~21~
(Alex)
Suis-je si fragile que cela ? Il ne m'est jamais arrivé de ressentir cette peine lorsque je disais au revoir à une copine. Sûrement car cela ne s'est jamais produit. Je dépose la clef au gardien comme convenu et je monte à mon tour dans ma voiture. Mes pensées tournent autour de l'idée de Valéry. Cela nous permettrait de nous voir sans prendre trop de risques, sans conséquences sur nos deux boulots.
En attendant, je vais mettre les bouchées doubles pour clôturer le dernier projet. J'ai à peine fini de me garer que je blêmis. Que fait-il au pied de mon immeuble ? Tout dans sa posture indique son arrogance.
- J'en ai eu marre de ton silence. Trois semaines, mec. Tu m'expliques ?
J'admets, j'ai joué au lâche sur ce coup-là. Ma disparition de la boîte sans explications n'était pas ce qui le perturbait. Je m'étais contenté de lâcher la vérité : pas mon truc de me saouler et baiser tous les soirs. Je pensais naïvement qu'il me laisserai de côté. Pas le genre, Mathieu a besoin d'une cour pour exister. Et mon nom dans son carnet d'adresse le faisait kiffer. Après les remous concernant la spoliation de l'héritage de mon oncle, j'avais bien senti que je n'étais plus forcément le bienvenu. Nous nous étions retrouvés lors d'un dîner d'affaires et, stupidement, je ne l'avais pas écarté.
- Pas plus que ce que je t'ai dit. Vous regarder soir après soir vous torcher ou bousculer des nanas a tout simplement fini par me lasser énormément.
- Tu ne sais pas t'amuser, on dirait un vieux ! Tu n'as pas vu mon message ce matin ?
Non, pensé-je, j'avais autre chose de largement plus sympa à faire. Le genre de choses que je ne suis pas prêt à te dire même si cela pourrait être drôle de voir ta tête. Il m'aurait été facile de trouver une excuse bateau mais je n'avais pas envie de le croiser de façon systématique sur mon chemin.
- Je te paye un café ou autre chose mais autant te prévenir de suite, dans une heure, je dois partir.
( Valery)
Se séparer a été difficile. Pour l'un comme pour l'autre. En dehors de toutes les questions d'organisation, je suis conscient que ce genre de relation n'a aucune chance d'exister dans la durée. Et je crève d'envie qu'elle dure ! C'est presque effrayant de craquer si vite et si profondément pour quelqu'un ! En attendant, il est urgent que je mette les bouchées doubles afin de ne mécontenter aucun client. A ce sujet, j'ai prévu de m'arrêter au gîte de Francesca. Même si Vincent s' est moqué de ma réaction, je souhaite en discuter avec sa sœur. Il est un peu plus de quinze heures, il y a de fortes probabilités que je la trouve devant un thé ou selon le boulot de préparation, en cuisine.
-Tiens, regarde qui débarque, lance-t-elle à Félix, assis à ses côtés.
- Bonjour tous les deux. Dans la paperasse ?
- Pas vraiment, non. Une petite pause avant de s'y remettre. Il serait peut-être avisé que tu songes à en faire plus régulièrement. Ta tête va bientôt faire fuir la clientèle, grogne-t-elle.
- Je file voir si les apprentis sont prêts. A plus tard Valéry, dit Félix en se levant.
-Pose-toi deux minutes et sers- toi un café.
- Je voulais savoir si tu avais réussi à trouver des pommes ?
-Tu ne vas quand même pas me dire qu'elles sont la cause de tes cernes, dit-elle tout en m'examinant.
- Non. Mais je déteste ne pas pouvoir répondre à tes demandes.
- J'ai l'impression qu'il y a beaucoup plus que cela qui te tracasse...
-Je cours partout et j'ai la sensation de m'essouffler.
-Et demander de l'aide, tu ne sais plus comment faire ? Nous aurions pu venir hier ou aujourd'hui. Nous ne sommes pas des jeunots mais quatre paires de mains ajoutées aux tiennes, cela aurait pu te rendre service, non ?
Francesca est la digne sœur de Vincent. Peu de choses leur échappent.
- Je n'étais pas à l'exploitation. Tu y es passée c'est cela ?
- Oui. Que ce soit clair, Valéry ! Je ne suis ni vexée ni en colère concernant ces pommes. Mais c'est la première fois que tu ne te démènes pas pour me livrer. C'est cette situation qui nous inquiète.
-Nous ?
- Et oui, mon grand. Vincent est lui aussi passé chez toi.
Je reste silencieux face à cette réponse. J'ai creusé le trou moi- même. Comme un grand. Et presque en pleine conscience. J'aurai très bien pu appeler Francesca. Me présenter devant elle était un risque.
- Tu n'es ni mon fils ni mon frère. Je ne pense pas être légitime pour te poser cette question. Pourtant, tu me connais suffisamment pour savoir que je vais te la poser. Tu n'as aucune obligation d'y répondre. Je pense seulement que Vincent l'a, lui aussi, au bout des lèvres. Il était très inquiet l'autre jour et je n'aime pas le voir ainsi, tu le sais bien.
- Je n'étais pas en boîte ou un truc du genre. Je veux dire, je ne courais aucun danger. J'ai rencontré quelqu'un et nous avons passé le week- end ensemble.
- Et c'est tout ce que tu vas nous dire ? Penses- tu que cela va nous rassurer ?
- Francés. Pour l'instant, je n'en dirais pas plus. J'ai seulement une précision à fournir. Ce n'est pas un " Éric". Rien à voir.
- Je peux poser une question ? Est-ce que cela a un quelconque rapport avec la bagarre qui t'a valu ça, demande-t-elle en montrant mon arcade.
Pour toute réponse, je baisse la tête. Elle m'en offre une autre, en m'embrassant la joue.
- Ne prends pas cet air surpris, tu veux ? Tu es différent depuis ce jour-là. Moins présent, plus dans les nuages mais je ne crois pas que ce soit inquiétant. Je vais te faire une fleur, Valéry. Je vais essayer de calmer Vincent avec ces informations. Pas certaine d'y arriver mais je compte sur toi pour être très vite plus bavard sinon je lâche les chiens !!!!
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro