Assise en tailleur au milieu de nulle part, une fille réfléchissait.

À quoi ? Elle n'était pas sûre de le savoir elle-même.

Ce qu'elle savait, en revanche, c'est qu'il y avait des jours comme celui-là, où elle détestait cet endroit plus que tout au monde. À cet instant, elle souhaiterait tout simplement être ailleurs. Si seulement c'était si simple...

"Di !" surgit une voix derrière elle, "Je t'ai cherchée partout !"

La fille sursauta, faisant virevolter ses cheveux de la couleur du blé, qu'elle ne voyait plus qu'en rêve, autour d'elle.

"Comme tu le vois, je suis là."

"Pourrais tu arrêter de disparaître comme ça ?"

"Tu n'as pas à avoir peur, même si je le voulais, je ne pourrai pas partir bien loin."

"Oh, Di..."

"Quoi ? C'est vrai !" rochonne-t-elle, "Quoi que tu en penses, on est coincées ici, et ce pour toujours !"

"Je suis sûre qu'en gardant espoir, on pourra..."

"Arrête de faire ta philosophe mélodramatique, Billie ! On ne sortira jamais d'ici, un point c'est tout."

"On n'est pas si mal, ici." changea-t-elle de tactique d'approche, "On ne manque de rien et..."

"Ouais, on n'est pas si mal, mais on n'est pas bien non plus." la coupe-t-elle. "Lève la tête, vois-tu la moindre lumière ? Tout est artificiel ici !"

En effet, juste au dessus des deux amies, il y avait un grand dôme peint en noir.

"À quoi sert ce verre si ce n'est même pas pour profiter de la vue ? Autant y avoir mis du bois tu ne crois pas ?" renchérit elle.

"Jour et nuit, ce satané machin ne change pas d'un iota. Toujours sombre, ne laissant passer aucune lumière." dit-elle dans un murmure.

Venue raisonner son amie, elle dût s'avouer vaincue. La blonde avait on ne peut plus raison.

"Exactement, et sais-tu ce qui me fait le plus mal, Billie ?"

Billie resta silencieuse, elle n'en avait aucune idée.

"J'ai parfois des flashs de moi, plus jeune, courant dans la neige. J'oublie de plus en plus de détails" des larmes menaçaient de tomber de ses yeux. "J'ai peur qu'un jour, tous mes souvenirs s'envolent, que je ne sois plus capable de me rappeler du monde extérieur."

"Je n'ai jamais connu ça."

Tout ce qu'elle savait de la neige, et de tous les "éléments extérieurs" en général, c'était ce que sa sœur de cœur a bien voulu lui en dire.

"Crois-moi, c'est tellement mieux de ne pas savoir ce que l'on rate."

Il y eut un blanc, très vite brisé par une Billie qui détestait voir sa meilleure amie désespérer ainsi. Plus que tout, elle se détestait pour avoir commencé à perdre espoir.

"Tu crois vraiment qu'on ne sortira jamais ?"

"J'en sais rien." soupire-t-elle "Une partie de moi se répète sans cesse qu'il y a forcément un moyen, mais l'autre n'a pas envie de nourrir de faux espoirs."

"Il m'arrive de me demander ce que nous faisons ici depuis tout ce temps."

"Humpf. J'ai longtemps douté de sa prétendue volonté de nous protéger."

"Il dit qu'on est spéciales."

"À quoi bon ? On ne sait même pas ce qu'on a de si spécial, et j'ai l'impression qu'on ne le saura jamais."

"Un jour, tu verras, on s'allongera, comme ça, sous les étoiles. Les vraies."

"Ne vise pas trop haut, tu pourrais te blesser en tombant."

"C'est profond, ce que tu dis"

"Je ne sais plus où je l'ai lu." répondit elle simplement.

Avant d'arriver dans ce qu'elle qualifiait de trou à rats, elle était une passionnée de littérature. Elle aimait lire, et suivait beaucoup de comptes de citations sur Instagram, son réseau social favori.

Billie par contre, n'a pas réellement eu de vie avant d'atterrir ici. Ou du moins, elle n'en avait aucun souvenir. Sa sœur de cœur lui répète souvent qu'elle est chanceuse parce qu'elle ne risque pas de regretter une vie qu'elle n'a pas eue. Contrairement à elle qui vivait une idylle et qui a tout perdu.

"Les filles ! C'est l'heure de manger !" fit une voix au loin.

"Allez, lève toi ! On repensera à tout ça plus tard." s'exclame Billie en tendant la main à son amie.

20/11/2018