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Début de l'opération

Jeudi après-midi - Banque de Brighton

Accoudé à une table haute de la salle du personnel, je profite de ma pause pour siroter un café brûlant et absolument insipide. Jarod, un de mes collègues de la banque, s'approche en sifflotant. Je tiens à rappeler à titre informateur que collègue ne figure PAS parmi les synonymes de camarade, copain, ami, compagnon ou encore individu dont la compagnie est agréable.

Costume impeccable, brushing parfait, barbe rasée, sourire éclatant, chaussures cirées : vous connaissez tous la panoplie de l'employé de banque exemplaire. Il me salue et s'installe sur le tabouret à côté de moi, une Thermos dans les mains.

-Alors, quelles sont les nouvelles ?
-Disons que les nouvelles commencent à se faire vieilles.

Il s'esclaffe à l'entente de ma réflexion sarcastique - le sarcasme lui ayant visiblement échappé - et me refile une tape amicale et virile sur l'épaule. Je déteste les démonstrations d'affection venant de personnes pour qui je n'éprouve pas particulièrement d'affection. Je m'écarte légèrement de lui en affichant un sourire crispé. Jarod ne semble cependant rien remarquer - tant mieux, ça m'évitera de passer à nouveau pour un gros con asocial.

Regardant ma cuillère mélanger le café et la mousse, je demande distraitement à Jarod, sans approche aucune :

-Qu'est-ce que tu penses des SDF ?

J'observe sa réaction du coin de l'œil, et elle ne me plaît pas. Il hausse un sourcil moqueur, avant de rire franchement sans me lâcher du regard. Je me mets à taper nerveusement du doigt sur la table.

-Sincèrement ? me demande-t-il en reprenant son sérieux, un sourire narquois et insupportable pendu aux lèvres.
-Oui.
-Je me fous pas mal des clochards. Ce ne sont que des insectes nuisibles et inutiles qui pourrissent nos rues. Tout ce que je demande, c'est qu'ils restent là où ils sont et qu'ils me foutent la paix, dit-il en balayant l'air d'un geste de la main.
-Comment est-ce que tu peux dire ça ? m'offusqué-je, renfrogné.
-Ben quoi ? Tu ne vas quand même pas me demander d'éprouver de la compassion pour des fainéants même pas capables de se bouger pour s'en sortir ! Ils ne servent qu'à engourdir la société. Et puis, entre nous, ce ne sont pas grâce à eux que je peux me payer des vacances.

Il remet sa cravate en place, l'air rieur, visiblement satisfait de sa petite plaisanterie. Sous la table, mon poing est serré sur ma jambe. Je ne sais même pas pourquoi j'ai posé cette question. Est-ce que je m'accrochais à l'espoir que les hommes étaient encore capables de compassion, ou bien souhaitais-je seulement confirmer la triste impression qui pesait sur moi à l'égard de l'humanité ?
Visiblement, c'est la deuxième option qui est tombée. Et elle ne me surprend pas : elle m'écœure. Parce que les hommes lisent en diagonale, écoutent d'une oreille, regardent d'un œil. Parce que si l'on se penche un peu au-dessus de cette grande foule qu'est la société, on n'y voit que des hommes seuls, envers et contre tous.

Alors, remonté contre Jarod et contre la Terre entière, je me lève, finis mon café d'une traite parce que je suis contre le gaspillage et que j'ai clairement besoin de caféine, et je retourne me morfondre dans mon bureau étriqué et impersonnel en attendant mon prochain rendez-vous.

La semaine est vraiment longue.

Samedi matin arrive enfin, et chaque seconde qui s'écoule est un pas de plus vers l'angoisse. Comme tous les jours depuis que j'ai rencontré Louis, je ne sais pas ce qui m'attend, et ça me fait peur. Ce qui m'énerve le plus, c'est que j'ai constamment l'impression de vaciller entre deux états : un matin, je crois me sentir mieux dans cette vie imprévisible. Le lendemain, j'ai l'impression d'être revenu au point de départ. Et ça me démoralise vraiment, ce sentiment de surplace. Est-ce qu'un jour, je vais finir par avancer sur une ligne droite ?

Je me prépare machinalement, optant pour des vêtements plus confortables qu'esthétiques, faisant une croix sur une quelconque tentative de brushing au vu de ma tignasse indomptable. Je glisse dans la poche de mon pantalon mes médocs anti-stress, et ce simple geste me stresse. Donc j'avale deux gélules. Je ne cesse de jeter des coups d'œil inquiets à ma montre, pestant contre les minutes qui s'étirent à l'infini. Et finalement, j'ai tellement peur d'être en retard que j'arrive chez Elvis avec exactement trente-six minutes d'avance. Précisément.

Bon, ben, maintenant que je suis là... La porte s'ouvre après trois coups timidement donnés contre la porte noire. Elvis a un sourire cordial en me voyant - littéralement - planté sur le seuil, apparemment pas surpris de me voir arriver à cette heure-là. Je parie que Louis lui a dit que j'étais un taré maniaco-dépressif... ce qui n'est pas entièrement faux.

-Salut, Harry. On t'attendait. Entre.

J'entre. Et je suis rassuré de savoir que Louis est déjà là. Ce n'est pas que je n'apprécie pas Elvis - bon, c'est en fait difficile à dire sachant que c'est la deuxième fois que je le vois et qu'on a dû s'échanger à peine une centaine de mots au total -, mais je suis content de pouvoir éviter d'être seul avec lui. L'art de la conversation, je ne le maîtrise pas très bien, mais je pense que ce n'est pas vraiment difficile à comprendre.

Lorsque je pénètre dans le salon, je remarque que tous les volets sont fermés. Louis est assis sur le vieux canapé, presque aussi épais qu'un matelas tant il a dû servir, et est penché sur la table basse.

-Salut, me lance-t-il sans même lever la tête.

Je tente d'observer ce à quoi il est occupé. Ce n'est pas très compliqué à comprendre : il étudie le plan d'un bâtiment sur une feuille blanche. En haut de cette feuille, je lis "St Mary's Psychiatric Hospital". Je m'installe à sa droite, Elvis à sa gauche, et nous le regardons faire. Une légère ride creuse son front sous l'effet de la concentration ; il a l'air sûr de lui. C'est déjà ça. Je note qu'il s'est rasé depuis la semaine dernière ; ça lui va bien, il a l'air plus sage. Il a étalé un tas de papiers devant lui, sur lesquels il a écrit un tas de notes illisibles. Je le regarde tracer des traits, noter des numéros, en rayer d'autres, sans vraiment chercher à comprendre. Je me contente de suivre le tracé de son stylo.

-Bon, finit-il par dire en se redressant.

-Alors, quel est le plan ? s'enquit Elvis d'un air curieux.

Louis prend une grande inspiration, fait craquer ses doigts ensemble et s'étire dans une mise en scène théâtrale tout à fait ridicule. Je remarque un trou au bas de son t-shirt gris. Ça me fait de la peine.

-On attaquera juste avant la fermeture au public, soit à dix-neuf heures, commence-t-il, très grave.

-Attaquer ? bredouillé-je.

Ben quoi... ? C'était pas dans le contrat !

-Façon de parler, chou-fleur. Arrête de m'interrompre. A cette heure, tout le personnel est mobilisé pour apporter les repas du soir aux patients. Toi, Harry, tu te présenteras à l'accueil et tu demanderas à voir Evelyne. On te dira que c'est trop tard pour les visites. De ton jeu d'acteur remarquable, tu feindras une profonde tristesse et demanderas la permission d'aller aux toilettes, qu'on t'accordera parce que tu es trop mignon.

Je hausse les sourcils, bras croisés, affichant un air dubitatif comme je sais si bien le faire.

-Sérieusement ?

Il balaie mon sarcasme d'un geste nonchalant de la main. Il a l'air d'avoir tout prévu...

-T'inquiète, ce sera plus stylé en vrai.

Bon, si c'est réellement tout ce que j'ai à faire... ça ne devrait pas être trop compliqué. Et puis, en général, je fais bonne impression. J'ai la tête d'un mec gentil.

-Je reprends. Alors que tu seras supposément occupé à vider ta vessie, Elvis entrera en scène.

Celui-ci fait alors mine de bomber le torse et affiche une mine fière qui m'arrache un sourire. Louis se tourne vers son ami et explique en gesticulant des bras.

-Toi, tu seras en uniforme. Tu prétexteras avoir des questions à poser concernant une plainte.

-Quoi, quelle plainte ?

-La plainte d'Evelyne, bien sûr !

-Hein ? Mais elle s'est plainte de quoi ?

Alors c'est vrai que pour le coup, je suis un peu perdu aussi. Quant à Louis, il a toujours l'air très confiant, et ne semble pas le moins déstabilisé par toutes nos interrogations.

-Du service infirmier, pardi ! lls la maltraitent, tu te rends compte ! Cette pauvre fille vulnérable ! Elle l'a dit à tous les patients, ça va finir par s'ébruiter en dehors de l'hôpital ! s'exclame Louis, portant ses mains à ses tempes dans une mimique tragique.

Je plisse les yeux avant de comprendre qu'il plaisante. Décidément, cet homme a plus d'un tour dans son sac. J'assimile lentement toutes les instructions qu'il nous a données, et me concentre, essayant de n'oublier aucun détail.

-Et toi, pendant ce temps, qu'est-ce que tu feras ?

Il se baissa alors et tira de sous le canapé un vieux sac en tissu poussiéreux, le genre de sac à cordon qu'on utilise au collège pour mettre nos baskets de sports puantes. Il l'ouvre - je ne vois aucune paire de baskets - et en sort deux morceaux informes de tissu turquoise. Ah, au temps pour moi : c'est une tenue d'infirmier.

-Je savais bien qu'elle me servirait un jour ! s'extase-t-il joyeusement en étalant l'uniforme sur la table du salon.

-Où est-ce que tu as eu ça ? s'étonne Elvis, la mine quelque peu renfrognée.

-Qu'est-ce que tu crois, on s'ennuie à l'hôpital ! fit-il en haussant les épaules.

Elvis ne dit rien ; je devine qu'il oscille entre la désapprobation en tant que flic, et l'admiration en tant que complice. Pour ma part, je n'en pense pas grand-chose. Je m'étonne de moins en moins en la compagnie de Louis.

-Les plans, tu les as volés là-bas aussi ? deviné-je.

Il me lance un clin d'œil appuyé que je traduis comme signifiant "t'as tout compris, mon pote !".

-Pendant qu'Evlis entraînera l'interne dans un bureau ou quelque chose comme ça dans l'aile gauche du bâtiment, explique-t-il en la pointant du doigt sur son plan, Harry, tu reviendras à l'accueil. Moi, j'entrerai en tenue d'infirmier. Je modifierai le dossier informatique d'Evelyne pour faire croire qu'elle est sortie.

-Tu sais faire ça ?

Cette fois, j'étais sorti.

-J'ai eu le temps d'apprendre à pirater des ordinateurs quand j'étais chez moi. Ça ne devrait pas poser de problème.

Et, comme je devais avoir l'air de douter, il ajouter en me regardant dans les yeux :

-Fais moi confiance.

J'essaie !

-Toi, poursuit-il, tu seras là pour faire distraction au cas où du personnel arrive. Je compte sur toi pour être convaincant.

Je déglutis, sentant une vague de nervosité descendre le long de ma colonne vertébrale. D'ici ce soir, ma plaquette de médicaments y sera passée, c'est sûr. Mais ça en vaut la peine. Aujourd'hui, c'est la dernière fois que je suis une mauviette. Louis compte sur moi. Je ne peux pas me permettre de le décevoir.

-Une fois que j'aurai fait ça, il faudra aller chercher Evelyne. J'aurai besoin de toi pour ça, parce que je serai occupé à désactiver le système de caméras de surveillance. Ouais, j'en ai pas l'air comme ça, mais je suis un génie ! plaisante-t-il.

-Mais, elle ne risque pas de se réveiller ? m'inquiété-je.

-Non. Ils lui administrent des calmants quand ils lui apportent à manger, pour qu'elle dorme. Ça l'assomme pendant quelques heures.

Il a l'air triste, en disant ça. Un voile amer couvre un instant la clarté limpide de ses yeux. Il donnerait n'importe quoi pour la sortir de là. Elvis se dandine sur le canapé, attendant visiblement que Louis lui donne d'autres consignes. Quand on y pense, c'est assez drôle de voir un policier obéir à un malfrat. Mais Elvis est différent. Lui sait où est la justice. Il sait quand il est bon de ne pas appliquer les lois.

-Elvis, dit-alors Louis, tu feras croire que tu es du côté du personnel et que tu ne feras pas de rapport. Fin de l'histoire. Harry, il faudra que tu fasses très vite et surtout, que tu ne sois vu par personne. Sa chambre est au rez-de-chaussée, numéro 27. Les patients du rez-de-chaussée reçoivent leurs dîners en premier, il suffira d'attendre que les infirmiers soient déjà passés. C'est moi qui te donnerai le signal grâce aux talkie-walkies qu'Elvis va nous prêter.

Eh ben, des talkie-walkies... ça plaisante pas !

-Dernière étape, on se rejoint dehors. On se casse. Ça va pas être facile ; on va peut-être se faire choper et avoir de sérieux problèmes. C'est pour ça qu'il va falloir tout donner, être efficace, vigilent et savoir improviser.

Il marque un temps d'arrêt puis ajoute, la tête baissée, souriant légèrement :

-Merci de faire ça avec moi, les gars.

Je lui adresse un sourire confiant, essayant de lui faire comprendre que je ne vais pas le laisser tomber. Elvis pose une main sur son épaule. L'atmosphère est sereine ; j'ai le sentiment nouveau et délicieux de former une véritable équipe. J'ai décidé de lâcher prise. Peu importe ce qui se passe ce soir, après ça, je serai un autre homme. Après ça, je n'aurai plus peur de rien. De toute façon, je n'ai rien à perdre ; ma vie ne se résume pas à ce que je possède, mais à ce à quoi je tiens. Et je tiens à Louis. Et je tiens à ce qu'il soit heureux. Et je tiens à être heureux aussi. Et je vais l'être comme ça : en franchissant les limites. Après tout, pourquoi pas ?

-Bon, c'est pas tout ça, mais moi je commence à avoir la dalle !

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