~24~
(Valery)
Peut- être est-ce le fait que je vais voir Alex aujourd'hui mais aucun rêve n’a gêné mon sommeil. Profitant de mon énergie j’ai largement avancé mon travail.
Aucune trace de la voiture de Vincent, peut-être a-t-il décidé d'accompagner Jérôme tout compte fait. Alex m'a envoyé une photo de lui dans le train. Des petites attentions sous forme de photos, de petits SMS remplissent petit à petit la mémoire de mon téléphone. C’est inédit pour moi et je prends un énorme plaisir à les découvrir pendant mes pauses.
À peine ai-je stationné la camionnette que Félix ouvre la porte.
— Je suis en retard ?
— Pas le moins du monde, je sortais fumer une cigarette. Laisse-moi tirer quelques bouffées et je te file un coup de main.
— Prends le temps, Francesca n’a pas commandé grand-chose.
— La petite chambre froide est bien pleine, elle se sert dessus. Tu as vu Vincent ?
— Il ne devait pas accompagner Jérôme pour récupérer Alex ?
— C'est aussi ce que j'avais compris.
Pourquoi ce revirement ? Depuis mes “ aveux” auprès de Francés, son comportement me rend dingue. Il s’efforce de m’éviter. Cette fois, je ne le laisserai pas faire. Jérôme et Alex ne sont pas là avant deux bonnes heures, j’ai donc largement le temps de discuter avec lui.
— Y a quelqu'un ? dis-je après avoir toqué sans recevoir de réponse.
Si je me fie aux dires de Félix, Vincent est là. Toutefois, il peut aussi bien être occupé au Foyer. La maison en est presque mitoyenne, seule une petite cour sépare les deux bâtiments.
Lorsque je franchis la porte de la pièce de vie, je découvre un spectacle inédit. Vincent est assoupi sur le fauteuil généralement réservé à Jérôme. Vu sa posture détendue, son sommeil est profond. Ses légers ronflements me font sourire. Je reste immobile afin d’éviter de le réveiller. Lorsqu'il ouvre les yeux et me découvre face à lui, l’espace d'un instant, une sorte de gêne se crée.
— Si tu racontes cela à Jérôme, je ne t’adresse plus la parole, grogne-t-il entre sourire et menace.
—Je ne dirai rien, juré, dis-je main tendue en avant.
Je m’attendais à une plaisanterie de sa part mais il reste silencieux.
— Pourquoi ne m’as-tu rien dit à moi ?
Pas besoin de préciser de quoi il parle, c'est une telle évidence. En me confiant à Francés, sa sœur, sans le réaliser et sans aucune méchanceté de ma part, je l’ai blessé. Ses yeux sont fixés sur moi, il attend une réponse.
—Je crois que même sans lui dire, elle l’avait en quelque sorte deviné.
Oh s'il savait à quel point je meurs d’envie de lui parler de ce que je ressens lorsque je suis avec Alex. J’adorerais exprimer ces nouvelles sensations qui m’assaillent dans l'intimité. Qu'il puisse en quelques mots me rassurer sur mon choix. Mais je trahirais ainsi le souhait d’Alex.
— Ne pense pas que je sois fâché, gamin. C’est juste mon côté angoissé qui ressort un peu trop, ok. Prends le temps qu'il te faut, qu'il vous faut. Nous attendrons. Rends-moi juste service, fais attention à toi.
Dans leur couple, Vincent est celui que l’on nomme la grande gueule. Il a la stature et la voix qui porte. Je l’ai entendu plus d'une fois hausser le ton dans le gîte certains soirs où les discussions électrisent les marcheurs. À l’instant, ces mots, il les a presque chuchotés. Et lorsque son bras vient me coller à son torse, je sens mes larmes monter. Des bruits dans la cour ont le même effet sur l’un comme sur l’autre. Presque comme si nous nous trouvions dans une position compromettante, nous nous reculons et d'un revers de main nous essuyons nos yeux. Même si le regard d’Alex est sûrement moins aiguisé que celui de son oncle, je suis persuadé qu'il repérera mon trouble.
(Alex)
Voir sa camionnette dehors déclenche une forte accélération de mon rythme cardiaque. Il va nous falloir “jouer “ un rôle. Et je ne suis pas très doué dans ce genre d’exercice. Un coup d'œil discret vers Jérôme m’indique qu'il est très loin d’être serein lui non plus. Après un léger mouvement d’épaule, il franchit la porte d’entrée et je le suis. Si Valéry est à l'intérieur comme semble indiquer la présence de son véhicule, a-t-il parlé avec Vincent ? Mon cerveau carbure imaginant une tonne de possibilités toutes aussi ingérables.
—Tu attends une invitation pour entrer ? ironise Jérôme. Je n’entends pas de bruit. Ou ils se sont entretués ou ils sont passés dans le foyer sans fermer à clef ici.
Je souris pour donner le change et le suis sans dire quoi que ce soit.
—Vous êtes bien silencieux tous les deux ! J’étais en train de dire des méchancetés sur toi, mon amour. Avec cette porte que tu oublies de verrouiller une fois sur deux quand tu pars au Foyer.
—Ce n’est pas beau du tout en effet. Cela mérite une sanction… du genre un méga gâteau au chocolat. Qu’en pensez-vous tous les deux ?
Valéry approuve d'un mouvement de tête et je l’imite.
— Quel enthousiasme ! J’en profiterais tout seul, na !
Je m’attends à une remarque moqueuse de mon oncle face au comportement enfantin de son mari mais celui-ci l’enlace en souriant. Mon regard croise celui de Valéry. Sa sérénité me rassure. Un discret clin d'œil, je suppose qu'il m’expliquera plus tard.
—Ce n’est pas que je m’ennuie mais j’ai des commandes à livrer. Content de te voir, Alex.
—Alex ne reste que ce week end, je compte sur toi pour manger avec nous. Un midi ou un soir, c’est toi qui choisit, précise mon oncle. Nous, on s’ adapte.
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