Lundi 31 octobre

Cette fête est oufissime et bat son plein. J'ai l'impression que Marine, la sœur d'Ilyess a invité tout son lycée ! Je croise des géants à chaque centimètre de la baraque. Je suis venu en avance pour aider à installer, mais ça fait déjà une heure que j'ai perdu la trace d'Ilyess et Quentin.

Franchement, tant mieux. Je n'aime pas trop Quentin. Sa sale gueule ne me revient pas. Je ne sais même pas pourquoi cette mauviette est pote avec Ilyess. Ça me rend dingue. Ilyess quant à lui ne peut pas s'empêcher de faire son chaud quand on est public. S'il n'était pas aussi friqué, ça fait longtemps que je lui aurais mis une droite.

Je mate la même meuf depuis une bonne demi-heure quand je décide d'aller vers le buffet. Je me sers une louche de punch dans mon verre. Soudain, je sens une masse sur mon épaule et je pousse un petit cri ridicule. Je me retourne pour découvrir Ilyess. Il s'est bien sapé pour l'occasion ce con. Une petite chemise et un jean, on dirait un premier de la classe.

- Putain, préviens quand tu te pointes.

- Désolé, tu sais qu'il y a de l'alcool dans le punch ? me fait-il remarquer.

- Tu crois que je le bois pourquoi ? ricane-je.

- T'es pas musulman ?

- Je te juge moi ? Non ? Bah ta gueule.

Il me soûle à faire sa mère la morale. Comme s'il était exempt de tout péché ce connard. Comme s'il lisait dans mes pensées, je le vois regarder à travers la baie vitrée. De l'autre côté de la piscine se trouve Djamila et Hadia en train de parler à un lycéen.

J'arrive pas à croire qu'il l'a convaincu de me pardonner pour la troisième fois. Cette fille doit être sacrément conne même si  je le lui dirais jamais. Elle et son frère peuplent mes cauchemars. Je l'évite depuis le début de la soirée et j'y arrive plutôt bien.

C'est franchement dégueulasse de la part d'Ilyess de me forcer à sortir avec cette folle. Ça me donne des putains de boutons de rester en sa compagnie. J'ai l'impression qu'à tout moment, elle va se rendre compte que c'est pas avec moi qu'elle discute par téléphone et qu'elle va me donner un gros coup de pieds dans les burnes.

- Tu sais, c'est qui avec elles ? demande Ilyess.

- Avec qui ?

- Djamila et Hadia, me répond-il agacé alors qu'il ne les a pas quittées des yeux.

S'il est amoureux Djamila, je ne vois pas pourquoi il ne va pas directement la voir. Elle est déjà plus ou moins amoureuse de lui. Ce serait facile. Pourquoi il passe par moi ?

- C'est Nassim un mec du quartier.

Il tique en entendant ce nom.

- Djamila m'a parlé de lui. Parait que Hadia l'aime bien. Tu crois qu'elle lui trouve quoi ?

Il est plus vieux, a le permis, est sympa et n'a pas une sale gueule. Je n'ai pas répondu. Il n'a pas l'air de vouloir une réponse de toute manière. Elles remarquent qu'on les regarde et Hadia nous salue de la main alors que Djamila me fait un clin d'œil. Terrifiant.

- Faite qu'elle ne vienne pas vers nous cette tarée. On sort ensemble ? demande-je à Ilyess.

- Non, pas encore. Je te dirais quand ce sera le cas. Juste la prochaine fois que tu la vois parle lui de poissons.

- Quoi ?

- Elle aimera t'inquiète, cherche des anecdotes sur Google et sort les lui.

Il essaie de me rassurer, mais me stresse plus qu'autre chose avec sa voix calme. La plupart des fous furieux ont l'air de gars calmes. Il sort de la pièce et avant que j'ai eu le temps de cligner des yeux, il se jette dans la piscine.

Tout habillé.

La tête la première.

La piscine est cependant creusée assez profondément pour qu'il ne se fasse pas trop mal. Je me souviens qu'il ne sait pas nager, mais je ne bouge pas d'un poil. Pourquoi il ne sait pas nager alors qu'il a une piscine privé ? C'est tellement bizarre. Je regarde juste les autres invités d'un même air stupéfait.

Heureusement, Marine, sa sœur, qui n'est pas loin, saute dans la piscine pour le repêcher. Il a l'air d'aller bien même s'il est un peu sonné. Nous nous éloignons de la piscine et rentrons dans la maison tandis que sa sœur le dispute.

- T'es dingue ? T'aurais pu te faire très mal !

- Comme si ça t'importait...

- J'en ai rien à faire de ta putain de souffrance, mais j'aurais eu du mal à expliquer aux parents pourquoi t'es mort dans la piscine au milieu d'une fête alors qu'on est sensé faire le tour du quartier et réclamer des bonbons. Bouffon.

Ilyess ne répond pas. Il regarde ses pieds l'air déprimé. Je comprendrais jamais ce gars. Quentin arrive devant nous et s'arrête net devant les vêtements mouillés de la fratrie Dupond.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Demande à ce gros débile, lui réponds Marine furibonde.

Après un instant d'hésitation, elle reprend plus calme. Elle semble se rappeler un truc.

- Désolée, je ne t'ai pas encore souhaité un joyeux anniversaire !

- Tu n'as pas de cadeaux pour moi ? demande Quentin galvanisé par l'esprit de fête.

Elle le regarde avec un petit sourire malicieux.

- T'as déjà embrassé une fille ?

Il secoue la tête en la regardant droit dans les yeux. Alors elle s'approche de lui et lui roule une galoche. Avec la langue et tout. Le putain de chanceux, elle est grave bonne Marine. Je suis dégoûté, je veux le même cadeau pour mon anniversaire. Elle lui fait un clin d'œil.

- Bon, je vous confie mon frère, je retourne à la piscine.

Je suis son arrière-train du regard pendant qu'elle s'en va. Quentin a l'air d'être sur une autre planète. Ilyess lâche un " beurk" devant ce spectacle. Je lève les yeux au plafond. Quelle bande de tocards.

Moi non plus je n'ai pas de cadeaux, j'offre jamais de cadeaux d'anniversaire à personne. C'est une sorte de principe chez moi. Je n'ai pas de thunes à dépenser pour les gens avec qui je traîne.

- Tu peux me laisser seul avec Quentin s'il te plait ? demande Ilyess avec son air malheureux.

- Pourquoi ? Vous me faites des cachotteries ?

Il ne répond pas, mais je m'éloigne d'eux, vexé. Toujours à faire des messes basses, ils m'agacent tellement. Je retourne à la fête et les oublie rapidement devant l'ivresse que me procure cette soirée. La plupart des gens qu'Ilyess a invités sont quand même venu. Je vois Mélissa qui rit aux éclats. Elle est belle cette meuf, je me la ferais bien.

Soudain, Djamila surgit derrière moi comme un démon. Elle est seule sans Hadia ce qui est assez rare pour être remarqué. Je prends les devants.

- T'as pêché des thons dans la piscine ?

- Seulement quelque morue, répond-elle morte de rire.

Je ne sais même pas de quoi elle parle. C'est ça de faire une private joke sans avoir aucune idée de ce qu'elle signifie. Je fais comme si je trouvais sa blague hilarante mais j'espère vraiment ne pas retourner en couple avec elle.