Éclairages
Mercato prit tranquillement une gorgée de café.
- Bonsoir, Sterne, dit-il avec un sourire en coin. Je te présente Oèn.
Oèn s'empressa d'effectuer un signe de tête respectueux à l'égard de la fée. Il espérait de tout cœur faire bonne impression. Il avait entendu dire que ces créatures étaient susceptibles. Ladite Sterne lui adressa un "enchantée" mesuré avant de se retourner vers Mercato.
- Qu'est-ce qu'il fait ici, donc ?
- Je l'ai invité à notre petite rencontre, puisqu'il y est impliqué.
Oèn vit la fée froncer les sourcils.
- Impliqué ? Explique-toi. Tu m'as dit de venir ici pour que tu puisses m'expliquer le retard dans mon salaire.
- Malheureusement, je ne peux t'offrir qu'une part de ta paie à l'heure actuelle, expliqua patiemment Mercato. Mes distributeurs habituels ne m'ont pas encore répondu. Cependant, je pense qu'Oèn peut te servir de paie provisoire.
- Une paie provisoire ? Tu essaies de me payer avec un humain ! réalisa soudain Sterne. Tu connais déjà ma réponse. Il en est hors de question.
Oèn ne s'attendait pas vraiment à cet échange, mais il se retrouvait soulagé de ne pas avoir à partir avec. Elle ne semblait pas avoir l'air très commode.
- Sterne, soupira Mercato. Je pensais que tu me connaissais mieux que ça. Tu penses vraiment que je te proposerais n'importe quel gamin ?
- Que veux-tu... oh !
Sterne se figea un instant, sourcils froncés. Lentement, elle commença à détailler Oèn.
- Mercato, murmura-t-elle. Mais où est-ce que tu as pu le trouver ?
- Il faut croire que l'on voit de tout dans le Passage, répondit-t-il en cachant à peine sa fierté.
- Il ne serait pas sûr de le laisser en liberté, surtout si...
- Effectivement. C'est pour cela que j'ai pensé à toi. Après tout, tu connais bien cet homme...
Oèn se contentait d'écouter, tentant de comprendre l'enjeu de la conversation. Il n'avait pas la moindre idée de pourquoi il en était le sujet, et comprenait de moins en moins les véritables raisons de sa venue ici. Tout d'un coup, la fée lui adressa la parole directement :
- Hé, Oèn. D'où est-ce que tu tiens ça ?
- Ça ? répondit-il avec confusion.
- Je suis une fée. Je sais que tu utilises de la magie. D'où est-ce que ça vient ?
- Moi ? Euh, non, je ne crois pas... marmonna-t-il avec hésitation. Peut-être vous trompez-vous de personne...
- On ne t'a jamais fait remarquer ça ? s'exclama-t-elle avec surprise. Tu en bouffes pas mal, pourtant. Enfin, pour un petit de ton espèce, en tout cas.
Oèn mit quelques secondes avant d'assimiler l'information. Que sous-entendait-elle par « tu bouffes de la magie ? » La seule chose qu'il se rappelait avoir avalée récemment, c'était un quignon de pain qui commençait à rassir.
Sterne sembla enfin s'apercevoir de son trouble et s'assit plus confortablement dans le fond de sa chaise.
- Oèn, c'est ça ? Il semblerait que tu aies, d'une manière ou d'une autre, obtenu des... « aptitudes ? Un peu comme les sorcières, si tu vois ce que je veux dire. Elles sont pour la plupart regroupées en assemblées au cœur des forêts, que l'on appelle des covens. Cependant, tu n'es pas vraiment censé présenter ces « aptitudes ». De ce que j'en vois, en tout cas, tu es un garçon, et seules les filles sont censées utiliser et de pratiquer la magie. Les lois ont été écrites pour elles. Du coup, si quoi que ce soit t'arrive, tu ne seras pas protégé. Et ça peut fortement te porter préjudice, surtout que tu n'es pas discret. Tu peux t'estimer chanceux que ce soit Mercato qui t'aie repéré.
Sterne marqua une pause.
- Si tu le souhaites, je peux également te présenter un de mes collègues. C'est également un "sorcier". Il pourra t'enseigner ce qu'il sait, et si on se débrouille bien, on pourrait même te faire embaucher et te garantir un logement. Qu'en penses-tu ?
Oèn resta silencieux un moment. Non seulement la fée lui donnait beaucoup d'informations à ingérer d'un seul coup, mais il avait de plus la sensation qu'elle noircissait intentionnellement le tableau pour l'inciter à accepter. Mais il n'avait pas beaucoup de temps, aucun moyen de vérifier la véracité de ses propos et prêt à faire n'importe quoi pour mettre fin à l'incertitude qui le taraudait depuis son arrivée. Il voyait Mercato du coin de l'œil, dégustant son café, imperturbable. Il voyait également Sterne, en face de lui, attentive. Il n'avait aucune idée de la confiance qu'il pouvait leur accorder. Il était tard. La journée avait été longue. Il n'arrivait pas à réfléchir.
- Je viens, annonça-t-il finalement.
*
La calèche de Sterne était située à l'orée du bois qui entourait le Passage. Oèn n'était jamais venu ici, et dût s'arrêter un instant pour laisser son corps accepter la sensation étrange que la végétation lui provoquait. La fée l'observait du coin de l'oeil.
- C'est normal, l'informa-t-elle. La magie est une force que l'on puise dans la nature. Ton corps est actuellement en train de remplir ses réserves. Tu t'y feras vite.
Puis, sans plus d'explication, elle avait continué à s'enfoncer dans la forêt. Oèn peinait à la suivre, déconcentré par son corps qui lui semblait souffrir en continu. Il n'y avait qu'une centaine de mètres entre l'orée et la calèche, mais il lui sembla ce jour-là que Sterne avait choisi le plus profond recoin du bois pour se cacher. Et, lorsqu'il aperçut enfin le cheval derrière les feuillages, elle lui fit signe de s'arrêter.
- Oèn. J'aimerais que tu touches l'arbre qui est situé à ta droite, s'il te plaît.
Il regarda l'arbre avec appréhension avant de timidement obtempérer. Il appliqua sa main sur la vieille écorce du chêne et fut d'emblée saisi d'un sentiment puissant. Il lui semblait que toute trace de douleur avait disparu de son organisme, et qu'il était envahi par une bienveillance telle qu'il n'en avait jamais connu.
Tremblant, les yeux plein d'étoiles, il se tourna vers Sterne. Cette dernière se contenta de hocher la tête avec satisfaction avant de reprendre son chemin. Un peu sonné, Oèn la rejoignit.
Suite à cela, ils partirent.
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