Éphémère
Maîtresses de cette pièce, les ténèbres envahissent chaque coin et recoin, de la plus fine des fissures à la simple rainure du bois. Associé à elles, le silence pèse, lourd et dense comme un ciel nuageux. Nul bruit, excepté ce vide aussi inquiétant qu’oppressant. Un décor peu attrayant mais voué à demeurer ainsi des temps durant…
Et tout s’altère… Les sphères s’entrechoquent les unes avec les autres, planètes d’un univers minuscule. Du sol décollent les grains de poussière, tandis que ses pieds heurtent la surface depuis longtemps effleurée. Elle se meut dans ce tableau au vernis craquelé avec précaution, se faufile parmi les étagères encombrées avec la plus grande des délicatesses jusqu’à enfin stopper sa marche. Face au meuble fragile et encombré, elle plonge de longues minutes durant dans un mutisme respectueux et impressionné. Puis, saisie d’un élan de courage, elle lève une main gantée et s’empare de ce pour quoi elle est venue...
La vie se compose de plusieurs cycles. Ainsi en ont décidé les dieux. Ces êtres, fils des étoiles, créèrent d’abord le monde. Éveillé par les flammes, animé par les fluides, agrémenté de verdure, la décision fut prise de doter cette planète d’habitants. Mais les premiers êtres bénéficiant du souffle des élus ne semèrent que le chaos et la désolation, exemple suivi par leurs descendants. En conséquence de cet échec, l’on décréta que le nombre d’années à subsister de chaque génération lui serait accordé en fonction de ses actes. Ce, jusqu’à ce qu’advienne la glorieuse élue.
Avec une délicatesse infinie, elle referme l’objet avant de le reposer à sa place. Un minuscule sourire sur les lèvres, elle s’accorde le loisir de parcourir les lieux du regard, fascinée par les vestiges de ce passé. Cet endroit, que les gens autrefois nommaient bibliothèque, aujourd’hui n'intéresse que les personnes de son genre. Les archéologues comme elle ne peuvent s’empêcher de trouver une beauté quelconque dans ces “livres” et ce malgré les nombreuses technologies mises au point. À quoi bon passer du temps le nez plongé dans ce ramassis de bactéries alors que dehors les attend bien plus que ça ? Elle songe que si elle vient à discuter ce soir de sa journée avec ses épouses, elles la traiteront encore de rêveuse illuminée. Au fond, elle doit leur accorder raison, ces vestiges ne lui apportent rien, qu’importe que la population d’autrefois sache “lire” ou “écrire”. Seul le présent compte.
Un soupir lui échappe. Il faut y aller. L’heure tourne.
Non sans regrets, elle laisse ses pas la mener vers la sortie. Vers son présent à elle…
Et tout s’altère… Sur eux-mêmes les globes enchaînent une ronde sans fin, ballet infernal…
La cendre se soulève...
Des doigts se saisissent d’une paire de gants...
12 / 08 / 18
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