𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟐𝟒
★𝐌𝐮𝐬𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐫𝐞𝐜𝐨𝐦𝐦𝐚𝐧𝐝é𝐞 : Make You Feel My Love de Adele★
❝ Une erreur ? ❞
𝐀 𝐍 𝐀 𝐒 𝐓 𝐀 𝐒 𝐈 𝐀 𝐓 𝐒 𝐕 𝐄 𝐓 𝐊 𝐎 𝐕 𝐀
Le noir m'enveloppe, mais ce n'est pas un refuge. C'est un gouffre sans fin, rempli de hurlements étouffés et de murmures venimeux. Chaque son est une aiguille, perçant ma chair, s'infiltrant dans mon âme.
Je suis dans ma chambre d'adolescente. Celle que je partage avec Alexei. La lumière jaunâtre d'un réverbère dehors projette des ombres tremblantes sur les murs délavés, des silhouettes qui dansent comme des spectres. Mon lit est glacial, mais ce n'est rien comparé au froid qui m'envahit de l'intérieur.
Alexei est là, recroquevillé dans l'autre lit. Sa respiration est un mélange de hoquets et de sanglots étouffés. Ses mains s'agrippent à ses couvertures comme si elles pouvaient le protéger. Mais rien ne le peut. Rien ne nous protège.
Puis, les hurlements reviennent. Des cris rauques, brutaux, éclatant comme des coups de tonnerre dans le couloir. Je sursaute à chaque mot, à chaque éclat. Ils sont pour lui. Toujours pour lui. Les pas s'approchent.
— Tu n'es qu'un handicapé ! La voix de mon père est un torrent d'acide. Une erreur ! Pourquoi est-ce que tu existes encore, hein ? Pourquoi, sale merde ?!
Les mots sont suivis des bruits secs du cuir qui claque contre la chair. Chaque coup résonne comme une détonation, et je me recroqueville, mes ongles s'enfonçant dans mes paumes. Je veux me boucher les oreilles, mais je n'ose pas. Si j'arrête d'écouter, si je m'éloigne de ce chaos, qui sera là pour Alexei ?
— Tu n'es même pas un homme. Tu n'es rien ! Rien !
Les sanglots d'Alexei atteignent mes tympans, et c'est pire que tout. Je voudrais me lever, me jeter entre eux, hurler jusqu'à ce que ma voix se brise. Mais mes jambes sont de plomb, mes poumons prisonniers d'une cage invisible. Une vague de rage et d'impuissance m'enlace, et je me hais pour ma faiblesse.
Une porte claque soudain. Le silence retombe, lourd, glacial. Mais ce n'est pas un apaisement. C'est une menace.
Je tourne les yeux vers Alexei. Ses épaules tremblent légèrement, mais il ne fait aucun bruit. C'est sa manière de survivre. Ne pas pleurer fort, ne pas attirer l'attention. Il croit que cela le protège. Je sais que ça ne marche pas.
Mon regard dérive vers l'arme dissimulée sous mon oreiller. Le revolver. Volé dans l'armurerie de mon père, il pèse comme un secret interdit. Mes doigts glissent dessus, et son contact glacial semble murmurer des promesses de fin, de changement.
Puis, Alexei se redresse dans son lit, ses grands yeux sombres fixant la porte avec une détermination désespérée.
— Non, reste là. Ma voix tremble, mais je tente de paraître ferme.
Il secoue la tête. Je le connais trop bien. Il ne restera pas. Alexei ne sait pas se protéger ; il ne sait qu'aimer, même ceux qui ne le méritent pas.
Je me lève à mon tour. Mes pieds nus rencontrent le parquet froid, et chaque grincement est un cri dans le silence de la maison. Je serre le revolver contre moi, comme si ce morceau de métal pouvait combler la terreur qui m'habite.
— Attends-moi ici, Alexei.
Mais il ne m'écoute pas. Il ne m'écoute jamais.
Nous sortons ensemble, une ombre et son reflet, avançant dans le couloir sombre. Les murs semblent se refermer sur nous, et l'air est chargé d'une tension électrique. La maison entière semble retenir son souffle, comme si elle pressentait ce qui allait arriver.
Devant la porte de la pièce où tout se passe, je m'arrête. Mes jambes vacillent. Je sens Alexei derrière moi, si frêle, si déterminé.
— Laisse-moi faire, dis-je, à mi-voix.
Il ne répond pas, mais je sais qu'il m'observe, qu'il me juge capable de choses dont je doute encore.
Je pousse la porte.
Mon père est là, un titan de rage et de haine. Son visage est rouge, ses poings encore serrés, et son souffle haletant emplit la pièce. Il ne me remarque pas tout de suite. Ses yeux sont fixés sur le mur, sur rien, comme s'il revoyait encore l'horreur qu'il vient de déchaîner.
Alexei pousse un gémissement involontaire, et notre père se retourne, ses yeux noirs trouvant les miens.
C'est cette nuit-là que tout a changé.
C'est cette nuit-là que je suis devenue quelqu'un d'autre.
Et qu'Alexei a cessé d'être une victime.
Je me réveille en sursaut, le souffle court, mon cœur battant à tout rompre.
La pénombre de ma chambre actuelle m'accueille. Ce n'est plus la petite chambre partagée avec Alexei. Ce n'est plus cette maison maudite, mais le cauchemar est toujours là, ancré dans ma chair comme une vieille cicatrice qui refuse de guérir.
Je passe une main sur mon visage moite, repoussant les mèches humides de mon front. Mon corps tout entier est tendu, chaque muscle vibrant de l'adrénaline du souvenir.
Je me lève, vacillant légèrement, et me dirige vers la salle de bain. L'eau froide sur mon visage me ramène à la réalité, mais ne chasse pas complètement les ombres. Rien ne pourra effacer ce que nous avons vécu, ce que j'ai fait.
En me regardant dans le miroir, je vois mes yeux vairons, brillants de la colère et de la tristesse enfouie.
— Ce n'est qu'un rêve, murmuré-je à mon reflet.
Mais ce n'est pas vrai. Ce n'était pas un rêve. C'était un souvenir. Une vérité que je porte en moi, gravée à jamais. Et je n'arrive pas à chasser cette pensée de mon esprit.
Je sais que je ne pourrai pas me rendormir. Alors, je m'assois sur le bord du lit, fixant le vide, ma respiration redevenant peu à peu régulière. Mais dans le fond de mon esprit, je sens toujours le poids du revolver dans ma main, le goût amer de cette nuit où j'ai choisi de tuer pour protéger Alexei. La première fois que je tenais une arme dans la main.
Et ces pensées me hantent, encore et encore.
𝐑 𝐀 𝐃 𝐇 𝐀 𝐍 𝐊 𝐇 𝐀 𝐓 𝐑 𝐈
Je frappe le sac avec une régularité presque hypnotique. Le bruit sourd des impacts résonne dans la pièce, comme un métronome rythmé par ma frustration. Mes gants frappent la surface usée, et chaque coup me rapproche un peu plus d'un calme que je ne trouve jamais vraiment. La douleur des anciennes blessures reviennent, mais ne m'arrêteront pas.
La musique dans mes oreilles est forte, agressive, comme si elle pouvait noyer le tumulte dans ma tête. Mais ça ne suffit pas. Les questions tournoient, incessantes.
Où tout cela va-t-il me mener ?
Je frappe plus fort. La sueur coule le long de mon front, mon torse, trempant le tissu de mon débardeur. Je devrais être épuisé, mais l'énergie me brûle encore, m'empêchant de m'arrêter.
Et puis, il y a elle.
Anastasia. Son image revient sans cesse, comme une vague qui refuse de s'écraser complètement. Ce qui s'est passé sur le balcon... Je n'arrive pas à m'en détacher. Cette tension entre nous, cette proximité. Pendant une fraction de seconde, j'ai cru... non, j'ai su que j'allais l'embrasser.
Et le pire, c'est que j'en aurais été capable.
Moi. Prêt à céder à une personne qui, il n'y a pas si longtemps, incarnait tout ce que je déteste. Anastasia, cette femme froide, cruelle, qui a orchestré ma descente aux enfers. Et pourtant, sur ce balcon, sous cette pluie, elle n'était rien de tout cela.
Je frappe encore, un coup violent qui fait presque basculer le sac. Une partie de moi déteste cet aveu. Une autre... ne peut pas nier l'évidence.
Je retire un gant, laissant tomber le cuir sur le sol, et passe une main dans mes cheveux humides, cherchant à remettre un peu d'ordre. Mais rien n'y fait. Je suis en désordre, et pas seulement à l'extérieur.
C'est alors que la porte de l'appartement s'ouvre doucement. Je me retourne brusquement, sur mes gardes, prêt à affronter n'importe qui... sauf elle.
Cependant, c'est Anastasia qui passe le pas de la porte. Elle porte un long manteau de nuit en tissu très fin, noir et somptueux. Les manches sont bordées de fourrure délicate, tandis que le reste, en dentelle transparente, dévoile une nuisette noire en dessous. La lumière tamisée du couloir accentue les courbes de son corps, et je suis obligé de détourner le regard, de peur que mes pensées ne trahissent quelque chose que je ne veux pas admettre.
— On dirait que je ne suis pas la seule à ne pas trouver le sommeil, dit-elle d'un ton presque désinvolte avec son accent russe, mais ses yeux vairons, eux, sont pleins d'intentions que je ne parviens pas à déchiffrer.
Son accent, son corps, sa voix, elle... Je reste figé, incapable de répondre. Mon cœur bat un peu plus vite, et pas à cause de l'entraînement cette fois.
Finalement, je retire mon autre gant, le jette sur le sol et passe une main dans mes cheveux pour les recoiffer, cherchant quelque chose à dire. Mais les mots me manquent, comme si sa simple présence brouillait mon esprit.
— J'ai besoin de parler à quelqu'un, poursuit-elle, avançant de quelques pas dans la pièce, ses pas ne claquant pas contre le sol pour une fois. Et il semble que tu sois le seul à être réveillé.
Je déglutis difficilement. Elle s'avance encore, s'arrêtant à une distance raisonnable mais suffisante pour me faire sentir le parfum subtil qui l'enveloppe, mélange enivrant de mystère et de danger.
— De quoi veux-tu parler ? demandé-je, ma voix un peu trop rauque.
Elle incline légèrement la tête, comme si elle pesait ses mots. Elle semble hésiter, une rareté chez elle, avant de me fixer avec une intensité qui me cloue sur place.
— Tes parents... commence-t-elle doucement. Étaient-ils de bonnes personnes ?
La question me frappe de plein fouet, comme un crochet inattendu. Elle n'a rien à voir avec ce à quoi je m'attendais. Pendant une seconde, je reste silencieux, troublé par la simplicité de ses mots et la complexité des souvenirs qu'ils réveillent.
Je prends une profonde inspiration, retirant enfin la serviette que j'avais jetée autour de mon cou, et la pose sur un banc proche. Je sens son regard peser sur moi, patient mais intransigeant, exigeant une réponse.
— Ma mère... commence-je, cherchant mes mots. Elle n'arrivait pas à m'aimer. Même bébé, elle ne trouvait rien en moi qui valait qu'elle reste. Elle a préféré partir. Abandonner.
Je fais un pas de côté, attrapant une bouteille d'eau et la dévissant lentement, plus pour m'occuper les mains que par réelle soif.
— Mon père, quant à lui... il n'a pas fait beaucoup mieux. Il n'a jamais vraiment su gérer un enfant seul. Et il n'a pas voulu apprendre. Du jour au lendemain, j'ai été placé en orphelinat car il n'en pouvait plus. J'avais cinq ans.
Je bois une gorgée rapide, espérant que ce geste anodin chasse la boule qui se forme dans ma gorge. Mais elle reste là, coincée. Je repose la bouteille et continue.
— Je suppose qu'ils sont de bonnes personnes. Mais pas assez pour moi.
Un silence s'installe, aussi lourd que les souvenirs que je viens de dévoiler. Je n'ose pas croiser son regard. Et pourtant, je le sens toujours posé sur moi, brûlant d'une chaleur que je ne parviens pas à déchiffrer.
— Alors, ils ne sont pas morts ? demande-t-elle finalement, sa voix douce mais empreinte d'une étrange gravité.
Je lâche un rire sans joie, un son sec, presque amer.
— À mes yeux, c'est tout comme, dis-je en haussant légèrement les épaules.
Je m'attends à une remarque acérée, peut-être même un jugement. Mais elle reste silencieuse. Et puis, doucement, sa voix s'élève, comme un murmure dans la nuit.
— Il est des morts plus cruelles que celles du corps, dit-elle doucement. Quand quelqu'un qui devrait vous aimer choisit de ne pas le faire... c'est comme si l'on devenait un fantôme. Invisible. Intouchable. Vivant, mais mort dans leurs yeux.
Ses mots me frappent comme un coup direct à l'estomac, me coupant presque le souffle. Je relève la tête, cherchant son regard, et je le trouve. Ses yeux vairons brillent d'une émotion que je ne parviens pas à identifier, mais qui, étrangement, semble familière.
— Tu vois ce que je veux dire ? ajoute-t-elle, un léger sourire triste effleurant ses lèvres. Ils ne sont pas morts, mais ils t'ont tué un peu, toi.
Je reste sans voix. C'est peut-être la première fois depuis longtemps que quelqu'un met des mots aussi précis sur ce que je ressens, même si je ne l'ai jamais formulé ainsi moi-même.
— Tu es... surprenante, murmuré-je finalement, presque malgré moi.
Elle hausse légèrement les épaules, un geste qui trahit une forme de désinvolture étudiée.
— Parfois, il faut l'être. Pour survivre, répond-elle simplement.
Je ne sais pas quoi répondre à cela. Alors je ne dis rien. Mais dans ce silence, il y a quelque chose de nouveau. Une compréhension tacite. Un fil invisible qui se tisse entre nous.
Un calme presque palpable enveloppe la pièce, seulement troublé par les faibles notes de musique qui émanent encore de mes écouteurs, oubliés sur le banc. Anastasia reste debout devant moi, son regard vairon accroché au mien, et pendant une fraction de seconde, il semble que tout le poids de nos passés flotte entre nous.
Je déglutis, surpris par mes propres pensées, et avant de pouvoir me retenir, les mots glissent hors de ma bouche.
— Je suppose que si tu es la personne que tu es aujourd'hui, c'est à cause des événements que tu as vécus, dis-je, ma voix basse mais ferme.
Elle relève légèrement le menton, mais ne dit rien, m'incitant à continuer.
— Je suis persuadé que tu n'es pas si mauvaise que cela, Anastasia. Que tu agis en conséquence. Que tu te protèges... de ce monde.
Je ne sais pas pourquoi je dis cela. Peut-être parce que je le pense vraiment, au fond. Peut-être parce qu'en elle, je vois un écho de mes propres cicatrices, un reflet d'une âme marquée mais debout. Même si je n'irai jamais jusqu'aux actes qu'elle a pu faire.
Ses lèvres s'entrouvrent légèrement, et je remarque à quel point leur contour est parfait, délicat. Elle détourne les yeux un instant, comme si mes mots l'avaient touchée plus qu'elle ne veut l'admettre.
Un pas. Je ne sais pas lequel de nous le fait en premier, mais soudain l'espace entre nous se réduit, comme attiré par une force invisible. Une mèche de ses cheveux humides glisse sur son visage, cachant partiellement son œil bleu intense. Avant même de réfléchir, ma main se lève et la replace doucement derrière son oreille.
Elle ne recule pas.
Mon geste ralentit, ma paume effleurant brièvement sa joue. Sa peau est douce, et pourtant il y a une chaleur, une force dans ce simple contact qui me donne envie de ne pas retirer ma main. Mon pouce frôle la courbe de sa mâchoire, et je saisis doucement son menton pour qu'elle me regarde.
Et elle me regarde.
Pas comme une femme qui analyse ou jauge. Pas comme une adversaire qui cherche à manipuler. Elle me regarde d'une manière brute, vulnérable, presque troublante. Et moi, je me rends compte que je la fixe de la même façon. Comme si rien ni personne d'autre n'existait.
Le temps semble s'étirer. Mes pensées se brouillent, mon cœur bat plus vite. Je ne comprends pas ce qui se passe. Tout ce que je sais, c'est que je ne veux pas que cela s'arrête.
Et puis, elle bouge.
Ses lèvres s'écrasent sur les miennes avec une urgence brutale, presque désespérée. Le contact me foudroie, une décharge électrique qui parcourt tout mon corps, plus intense que tout ce que j'ai jamais connu.
Le baiser est charnel, profond, débordant d'un désir qui m'enflamme. Sa main s'accroche légèrement à mon haut, tandis que mes doigts glissent sur sa nuque, l'attirant encore plus près. La chaleur de ses lèvres, la douceur de son souffle, l'intensité de ce moment... C'est comme si je découvrais un nouveau langage, une vérité cachée que je n'avais jamais osé explorer.
Et puis, soudain, elle se retire brutalement.
Je reste figé, ma main toujours sur sa nuque, mes lèvres encore brûlantes de ce contact pourtant si court. Anastasia baisse la tête, évitant mon regard. Sa respiration est rapide, comme si elle avait couru un marathon.
— Je suis désolée, murmure-t-elle, sa voix presque tremblante.
Je veux parler, mais aucun mot ne sort.
— C'était une erreur, continue-t-elle. Oublie ce qu'il vient de se passer.
Avant que je ne puisse réagir, elle recule d'un pas, puis d'un autre, avant de se tourner complètement et de disparaître par la porte qu'elle avait franchie quelques minutes plus tôt.
Je reste là, debout, les bras ballants, le cœur battant à tout rompre. Je n'arrive pas à réaliser ce qui vient de se produire.
Mes doigts glissent inconsciemment sur mes lèvres, comme pour me souvenir de la sensation, pour me prouver que c'était réel. Ce baiser... ce moment... c'était tout sauf une erreur.
Mais alors, pourquoi est-elle partie ?
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J'espère qu'il vous aura plu 🥹
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