Chapitre 18 - Hëna
Le lendemain fut un beau dimanche ensoleillé, la plupart des étudiants sortait dans la cour principale pour se reposer ou étudier en extérieur. Hëna avait échappé à Mélodie qui passait son temps à parler de son copain Jess, pour aller réviser ses répliques pour la comédie musicale. Elle choisit donc de s'installer près des autres, assise sous une des arches qui entourent la cour, le dos callé contre une colonne. L'architecture de l'école lui avait toujours plu, datant d'il y a plusieurs décennies comme c'était le cas de l'université. Elle rappelait l'élégance et le romantisme de la Renaissance, avec ses arches et colonnes majestueuses. Les couloirs étaient toujours frais, avec leurs murs de pierre, et les quelques fenêtres en ogive laissaient passer une douce lumière. Toute cette atmosphère empreinte de mystère et de solennité rappelait toujours avec grand soin le riche héritage de la magie et du savoir qui empreignent chaque recoin de ce lieu.
Hëna commença seulement à plonger son nez dans le script de sa pièce, lorsqu'elle entendit une voix familière prononcer fièrement :
- Echec et mat.
La jeune fille se leva pour découvrir non loin d'elle, les deux élèves assis face à face sous une autre arche, un échiquier au centre. Pandore était là, un sourire éclatant collé au visage, les yeux détaillant la réaction de son adversaire. Hëna se racla la gorge, ses mains posées sur les hanches, suscitant leur attention, et remarquant particulièrement le dédain soudain de Pandore.
- A moi de jouer avec elle, lança Hëna en demandant au jeune homme de partir en un coup de tête.
Celui-ci hésita un instant, Hëna reconnut le camarade de classe, qui était assis aux côtés de Pandore dans certains cours, elle se demanda s'ils étaient proches. Pandore lui demanda de partir et lui promit une autre partie, et le brun quitta alors sa place, à laquelle Hëna s'installa rapidement.
- Qu'est-ce que tu me veux ?
- Juste une partie, répondit Hëna en replaçant les pièces sur le plateau.
- Pour te faire écraser encore une fois ?
Hëna releva sur Pandore un sourire amusé, puis s'adossa à la colonne fraiche même contre ses vêtements et malgré le soleil qui frappait.
- Je n'ai pas peur de toi, Pandore, essaie de m'écraser, je t'en prie, dit Hëna en retournant le plateau afin que son adversaire ait les pièces blanches.
Pandore déplaça alors un pion, lentement, tenant élégamment la pièce en bois entre ses doigts joliment manucurés. Hëna tenta alors une défense sicilienne en déplaçant son pion en c5. Pandore sourit et plaça son cavalier en f3 de manière confiante :
- Plutôt classique, voyons comment tu vas continuer...
- Probablement mieux que ton ancien adversaire... Quel est son nom ? demanda Hëna en déplaçant à son tour son cavalier, et relevant le regard sur Pandore.
- Marius. Jalouse ?
La partie était fluide, les mouvements rapides démontraient du savoir technique des deux filles, chacune cherchait à obtenir l'avantage sur l'autre, en jouant avec précision et confiance. Hëna cherchait cependant à trouver comment se justifier de l'intérêt subit porté à son camarade.
- Non, je ne suis pas jalouse, je cherche juste à comprendre pourquoi tu cherches à t'attaquer à moins fort que toi...
- Ne te surestime pas, répondit Pandore qui avait compris le sous-entendu derrière les paroles de sa rivale. Ton fou a l'air bien bloqué d'ailleurs.
Hëna déplaça son fou pour menacer le cavalier de Pandore, qui murmura un « intéressant », et Hëna lança :
- Alors, tu n'as pas peur de retourner en cours après la révélation d'hier ?
- Non, tout le monde pensera que tu as menti pour obtenir de l'attention.
- Aucun risque.
- Ah bon ? Qui est-ce qui pleurniche pour ne pas avoir eu le premier rôle et serait prête à tout inventer pour faire tomber les autres ?
- Je te déteste, murmura Hëna entre ses dents tout en mangeant l'une des pièces de Pandore.
- Echec, répondit simplement Pandore en jouant sa pièce. Tu as trop honte pour voir la vérité en face ?
Tandis qu'elle essayait de se libérer de l'emprise de Pandore sur le jeu, Hëna tentait de dissimuler sa colère, mais Pandore continuait :
- Tu as beau essayer tout ce que tu peux, c'est toujours moi la meilleure, ça fait mal hein ? Tu peux être prétentieuse autant que tu veux, mais ça ne cache en rien qui tu es vraiment : une petite fille capricieuse, qui ne supporte pas de voir quelqu'un qui la dépasse. Au moins, ce que j'obtiens, je le mérite.
- Tais-toi.
- Me taire ? Pourquoi donc ? Parce que je dis la vérité ? Pourtant je suis bien celle qui a dû subir tes paroles vides, je suis bien celle que tu as sans cesse attaquée, et ce pour quelle raison ? Parce que je suis meilleure ?
Hëna tentait de contenir sa colère, fermant fermement les poings, et détournant le regard, mais Pandore, confiante, continuait calmement, comme si c'était la chose la plus facile au monde :
- Tu n'as plus rien à dire, c'est mignon. On dirait que tu commences seulement à comprendre que parfois le silence vaut mieux que l'expression vide de ton esprit.
Elle marqua une pause, déplaçant pour la dernière fois sa tour vers le roi d'Hëna :
- Echecs et mat.
Hëna resta sans voix, elle ne s'attendait pas à subir autant en lançant une simple partie avec elle, mais la voilà secouée face à la manière dont Pandore a su retourner la situation. Celle-ci avait de nouveau son air fier de gagnante, et Hëna posa sur elle un regard enragé, et se leva, en murmurant :
- Je ne te laisserai pas prendre le contrôle de cette manière.
Pandore se leva alors également, et s'approcha de sa rivale, murmurant à son oreille un simple :
- Essaie.
Figée, Hëna ne bougea pas, et Pandore recula, un sourire calme étirant ses lèvres. Hëna ne parvenait pas à se séparer de la sensation du souffle de Pandore près de son oreille, caressant ses cheveux, et de la proximité de leurs corps. Elle s'apprêta à répliquer, prenant une longue respiration.
Soudain, les deux filles entendirent des cris qui les firent sursauter. Le cœur d'Hëna se mit à battre, toutes les émotions de l'instant se mélangèrent, et elle essaya de comprendre ce qu'il se passait, la vue floutée.
- Au feu ! Appelez les pompiers, criait un élève, qui courait pour prévenir les autres.
Certains couraient loin de la panique, et d'autres se hâtèrent d'aller vers l'accueil de l'université où l'on pouvait trouver le téléphone. Hëna ne bougea pas d'un pouce, sous le choc, quand elle aperçut les flammes et la fumée qui grandirent jusqu'au ciel. Pandore criait mais Hëna n'entendait qu'à moitié :
- Ne reste pas ici, il faut partir ! Hëna, bon sang, arrête ça.
La tête commençait à lui tourner, le regard toujours figé sur la source de chaleur. Les autres élèves s'éloignaient, paniqués. Hëna ne comprenait que des bribes de conversations, mais l'inquiétude se fit sentir. Pandore attrapa la main de sa camarade et l'entraîna à l'intérieur pour la sortir de l'enceinte du campus. Hëna vit certains empêcher la progression du feu avec des seaux d'eau, et l'alarme incendie se déclencha, la poussant à plaquer ses mains à ses oreilles.
Devant l'entrée de l'université se réunissait la plupart des étudiants restés ce weekend. Le principal les avait rejoints, leur demandant de se ranger par classe, et de rester calmes, la situation était sous contrôle. Au bout de plusieurs minutes, des camions de pompiers arrivèrent, et un soupir de soulagement se fit dans la foule. Et au bout de quelques instants, l'incendie fut éteint.
Lorsque M. Briggs demanda une explication, personne ne sut dire d'où venait l'incendie. Pandore s'avança alors lentement, non sans un regard envers Hëna, et la dénonça sans aucun scrupule, racontant leur dispute et la colère qu'elle avait pu ressentir. Hëna sentit alors son cœur se briser d'un coup, et la honte l'assaillir jusqu'à la faire rougir, elle commença donc à se défendre :
- Non, je n'ai rien fait, je vous le promets, je le promets !
Mais son pouvoir était connu, elle était la seule parmi les étudiants à pouvoir créer du feu, et personne d'autre n'avait de quoi déclencher de telles flammes. M. Briggs demanda alors à ce qu'elle soit emmenée dans son bureau. Un surveillant s'approcha alors d'elle, mais Hëna refusait catégoriquement d'être emmenée, criant à l'injustice et menaçant de frapper quiconque s'approcherait d'elle. Alors deux autres adultes virent, et la prirent par les bras pour la traîner à l'intérieur, pendant qu'Hëna se débattait en hurlant :
- Je n'ai rien fait, vous n'avez aucune preuve ! Lâchez-moi tout de suite ! Allez tous en enfer. Vous n'avez pas le droit.
Au bout d'un moment, Hëna abandonna, et laisser son regard croiser celui de Pandore, elle espérait qu'elle y trouverait toute la haine qui lui était désormais dévouée. Puis ses yeux rencontrèrent ceux d'Orion, puis elle le vit murmurer quelque chose à Pandore.
Hëna finit par suivre les surveillants qui l'emmenaient au bureau, réfléchissant à des contre-arguments, et à une manière de se sortir de cette situation. Elle maudit Pandore une bonne dizaine de fois, et laissa des larmes ruisseler sur ses joues, se demandant ce qui lui arriverait si elle était punie ou exclue.
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