Mouton noir.
Si j'étais courageux, j'irais leur parler ; mais que suis-je, sinon une ombre lâche ?
J'ai perdu l'un de mes rêves, hier, celui de me détacher des mortels et de m'élever ; étant éternel et reconnu, je serais Dieu, mais telle ambition n'est qu'aveugle affront aux yeux de tous.
Je me croyais humble, alors que je m'obstine à désirer construire ; les gens détruisent ou copient, mais créent-ils vraiment ? Seuls les dieux le peuvent, selon certains : je n'étais certes pas de cette avis. Pourquoi accepter une servitude docile à un monde qui ne nous reconnait point ?
J'en ai eu assez de me soumettre à mes propres restrictions, aussi ai-je voulu croître et devenir un être peut-être pas immortel, mais du moins apte à choisir entre la vie et la mort. Je ne veux pas détruire la beauté, mais la beauté est rare et fragile : je veux la crier, la hausser, l'embellir ; mais qui suis-je donc pour désirer aider autrui si je ne peux m'aider moi-même ?
On dit que l'amour fuit, mais c'est moi qui ici m'enfuit. J'ai peur de devenir ce que je ne suis pas si cela demande plus que je ne suis déjà : l'oiseau n'est-il pas terrifié de marcher au sol, auprès des bêtes ? J'ai peur d'une descente irréversible vers un monde plus vaste, plus dangereux, plus humain. Je préfère fuir, car fuir ne demande pas de devoirs.
Ces responsabilités me hantent, jour après jour : serais-je à la hauteur d'attentes, voire au-delà ? Je ne veux pas me battre les bras attachés. Je veux y donner mon meilleur, et même meilleur que je ne le dois, car si je ne peux excéder mon potentiel, pourquoi me garderait-on ? L'amour est certes un produit de flammes, mais ces flammes doivent grandir sur une masse stable et, si possible, complète. La brindille brûle certes fort, mais très peu : pourquoi s'handicaper avec une telle brièveté lorsqu'on peut se munir de fondations immortelles ? Le paradoxe émotionnel de la quantification subjective nous défit de vivre une vie juste si l'on ne peut d'abord traverser notre propre enfer.
Mon enfer à moi brûle froid : jamais la glace ne résiste, mais les flammes sont beaucoup trop violentes pour la fragilité d'un mouton noir comme moi.
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