Cette fois les joues de son conseiller se tintèrent de rouge, passant ensuite au blanc, puis au vert et au violet. Tentant tant bien que mal de se calmer il inspira profondément avant d'expirer, son coeur battant à une vitesse folle et ayant du mal à retrouver un rythme calme.

– C'est de la folie ! Vous...

Il se tut avant de se laisser échapper un mot qu'il regretterait aussitôt. A l'intérieur de son esprit mille et une pensées se battaient en duel, chacune essayant de prendre le dessus sur l'autre. Loin d'être convaincu par ce maigre argument, le roi demanda :

– Expliquez vous.

– Cette adolescente, que dis-je orpheline ! N'est pas une enfant légitime ! Qui sait d'où elle vient ? Des égouts sûrements ! Et ses parents ! Sa mère devait sûrement se pro...

Il s'interrompit devant le regard furieux du roi, se rendant alors compte qu'il avait dépassé les limites. Furieux le souverain prit soin de s'exprimer lentement, détachant chacune de ses syllabes:

– Attention à vous Luïs mon amabilité a ses limites, vous parlez ici de ma protégée !

– Une enfant que vous n'auriez dû jamais recueillir ! Au lieu de vous attendrir sur son sort, vous pouviez la confier à un orphelinat et quitte à faire vous remarier au passage ! Après tout avec votre pauvre femme il est normal que...

– Taisez vous !

C'est ce qu'il fit, contemplant bravement son souverain qui désormais levé le fixait furieux comme si il s'apprêtait à l'étriper. Il ne comprenait pas l'attitude du roi. Emmener ici cette lépreuse passait encore, quitte à faire preuve de bonté autant aller dans l'utilité, en la confiant aux domestiques elle pourrait plus tard devenir femme de chambre. Mais l'élever comme une princesse ! Cela dépassait toutes les bonnes coutumes ! Et vouloir l'élever sur le trône, cela frôlait de la folie !

Face à lui le vieil homme le considérait silencieusement, analysant sa personne comme s'il cherchait à lire ses pensées. Finalement il déclara :

– J'aurais pu abandonner cette fillette, l'abandonner dans la rue. En la ramenant au château j'aurais pu la confier aux cuisines, espérant qu'elle fasse une bonne servante. En lui offrant une bonne éducation, lui apprenant à lire, lui donnant de mon amour, j'aurais pu la marier à un simple noble jugeant que cela ferait l'affaire. J'aurais pu tant de choses... Mais je ne les ai pas faites... Leen est ma fille ! Mon enfant ! Qu'importe son origine, elle deviendra reine ! Ainsi en ai-je décidé moi Tristan Lucap Souverain de Murgin !"