Samedi 27 Mai

Je soupire. On n'aurait rien dû dire à la classe. Depuis trois jours, Mélissa et moi recevons plein de mails des autres élèves qui nous posent des questions sur ce qu'ils devraient mettre dans leur mot. On n'est pas leur parent ! Qu'ils trouvent eux-mêmes leurs propres idées.

Un énième mail d'Églantine fait sonner mon téléphone. Je ne prends pas la peine de répondre. J'en ai ras la casquette.

J'ai envie de sortir faire quelque chose. Rester chez soi, c'est cool, mais j'ai envie de voir mes potes. J'envoie un message à Léo, ça fait un bail qu'on a pas traîné ensemble. Ça me manque. Il me manque. Il accepte rapidement et on se retrouve sur la place du marché.

- On va au Tacos ? propose-t-il en baillant.

Il est quinze heures, mais il vient de se réveiller.

- Mince. Fallait me dire, je n'ai pas pris de sous...

- T'inquiète, je te l'avance.

Si c'est gratuit, je ne vais pas dire non.

On ne parle pas beaucoup en mangeant. C'est un peu bizarre. Depuis notre dispute, il y a des jours où c'est comme avant et on rigole comme des idiots et d'autres où c'est juste gênant. Aujourd'hui, c'est gênant. J'aimerais qu'on s'explique, mais on a convenu qu'il ne faut plus qu'on parle de Mélissa ensemble sous peine de s'énerver.

- Il fait beau aujourd'hui, commence-t-il, mais je le coupe immédiatement.

- On en est pas à parler de la pluie et du beau temps non plus mec. N'exagère pas et trouve un vrai sujet, ordonne-je avec un petit rire.

Il paraît hésiter.

- Je sais qu'on a dit qu'on parlait plus de Mélissa, mais...

- Ce serait bien qu'on s'explique ? complète-je.

Il grimace et hoche la tête. Ce n'est pas pour rien qu'on est meilleurs, potes. On pense aux mêmes trucs.

- Je sais que c'est pas cool d'avoir embrassé ta gow mais je pensais à bien, tu sais. Elle m'a laissé faire et je pensais que ça te montrerait qu'elle ne t'aimait pas. Je suis désolé, mec, s'excuse-t-il.

- Moi aussi, je suis désolé de t'avoir frappé, je n'aurais pas dû réagir comme ça.

On se sourit un peu ému. On continue de prendre des bouchées dans nos Tacos avant qu'il ne reprenne.

- Par contre, je pense quand même que ta meuf t'aime pas. Je sais que tu ne veux pas l'entendre, mais ça me rend trop triste de le savoir.

Je le sais tous ça. J'ai vite remarqué que Mélissa semblait avoir peu d'intérêt pour moi. Cependant, plus on avance dans notre relation, plus elle semble tomber pour moi alors je garde espoir. Ce n'est pas grave si elle ne m'aimait pas au moment de notre premier baiser. Je sais que ça fait pitié, mais dès que je vois son beau visage ou que je la prends dans mes bras, je me sens plus amoureux que jamais. C'est trop tard. J'aimerais pour nous deux au pire des cas. Maintenant, elle est à moi.

- Pourquoi tu m'as encouragé à la draguer alors ? demande-je néanmoins.

Il prend un air coupable.

- Je pensais qu'elle dirait non...

- Sympa, réponds-je un peu trop froidement.

- Alors ? Tu t'en fous ? Tu t'en fous qu'elle se soit jouée de toi ?

- Tu sais, elle pourrait aimer un orang-outan ou le pape que je m'en foutrais. Elle est avec moi et elle m'a choisi quelle que soit la raison. Je serais le meilleur petit ami du monde pour son bon plaisir. Elle me jettera quand elle le voudra, mais je ferais tout pour que ce moment arrive le plus tard possible.

- C'est stupide, marmonne-t-il.

- C'est l'amour. Je t'en prie, ne t'en mêle plus. Je vais bien, je suis heureux. Je n'ai pas besoin que tu comprennes, juste que tu me soutiennes.

Ça lui coûte, je le sens, mais il accepte. Je lui fais mon plus grand sourire. Je suis content.

- En parlant d'amour, quoi de neuf de ton côté ? Une fille en vue ? le questionne-je.

- Non, ça me gave les gonzesses. J'ai seulement quatorze ans et j'en ai déjà marre.

Son air renfrogné me fait rire 

- Tu vas taper dans les gars du coup ? plaisante-je.

- Je reconsidère la question en vrai. Delmar a l'air heureux ! s'exclame-t-il.

Je vois dans ces yeux toute la tendresse du monde quand il prononce son nom. Avant, il n'en parlait jamais, mais ça se voit qu'il aime son frère.

- Il s'est trouvé un gars ? Vu que Théo n'a pas l'air ouvert à une relation.

Léo fait un sourire entendu.

- Que sais-tu que je ne sais pas ? demande-je curieux

- Je ne peux pas te dire. Secret de frangins. Il ne faudrait pas que tu le répètes à ta blonde.

- Ça reste entre nous ! Juré craché.

- Pas question, fait-il avec fermeté.

Je soupire de déception.

- Tant pis. Du coup, je pensais juste que ce serait cool qu'on soit en couple en même temps.

- Tu veux me mettre avec qui ?

- Je ne sais pas moi, Camélia ou Charlotte ? propose-je.

- Ah ça non, lâche-t-il immédiatement, dédaigneux.

- Pourquoi pas ?

Je suis surpris, elles ne sont pas laides.

- Parler de comédie musicale toute la journée non merci. Je suis bien célibataire. Et puis, si je devais taper dans les potes de Mélissa, je partirais plus du côté de Caroline.

Lui aussi, c'est son truc les blondes ?

- Pourquoi ?

- Elle a l'air chill. Pas prise de tête, remarque-t-il. Le genre de meuf qui ne te fait pas chier.

- Pourquoi pas ? Mais je crois qu'elle est plus pote avec Mélissa...

- Encore mieux ! Ca veut dire qu'elle a bon goût et sait admettre ses erreurs, rit-il. Non mais je ne veux pas vraiment sortir avec. Et puis, je pense qu'elle a un crush sur toi.

- N'importe quoi, ricane-je, gêné.

- Fait pas l'idiot. Faut voir comment elle te fixe la meuf. Elle te boufferait tout cru si sa bouche était la place des yeux...

- Je n'ai jamais rien remarqué. T'es sûr ?

Je me mens un peu. J'ai souvent croisé le regard de la blonde, mais j'ai toujours cru que c'était un hasard. Elle n'est pas plus sympa avec moi qu'avec un autre pourtant.

- C'est ça d'être toujours concentré sur la même sirène. Tu ne vois pas les jolies...euh. Je n'ai pas la fin de cette métaphore, mais tu vois ce que je veux dire.

- Ouais. C'est dommage, elle est mignonne, fais-je, mais devant le regard inquisiteur de Léo, je me corrige. Elle n'est pas moche quoi. C'est nul qu'elle ait un crush sur moi, j'espère qu'elle se trouvera quelqu'un. Tu crois que je devrais lui en trouver un ? Que c'est mon rôle ?

- Je ne crois pas non, rit-il.

On continue à discuter que ce soit des filles, des cours et de l'oral de brevet ainsi que du brevet qui se rapproche. L'année est presque terminée, je n'ai pas vu le temps passer. Ca me déprime un peu.