Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

[L02] Au plus haut point languit mon cœur (2/2)

Le lendemain, ce fut au tour de Petite Pierre Noire de disparaître sans crier gare. Me voyant arpenter la cour en marmonnant, Éclat de Fer m'informa qu'il l'avait aperçue quittant la propriété de bon matin, en direction de la forêt.

J'avalai la côte de la colline d'un pas ample. Derrière la butte, une marée pailletée d'or engloutissait les contreforts des monts Kūnyú. Çà et là, des conifères crevaient la futaie de leurs parures inaltérables. Des rapaces planaient sous le plafond tumultueux, lourd d'une menace larvée. Les gloussements et roucoulements cachés des geais, bécasses et autres faisans se renvoyaient un avertissement d'un écho à l'autre. Le monde des hommes s'arrêtait à cette frontière bruissante de vie ; il en coulait une fragrance sauvage qui éveillait quelque respect primitif.

Je trouvai Petite Pierre Noire au sommet, devant la toile de cette nature farouche. Elle s'était installée dans l'herbe perlée d'humidité sur une courte natte de jonc, toute frissonnante de vent d'automne. Son regard errait sur les cimes dans sa contenance favorite de déesse inaccessible.

Elle n'était pas seule.

Je me figeai ; quelqu'un m'avait devancé. Quán Ān écrasa quelques brindilles sous ses bottes, du pas lourdaud d'un pachyderme. Elle tourna la tête dans sa direction. De là où j'étais, son profil se découpait sur les nuées brumeuses : l'harmonie d'un nez fin sur des lèvres frémissantes. Aucun d'eux ne me voyait.

— Vous méditez ?

La voix doucereuse du seigneur de ces terres, un peu mélancolique, s'étoffait d'une autre ampleur dans ce théâtre arboricole.

— Je cherche à saisir le sens de cette forêt, à écouter la chanson de ses ruisseaux, à interpréter les murmures des hauts bambous.

Il hocha la tête, comme s'il avait tout compris.

— Peu de gens comprennent ces bois. Les paysans se contentent d'exploiter la lisière, sans s'aventurer sous le couvert épais des frondaisons. Là-bas se trouve le domaine des esprits, des renards et du terrible bāshé qui avale les promeneurs égarés. On raconte qu'un dragon habite en son cœur, sur un trône de bambou, et qu'il délivre les fruits de sa connaissance à ceux assez sages ou assez fous pour le trouver.

— Un dragon, vraiment ?

— Une légende... mais n'ont-elles pas toutes un fond de vérité ? Plus jeunes, mon frère et moi jouions à nous faire peur en nous enfonçant sous les ombrages, lorsque le soleil brillait haut dans le ciel. Nous n'avons jamais croisé de dragon lors de nos courses folles ni de python démesuré, mais des yeux méfiants observaient nos bravades juvéniles. Notre innocence nous protégeait. Je ne sais si j'oserais de nouveau défier les gardiens des lieux.

Il s'assit dans l'herbe humide à côté d'elle, sans même prendre garde aux pans de son chángpáo.

— Pourquoi cet intérêt pour ce pays sauvage ? Vous n'êtes pas d'ici, vous serez bientôt repartie.

— Je cherche à résoudre une énigme dont la clé se trouve au pied de ces montagnes. Elle m'échappe encore, malgré mes prières. Mon esprit peine à s'ouvrir à la sagesse de Wénchāng.

— Oh, vous adorez donc le dieu des lettrés ?

— Je suis l'apprentie de maître Zhé, au temple de Línzı̄. Quand il me jugera prête, je scellerai mes vœux pour devenir prêtresse.

Il réagit avec un léger mouvement de surprise.

— Je suis honoré de la présence d'une disciple du Scribe céleste dans ma demeure. Je vous renouvelle mon offre : ma modeste bibliothèque vous est ouverte. Rien de comparable avec celle de Jìxià, mais vous y trouverez les textes de Qū Yuán et Sòng Yù.

— C'est fort aimable, et je suis impatiente de découvrir tous ces poèmes.

Elle ramena derrière son oreille une mèche évadée de sa natte.

— Et vous ? Vers quel dieu tournez-vous vos prières ?

— Vous savez, nous menons une vie simple, ici, au rythme des saisons et des caprices du ciel. Les dieux ont bien d'autres préoccupations que ces quelques terres, et je me satisfais de leur désintérêt. Si j'ai une faveur à solliciter, je m'adresse avant tout aux trois étoiles du bonheur : Fúxı̄ng, Lùxı̄ng, Shòuxı̄ng. Chance, abondance et longévité. Je ne demande rien de plus.

Ce fut au tour de Petite Pierre Noire d'acquiescer d'un menton sentencieux.

— Une tempérance pleine de sagesse.

Le voile d'un silence léger retomba entre eux ; il semblait que la prêtresse allait reprendre ses méditations et le seigneur s'en retirer, sans que rien d'irrémédiable ne fût prononcé. Un soupir soulagé s'échappa de mes lèvres. Hélas, à cet instant, Quán Ān prit une nouvelle inspiration :

— « Les orchidées en automne sont tendres, délicates,
Vertes en sont les feuilles, mauves les tiges.
Emplissent la salle haute les êtres de beauté
Soudain, te voici seule avec moi, ô perfection des yeux. » [1]

Je ne pouvais nier le brusque emballement de sa voix et Petite Pierre Noire ne s'y trompa pas plus. Elle rougit jusqu'aux oreilles avec la grâce d'une nymphe effarouchée.

— Votre Seigneurie, balbutia-t-elle en détournant la tête. Je... je crois que nous ne devrions pas être seuls ici. Je ne sais si cela est bien convenable.

Elle n'avait pas mis la même retenue à me rabrouer, loin de là ! Je ne supportais pas le regard avec lequel il la couvait. Un tigre rugit dans mes entrailles ; je m'avançai en piétinant les fourrés.

Ils sursautèrent comme deux gamins pris en faute. Un bref effarement traversa les yeux de la prêtresse, une hésitation inquiète. Quán Ān se releva sans précipitation en secouant son manteau boueux.

— Je vais vous laisser. Mes devoirs m'appellent. Merci pour cette conversation.

Il s'inclina très respectueusement et repartit vers sa demeure. Nous nous croisâmes : une brève proximité, un imperceptible frôlement de vêtement. Je courbai mes griffes ; il ne m'adressa pas un regard. Il était le seigneur des lieux ; j'étais un simple dàxiá.

Je rejoignis la place encore prégnante de son odeur, mélange de foins coupés et de terre grasse. Petite Pierre Noire guetta ma réaction avec une tension inscrite dans la crispation de ses lèvres.

— Je te cherchais, avançai-je en guise d'explication.

Elle parut rassérénée que je n'aborde pas la présence de Quán Ān à ses côtés. Peut-être imaginait-elle que je n'avais rien entendu ?

— Que veux-tu ?

Elle restait sur la défensive, mais le soulagement détendait ses traits.

— Hier, tu courais après Tián Jiàn, repris-je. Est-ce que cela signifie que tu as déchiffré le Qíjı̄ng ? Pourrons-nous repartir bientôt ?

— Tu n'as vraiment aucune patience, soupira-t-elle. Je voulais parler de mes progrès au prince, oui, mais il avait d'autres préoccupations en tête.

Saisissant la perche que je lui offrais, elle s'engouffra sur ces sentiers bien moins glissants :

— Les hexagrammes annoncent , , shı̄ et xiǎo chù : l'Attente, la Réflexion, l'Armée, l'Apprivoisement du petit. Le premier est facile à comprendre : nous devons patienter, boire, manger, rester sur place, sans hâte ni préoccupation excessive.

Je reniflai de dépit. Voilà qui n'arrangeait pas mes affaires.

— La suite est plus confuse. L'hexagramme évoque des vers ou des insectes grouillants. Ils incitent à réexaminer la situation pour y puiser des solutions, avant de passer à l'action. Il faut faire attention aux difficultés qui pourraient surgir. Comme par exemple, l'Armée. Elle se trouve au milieu du peuple et constitue un danger. Avec un chef, elle peut devenir un outil efficace, mais l'agitation et l'agressivité peuvent prendre un élan de masse et déboucher sur la guerre. Enfin, le rassemblement de ce qui est, en soi, trop petit peut permettre, avec douceur et diplomatie, d'accomplir de grandes actions.

C'était la première fois qu'elle partageait avec moi toutes ses réflexions. Cherchait-elle à se faire pardonner ou à m'apaiser ?

— Donc nous restons ici ? grognai-je.

Elle confirma d'un signe sec du menton.

— Nous restons, et nous patientons.

Elle n'avait vraiment pas l'air de s'en désoler.

Idiot que j'étais ! Je ne saisis le péril qu'en cet instant de mots furtifs surpris au sommet d'une colline. Regardant autour de moi avec des yeux dessillés, je découvris sur mon goban l'existence de pierres menaçant mes territoires chèrement conquis. Bercé par la mollesse trompeuse de mon ennemi, je m'étais laissé endormir par un faux sentiment de sécurité. Tout risquait de m'échapper.

Je n'étais pas du genre à tergiverser. L'heure était grave. Il me fallait établir un plan de bataille au plus vite, construire une stratégie, rassembler de nouvelles armes. Heureusement, Quán Ān disposait d'un impressionnant râtelier qu'il acceptait de partager. Je m'attelai à partir en campagne.

***

Depuis plus de deux veilles, je m'usais les genoux sur un coussin de chanvre et les yeux à la lumière jaunâtre de la lanterne, courbé sur la table de chêne. Le bas de mon dos protestait d'un tiraillement lancinant. Autour de moi gisaient pêle-mêle les vestiges de cet entraînement éreintant. Un champ de bataille indescriptible.

La flamme de la bougie tressaillit sous un courant d'air ; le rideau s'écarta sur la frimousse intriguée de Petite Pierre Noire.

— Mille Ruses ? s'exclama-t-elle avec un ébahissement perceptible. Que fais-tu ici, à cette heure de la nuit ?

J'aurais pu lui retourner la question, mais je ne relâchai pas ma concentration.

— J'essaie de comprendre ce que ce conseiller frustré a bien pu écrire de si captivant, maugréai-je.

Elle attrapa le rouleau de bambous le plus proche et le parcourut du regard. Je l'identifiai du coin de l'œil. Deuxième chant du Jiǔ Gē : un prince parmi les nuées. Sans même lever le nez de ma propre lecture, je citai :

— « Tu as contemplé l'île du Nord et les autres régions,
Traversé les quatre mers ; comment serais-tu épuisé ?
Je pense à toi, ô prince, extrêmes sont mes soupirs,
Au plus haut point languit mon cœur, triste et soucieux » [2]

— Tu lis de la poésie, toi ? s'effara-t-elle.

L'incrédulité de son ton heurta quelque peu ma sensibilité froissée.

— Et pourquoi pas ? J'apprends de nouveaux pas de danse. Je n'aime pas être désarmé.


*  *  *

1. Qū Yuán – Jiǔ Gē (Les Neuf Chants)

2. Qū Yuán – Jiǔ Gē (Les Neuf Chants)

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro