~19~
(Valéry)
Sa bouche ne quitte plus la mienne pour mon plus grand plaisir. Je tente de contrôler l’envie de glisser ma main sous son sweat.
— Je ne crois pas que je vais fuir, précise-t-il en se détachant de moi. Les circonstances ne sont pas les mêmes.
— Cela veut donc dire que je peux glisser ma main, ironisé-je ?
Même s'il sourit, je ne dois pas oublier que tout cela reste nouveau pour lui. Je le garde serré contre moi.
— Si tu ne m’arrêtes pas, Alex, nous n’aurons jamais le temps de discuter.
Sa grimace veut tout dire. Afin d’éviter toute tentation, je l’entraîne vers le coin séjour. Le canapé semble nous tendre les bras.
— Et si nous allions marcher un peu, proposé- je ?
— Qu’importe le lieu, il se passera la même chose, Valéry. Je n’ai pas la moindre intention de renier mon envie. Même si c'est entièrement nouveau, je ne la rejette pas. La seule personne avec qui je pourrais en discuter est Jérôme. Il est aussi celui que j'ai peur de blesser si notre relation ne dure pas.
— Pose-moi tes questions, je te jure de faire de mon mieux pour y répondre. Je ne nie pas non plus mon envie de toi, Alex. Tu as compris que je n’ai rien d'un grand séducteur. L’élan que j'ai eu envers toi dans ma cuisine n'était ni calculé ni une conséquence de l’hypo. Sans que je comprenne vraiment d'où il sort, il est bel et bien là. Je l'assume mais je ne peux pas, je ne veux pas le laisser s’ éteindre. Tu sembles avoir peur que tout cela soit un feu de paille. Je le comprends. Mais tu dois admettre que nous avions tous les deux besoin de plus que des discussions téléphoniques. De mon côté, je suis certain qu'il ne s’ agit pas que d'une simple envie de baiser. C'est cru, pardonne-moi mais je sais de quoi je parle.
— Et en quoi c'est différent ?
—Tu n'as jamais ressenti ou vécu cela ? Un regard, un physique qui t'attire au point que tu veux succomber. Tout de suite.
— Non. Toi oui d'après ce que je comprends.
— Tu vas me prendre pour un pervers mais j'assume. Je n'aime pas les applications de rencontre. Certains cafés qui y sont dédiés me semblent plus accessibles.
—Tu choisis par rapport au physique ? grimace-t-il.
—Tu ne fais pas pareil quand tu dragues une fille, répliqué-je un peu énervé ? Ne nie pas. C’est ce qui attire le regard en premier, non ? Ces lieux ou les applications ont le même but. Une rencontre rapide pour assouvir un besoin. Rien de très romantique là-dedans.
—Tu le fais souvent ?
—Nan. Tu vis dans une grande ville, y rencontrer du monde ne semble pas être compliqué. À la campagne, les possibilités sont déjà plus rares. Si tu y ajoutes les agressions homophobes, verbales ou physiques, tu avoueras que les applications semblent plus sécurisées, non ?
—Pourtant tu dis ne pas les aimer.
— Je n’y suis pas à mon aise. Impossible de t’expliquer.
Alex reste silencieux. Il est évident que son esprit fourmille de questions. Je reconnais que la situation n’est guère enviable pour lui.
—N’as-tu jamais été attiré par une fille ?
Sa voix est très loin d’être assurée. Sa façon de se tenir plus ou moins recroquevillé sur lui-même prouve à quel point, il est gêné.
— Même ado, les filles ne m’ont jamais intéressé. Ne cherche pas une règle. Encore moins une fausse notion de normalité ou pire d'anormalité. Chacun a sa propre perception des choses. Avoir aimé une fille ne fait pas de toi un hétéro. Je n’ai pas un catalogue dans ma tête où je range mes préférences. La beauté comme le genre de l’autre ne fait pas tout. Il y a ce que j’appelle des éléments perturbateurs, précisé-je en lui embrassant le bout du nez.
— Est-ce que je rentrais dans ton éventuel catalogue ?
—J’aime tes splendides yeux verts, et ton petit nez en trompette, Alex. Mais ce ne sont pas eux qui ont fait que j’ai voulu t’embrasser.
— Quoi alors ?
—Toi. Ce que tu m’as montré de toi, chuchoté-je en le tirant vers moi pour l’embrasser avec plus de fougue. Cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille.
— Quoi ?
—Vous possédez, toi et Jérôme, ce même regard bienveillant sur les autres. Ce qui s’est passé avec ses frères et ta mère, n’importe qui serait devenu aigri. Ton oncle a souffert mais il combat à sa façon, en aidant autant que possible les autres.
— Des jeunes en détresse ?
— Pas forcément. Le foyer lui permet d’être à l’écoute. Il n’est pas que bavard et exubérant. Il n’impose rien mais il est là.
— Je suis très loin d’être ainsi. Ma bienveillance envers toi n’est sûrement pas anodine. Jérôme et Vincent n’ont jamais caché leurs vécus, ni le tien d’ailleurs. Réalises-tu que je connaissais ton histoire avant même de te connaître ? Il n’y a pas une soirée où je n’ai pas été vigilant sur le comportement des autres.
— Et ? J’y vois plutôt du positif, il n’y a pas que les homos qui sont agressés. J’ai une question à te poser. C’est important. Aurais- tu ressenti le même genre d’attirance envers moi si Jérôme ou Vincent m’avaient présenté à toi ?
— Elle est stupide ta question. Comme toi à mon égard, ce ne sont ni tes yeux ni ton corps qui m’attirent. Ne grimace pas, sale gosse ! Crois- tu que je n’en ai pas croisé de beaux corps avec toutes les boîtes où je suis allé avec Mathieu ? Les circonstances auraient été différentes…
—Tu t’y serais opposé dans ta tête. C’est ce que je voulais te faire admettre. Le barrage, il est là-haut, insisté-je en désignant son front.
—Je sais mais qu’en est-il de ton homosexualité que tu caches ? Est-ce que tu es prêt à faire ce pas ?
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