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[Ch02] En souvenir du bon vieux temps (2/2)

L'établissement de la Grue Céleste n'a pas vraiment changé. Les planches de bois mal équarries ont sans doute quelque peu noirci. Les odeurs de graisse rance imprègnent toujours la salle commune. La clientèle use ses pantalons sur les nattes râpeuses dans une ambiance de quartier populeux et le brouhaha des conversations claque aux tympans dès le seuil franchi. Cíqiǎo fronce le nez. Grand Pin n'a pas choisi l'auberge la plus luxueuse de Línzı̄ pour son séjour.

Zhúgāng s'y présente comme prenant la suite de l'enquête du magistrat Dí. Le tenancier s'incline aussi bas que le permet son embonpoint et ne montre aucune difficulté pour les conduire dans la chambre que louait le défunt, au premier étage d'un escalier de bois branlant.

— Celui-ci n'a touché à rien, Honorable Mandarin, conformément aux instructions du juge Dí !

Devant l'exiguïté du local, Měifèng préfère rester sur le seuil avec Hǔníng. Tous deux discutent à voix basse, et les éclats de rire de la courtisane ponctuent les grondements du gros cuisinier. Pendant que Zhúgāng interroge l'aubergiste sur la soirée du drame, le chien vient se coucher sur ses chaussons de cuir avec un soupir d'aise.

Cíqiǎo s'avance au milieu de l'espace étriqué. La luminosité déclinante plonge la pièce dans une pénombre feutrée. Le soleil effleure déjà le toit voisin. La fenêtre de fine peau séchée absorbe les pâles rayons, mais laisse filtrer un courant d'air glacé.

Elle plisse les yeux. Des brins de paille débordent du matelas jauni posé à même le sol, visible sous l'épaisse couverture de laine. Quelques-uns se sont même échappés sur le plancher usé par les chaussons des clients innombrables. Une coupelle de terre cuite contient encore un peu d'eau. Dans le coin le plus reculé, un coffre ouvert laisse entrevoir une poignée de vêtements de rechange entassés pêle-mêle et un lacet de cuir retenant quelques dāo.

Cíqiǎo frissonne. Elle s'approche de la fenêtre et replace le carré de peau délogé de sa rainure. Voilà qui devrait remédier au froid hivernal !

Pendant que Zhúgāng entraîne un Tāo complaisant dans une fouille méthodique, elle s'assied sur le matelas pour soulager ses jambes fatiguées et méditer. Comme toujours, elle adresse une prière silencieuse à Wénchāng pour qu'il la guide sur le chemin de la clairvoyance. Contrairement à ses aspirations de jeunesse, elle n'est jamais devenue prêtresse, mais a parfois l'impression de sentir l'œil du Scribe céleste sur sa nuque. Les mots familiers l'aident à se vider l'esprit. Les détails inutiles s'effacent devant l'évidence : ils n'ont plus rien à accomplir ici.

Sans surprise, la fouille ne révèle aucune information susceptible d'éclaircir la demande d'audience auprès du roi. Grand Pin a voyagé jusqu'à la capitale avec un bagage minimal. Les dāo et les vêtements de qualité démontrent qu'il aurait pu s'installer dans un établissement bien plus luxueux. Pourquoi, alors, avoir choisi cette auberge modeste ? Cherchait-il à se cacher ? Se sentait-il menacé ? Que dissimule cette mort, la veille du rendez-vous réclamé avec insistance ? Cíqiǎo joue machinalement avec sa natte. Le chien l'observe de ses yeux brillants, les babines retroussées, comme s'il riait d'une plaisanterie intérieure.

Zhúgāng jette le dernier vêtement au fond du coffre dans un geste de mauvaise humeur. Accroupi au bout de la pièce, il se masse l'arête du nez avec un soupir désabusé. Cíqiǎo lui trouve l'air fatigué. Peut-être arrivait-il aujourd'hui même à la capitale ? Un voyage éprouvant pourrait expliquer son attitude bougonne.

En guise de réconfort, leur compagnon à quatre pattes vient fourrer le museau contre son ventre. Surpris, le juge tend la main pour caresser l'animal avec une grimace reconnaissante. Ses traits s'adoucissent un bref instant, puis il se redresse et s'avoue vaincu avec une mauvaise grâce évidente.

Sur ce signal de départ, Hǔníng offre le bras à Cíqiǎo pour l'aider à se relever. Il lui décoche un sourire indulgent.

— Alors, satisfaite de cette visite ?

Elle lisse les plis de son manteau.

— Très, répond-elle avec le plus grand sérieux. J'ai eu toutes les réponses que je cherchais.

*  *  *

Dehors, les ombres ont envahi la chaussée. Les lampions accrochés aux balustrades déguisent la rue en chemin de lucioles. Des notes de musique sortent par les fenêtres et dansent au milieu des promeneurs. Les odeurs de galettes de blé des marchands ambulants se mêlent aux fragrances plus élaborées qui filtrent des maisons avoisinantes. Cíqiǎo en a l'eau à la bouche. Le gargouillement de son estomac lui indique qu'il ne serait pas mécontent de participer à la fête, en dépit de l'entêtement de sa propriétaire.

Elle se tourne vers ses anciens compagnons. Si elle en juge la collection de plis sur le front de Zhúgāng, son humeur brièvement éclaircie durant l'enquête a replongé vers des abîmes de morosité. Měifèng considère à l'évidence toute l'affaire au mieux comme un jeu distrayant, au pire comme une perte de temps. Le nez levé vers les fenêtres, Tāo hoche sa tignasse au rythme des airs entraînants. Hǔníng se masse subrepticement la cuisse avec une grimace. Cíqiǎo pourrait presque deviner leurs pensées.

Elle secoue la tête. Une sensation inusitée lui remue le ventre. Maintenant que Lumière Éternelle les a rassemblés, elle n'envisage pas de simplement les quitter dans la rue. Ils étaient unis, autrefois. Amis.

— Venez donc à la maison, propose-t-elle sur un coup de tête. Elle est largement assez spacieuse pour tous vous héberger.

Ils sursautent.

— Nous ne voulons pas te déranger en ce soir de fête, se récrie Hǔníng de son ton bourru.

— Mes filles savent depuis longtemps que je n'organise pas de grande réception ce jour-là. Vous ne dérangerez pas le moins du monde et nous pourrons ainsi commémorer cette journée à notre manière.

Tous s'échangent un regard pétri de sous-entendus.

— Je ne pourrais pas rester très tard, consent Měifèng du bout de ses lèvres pulpeuses. C'est généralement une nuit assez chargée, au Jardin.

La barbe de Hǔníng frémit sous son large sourire.

— Si tu insistes, alors j'accepte avec grand plaisir. J'ai hâte de revoir Lányě et Chánzhé. Elles doivent avoir bien changé depuis ma dernière visite.

La main de Tāo se serre autour des colifichets pendus à son cou.

— Je serai honoré de passer cette soirée avec d'anciens amis.

Toutes les têtes se tournent vers Zhúgāng. Le regard du juge se perd dans le lointain, sur des visions qu'il est seul à percevoir. Un long soupir s'échappe de ses lèvres, sorte de plainte mélancolique, et soulève le coin de sa moustache.

— Je vous suis.

Cíqiǎo glisse ses mains transies dans les manches de son chángpáo avec un gloussement satisfait. Ce soir, elle a même réussi à apprivoiser le magistrat solitaire.

— Parfait ! Je ferai chercher vos affaires par un serviteur.

Un jappement joyeux lui fait baisser les yeux. Le chien tire une langue pendante en agitant la queue. Manifestement, il compte bien être de la partie. L'encombrant animal ne rentrera-t-il donc jamais au palais retrouver son maître ?

Une voix mielleuse brise le cours de ses réflexions.

— Oh, mes beaux seigneurs ! Celui-ci peut-il vous proposer une de ses lanternes pour éclairer votre route en ce jour de liesse ?

Cíqiǎo relève le nez sur un petit homme voûté à peine plus grand qu'elle, enveloppé d'un manteau élimé. Il pousse une charrette à bras décorée de lampions de tissu. Les flammes dansantes jettent sur la foule des taches de lumière orangée.

— Elles sont peintes aux effigies des héros pour vous assurer bonne route jusqu'à votre demeure !

Le vendeur ambulant tortille sa barbiche tout en vantant les mérites de sa marchandise.

— Celui-ci peut vous proposer celle de Long Nez qui vous guidera sans faillir ou encore celle de Bélier d'Écume qui chassera les mauvais esprits.

Joignant le geste à la parole, le colporteur exhibe quelques-unes de ses réalisations. Des représentations stylisées assez grossières ornent un pan de lanterne tandis que le verso porte le nom du héros dans une calligraphie approximative.

En d'autres circonstances, Cíqiǎo aurait très certainement renvoyé l'importun vers des chalands plus crédules, mais toute la discussion de l'après-midi autour de la mort violente du fonctionnaire éveille une désagréable impression d'insécurité. Les ombres se resserrent, soudain chargées de menace. Un poids lui oppresse la poitrine. La foule dissimule-t-elle un assassin, le couteau prêt à jaillir ?

— Je vous achète celle de Nuit Étoilée, offre-t-elle sur une impulsion.

Elle désigne le dessin épuré d'une figure aux ailes enflammées sur un champ d'étoiles.

— Très bon choix, Honorable Dame ! s'exclame le petit marchand de sous son bonnet de lin en se frottant les mains. Elle éclairera votre route depuis le firmament !

Il lui tend sa commande avec une inclinaison du buste. Cíqiǎo règle le prix demandé et se retourne vers ses compagnons ; tous la dévisagent avec des degrés divers d'incrédulité. Elle relève le menton sans se perturber de leur réaction.

— En route !

Le petit groupe s'éloigne à la lumière oscillante de la lanterne, le chien sur leurs talons. La main de Cíqiǎo se serre sur le réconfort de l'anneau de chanvre. Un léger picotement hante sa nuque, comme si le malaise ressenti plus tôt s'accentuait au lieu de se disperser dans le halo rassurant. Elle ne peut s'empêcher de jeter un œil nerveux par-dessus son épaule. Au bout de la rue, les fenêtres de la taverne ouvrent des iris de feu sur un mur de ténèbres, tel un démon du Dìyù [1] observant leur départ.

*  *  *

Dans le quartier cossu de Línzı̄, la sìhéyuàn [2] des Quán reflète l'aisance campagnarde d'un seigneur de province venu s'installer à la capitale. La cour extérieure héberge quelques pommiers dénudés, les solides briques rouges érigent les quatre ailes traditionnelles, et d'élégantes galeries de bois surplombent un délicat jardin intérieur.

L'arrivée de la maîtresse de maison et de ses quatre invités impromptus provoque l'ébullition. Les serviteurs se précipitent pour préparer des chambres, offrir des robes d'intérieur en remplacement des lourds manteaux, tendre des coupelles pour que les voyageurs lavent leurs mains de la poussière des rues. Le cuisinier pousse une longue lamentation et s'attelle à la confection d'un repas bien plus consistant que celui initialement envisagé pour la dame et sa famille. Cíqiǎo ne les a jamais habitués à recevoir en ce jour de fête royale et la maisonnée s'apprêtait à passer une soirée plutôt calme.

Au milieu de cette effervescence, une jeune femme s'avance avec dignité. Ses cheveux noués en un chignon parfait sont retenus par des épingles de jade et coiffés du bonnet bleu du ministère de la Justice. Cette rare distinction pour une personne de son sexe témoigne de sa ténacité et de la réussite de ses hautes études. Comme souvent, Cíqiǎo inspire une bouffée de fierté devant le visage délicat, reflet de jeunesse de ses propres traits.

Elle présente la nouvelle venue à ses anciens compagnons :

— Ma fille aînée, Chánzhé, qui habite ici avec son mari et leurs deux enfants. Chánzhé, voici de vieux amis croisés par hasard dans les rues de Línzı̄.

La jeune femme s'incline avec le respect dû aux aînés. Cependant, Cíqiǎo ne perd rien de sa consternation face à ce rassemblement hétéroclite. Zhúgāng paraît l'impressionner favorablement, mais elle ébauche un recul à la vue de la courtisane, son nez se retrousse sous l'odeur poissonnière de Tāo et ses yeux s'écarquillent de stupeur sur la toison velue qui trotte à leur suite. L'animal pose son postérieur crotté sur le parquet ciré et entreprend de se gratter frénétiquement l'oreille avec sa patte arrière.

Les lèvres rosées de Chánzhé s'écartent sur une expression ahurie.

— Qu'est-ce que ce chien fait ici ? balbutie-t-elle en levant un regard déconcerté.

— C'est un chien errant qui m'a accompagnée tout au long de la journée, répond Cíqiǎo d'un ton détaché. Je n'ai pas eu le cœur de le laisser dehors en ce jour de fête.

Inutile d'alarmer Chánzhé et de rentrer dans de longues explications sur l'identité de l'animal. Toutefois, son enquêtrice de fille n'est pas dupe. La moue dubitative et les yeux plissés avertissent qu'elle ne posera pas de question devant les invités, mais que sa mère a intérêt à fournir des éclaircissements plus convaincants en privé.

— Cet animal me paraît étrangement familier, médite-t-elle en se tapotant la joue. Ne l'ai-je pas déjà vu quelque part ?

Cíqiǎo esquive d'un revers évasif.

— Sans doute traîne-t-il dans le quartier depuis plusieurs jours.

Chánzhé reste pensive quelques instants, puis secoue la tête, renonçant à creuser le mystère.

— Mère, reprend-elle d'un ton de reproche, j'étais inquiète de ne pas vous voir revenir du palais. Votre entrevue s'est-elle bien déroulée ? Quelle était la raison de cette convocation royale ?

Cíqiǎo a eu le temps de réfléchir sur le chemin du retour. Lumière Éternelle leur a demandé toute discrétion et elle imagine sans mal l'étonnement de sa fille si elle apprenait que le roi a diligenté une enquête sur un meurtre sans en référer au ministre de la Justice. Elle se contente donc d'une fable plausible :

— Il voulait simplement profiter de l'occasion de cette commémoration pour saluer quelques anciens habitants de Línzı̄ qui ont connu la Bataille du Sorcier au Bì de Jade.

— C'est tout ?

La déception dans la voix lui donne un pincement au cœur.

— Oui, confirme-t-elle sous son visage le plus impassible.

Il est temps de détourner la conversation de ce terrain glissant.

— Où est Lányě ? Pourquoi ta sœur ne vient-elle pas saluer nos invités ?

Chánzhé plisse les lèvres sur une moue désapprobatrice.

— Je l'ai croisée en rentrant de l'académie, au coucher de soleil. Elle est partie en disant qu'elle avait bien l'intention de faire la fête ce soir et que ce n'était pas dans cette maison qu'elle trouverait une ambiance digne des sept héros. Elle a sûrement rejoint ce lieutenant Xú Zhànzhí dont elle nous rebat les oreilles à longueur de journée.

Cíqiǎo ne peut retenir un long soupir. A-t-elle offensé les dieux d'une quelconque manière pour mériter une enfant aussi indisciplinée ? Une main forte se pose sur son épaule et elle relève la tête sur la grimace compréhensive de Hǔníng.

— Les enfants nous donnent bien des cheveux blancs, compatit-il.

Cependant, un détail éveille la curiosité de Cíqiǎo et écarte provisoirement son inquiétude pour sa cadette turbulente.

— Tu étais à Jìxià aujourd'hui ? Les étudiants avaient pourtant congé.

Chánzhé fronce les sourcils, jette un regard suspicieux vers les étranges invités, puis répond avec une anxiété marquée :

— Je n'y étais pas pour les enseignements des maîtres, mais sur demande du ministre de la Justice. Pour enquête. Cette nuit, des voleurs se sont introduits dans le grand temple de Wénchāng.

Cíqiǎo ne peut retenir un hoquet de surprise. Son cœur s'emballe d'une prémonition aiguisée par tous les événements de cette étrange journée.

— Heureusement, rien n'a été volé, apaise Chánzhé en se méprenant sur la source de son émoi. Les esprits de leçons ont mis les malfaiteurs en déroute avant qu'ils n'aient pu commettre leur forfait. Ce sont les hurlements qui ont alerté les prêtres. L'un de ces gredins s'est jeté du haut des remparts. Il est mort sur le coup. Un autre a disparu dans la nuit, mais il y aura sûrement laissé la raison.

Son nez se retrousse dans une mimique désapprobatrice.

— Cependant, ils ont eu le temps d'accéder à la bibliothèque. Les rouleaux précieux, certains datant de la dynastie Yı̄n [3], ont été répandus au sol comme de vulgaires baguettes.

Chánzhé passe une main soucieuse sur son front.

— Un tel sacrilège ne s'était pas produit depuis des années. Le temple est protégé par le pouvoir du Scribe de l'Empereur de Jade. Seul un fou se risquerait à braver sa colère. Le vénérable maître Zhé était fort choqué en apprenant le saccage. J'imagine que cette triste affaire lui a douloureusement rappelé le vol tragique du Qíjı̄ng, autrefois, par sa plus prometteuse apprentie.



*  *  *

[1] Dìyù : les enfers, gigantesque labyrinthe composé de dix niveaux souterrains, appelés cours, où les âmes sont emmenées pour expier leurs péchés sur Terre.

[2] Une sìhéyuàn est une maison traditionnelle chinoise composée de plusieurs bâtiments réunis autour d'une ou deux cours intérieures et cernés de murs.

[3] La dynastie Yīn a précédé la dynastie Zhōu et dominé la Chine au deuxième millénaire avant Jésus-Christ.

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