Samedi 14 Janvier

Cette semaine de stage a été épuisante. Chaque soir, quand je rentrais chez moi, je prenais mon dîner, une douche puis je m'écroulais sur mon lit. Une semaine complète à rester dans une pharmacie sept heures debout le plus souvent sans rien faire de particulier, j'ai cru mourir. La prochaine fois que j'ai un stage à faire, je demande à mes parents de m'en trouver un à un endroit où il y a des chaises.

Mon frère récupère encore de sa semaine. Il est treize heures, mais il n'est toujours pas réveillé. Même si on ne se parle pas beaucoup, je le connais par cœur. J'ai remarqué que chaque matin avant d'aller chez le vétérinaire, il a fait une tête encore plus déprimé que le matin précédent.

Avant, on se parlait tout le temps. On était comme des Siamois enfants. Nos parents nous trouvaient toujours collés ensemble. Le premier jour au collège, on a même tenu à mettre les mêmes vêtements. Puis, nos centres d'intérêt ont changé et nous nous sommes éloignés à mon plus grand regret.

Depuis ce qu'il s'est passé dans notre collège précédent, depuis ce que j'ai fait, je vois qu'il ne me voit plus de la même manière. Une crainte est née dans son regard. Ça me fait mal, mais quelque part, nous sommes toujours pareils. Je déteste qu'on voit mes sentiments alors je le cache par un sourire alors que lui serre simplement la mâchoire.

Quand mon frère se réveille, à quinze heures, il va prendre son petit-déjeuner avant de retourner dans son lit. Il est en train de gratter, je ne sais pas quoi sur une feuille simple depuis trente minutes.

- Tu fais quoi ? demande-je curieux.

- Exercices sur le subjonctif.

Il ne prend même pas la peine de faire une phrase. Mon cœur se serre. Je lui demande de me passer sa feuille quand il a fini pour que je puisse copier. Il lève les yeux au ciel, agacé, mais accepte. Je fais souvent ça. Quitte à avoir un frère bon à l'école, autant en profiter à fond. Je reçois un message de Maxime sur Messenger.

LeRoiMaximus : Mél m'a invité à une soirée, tu m'accompagnes ?

En temps normal, je lui aurais dit de se débrouiller, que j'avais pas à tenir la chandelle et qu'il devait avoir confiance en lui. Cependant, j'ai un gros problème avec Mélissa. Mon ami est amoureux d'elle et je l'avais encouragé à lui déclarer sa flamme, persuadé qu'elle allait répondre à la négative. Je connais les filles par cœur. Ça se voit comme un nez au milieu de la tête qu'elle est folle de moi.

Je ne suis pas un pote de merde d'avoir envoyé Maxime dans la gueule d'une louve qui ne voulait pas de lui. Je pensais seulement qu'en brisant ses rêves, il allait passer à autre chose et arrêter de me soûler avec à quel point Mélissa était la femme de sa vie. Je n'aurais jamais cru que la blonde essayerait de se servir de lui.

Elle veut me rendre jaloux, mais elle ne m'intéresse absolument pas. Bien sûr, elle est jolie, plutôt intelligente, mais ce n'est pas du tout mon genre. Cet été, au camping, j'ai rencontré une fille. Elle s'appelle Alexianne et a deux ans de plus que moi. On aurait dit une femme, elle était sûre d'elle et me rendait minuscule. Elle m'a dépucelé, mais je ne l'ai dit à personne. Je n'en ai pas honte, c'est juste que je sais pas à qui le dire. Je suis seul dans ma tête.

J'aurais voulu en parler avec mon frère, mais ce n'est pas le genre de truc qui l'intéresse alors j'ai gardé ça pour moi. Je l'ai traqué sur Internet et ai trouvé son compte Instagram dont je like toutes les photos. On discute de temps en temps, mais elle a un vrai copain. C'est frustrant.

La plupart des filles du collège sont folles de moi, mais ça me fait doucement rire. Je suis flatté bien sûr, mais nous ne jouons pas dans la même cour. J'accepte l'invitation de Maxime sans savoir quoi faire au sujet de Mélissa. Il faudrait faire en sorte qu'ils se séparent, mais je ne sais pas encore comment.

J'arrive devant la maison où se déroule la fête, vers vingt-deux heures. À l'intérieur, je ne connais personne et me mets à la recherche de Maxime. C'est l'anniversaire de quelqu'un d'après la déco, le gâteau entamé et les papiers cadeau un peu partout au sol. Pour nos quatorze ans avec Delmar, nos parents, nous ont emmené à Disney avec un ami chacun. J'ai invité Maxime et Delmar a invité Jiao. Ça s'est bien passé et on s'était bien amusé.

Après plusieurs minutes, je tombe sur Caroline posé sur une chaise pliante à côté d'une table couverte de chips. Elle joue à CandyCrush sur son téléphone, elle a l'air de s'ennuyer à fond. Elle est dans ma classe et fait partie des amies de Mélissa. Elle doit savoir où se trouvent les tourtereaux. Je lui dis bonjour, mais elle ne répond que par un léger hochement de tête.

- T'as vu Maxime ?

- Il était en train de danser avec Mélissa dans le petit salon la dernière fois où je l'ai vu, dit-elle l'air franchement soûlé d'être là.

Elle se lève néanmoins pour me montrer le petit salon. Le petit couple n'est plus là, mais le reste de la clique est en train de discuter. Je salue les filles. Je vois les yeux de Camélia et Charlotte s'illuminer quand elles me voient. Charlotte attarde même ses mains dans mon dos en me faisant la bise. Gênant...

- Ils doivent être, je ne sais pas où, fait Laure qui ne m'aide pas du tout alors je décide de rester avec les filles. Ils vont bien revenir.

Elles m'apprennent que c'est l'anniversaire d'une cousine de Mélissa. Elle doit être sacrément riche la cousine pour avoir autant de pièces dans sa maison. Je m'ennuie rapidement. Charlotte et Camélia me parlent du concert auquel elles sont allées durant les vacances. Une comédie musicale avec un mec révélé par l'adaptation québécoise de la Star Academy. Olivier Dion, comme Céline.

Elles me parlent de son apparence pendant au moins quinze minutes avant que je pète un plomb et que j'aille me chercher un verre de coca. C'est une excuse pour rester loin d'elles. Je retrouve Maxime et Mélissa en train de danser dans le grand salon. Ils se regardent les yeux dans les yeux et semblent avoir une bulle autour d'eux. Mon ami a l'air au paradis. Je ne les dérange pas et les observe seulement de loin. Je me demande par quelles couleurs passent des cheveux blonds en brûlant.

On dit souvent que c'est la fumée qui tue les gens lors des incendies. Je me demande s'il existe des incendies sans fumées. Ça doit être marrant de voir quelqu'un mourir dans les flammes. Peut-être pas. J'ai un briquet dans ma veste en permanence. Je ne fume pas, mais j'aime bien brûler des feuilles dans les lavabos. Mon frère le sait, je crois. Un jour, il m'a parlé de l'odeur de cramée dans la salle de bain, mais quand j'ai répondu que je ne savais pas de quoi il parlait, il n'a pas insisté.

Je vois Caroline postée sur le pas de la porte. Elle fait une tête d'enterrement en regardant le couple. Cette fête est nulle et je suis fatigué alors j'annonce que je dois rentrer chez moi à cause d'un couvre-feu inventé et dit au revoir aux filles. Je n'ai même pas parlé à Maxime de la soirée.

En vérité, je n'ai pas de couvre-feu. Mes parents me laissent faire ce que je veux. Dès fois, ils me grondent et je déteste ça, mais je crois qu'ils oublient tout quelques minutes plus tard. Si on assemblait toutes les bêtises que j'ai faites ces dernières années, je n'aurais même pas le droit de sortir de ma chambre.

Je ferme la porte de la maison en rentrant. Mes parents doivent dormir alors je ne fais pas de bruit. Quand j'ouvre la porte de ma chambre, je vois mon frère sursauter avant de fermer l'ordinateur en un claquement vif. Il me fixe d'un air tout sauf innocent, mais je souris seulement, car j'ai vu les morceaux de Sopalin en boules dans notre corbeille à déchets. J'ai compris, mais il détourne seulement le regard.

J'aimerais qu'on se parle. Je serais prêt à tuer pour ça. J'ai l'impression d'être un beau-père qui essaie de gagner l'amour du fils de sa nouvelle compagne sans trop de succès. Je déglutis et me jette sur mon lit. Sur mon téléphone, je regarde des vidéos de différents objets en train de brûler avant de m'endormir.