.
-Tu m'as beaucoup fait rire. J'ai même été impressionné. Je crois qu'elle n'a même pas saisi un quart de l'ironie dans ta voix.
-Qu'est-ce que tu veux ?
-Qu'est-ce que je suis censé vouloir ?
-C'est bon, me prends pas pour une idiote. C'est une super réputation que tu t'es faite là ! Félicitations ! Mais ça ne marche pas avec moi. Avec Alicia, peut être, mais tu perds ton temps à me parler.
Il rit encore. Dieu qu'il est agaçant.
-Je suis si drôle que ça ?
-Alors tu fais partie de ces gens qui se fient aux rumeurs et qui jugent les autres ?
-Je ne te connais pas. Sur quoi devrais-je me baser ?
-Apprends à me connaître.
-Mais c'est vrai ?
Pourquoi je rentre dans son jeu ? Pourquoi je veux savoir ça ?
-Les gens aiment inventer des histoires, « Autumn ». Mais il y a pire comme réputation, non ? J'aurais pu être le psychopathe du lycée.
Il me fait un clin d'œil et des fossettes creusent ses joues tandis qu'il sourit d'un air satisfait. C'est agaçant mais bizarrement, une partie de moi est soulagée et mon corps se détend tandis que je relâche mes épaules.
-Rassurée ?
Je me ressaisis.
-Je m'en fiche.
Il me fait un autre clin d'œil et avant que j'ai eu le temps de répondre, il se tourne vers le tableau tandis que les élèves entrent. Il est très différent du garçon que j'ai rencontré ce matin. On dirait qu'il se donne un rôle. May s'assoit à côté de moi et jette un regard rapide à Will.
-April ! Qu'est-ce qui t'a pris ? Tout le monde raconte que tu as provoqué Alicia Maxwell dans les couloirs en lui disant que Will était à toi ! T'es folle ou quoi ? Cette fille est vraiment populaire, elle peut monter tout le monde contre toi !
Franchement, j'adore May, mais là, j'aurais préféré qu'elle se taise. Elle n'est pas discrète du tout. Elle a peut être tenté de chuchoter mais elle criait presque. Je jette un coup d'œil à Will qui ricane en regardant droit devant lui. Forcément, le « Will était à toi » ne lui a pas échappé. Heureusement qu'il avait entendu la conversation lui-même sinon j'aurais été terriblement gênée. Je veux dire, encore plus. Enfin, je m'en fiche.
-May, combien de fois je vais devoir te dire que je ne m'intéresse pas du tout à Will ? Tu n'es pas obligée de croire tout ce qu'on te dit. Alicia est venue me dire de ne pas m'approcher de lui, c'est tout. D'ailleurs, elle est en quelle classe ?
J'ai bien accentué le « PAS DU TOUT ». Personne ne fait attention à nous dans la classe à part Will qui me regarde maintenant. Et hop, un petit pic pour le tombeur.
-Elle a redoublé, elle est en première. Je te crois mais je suis juste inquiète de ce que l'on pense de toi.
-Tu n'as pas à l'être, je ne le suis pas moi-même.
-Tu ne comprends pas. Des rumeurs, une mauvaise réputation, tout ça, ça va vite et ça peut détruire quelqu'un.
-T'en fais pas, May. C'est pas une fausse blonde en mini-jupe qui va me faire peur.
Will a l'air satisfait de ma réponse car il se retourne à nouveau vers le tableau en esquissant un sourire.
-Et une araignée ? Hein, Ape ? Une énorme araignée qui grimpe dans ton dos, ça te ferait peur ?
May commence à rire en faisant grimper ses doigts le long de mon dos. Je frissonne.
-Arrête, arrête, s'il te plaît.
Elle rit encore plus et je lui donne un coup de pied sous la table avant que nous nous retournions toutes les deux vers le tableau en souriant.
Les cours de la matinée passent rapidement : les profs parlent, j'écoute, je note et ça sonne. A la pause déjeuner, je décide de me mettre seule à une table pour m'éloigner de toute cette agitation juvénile. May est assise avec trois autres filles à une table près de la fenêtre. Je n'ai pas très envie de me joindre à elles. Je prend un paquet de chips et une pomme et vais m'asseoir à une table au fond de la cafétéria. Je mets mes écouteurs pour ne pas avoir l'air de m'ennuyer et ouvre mon paquet de chips. Quelqu'un fait mine de poser son plateau en face de moi alors que je mange mes chips. Non mais sérieux, j'ai pris une table de deux dans un coin et quelqu'un se débrouille pour venir me déranger quand même ? Peut être quelqu'un qui ne sait pas où aller et qui s'est dit que la nouvelle n'oserait pas le virer. Eh bien, ce quelqu'un a tout faux. Je lève les yeux vers l'intrus pour lui dire de s'installer ailleurs et je soupire. Will. Encore et toujours. Je retire mes écouteurs.
-Excuse-moi, tu attendais quelqu'un ? C'est vrai que tu as beaucoup d'amis, je ne voudrais pas piquer la place de...
-Je voulais juste être tranquille mais apparemment, la notion d'espace vital t'est étrangère. Je t'en prie, installe-toi.
Il pose son plateau et sourit. Pourquoi sourit-il tout le temps ?
-Alors comme ça, t'as besoin de personne ?
-J'ai pas dit ça mais je peux très bien me débrouiller toute seule.
-Tu manges que ça ?
Je baisse les yeux vers ma pomme et mon paquet de chips quasiment vide.
-Ah... euh... oui. J'ai pas très faim.
-Alors je te ramènerai tout à l'heure, tu risquerais de t'évanouir sur ton vélo.
-Je ne suis pas en sucre.
-Je compte pas te rendre ton vélo, en fait. Donc soit tu rentres en voiture avec moi, soit tu fais une bonne marche à pied. J'espère pour toi qu'il ne pleuvra pas.
-Pourquoi tu fais ça ?
-En dehors du fait que c'est le meilleur moyen que j'ai trouvé pour te contraindre à passer du temps avec moi ? J'ai pas d'autre raison, en fait.
Il mange rapidement ses pâtes en me défiant du regard. Je finis par céder :
-Après, tu me le rendras ?
-On verra.
Il continue de manger en ayant l'air de beaucoup apprécier ce petit jeu.
-Et qu'est-ce que j'y gagne ?
-On ne gagne pas toujours dans la vie. Mais en l'occurrence, tu aurais un chauffeur incroyablement sexy.
-Je ne préfère pas empiéter sur les plates-bandes d'Alicia.
-Serait-ce une pointe de jalousie que je perçois dans ta voix ?
-Non. Mais je ne compte pas faire ami-ami avec toi. Surtout si je dois en subir les répercussions pour le restant de l'année.
-Qui parle d'amitié ?
Je baisse les yeux vers mon paquet de chips vide que je froisse d'une main et saisis ma pomme pour croquer dedans.
-Je demanderai à May de me raccompagner, merci.
May avait proposer de m'emmener et de me ramener tous les jours, en fait mais je lui avais dit que je préférais faire ça à vélo.
-Dommage.
Il prend son plateau et le débarrasse sans se retourner. Je suis enfin tranquille. Mais est-ce que je voulais être tranquille ?
L'après-midi s'est déroulée tranquillement. Je me suis assise à côté de May à tous les cours. On m'a aussi proposé d'aller à une fête la semaine prochaine. En fait, le lycée, c'est vraiment pas grand chose. C'est même plutôt sympa. En tous cas, c'est toujours mieux que de passer la journée à travailler devant un ordinateur. A quinze heures, il y a une pause de vingt minutes avant le dernier cours. Je m'installe sur un banc, dans un coin de la cour, en écoutant de la musique. Ma veste est dans mon sac et je ferme les yeux en sentant le soleil de fin d'été chauffer ma peau. Quelqu'un me tapote l'épaule par derrière. Je me retourne en m'attendant à voir Will. Raté. C'est un garçon blond que je ne connais pas. Je mets pause sur mon iPod.
-Salut, tu dois être April ? Je suis Logan.
Il s'installe à côté de moi.
-Oui, c'est moi.
-Tu viendras à la fête ?
-Oui, sûrement.
-Cool, alors on s'y verra.
Logan repart comme il est venu et je remets la musique jusqu'à la fin de la pause. A la fin des cours, Will m'interpelle sur le parking.
-Mmm...
Il paraît un peu gêné.
-Oui ?
-Tu me passerais ton numéro ? Tu sais, pour si j'ai oublié de noter des devoirs, un truc comme ça... Tu vois ?
Il me fait ce sourire que je trouve à la fois agaçant et charmant. Je souris à mon tour. Quand je commence à lui dicter mon numéro, son sourire s'élargit encore plus.
-Au fait, je t'ai vue parler avec Logan dans la cour tout à l'heure.
-Tu m'espionnais ?
Il sourit.
-Oui, je n'ai rien d'autre à faire. Tu ne devrais pas traîner avec lui.
-Pourquoi ? Tu es jaloux ?
-Là n'est pas la question. Il n'est pas vraiment fréquentable.
-Parce que toi, tu l'es ?
-Il fait des trucs pas très nets. Il est impulsif et violent. Je ne voudrais pas que tu te retrouves dans une situation délicate.
-Ok, je ferai gaffe.
-A demain, alors !
May me dépose chez moi et je lui fait une bise sur la joue avant de sortir de la voiture et de me diriger vers la porte.
Si je devais définir le lycée ? C'est un vaste bordel, je dirais, ce qui n'est pas pour me déplaire. Au bout du couloir j'entends la radio. Ma tante est là. Je glisse la tête dans la cuisine.
-Bonsoir, Elaine.
-Bonsoir, April. Ça s'est bien passé, aujourd'hui ?
-Oui, c'était vraiment intéressant. C'est beaucoup plus ludique d'assister à un cours donné par un humain.
Ma tentative d'humour ne la fait pas réagir et j'enchaîne :
-Je vais dans ma chambre. C'était juste pour que tu saches que j'étais là.
-Va dire bonsoir aux enfants. Et emporte quelque chose à manger dans ta chambre si tu veux, Henry ne va pas tarder.
-Je n'ai pas très faim, merci. Bonne nuit, Elaine, à demain.
-Bonne nuit.
Je quitte la cuisine et me dirige vers la chambre des enfants. Emma, qui a sept ans, joue avec ses poupées sur le tapis.
-Salut, Emmy.
Je me penche vers elle pour l'embrasser et je passe une main dans ses cheveux. Je l'ai toujours enviée d'avoir les cheveux dorés. Elle me regarde, elle a aussi de très grands yeux, c'est de famille, mais les siens sont marrons. Elle me fait un sourire jusqu'aux oreilles et saute à mon cou.
-Oh la ! Doucement, Emma !
Je la serre fort. Je l'aime, cette petite, beaucoup. Je la protégerai toujours.
-April ! Tu es jamais autant partie !
-Eh bien, mon canard, aujourd'hui je suis allée au lycée pour la première fois ! La dernière fois que je suis allée à l'école, j'avais treize ans, tu te rends compte ?
-Tu peux me raconter une histoire s'il te plaît ?
-Non mon cœur, papa va bientôt rentrer et vous allez manger.
-Pourquoi tu manges avec nous que quand papa est pas là ?
-Parce que papa a besoin d'être seul avec ses enfants et sa femme, tu comprends ?
-Pas trop...
C'est dur de la voir comme ça. Elle aimerait comprendre et ça la rend triste. Mais elle ne pourrait pas comprendre. Même moi j'ai du mal.
-Où est Julian, mon cœur ?
-Je sais pas, tout à l'heure, il chassait des papillons dans le jardin. Et il y en avait un bleu très joli mais il l'a pas eu.
-C'était quand ?
-Hier, je crois.
-Bouh !
Julian me saute sur le dos.
-Oh que j'ai eu peur !
-Coucou Apou !
-Salut mon Jules ! Tu étais caché où ?
-Sous le lit et j'ai dit à Emma de rien dire !
-Oui t'as vu, j'ai rien dit !
J'embrasse Julian sur le sommet du crâne.
-Bon, mes chéris, je vais me coucher, bonne nuit !
-Mais... il est même pas sept heures...
-Bonne nuit, Julian.
Je fronce les sourcils pour qu'il se taise. Julian a neuf ans et je sais qu'il comprend mieux la situation qu'Emma. Il sait que les choses sont ainsi. Maintenant, il affiche une expression boudeuse et je lui pince la joue. Il réprime un sourire. Emma me prend dans ses bras.
-Bonne nuit, Apou !
-Bonne nuit ma princesse.
Je sors de la chambre en laissant la porte entrebâillée derrière moi. Julian, lui, ne ressemble pas à sa sœur, il a les cheveux châtains et les yeux verts foncés. Mais c'est deux-là sont bien de la même famille, il n'y a aucun doute là-dessus quand il s'agit de faire des bêtises. Je les entends recommencer à s'agiter tandis que je me brosse les dents à la salle de bain. Je commence à me brosser les cheveux quand j'entends la porte d'entrée qui claque. Je file dans ma chambre et m'enferme à clé. Je prends une barre chocolatée dans le tiroir de ma table de nuit et enfile mon T-shirt de nuit, à l'effigie d'un vieux groupe de rock, qui appartenait à mon père. Je retire mes chaussures et mon pantalon et m'allonge sur le lit en prenant mon ordinateur portable sur les genoux. Je commence à regarder un épisode de ma série quand mon téléphone vibre. J'ai un nouveau message d'un numéro inconnu .
« N° inconnu : Salut, j'ai pas noté les exercices de maths pour demain, tu pourrais me donner les références, s'il te plaît ? »
Je souris malgré moi. C'était vraiment très nul comme excuse pour demander mon numéro mais d'un autre côté je trouve ça adorable.
« April : Je n'ai pas eu maths aujourd'hui. Vous devez vous tromper de numéro. »
« Will : Excusez-moi. Vous n'êtes pas April ? »
« April : Si, la seule et l'unique. »
« Will : Tu peux sortir ? »
« April : Je pense pas. »
« Will : Je peux venir ? J'avais commencé à regarder l'un de mes films préférés et je me suis dit que ce serait vraiment dommage si je ne te le montrais pas parce qu'il est vraiment génial. »
« April : Je n'en doute absolument pas. Cependant, l'épisode de ma série vient de commencer et je m'en voudrais de ne pas le continuer et de ne pas en regarder un autre après. J'espère que tu me comprends. »
« Will : Oui, bien sûr. Sniff. Alicia arrive dans cinq minutes de toutes façons, il faut que je te laisse. »
Il m'agace quand il parle d'elle.
« April : Amusez-vous bien mais fais gaffe à pas te mettre du fond de teint partout. »
« Will : Merci, c'était moins une. A demain. »
Je pose mon portable et me replonge dans ma série. Je commence un deuxième épisode et l'arrête au milieu avant de m'endormir.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro