15. Charlotte Lombard
Samedi 3 Décembre
Ce matin, ma mère m'a annoncé qu'elle était enceinte. Je n'ai pas su comment réagir. J'aurais peut-être dû la féliciter ? Je n'en ai pas du tout eu envie. Après avoir passé quatorze ans en tant que fille unique, une horrible chose criarde va arriver et ravager toute mon existence. Alors, j'ai juste répondu d'accord à mes parents et leur ai dit que j'allais rejoindre les filles au centre-commercial.
Devant ma tête abattue, ils n'ont pas pu refuser que je sorte même s'ils vont sûrement se reprendre dès qu'ils recevront mon bulletin leur annonçant que j'ai à peine la moyenne ce trimestre. Je me demande depuis quand ils savent pour "l'heureuse nouvelle". Ça doit être pour ça qu'après des mois de négociations, ils ont brusquement décidé de m'autoriser à aller voir Les Trois Mousquetaires avec Camélia.
Je ne suis pas la première arrivée devant le centre-commercial. Je trouve Caroline en train de pianoter sur son téléphone, ses écouteurs enfoncés dans les oreilles devant notre point de rendez-vous, un Claire's. Je secoue son épaule pour qu'elle me remarque avant de lui faire la bise. La bise, c'est la manière de saluer tout en aillant l'air classe, je m'entraîne pour le lycée ainsi.
Mélissa et Laure arrivent ensuite en même temps. La blonde est encore plus belle que d'habitude. Elle s'est même maquillée. Franchement, je l'admire trop. J'aimerais être comme elle et avoir autant de style qu'elle. J'ai l'impression d'avoir l'air d'un sac-poubelle quand elle est là. Je suis vraiment chanceuse de l'avoir pour amie.
Comme d'habitude, Camélia arrive en retard en n'aillant aucune excuse. On ne lui en veut même plus. On passe la matinée à déambuler sans rien acheter avant d'échouer sur un banc devant un magasin de lunettes.
- On se fait Mcdo ? demande Laure.
- Ce n'est pas très healthy, remarque Camélia.
- À part, si tu vas dans un bar à salade, tu ne vas pas trouver grand chose de healthy ici, se moque gentiment Caroline.
- Je prendrais seulement un coca light alors, se résigne la rousse.
Je m'inquiète un peu pour elle. Elle ne mange pas grand chose ces derniers temps et je ne suis même pas sûre qu'elle s'en rende vraiment compte. La prochaine fois qu'on sera seule, je lui en parlerais.
Une fois assise devant nos sandwiches, on discute entre les bouchées.
- Alors ça avance avec Maxime ? demande Camélia d'un air super excitée.
Je tends mes oreilles. Camélia trouve que ces deux-là forment un couple super mignon et je suis franchement du même avis !
- Bof, depuis qu'il a gagné le cross, il arrête pas de m'inviter au cinéma, à des fêtes, à des fast-food et veut même qu'on aille à Disneyland ensemble, souffle-t-elle.
- Si ça te soûle, arrête d'accepter, remarque Caroline en levant les yeux au ciel.
- Non mais j'aime bien aller à tous ces endroits gratuitement ! C'est juste que je ne veux pas sortir avec lui et c'est ça sa finalité. Je lui dirais bien, mais il n'a encore rien demandé, il passe juste son temps à faire des sous-entendus. Mon râteau est prêt, je cherche juste un moment pour le lui mettre en pleine poire.
- Mais pourquoi ? Il est super mignon, gentil, drôle et à fond sur toi ! Que te faut-il donc de plus ? gémit Camélia déçue.
- Je ne sais pas...
- Il lui faut de l'exotisme, ricane Laure.
- La ferme, réagit immédiatement la blonde.
De quoi elle parle ?
- Si t'as quelqu'un d'autre en vu, vaut mieux pas sortir avec lui en effet, conseille Caroline.
- Non ce n'est pas vrai. Qui que ce soit la personne que tu aies en vue, il ne vaut sûrement pas Maxime. Est-ce qu'il est aussi intelligent ? Sympa ? Rapide ? Je ne crois pas ! défend la rouquine.
- Arrête avec ta rapidité. Maxime n'aurait même pas dû gagner le cross normalement, révèle Caroline.
Je ne sais pas pourquoi elle est tellement contre l'idée de voir Maxime avec Mélissa. Je crois qu'elle hait les garçons. Dès fois, je me demande si elle ne serait pas lesbienne.
- Comment ça ? demande Mélissa en plissant les yeux.
- On s'en fiche, répond immédiatement Camélia.
- Que savez-vous que j'ignore ?
On reste silencieuse pendant que ma rouquine préférée fait des gros yeux à Caroline. Puis, Laure se décide.
- En fait, après la course, Léopold m'a dit qu'il a vu Maxime filer des billets à Delmar et au gars qui est arrivé en même temps que lui. Ça laisse penser qu'il aurait triché.
- Mais ce n'est pas sûr ! Il est peut-être juste très généreux ou alors Léopold a mal vu depuis son fauteuil, réplique Camélia avec beaucoup de mauvaises fois.
Quand Laure nous l'avait révélé, ça n'avait fait aucun doute que Maxime avait triché. Il est tellement à fond sur Mélissa, il a tenté le tout pour le tout. Il y a une partie du circuit qui n'est pas vraiment surveillé, il a pu en profiter pour faire le deal avec les deux autres. Moi aussi, j'aurais accepté un billet contre une médaille en plastique qui ne vaut rien.
- Du coup, tu peux arrêter d'aller avec lui à des endroits en disant par exemple que t'as eu vent de l'histoire et que t'aime pas les menteurs, propose Caroline.
- On verra, répond Mélissa avant de changer de sujet.
On est ensuite retourné dans le magasin de lunettes où on les a essayées en faisant les andouilles.
- C'est qui les premiers de la classe ? demande-je à Mélissa étant donné que notre conseil de classe a eu lieu la veille.
- Je suis dégoûtée. Je ne suis que sixième alors que j'ai seize virgule deux de moyenne ! Sylvie est première avec dix-huit virgule soixante-quinze suivie par Marie-Madeleine avec dix-sept virgule cinq genre un point d'écart entre les deux premières. Je déteste ces intellos ! Je me suis aussi fait dépasser par Delmar le mec le plus osef de ce monde, Églantine la bouffonne et Blanche la sainte-nitouche. Non mais j'y crois pas.
J'ai eu tort de la lancer sur le sujet parce qu'elle a continué pendant plusieurs minutes à pester contre ces cinq élèves. Elle ne le pense pas vraiment, mais elle aimerait beaucoup être première, mais chaque année, elle se fait voler la place par quelqu'un alors par cinq personnes, ça la mets hors d'elle.
- Je n'ai toujours pas de stage, gémit Camélia.
Elle devrait se dépêcher d'en trouver un car c'est dans environ un mois. J'ai le mien depuis septembre grâce au boulot de mon père. Travailler au même endroit que mon père ça va être l'enfer, mais au moins je n'ai rien eu à m'occuper pour trouver ce stage d'observation en entreprise.
Ça m'a fait plaisir de passer la journée avec elles. J'ai presque oublié qu'un nouvel être monstrueux grandit dans le ventre de ma mère et va bientôt prendre ma place. Pour ne pas y penser, je me plonge dans les révisions pour les épreuves communes.
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