24-Elle
L'eau coule sur mon visage penché en arrière. La chaleur qui glisse sur ma peau nue ne m'aide pas pour penser à autre chose que ce qui me tenaille depuis la veille.
Qu'est-ce qu'il s'est passé au juste ? C'est comme si j'avais été transporté par une sensation incontrôlable, une transe rythmique à cause de la chanson et de la présence de Dohän.
C'était quoi ce rapprochement ? Je me sens vraiment mal à l'aise de ce que j'ai osé faire avec lui. Et de son côté, pourquoi a-t-il agi de la sorte ?
Tout se bouscule dans ma tête, je n'ai pas hâte de le croiser ce matin. Comment il va se comporter ? Et moi ?
- Oh, et puis après tout, ce n'était qu'une danse, Riva !
Pourquoi j'en fais des tonnes ?
Wade m'attend devant la maison, j'imagine qu'il a déjà déposé Dohän à la salle de danse.
– Bonjour, lancé-je accompagné d'un timide sourire.
– Bonjour, Riva, comment allez-vous ce matin ?
– Bien, merci.
– Seulement bien ?
– Oui, j'ai connu de meilleures nuits.
Faire la conversation ne fait pas partie de ma nature, encore moins quand je connais à peine les gens.
– La literie n'est pas confortable ?
De quoi parle-t-il ?
– Bien sûr que si !
– Comment trouvez-vous la maison ?
– Immense. On s'y perd facilement.
– La salle de danse vous plaît ?
Punaise ! Il les enchaîne les questions, dit donc.
– Elle est pratique, dis-je sans m'attarder avec les détailles.
– J'espère que Dohän vous traite bien, il n'a jamais invité de femme chez lui. C'est plutôt un solitaire d'ordinaire.
– Tant mieux. Moi aussi.
Je me demande ce qu'il essaye de savoir. Est-ce que Dohän lui a donné une mission ? Celui de tâter le terrain pour savoir comment je me sens ?
– Il n'a pas l'air comme ça, mais c'est un bon garçon.
– Je n'en doute pas.
Je tente de lui offrir le plus beau sourire qui soit lorsqu'il me lorgne dans le rétro, mais il est tout aussi coincé que je le suis dans cet échange avec Wade.
– Je suis fière de son parcours, je travaille pour lui depuis plus de huit ans, maintenant. Il a pas mal changé, mais c'est bien qu'il se soit forgé du caractère.
– C'est un peu trop, je dirais.
– Vous le trouvez comment ?
– Dohän est...
Je réfléchis essayant de rassembler les bons mots, mais finalement en y pensant, il n'y a pas de bons mots pour ce genre d'homme.
– Il est versatile, arrogant, cynique, orgueilleux, méprisant et irrévérencieux parfois.
– Je vois. Vous ne l'avez donc pas encore vu sous son meilleur jour.
– Il en a un ?
– Bien entendu ! Dohän n'ose pas se montrer tel qu'il est, tout simplement.
– Pourquoi ? Ça n'est pas la mer à boire !
– Disons que la célébrité oblige à devenir une personne qu'il n'est pas réellement.
– C'est idiot.
En repensant à la veille, je profite que Wade soit d'humeur bavarde afin de lui poser à mon tour la question qui me trotte dans la tête.
– Est-ce que vous savez pourquoi il a arrêté la musique au point de détester son propre album ?
– Détester ? Non, il ne déteste pas ce qu'il a fait, vous devez vous tromper.
– C'est pourtant le cas. Hier, il a jeté son album que j'écoutais.
– Oh. À ce point ? Cela m'étonne. Il n'aime pas en parler, c'est tout ce que je sais.
C'est tout ce qu'il sait où c'est une façon d'éviter le sujet ?
– Il m'a ignoré toute la journée juste pour cette raison.
– Vraiment ?
Ce dernier semble tout aussi surpris que je l'ai été. C'est étrange, j'étais pourtant sûre d'en apprendre plus, mais visiblement, ce n'est pas le cas.
Quoique...
– C'était une période très difficile pour lui. Il venait de gagner une émission de chant, il a ensuite participé à un concours mondial de musique en arrivant dans le top trois. Dohän gardait la tête sur les épaules, croyez-moi, il était conscient de ce qu'il faisait, mais le monde de la musique est très fermé et impitoyable.
Intéressée par cette anecdote, je l'écoute bien que nous soyons déjà arrivés au pied de l'immeuble de danse.
– Pour son jeune âge, il a beaucoup enduré, surtout lorsqu'il a sorti son album. Il en était fière au début, je vous assure, mais au fil des semaines les critiques fusaient et même s'il était passionné, il a tout laissé tomber dès que l'occasion s'est présenté.
– Après la compétition de danse ?
– Exactement. Il a gagné cette émission et s'est ensuite consacré à la danse. Depuis que je travaille pour lui, je lui ai maintes fois proposé de saisir sa chance dans la chanson, d'une parce que je sais que ça lui manque, mais de deux parce que je suis certain que ça relancerait sa carrière.
– Et il a dit quoi ?
– Il refusait, ou il restait muet. Il faut savoir que des personnes paraissant aussi fermées que lui peuvent avoir souffert par le passé. Je pense qu'il est comme ça parce qu'il pense que c'est la meilleure solution. Au début de sa carrière, il a été très peu respecté, c'est comme une sorte de revanche.
– Je comprends.
– Dohän est seul. Sa famille compte beaucoup pour lui, mais elle est restée au pays. Il n'a aucun soutien hormis le mien, mais ça ne fait pas pencher la balance, si vous voyez ce que je veux dire.
Je vois très bien, en effet. Ma propre famille est en France, en province. Même sur Paris, je me sentais seule, ceci est pire à des milliers de kilomètres d'eux. Ça peut changer une personne, je ne dis pas le contraire.
– Vous y êtes ! me coupe Wade dans mes pensées.
– Merci à vous. Vous savez, ajouté-je à l'extérieur, penchée à sa fenêtre, il faudrait dire à Dohän d'arrêter de vous faire faire des va-et-vient. Ce n'est pas cool pour vous et encore moins pour la planète.
Ce dernier rigole de bon cœur et je le salut de la main avant de m'engouffrer dans l'immeuble, prête à faire face à mon patron.
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