Même si le contexte s'y prête fortement, je ne m'y attendais pas du tout.

Elle ne l'entend pas, mais mon cœur tambourine dans ma poitrine.

J'hésite à me lancer, j'ai toujours trouvé cela naïf et enfantin d'être attaché à une personne, mais d'un autre côté, cela fait bien longtemps que je garde en moi ce que je me refuse de croire : j'aime Riva.

Ces paroles ont l'effet d'un tremblement de terre au plus profond de mes entrailles, le monde semble s'être arrêté autour de nous depuis qu'elle m'a demandé cette faveur, celle de l'embrasser.

Le souffle court, les mots résonnent dans mon esprit comme une douce mélodie. Le choc donne place à un mélange d'émotions indescriptibles, un tourbillon de joie, de confusion et de bonheur pur.

C'est donc ça que ressentent les gens qui aiment profondément quelqu'un ?

– Riva, commencé-je, je ne veux pas que tu te force pour moi. Je ne veux pas que ça se déroule d'une manière si effrontée et irréfléchie.

– Ce n'est pas...

– Laisse-moi finir, s'il te plaît.

Mes mots, bien qu'incertains, allaient enfin franchir la barrière de mes peurs dans cette pièce tamisée où je distingue à peine les traits de ma danseuse.

Or, le regard qu'elle me lance, empreint de curiosité, m'encourage malgré mes mains tremblantes. Prenant une profonde inspiration et rassemblant tout mon courage, je m'élance :

– Je ne souhaite qu'une chose depuis que tu es apparu devant moi sur ce parquet, mais je m'abstiens depuis tout ce temps parce que je te respecte, Riva. Je tiens à faire les choses de la meilleure manière qu'il soit, pas dans une chambre après avoir passé une soirée qui favorise le rapprochement. Comprends-moi, je veux juste que ce moment que nous partagerons puisse rester graver dans notre mémoire aussi longtemps qu'on le pourrait et être certain de ne pas le regretter les jours à venir.

Je l'observe, cherchant dans ses yeux une réaction. Je me surprends à ressentir un mélange déconcertant d'appréhension et d'espoir, me demandant comment elle allait accueillir cette réponse inattendue.

Comment je peux me laisser à tel point déboussolé par un petit bout de femme comme elle ? En bientôt dix ans de succès, rien ne m'a plus jamais ébranlé depuis que j'ai mis un terme à ma carrière de chanteur !

Son sourire s'étire lentement sur son visage fin dénué d'artifices, je pourrais réellement craquer, là, maintenant, mais je ne dois pas faillir. Pour elle, pour moi, et pour notre potentiel avenir professionnel et personnel.

Je vois peut-être trop loin, mais je ne me suis jamais autant projeté dans un futur avec une femme.

– Je suis déçue, mais contente. C'est étrange, non ? riote-t-elle, amusée en caressant mes joues avec une douceur hypnotique. Ça ne change rien, Dohän. J'attendrais que nous soyons tous les deux prêts.

– Ce n'est pas ça le problème, Riva, expliqué-je, en me levant afin de lui faire face, embarrassé par la situation.

– Je ne vois pas ce que ça pourrait être d'autre.

Malgré moi, je ricane devant son air vexé.

– Ça te fait rire ? lance celle-ci la mine boudeuse.

– Oui, dis-je en enlaçant sa taille, la ramenant vers moi, tu es marrante quand tu es contrariée.

– Tu aimes ça, n'est-ce pas ? Persécuter les autres, tranche Riva d'un air détachée

– Moi ? Tu devrais me connaître depuis le temps.

– C'est bien ce que je dis, tu aimes jouer avec les gens.

– À t'entendre, on aurait l'impression que je suis un type ignoble qui passe son temps à rabaisser tout le monde pour se sentir plus fort.

– Ce n'est pas le cas ? Qui est le Dohän que j'ai rencontré le premier jour ?

– Ce que j'essaye de te dire, c'est que ce n'est pas méchant.

– Je sais bien ! S'écrit-elle en levant les bras en l'air. Moi aussi, j'aime te faire tourner en bourrique et tu as plongé.

– Dis-moi Riva, ajouté-je plus sérieusement, pourquoi aimes-tu ma présence alors que je suis visiblement aussi... Ignoble ?

Ma partenaire me toise, les yeux écarquillés. D'abord hésitante, elle repose son regard empli d'émotions qui me sont inconnues sur moi.

– Tu n'es pas ignoble. Tu es exigeant. Beaucoup de personnes l'ont été avec toi, c'est normal qu'à ton tour, tu souhaites avoir et trouver ce qui est à tes yeux la perfection.

Rassuré, je lui souris en retour, prenant son visage dans mes mains.

– Mais sais-tu que je l'ai déjà trouvé, cette perfection ? Après des années à me sentir seul et incompris, je sais dorénavant ce que ça fait que d'aimer et d'être aimé.

Face à face, nos yeux plongés l'un dans l'autre, aucun mot n'est nécessaire, car tout se dit dans nos regards. Ses yeux brillent d'une tendresse infinie, remplis de promesses et de douceurs. Les miens doivent sûrement refléter une admiration silencieuse et un amour serein, comme si je la redécouvrais à chaque instant.

Le temps se suspend alors que nous nous parlons sans une parole, juste à travers cet échange muet, où chaque battement de cœur résonne en écho dans ce silence partagé.