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11.


— 정신

Cent ans de plus. Les années s'ajoutaient plus vite qu'elles ne passaient et ça frisait le ridicule, pour ne pas dire qu'ils avaient carrément plongé dans l'absurde.

Namjoon ne pouvait pas purger une telle peine. C'était tout bonnement impossible et pourtant, personne d'autre que lui ne paraissait s'en étonner; évidemment, puisqu'il était le seul humain ! Namjoon songea que le condamner à mort reviendrait au même, à la différence près que cette dernière option avait le mérite d'être rapide.

Mais voilà, personne ici ne comprenait ce que ça signifiait pour lui ne serait-ce qu'une seule année. Pour eux, le temps n'avait sûrement aucune importance; y avait-il ne serait-ce qu'une fin à leur existence ?

Abattu, Namjoon se tenait face contre terre, le visage planté dans son coussin. Ça faisait bien de longues minutes qu'il était comme ça, couché dans sa chambre qui lui était destinée pour l'éternité. Et tant pis pour toutes les tâches qui l'attendaient encore ! Tous ses efforts n'avaient servis à rien. Lorsque des bruits de pas lui parvinrent depuis le couloir, il ne se redressa même pas. Il savait pertinemment de qui il s'agissait. Aussi se contenta-t-il de se tourner dos à la porte, recroquevillé sur lui-même, tandis que Jimin faufila sa tête dans l'entrebâillement.

« Le maître t'attend pour le thé. Et ensuite il aimerait que tu ranges la réserve.

– Je ne suis vraiment pas d'humeur, répondit Namjoon, apathique. »

Il s'était juste approché d'un vieux puit moisi, comment aurait-il pu deviner qu'il était maudit ou qu'il rendait les gens damnés ? La vie était bien injuste. Sa vie était bien injuste. Et drôlement bizarre.

Namjoon soupira et se redressa sur ses genoux. Après quoi il attendit que sa tête cesse de tourner et regarda l'intrus avec véhémence. Jimin haussa les épaules. Ah, lui il s'en fichait sûrement pas mal de ses tourments ! Pourtant, il n'attendit pas que Jimin lui répète ce qu'il était venu annoncer; ce qu'il était sur le point de faire, au vu de sa bouche ouverte.

« C'est bon j'y vais, soupira Namjoon en se levant péniblement. »

Il quitta la pièce en trainant des pieds, sachant pertinemment que la suite n'allait certainement pas lui plaire non plus.

[...]

Namjoon alla chercher l'eau chaude –que Jimin faisait toujours bouillir pour qu'il serve le thé du maître– dans la cuisine du temple. Il s'agissait d'une pièce où un feu brûlait constamment dans l'âtre, et il y régnait une odeur de bois sec et de pain. C'était certainement là qu'on préparait les repas dont Namjoon était le seul à profiter, puisque les esprits n'avaient pas l'air de manger. En témoignait l'état des stocks; il n'y avait pas grand chose à se mettre sous la dent. Sauf... pour le thé. Là, il y en avait en abondance.

Une boisson que Namjoon n'avait jamais autant détesté.

Seul dans la pièce, il repéra la bouilloire en terre cuite suspendue au-dessus du feu et s'approcha pour la prendre, bien décidé à écourter ce mauvais moment. Un miaulement le fit sursauter et il tourna la tête en direction du bruit. Un chat blanc était assis sur une étagère en hauteur.

Namjoon le reconnut immédiatement. Il n'y avait qu'un seul chat comme ça par ici.

« Toi...! lâcha Namjoon entre ses dents. »

C'était lui qui avait été prévenir Seokjin. Une vraie balance ! Namjoon se tut immédiatement en se rappelant que cette chose n'était même pas un vrai chat. Perturbé, il fixa un instant les yeux de bronze de l'animal. Ce dernier agitait la queue, l'air presque amusé. N'allait-il donc pas se transformer ? Se moquait-il de lui ? Impossible de le savoir, puisque le chat ne pouvait ni sourire ni parler. À moins que...

Namjoon saisit l'anse de la bouilloire et s'éclipsa hors de la cuisine, agacé alors qu'il ne s'était rien passé. Peu importe, il ne voulait pas traîner près cette bestiole de malheur et encore moins la voir redevenir humaine... Il entendit le chat sauter de la caisse derrière lui et le bruit de ses pattes sur le plancher. Namjoon jeta un coup d'œil dans son dos; la bestiole le suivait.

« Qu'est-ce que tu veux ? lâcha Namjoon sans ralentir. Arrête de me suivre. »

Le chat miaula longuement, et Namjoon ne put s'empêcher de trouver que ce bruit ressemblait presque à un rire. Est-ce qu'il s'imaginait des choses ? Sûrement. Il accéléra le pas, mais le chat le rattrapa en galopant et trottina devant lui, sa queue blanche dressée comme pour le narguer.

Namjoon fronça les sourcils. Il n'avait jamais trouvé un animal plus agaçant que celui-là. Et collant, en plus.

« Tu fais le malin, souffla Namjoon, à demi-voix. Mais attend de voir... »

Il ignorait lui-même de quoi il le menaçait, mais c'était sans importance. Il ne savait pas encore que le karma allait s'abattre plus vite que prévu.

Alors que le chat trottinait devant lui dans le couloir, de lourds bruits de pas raisonnèrent contre les murs, indiquant que quelqu'un approchait rapidement dans leur direction. Et bingo; Namjoon vit Taehyung arriver comme une furie à l'angle du couloir. Il ne portait plus son drôle de pagne qui lui donnait des airs de sauvage, mais un kimono simpliste tout juste attaché à sa ceinture. Le chat eut peur de son arrivée et bondit derrière Namjoon pour se cacher entre ses jambes.

Mauviette.

« Hé l'humain ! apostropha l'oni en apercevant Namjoon. Où est mon katana ?

– J'en sais rien, avoua ledit humain avec sa bouilloire en main. Pourquoi ? Tu l'as perdu ? »

L'oni fronça ses épais sourcils. Namjoon eut la sensation qu'il venait de l'insulter sans le vouloir.

« Je ne le quitte jamais, assura l'oni. Ils me l'ont pris ! Ton fichu maître... tu vas payer pour lui...!

– Quoi ? lâcha Namjoon en reculant d'un pas avant de répliquer. Alors là, c'est injuste ! Je n'y ai pas touché à ton sabre et puis ce n'est pas mon maître. Je n'ai rien demandé moi, je suis enfermé ici ! »

Il était prêt à rajouter que s'il n'était pas scellé dans une fichue malle à l'heure actuelle, c'était grâce à lui. Mais Taehyung, qui semblait pourtant prêt à exploser, se calma d'un coup. Il afficha un air hébété, visiblement étonné.

« Enfermé ici ? dit-il comme si ça faisait écho à quelque chose dans son crâne. Moi aussi, ce stupide esprit au long cou ne me laisse pas sortir et il me surveille constamment. Ha ! Moi qui pensais que tu servais volontairement ce stupide kitsune ! Finalement, tu n'es pas si bête comme humain.

– Ouais... merci, marmonna Namjoon, qui décida de considérer ça comme un compliment. »

Taehyung esquissa alors un sourire qui laissa entr'apercevoir ses crocs, l'air de voir soudainement en Namjoon une sorte d'allié. Puis il baissa les yeux, plus précisément sur le chat blanc qui faisait le dos rond en le fixant.

« C'est quoi ça ? Ça se mange ? »

Le chat fit de gros yeux et voulut esquiver la main de Taehyung, mais il ne berna pas les réflexes de l'oni qui l'attrapa par le col pour le soulever.

« Euh non, ça ne se mange pas, fit tout de même remarquer Namjoon, qui eut peur pendant une seconde qu'il soit capable d'engloutir la pauvre bête d'un coup.

– Hm, souffla l'oni en reniflant l'animal. »

Le félin s'agita dans tous les sens, essayant même de griffer Taehyung. Mais ce dernier le maintenait à distance, indifférent à sa panique, et ne le lâcha pas.

Bien fait pour lui, songea Namjoon avec un sourire intérieur.

« Drôle de bête, s'étonna Taehyung. C'est poilu et griffu. Ça ressemble à un très petit ours... »

Namjoon arqua un sourcil en se demandant comment est-ce qu'il voyait une ressemblance. Puis il eut une idée de génie. Tout compte fait, ce chat méritait bien plus qu'être simplement un peu secoué.

« C'est le chat de Seokjin, mentit alors Namjoon. Il lui rapporte tout ce qu'il voit et entend. Un vrai petit espion.

– Un traître ? s'agaça Taehyung en regardant le chat méchamment. Alors il faut le dévorer !

– Non non, insista Namjoon. Il sait sûrement où se trouve ton katana, alors tu pourrais... lui faire prendre un petit bain froid par exemple, ça lui rafraîchirait peut-être les idées ? »

Taehyung arqua un sourcil, puis arbora une mine songeuse avant d'acquiescer. Il esquissa un sourire presque diabolique et le chat cessa de se débattre pour fixer Namjoon. Ce dernier lui tira la langue discrètement.

« T'es pas bête pour un humain, fit l'oni. »

Namjoon se demanda qui était le plus bête des deux; est-ce qu'il savait seulement que les animaux ordinaires ne parlaient pas ? Peut-être pas, quand bien même celui-ci n'avait rien de normal et pouvait même prendre forme humaine. Encore fallait-il le savoir. Taehyung s'éloigna avec le chat qu'il tenait toujours à bout de bras, comme un trophée qu'on exhiberait. Namjoon l'écouta un instant siffloter alors que le chat feulait, puis il se rappela qu'il avait lui-même des obligations. Il se hâta dans le couloir avec sa bouilloire d'eau chaude, sa petite vengeance accomplie.

[...]

Namjoon se faufila à l'intérieur de la pièce après s'être annoncé; la lumière des bougies n'allait pas jusqu'à dévoiler les recoins, et il régnait une odeur d'encre et de vieux papiers qui donnait envie de ressortir.

Alors que Namjoon alla chercher le service à thé dans le meuble habituel, Seokjin resta assis en tailleur devant une table basse recouverte de parchemin. Il semblait occupé à lire, à moitié affalé. Son activité ne le passionnait pas au vu de son expression morose et sérieuse. Il n'accorda pas un seul regard à l'arrivée de Namjoon, ni à son approche avec le thé.

En ne le voyant pas réagir lorsqu'il lui servit la tasse avec tout le cérémonial qu'il attendait d'ordinaire, Namjoon recula prudemment sur les genoux dans l'idée de s'éclipser comme il était venu; sans même se faire remarquer.

Sauf que le dieu n'était pas si facile à berner.

« Où est-ce que tu crois aller ? Ce thé était mal servi, recommence. »

Namjoon serra les dents. L'autre n'avait même pas regardé.

C'en était trop.

« Vous n'avez pas regardé.

– Pardon ? lâcha Seokjin en relevant la tête.

– Vous pouvez pas savoir si c'était mal servi, répéta Namjoon. Parce que vous n'avez même pas regardé »

Silence. L'homme-renard le toisa un long moment, puis il se rassit bien droit en reposant son parchemin. Namjoon eut l'impression que l'autre jaugeait s'il fallait le punir ou non pour son insolence, et il se garda bien de faire une remarque. Non pas parce qu'il craignait d'aggraver son cas, c'était difficile de faire pire, mais parce qu'il n'osait juste pas.

Mais Seokjin ne lâcha pas un mot. Pas la moindre sentence, pas la moindre remontrance.

« Tu me tutoyais, avant. »

Namjoon fronça les sourcils de confusion. Avant ?

« Vous dites n'importe quoi, dit-il sans assurance. Je vous ai toujours vouvoyé...

– Tu en es sûr ? insista Seokjin. »

Namjoon acquiesça, mais il réalisa bien vite que lui-même n'était pas convaincu. L'homme-renard ne disait pas ça par hasard...

« Vous dites ça comme si on se connaissait, fit remarquer Namjoon. »

Seokjin lui lança un regard indéchiffrable, prit soudain son éventail et se leva.

« Suis-moi, ordonna-t-il. J'ai quelque chose à te montrer. »

Un peu méfiant, Namjoon se leva à son tour sans savoir ce qui l'attendait. Il avait imaginé se prendre un coup d'éventail sur les doigts ou un alourdissement de peine, mais voilà qu'ils sortaient de la pièce en laissant le thé et les parchemins...

Namjoon suivit Seokjin dans le couloir jusqu'à l'extérieur, dans le jardin en friche. Là, il commença à s'inquiéter, car ils quittèrent le chemin extérieur pour s'aventurer dans l'herbe. Ils s'approchèrent du puit. Seokjin s'immobilisa à une dizaine de pas de la structure qui, déjà, semblait oppressante. Puis il se tourna vers Namjoon, ses queues cessant de se balancer doucement pour se figer.

« Enlève tes geta, tu risques de les perdre en descendant, lâcha le kitsune. »

Le visage de Namjoon perdit tout à coup ses couleurs.

« Quoi ? Pour aller là-dedans ? dit-il, soudain très peu rassuré en se souvenant de la sensation qu'il avait ressenti. Je croyais que c'était interdit...

– Tu as perdu ta curiosité ? lança Seokjin.

– Eh bah... »

Il hésita à être franc et se demanda s'il allait être réprimandé s'il tentait de protester. Il zieuta le puit et avala de travers; jamais il ne pourrait descendre là-dedans, pas après avoir senti ce qui s'y cachait...

Namjoon secoua la tête pour objecter.

« Si c'est pour me punir, je préfère encore laver le plancher avec ma langue... »

Que ça soit à cause de sa couardise ou du commentaire en lui-même, ça fit sourire Seokjin. Le renard croisa les bras d'un air catégorique. Ce n'était pas un choix. Ça ne l'avait jamais été.

« Je vais te montrer ce qu'il y a au-delà sans risquer ta vie, expliqua Seokjin. C'est une chance inouïe pour un mortel. Nous allons descendre ensemble, alors enlève tes geta. »

Espérait-il ainsi qu'il comprenne pourquoi il avait tant alourdi sa peine ? Si c'était ça, alors Namjoon s'en passerait volontiers. Malgré tout, il fit ce qu'on lui demandait, tout simplement parce que c'était déjà plus rassurant de savoir qu'il venait avec lui; l'homme-renard ne l'envoyait pas seul dans un puit sans fond et sans lumière, et qui semblait renfermer bien plus que de l'eau. Y'en avait-il seulement, au fond ?

Il enleva ses chaussures et les prit dans une main, après quoi il demeura debout dans l'herbe, mal à l'aise l'espace d'un instant. Seokjin se rapprocha de lui, cassant sans prévenir son espace privé pour passer un bras dans son dos. Namjoon eut à peine le temps de protester que l'autre le souleva sous les genoux pour le porter. De sa main libre, il s'agrippa instinctivement au col de son kimono alors que déjà, Seokjin obliquait vers le puit sans une once d'hésitation.

Il fallut que Seokjin se baisse pour enjamber le puit et s'asseoir sur le rebord, un Namjoon tétanisé dans ses bras.

« Accroche-toi, conseilla simplement le kitsune. »

Déjà fait, songea Namjoon.

Et il n'attendit pas davantage.

Un froid mortel souffla alors qu'ils chutèrent à toute vitesse dans les profondeurs. Namjoon aurait certainement lâché ses chaussures pour s'accrocher de toutes ses forces à Seokjin –et hurlé– si leur chute n'avait pas soudainement ralentit après quelques mètres. Ce fut comme si le vent, d'abord glacial, les portait et les amortissait, si bien que Seokjin finit par poser délicatement les pieds au sol.

Namjoon crut d'abord que c'était déjà terminé, mais il comprit vite que non. Il faisait nuit noire, pourtant il sentit comme une main qui effleura sa joue et lui glaça les sangs. Une main qui n'appartenait pas à Seokjin, puisqu'il sentait ces dernières sous ses genoux et sur ses côtes...

Il y avait des choses tout autour d'eux. Des êtres qui n'étaient pas fait de chair et de sang, des êtres qui s'intéressaient à Namjoon de près, qui l'effleuraient et se lamentaient dans un son horripilant...

Qui semblaient l'appeler, lui. Qui l'invitaient à les rejoindre.

« Nous y sommes presque, annonça la voix calme et rassurante de Seokjin. »

Le col de son kimono allait être froissé, tant Namjoon s'y accrochait. Mais c'était sans importance à cet instant, car Seokjin ploya soudain les genoux et sauta. Un saut qui sembla sans énergie et qui pourtant les propulsa tranquillement vers le haut. Bientôt, Namjoon aperçut de la lumière et, enfin, l'air libre.

Seokjin posa un pied sur le rebord d'un puit sans toit et en bon état. Son second pas les amena sur une dalle en pierre. C'est là que le renard reposa Namjoon.

« On... on est où, là ? lâcha ce dernier, qui ne reconnaissait absolument rien autour de lui alors que Seokjin le reposait. »

Et pour cause, tout le paysage avait changé. Ce n'était plus un jardin en friche, mais un endroit parfaitement entretenu où régnait un paisible silence. Un petit sanctuaire veillait sur les lieux. Des bouleaux et des pins remplaçaient les barrières en bambous, créant de grandes zones d'ombres fraîches et accueillantes. Même le ciel semblait différent. Au loin, une fumée blanche signalait la présence d'habitations.

Ils... n'étaient plus du tout au même endroit. C'était impossible.

« Où est-ce qu'on est ? répéta Namjoon, comme l'autre n'avait pas répondu, sans doute trop occupé à lisser les plis de son kimono.

– De l'autre côté.

– De l'autre côté de quoi ? insista Namjoon. »

Seokjin cessa d'arranger ses vêtements et écarta théâtralement sa manche pour se mettre en route sur le petit chemin qui sillonnait à travers le jardin. Namjoon le suivit pas automatisme en remettant maladroitement ses geta. Il n'allait quand même pas le laisser là, si ?

« Tu n'as pas besoin d'être aussi tendu, commenta le renard en le voyant se précipiter derrière lui. Tu ne risques rien par ici.

– Ah bon, marmonna Namjoon avec scepticisme. Et c'était quoi alors, ces choses dans le puit ?

– Des âmes coincées entre les deux mondes. »

Namjoon déglutit. Des âmes ?

« Traverser sans protection revient à se perdre, expliqua Seokjin. C'est ce qui te serait arrivé si nous n'avions pas été ensemble ou si tu étais tombé.

– Et c'est ça que vous vouliez me montrer ? Si c'est le cas alors c'est bon, j'ai compris la leçon. Je ne m'approcherai plus de votre puit... »

Seokjin ricana, et ce son plongea Namjoon dans une sorte de confusion. Il n'avait pourtant rien dit de drôle...

« Tu peux arrêter de me vouvoyer, lâcha Seokjin avec légèreté. J'insiste.

– Euh, si vous... si tu veux, marmonna Namjoon. »

Il continua à suivre le kitsune jusqu'au bout du chemin. Là, la route s'élargissait et descendait en petite pente en direction de la fumée blanche, mais ils ne la suivirent pas.

« On va où ? interrogea Namjoon.

– Tu verras bien, maintenant tais-toi. »

Seokjin obliqua droit dans la forêt de bouleaux. Namjoon crut d'abord qu'il ne suivait aucun chemin, mais en regardant où il marchait il réalisa qu'ils étaient en réalité sur un petit sentier. Un sentier qui les fit bien vite sortir des bois et faire face à une petite colline. Namjoon dut faire de l'ombre avec sa main pour apercevoir l'arbre à son sommet, tant la lumière était vive. Les cieux si bleus et sans un nuage étaient tellement irréel... Seokjin débuta l'ascension de la colline sans l'attendre.

Quand ils arrivèrent en haut, l'arbre se révéla être un jeune cerisier en fleur. Seokjin s'approcha pour poser sa paume contre le tronc. Namjoon l'observa sans rien dire, tant la scène lui semblait surréaliste. La signification de cet arbre lui échappa totalement, alors même qu'il en sentait toute l'importance.

« Te souviens-tu ? demanda soudain Seokjin. »

La question le prit de court. D'autant qu'elle semblait avoir deux sens, et que peu importait comment Namjoon y songeait, il ne comprenait ni l'un ni l'autre. Perturbé, il douta soudain de lui-même.

De quoi devait-il se souvenir ?

Plus il creusait pour trouver, plus il fouillait sa mémoire et plus ledit souvenir semblait s'éloigner, comme inaccessible... Ce cerisier devait forcément signifier quelque chose.

Mais l'attente qu'il lisait sur le visage de Seokjin se mua peu à peu en déception... Namjoon détestait cette sensation; celle de ne pas se trouver là où on l'attendait.

« J'en sais rien, lâcha-t-il finalement, la gorge serrée par une émotion que lui-même ne saurait pas nommer. »

Pourquoi se sentait-il si triste tout à coup ?

« Ça ne fait rien, avoua Seokjin, atone. Rentrons. »

Sa main effleura une dernière fois le tronc rugueux du cerisier, avant que son bras ne s'abaisse. Dans le silence, ils redescendirent par où ils étaient venus, Seokjin en tête.

Namjoon ne trouva jamais les mots qu'il aurait tant voulu dire.

— 정신

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