Chapitre 5 - Xan
Dans la journée de dimanche, Xan avait fini par accepter de retrouver Orion à la bibliothèque pour faire des recherches à propos de la magie du meurtrier. Ils s'étaient bien rendus compte qu'ils n'avaient jamais entendu parler d'une capacité à copier les pouvoirs des personnes à proximité, cela n'avait pour eux aucun sens. Xan s'y rendit donc en début d'après-midi, trainant des pieds, perdu.e dans ses pensées. Iel songeait à la manière dont Orion avait réagi la veille, lorsqu'iel lui avait parlé de la vision qui lui était venue lorsqu'ils étaient dans la forêt. Xan avait essayé tant bien que mal de la raconter en détail, mais iel se souvenait de peu de choses, déjà qu'il lui avait été compliqué de comprendre de quoi il s'agissait lorsque la vision lui était venue. Tout était flou et incohérent, iel avait du mal à s'imaginer cela comme un souvenir potentiel ou une prédiction, peut-être que c'était juste un coup de folie, parce qu'iel était fatigué... Mais Orion avait été grandement surpris et s'était demandé si ce n'était pas une évolution du pouvoir de Xan, même si cela avait peu de lien avec la guérison. Ils avaient bien observé qu'il était possible de développer toute sorte de pouvoir, et qu'un magicien avait certainement des capacités cachées.
Orion avait donc semblé être convaincu par l'idée que ce soit une image prémonitoire, que quelque chose de ce genre arriverait ; quelqu'un en talons, avec une flaque de sang à ses pieds. Ils avaient d'abord songé que peut-être l'assassin aurait trouvé une complice, qui l'aiderait dans ses meurtres, ou peut-être que quelqu'un d'autre vienne viser l'université en ayant appris sa vulnérabilité récente. Quoi qu'il en soit, il ne s'agissait pas de quelque chose de rassurant, et ils s'étaient mis d'accord sur le fait qu'il faille trouver une manière rapide d'éliminer au moins la première menace, celle qui planait sur eux depuis des mois.
C'était donc pour cela qu'ils se retrouvèrent entre les grandes rangées de la bibliothèque, à fouiller parmi les livres de magie, dans l'espoir de trouver des informations sur la possibilité de rassembler et utiliser le pouvoir des personnes alentour. La salle était immense et il y avait des livres par milliers, Orion et Xan se demandaient même s'il était possible qu'ils aient tous été lus, et certains devaient être assez anciens pour dater de plusieurs siècles et avoir pris la poussière avec le temps. C'était ces livres-là, qu'ils cherchaient, ceux qui étaient rares et avaient été très peu inspectés, ceux qui pourraient cacher des choses dont personne ne connaît l'existence, exception faite de ceux qui recherchent exactement cela. Xan dut retenir un éternuement après avoir fait remonter la poussière des étagères les moins explorées.
— C'est vraiment étrange qu'aucun de nos professeurs n'ait parlé de cette capacité... Même dans le cours des fondements de la magie ou de développement des dons, chuchota Orion en sortant un livre pour y lire le résumé.
Les yeux encore humides de son éternuement refoulé, Xan acquiesça. De ses doigts ornés de bagues anciennes, iel effleurait l'étagère en face de son ami, en répondant :
— Peut-être qu'ils ne savent pas que ça existe, que c'est quelque chose que seuls ceux qui s'y intéressent vraiment veulent comprendre et donc se renseigner dessus. Ou alors c'est justement trop ancien, personne n'a lu dessus, et ça s'est éteint comme une légende.
— Mais ils font bien des recherches pour leurs cours ; même si c'est caché ils devraient l'avoir trouvé, quand même.
— Peut-être n'y croyaient-ils pas.
Ou qu'ils préféraient ne pas en parler à des étudiants. Xan sortit un livre intitulé Magie et évolutions, iel le feuilleta jusqu'au sommaire, avant d'en parcourir les titres du bout de son index. Rien ne capta son attention, iel le reposa en soupirant. Puis dit, exaspéré.e, à Orion :
— Et si c'est quelque chose de totalement secret, pourquoi serait-il dans les pages d'un livre dans cette bibliothèque ?
— Que veux-tu qu'on fasse ? On ne perd rien à regarder, à part du temps. Peut-être que c'est quelque chose qu'ils réservent justement aux étudiants les plus curieux, et pas à n'importe qui. C'est pour ça qu'il faudrait bien fouiller.
Xan soupira de nouveau, cela ne faisait quelques minutes seulement qu'ils se perdaient dans les allées, mais la frustration de ne rien trouver d'intéressant malgré les nombreux titres parcourus et les sommaires observés était bien là. Le temps passa et rapidement une heure s'écoula, ils étaient sur le point d'abandonner. Mais ils se forcèrent ; qu'avaient-ils de mieux à faire de toute façon ? La bibliothèque était vide, alors y rester n'était pas un problème, et ils étaient au moins au chaud. Le seul problème était l'obligation de se baisser sans cesse pour observer les livres du bas, ce qui leur donnait mal au dos et aux jambes. Au bout d'un moment, un ouvrage attira l'attention de Xan, qui lut Quelques principes de la magie noire. Il semblait que cette fois, iel eut trouvé le jackpot.
— Est-ce de la magie noire à ton avis, que pratique le meurtrier ? demanda-t-iel, en relevant le visage vers Orion.
— Peut-être, montre ce que t'as.
Le livre passa des mains de l'un.e à l'autre. L'étudiant.e observa Orion parcourir les pages, atteindre un chapitre, et un sourire sincère s'épanouit sur son visage, quand il lut :
— « Chapitre vingt-six : Récolter des pouvoirs pour devenir plus fort ».
— Il faut qu'on l'emprunte !
— Attends, attends, je cite : « Il semblerait évident que pouvoir multiplier les magies soit possible, ce serait comme être empathique. A un niveau surhumain. Cela demande effectivement un long temps d'entraînement et d'assimilation, mais si vous avez grandi dans un entourage de magie, avec un peu de volonté, vous pourrez y parvenir sans difficulté. ». C'est exactement ce qu'on cherchait !
Xan fut si heureux.se d'avoir enfin trouvé quelque chose de convenable qu'il se mit à enlacer Orion, oubliant tout ce qu'il s'était passé la veille et avait lancé un léger froid sur leur relation. Les deux amis arrivèrent au bureau pour emprunter le livre, où un étudiant salarié dormait à moitié. Il releva la tête de ses bras en les entendant arriver, et les salua. Quand Orion tendit l'objet pour qu'il puisse noter l'emprunt, son regard se posa sur le titre.
— Vous vous mettez à la magie noire alors ? plaisanta-t-il d'une voix moqueuse.
— Oui, ce sera toujours mieux que passer mon dimanche après-midi derrière un bureau à dormir, répondit Orion, mauvais.
Le sourire du jeune bibliothécaire se décomposa, et Xan se retint de pouffer de rire, plus encore quand il répliqua d'un air hautain :
— Moi au moins je suis payé.
Orion ignora sa remarque en récupérant le livre et quittant la bibliothèque. Dehors le froid était mordant, ils avaient remis leurs manteaux et leurs écharpes mais en un instant leur bout du nez se mit à rougir. Ils décidèrent alors d'aller dans la chambre d'Orion en vitesse pour découvrir le contenu de leur emprunt tranquillement. Une fois installés, mis à l'aise, et confortables, Orion tourna les pages jusqu'à arriver au chapitre souhaité.
Dans l'ouvrage, il était donc expliqué que le fait d'utiliser la magie d'autres personnes était quelque chose que n'importe quel magicien pouvait faire, s'il était prêt à y consacrer des mois, ou plutôt des années, de travail acharné. Il fallait s'entraîner petit à petit, avec une personne d'abord, développer son empathie énergétique. Mais tout comme l'évolution des pouvoirs personnels, c'était quelque chose qui était possible.
— Peut-être que si les professeurs n'en parlent pas, c'est parce que justement c'est une pratique de la magie noire, qui n'est pas acceptée dans notre école.
— Bien sûr, ils nous forment pour faire le bien, mais est-ce que cela ne pourrait pas être utilisé pour de bonnes raisons ?
Xan haussa les épaules, et se pencha pour continuer sa lecture, jusqu'à tomber sur une phrase qui, justement, en parlait : « En revanche, l'utilisation trop fréquente de cette magie multipliée, peut mener à une importante déraison, menant l'utilisateur à pousser trop loin ses limites. Naît chez cette personne alors un désir insatiable de posséder toujours plus de pouvoir, toujours plus de force. ». Tout s'éclairait alors, c'était donc cela la raison pour laquelle cette pratique était restée secrète. Xan soupira, en s'allongeant sur le lit :
— Donc on est face à quelqu'un de complètement fou, qui a perdu le contrôle de sa raison.
— Est-ce qu'on est surpris qu'il soit fou ?
— Tu as raison, ce n'est pas étonnant. Bon... Maintenant qu'on en a compris un peu plus, que faisons-nous ?
— Eh bien... Telle est la question, souffla-t-il en imitant la position de son ami.e.
A la limite du désespoir, Xan se sentait complètement impuissant.e. C'était facile d'en apprendre plus sur un sujet, de mieux comprendre, mais bien plus difficile d'agir, de trouver quoi en faire. Alors ils restaient là, à fixer le plafond, les paupières menaçant de se fermer tant ils étaient fatigués, épuisés mentalement. Face à ce gouffre d'impossibilité qui les empêchait d'avancer. Comment se débarrasser de quelqu'un de largement plus puissant qu'eux tous réunis ? Comment protéger tout le monde de cette personne ? Plus le temps passait, plus ils sombraient dans l'incertitude, se demandant s'ils n'étaient finalement pas tous voués à la mort.
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